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Recoins n°3
Recoins n°3 est sorti avec les feuilles qui se ramassent à la pelle, ce qui ne sera pas son cas, car le numéro a belle allure, en constante amélioration. La revue concoctée à Clermont-Ferrand par Emmanuel Boussuge avec la collaboration d'émérites Auvergnats pur sucre (ou pure gentiane), qui ont pour noms Benoît Hické, Franck Fiat, François Puzenat, Colas Grollemund, Julie Girard, Bill Térébenthine, Bastien Contraire, etc., la revue s'est épaissie (70 pages contre les 58 des deux premiers numéros, ce qui explique aussi la petitesse des caractères, car il faut bien payer tant de matière, ne s'en étonneront que les nantis et les bourgeois, n'est-ce pas Ani la moule?), nourrie qu'elle est de substantifiques moelles. Comme d'habitude, art, belles-lettres et rock'n roll sont convoqués aux quatre (re)coins de la revue.
Au sommaire, outre quelques articles sur le rock des origines (que je suis d'un oeil en éveil - car il faut être bien étroit d'esprit pour ne pas voir qu'il y a là une source de créativité populaire largement sous-évaluée dans nos contrées, n'est-ce pas Caligula Vagula?), que les auteurs traitent dans le sillage des ouvrages parus chez Allia, comme par exemple celui de Nick Tosches intitulé "Héros oubliés du rock'n roll", plusieurs contributeurs :
Tout d'abord votre serviteur (charité bien ordonnée commence par soi-même, n'est-ce pas?) intervient à propos du meunier Marcel Debord, dont l'environnement, à ce qu'avait révélé Jean-Luc Thuillier en 2007 dans son livre Arts et Singuliers de l'Art en Périgord, a été ravagé par la tempête en 1999, après avoir longtemps fait le plaisir des rares passants qui le connaissaient, car il fallait être curieux ou très bien renseigné pour tomber sur ce site à l'écart d'une route largement secondaire, à quelques encablures de Brantôme. Je l'avais visité en 1992 et ne m'étais pas résolu à en parler, son auteur étant infirme, fatigué (de fait il mourut en 1994). Recoins me permet aujourd'hui de renouer le fil avec cet homonyme d'un célèbre situationniste. Mon article est illustré d'une dizaine de photos, cherchant à faire le tour de cet environnement peu étudié et répertorié.
Autres intervenants dans la revue, Anna Pravdova et Bertrand Schmitt y publient un texte instructif sur Jan Krizek, qui fut un sculpteur à la croisée des routes entre surréalisme et art brut. Leur article préfigure des développements ultérieurs, tant on sent qu'ils s'y retiennent d'en dire trop. "Jan Krizek, sculpter en deux dimensions" est un amuse-gueule, une amorce. On retrouve également Régis Gayraud qui publie trois textes dont un est connu de ceux qui fréquentent les archives de mon blog (suivez le lien ci-contre, paresseux!). Un homme qui porte le même patronyme que lui et prénommé Joël, et lui aussi un habitué de cette colonne blogueuse (qui n'est pas la colonne sèche que nous avions rêvée, vous en souvenez-vous, chers Gayraud?), dépose un texte de "souvenirs familiaux", "Mots de ventre, mots de coeur" où il est question de mots privés familiaux. Et là, je crie au scandale. Dis donc le père Jojo, t'aurais pu me demander mon avis, car ce texte m'avait été promis en 1988 (et bonjour pour le réchauffé)! Pour une enquête que je menais alors, que je mis je dois l'avouer en stand-by durant les vingt ans qui suivirent mais que je n'ai jamais désespéré d'achever et de publier un jour...! J'ose donc espérer que ce texte n'est ici produit qu'en pré-publication.
Du côté d'Emmanuel Boussuge, qui signe aussi parfois Eubée dans sa revue, on notera l'excellente et quasi exhaustive présentation du peintre naïf bien oublié, méconnu, Millange, dont il eut la révélation auprès d'une érudite cantalienne Odette Lapeyre (je l'ai rencontrée un jour en sa compagnie, charmante vieille dame amoureuse de sa région du côté d'Antignac, elle renseigna Boussuge aussi sur le cas de François Aubert). Ce Millange, qu'Emmanuel qualifie de "peintre paysan", on pourrait tout à fait le qualifier d'Emile Guillaumin pictural. Comme ce dernier, qui fut on le sait un écrivain-paysan enrôlé sous la bannière des "écrivains prolétariens", il aimait à chanter les peines et les labeurs des champs, la vie rurale de son temps, le tout dans une palette vaporeuse qui confère une aura onirique à ses saynètes.
Voici une impressionnante liste de librairies où on peut trouver Recoins n°3 à Paris : A la Halle Saint-Pierre bien sûr, mais aussi chez Libralire, dans le 11e, rue St-Maur, chez Bimbo Tower, passage St-Antoine (qui donne sur la rue de Charonne dans le 11e), à la galerie Nuitdencre, rue Jean-Pierre Timbaud (au 64), Un Regard moderne (rue Gît-le-Coeur dans le 6e), chez Parallèles, rue des Halles, chez Vendredi, rue des Martyrs, presqu'à l'angle avec le boulevard de Rochechouart, chez Atelier 9, dans la même rue mais un peu plus bas, chez Anima, avenue Ravignan, dans le 18e (la Butte Montmartre), au Monte-en-l'air, rue des Panoyaux (paraît-il), et également aussi à l'Atelier, la librairie qui se trouve en dessous du métro Jourdain, prés de la rue des Pyrénées (20e).
D'autre part, oyez, oyez, demain lundi 5 octobre, à 19h30, dans l'émission "Songs of praise" sur Aligre FM (93.1 à Paris), Emmanuel Boussuge, en compagnie du... sciapode, qui l'escortera fantomatiquement (car il devrait être question de rock'n roll et de musiques expérimentales et peu d'art brut, quoique... On devrait peut-être entendre, à cette occasion, un bout de la bande-son du film de Pierre et Renée Maunoury sur le créateur de l'art brut Pierre Jaïn), Emmanuel donc participera à l'émission hebdomadaire de cette émission vieille de vingt ans, pour présenter sa revue. Elle peut être captée par internet de partout in the world. Comme ça, si vous lisez cette note tardivement, vous pourrez encore vous rattraper.
Sinon, on peut aussi s'abonner à la revue pour 29€ (4 numéros) en écrivant à Recoins, 13, rue Bergier, 63000 Clermont-Ferrand (e-mail: revuerecoins@yahoo.fr).
04/10/2009 | Lien permanent | Commentaires (1)
Musique d'outre-normes
Oskar Haus, portrait des frères Péguri, célèbres accordéonnistes, 42x52cm, vers 2009
La question de la possibilité d'une musique brute en passionne plus d'un. Est-elle possible? Jusqu'à présent, du côté des créateurs de l'art brut qui sont aussi des producteurs de sons musicaux, on n'a pas encore trouvé - à ma connaissance, mais dans ce domaine, elle est plutôt limitée, donc prenez mes avis comme des interrogations plutôt que comme des affirmations - des créateurs véritablement inventifs, ou du moins aussi inventifs que dans les arts plastiques. La plupart du temps, on recycle des instruments populaires comme l'accordéon (Oskar Haus ; ou André Robillard, qui va plus loin cela dit, en chantant dans des seaux, ou en inventant des tirades gutturales en langue imaginaire), on se bricole des percussions en chantant des airs traditionnels plus ou moins bien reproduits (Pierre Jaïn), on joue du violon en amateur (Martha Grünenwaldt). Il y a les cas cependant de Jean-Marie Massou qui au fond de ses boyaux creusés sous terre dans le Lot (voir le film d'Antoine Boutet que j'ai évoqué ici à plusieurs reprises) chante d'entêtantes mélopées, ou celui de Wölfli que l'on voit sur certaines photos chanter ou imiter des sons de trompes en tenant d'immenses cornets de papier enroulé devant sa bouche (on pense à certaines pratiques jazzistiques). Derrière, en réalité, se cache chez l'amateur de ce genre de recherche un désir de trouver de nouvelles formes musicales, de nouvelles expérimentations qui puissent le détourner de ses conclusions blasées devant les formes musicales connues.
Voici qu'un dossier est paru durant ces temps-ci dans le magazine Chronic'art (numéro 68, septembre/octobre 2010), intitulé "Outsiders, les maîtres fous" et dû à Julien Bécout et Sylvain Quément, illustré de photos de Frédéric Lux et d'Eric La Casa. Outre un article bien documenté, on y trouve une "galerie de portraits" d'outsiders musicaux qui fonctionne, pour l'ignorant que je suis, comme une première piste alléchante. Y sont évoquées en de courts paragraphes illustrés de photos quelques figures peu connues de la scène "outsider" comme Madam X-Otic, répondant aussi au doux pseudo de "Dolly Rambo", jeune handicapée mentale originaire de Hongrie dont un groupe de musiciens arrange et mixe les chantonnements au sein de clips scénographiées approximativement.
Il y a bien sûr le cas de Daniel Johnston, né en 1961, autodidacte, ayant fait des séjours en hôpital psychiatrique pour maniaco-dépression, passionné de diverses obsessions, comme le diable, Casper le fantôme, les Beatles, King-Kong, qu'il met en poèmes, dessins et musique. Ses dessins jusqu'ici ne m'avaient pas trop convaincu, mais ses performances musicales, sur scène quelquefois, lui aussi accompagné de musiciens qui l'accompagnent, sont fort touchantes. Ci-dessous une des nombreuses vidéos trouvables sur internet à son sujet. La chanson qu'on entend, à la fort jolie mélodie, fait songer vaguement à un Neil Young aux accents fêlés et pour cette raison extrêmement émouvant.
Lucia Pamela, pianiste et meneuse de revues, nous dit toujours l'article de Chronic'art, enregistre de son côté vers 1969 "de manière rudimentaire un album de caquètements doo-wop [qui] prend les atours d'une féérie candide". Il y a aussi le cas de cette cantatrice mégalo à la voix de crécelle qui massacra sa vie durant le répertoire de l'opéra classique, Florence Foster Jenkins, cantatrice qui aurait servi de modèle à la Castafiore d'Hergé dans ses aventures de Tintin. Etc... On se reportera au dossier de Chronic'art pour connaître les autres cas (Damiao Experiencia, Mingering Mike, Jandek, Wesley Willis, Harry Merry en particulier). Nul doute qu'on puisse prolonger la recherche du côté du libraire-disquaire Bimbo Tower, passage St-Antoine à Paris.
Ce dossier fait-il évoluer la question initiale de la possibilité d'une musique brute? Sarah Lombardi, une des conservatrices de la Collection de l'Art Brut à Lausanne, citée par l'auteur de l'article sur "Les beaux excentriques", aurait dit que selon elle il est difficile de trouver ce genre de musique en raison des instruments de musique, complexes par nature, et formatant les pratiques. Mais il faut compter avec les forcenés créatifs toujours prêts à remettre en cause les prééminences et les préjugés en matière d'outils ou de convictions établis. On voit qu'on accorde, dans les milieux passionnés de musique expérimentale autre, de plus en plus d'intérêt aux amateurs non musiciens qui chantent dans leurs douches avec des voix de fausset, dont les fêlures retiennent précisément l'attention. Comme si dans ces failles passait une nouvelle lumière remettant en cause le formatage généralisé. Du coup, peu importe qu'elle soit brute ou non...
A signaler, parmi d'autres, ce blog consacré aux musiques indépendantes, rares et bizarroïdes, Cartilage consortium.
01/11/2010 | Lien permanent | Commentaires (15)
André Robillard parmi nous, et puis Gérard, Lucienne et Roger dans la bibliothèque...
André Robillard, on peut le toucher, on ne nous l'a pas encore embaumé, enfoui sous un tas de cotes, d'attitudes vitrifiantes marchandes ayant pour inévitables corollaires la réification des artistes et de leur geste vivante.
C'est un brut de décoffrage tout ce qu'il y a de plus agissant et palpitant. Ceux qui l'approchaient, l'autre week-end à Bègles pour le vernissage de son exposition courant jusqu'au 19 avril prochain, ne savaient pas toujours comment se comporter vis-à-vis de lui. Cela tournait parfois au spectacle du montreur d'ours, sans qu'il y ait pourtant de montreurs en l'occurrence, en tout cas surtout pas les deux animateurs de la compagnie des Endimanchés, Alexis Forestier et Charlotte Ranson qui jouent avec lui la pièce "Tuer la misère", le soutiennent, créent avec lui (comme me l'a confié Charlotte Ranson entre deux paravents d'exposition, certaines oeuvres présentées sur les scènes de leurs performances à mi chemin du rock alternatif, du théâtre, de la poésie sonore et de l'art brut, ayant été réalisées en commun, ce qui va de pair avec leur création théâtrale actuelle, création elle aussi éminemment collective). On lui demandait l'inévitable couplet à l'harmonica, de psalmodier le langage martien ("chiop, chiop, chiop...")...
Placé dos à dos avec lui au repas d'après vernissage, je lui demandai, pour changer de ces prestations un peu trop commandées, s'il avait entendu parler d'Hélène Smith qui comme lui prétendait pouvoir parler martien, mieux, pouvait même l'écrire. Je me hasardai à lui suggérer qu'il pourrait transcrire à sa manière comme la protégée de Théodore Flournoy ce langage qu'il lui était déjà si facile de restituer à coup de chiop-chiop-chiop (c'est ainsi que je le traduis moi-même ce martien robillardisé)...
Il était là, bien campé sur ses deux jambes, les pognes formidables ballantes au bout de bras immenses, septuagénaire encore vivace, avec sa coupe de cheveux de jeune homme, sa tenue sportive (comme s'il venait de quitter son vélo) et sa disponibilité intacte à l'égard du tout venant. De plain pied avec tous ceux qui l'abordaient. Débordant d'énergie, et curieux de ce qui lui arrivait, content de voir toutes ces têtes plus ou moins nouvelles, sa mémoire paraissant assez prodigieuse puisqu'il paraissait reconnaître certains qu'il n'avait pourtant que peu rencontrés jusque là. J'eus ainsi l'illusion qu'il me reconnaissait, alors que je ne lui avais serré qu'une fois la main au Théâtre parisien de la Bastille des mois plus tôt, et encore au milieu d'une foule, et dans la fatigue d'une fin de représentation...
Des dessins étaient exposés, à côté des inévitables fusils dont certains étaient plus originaux que d'autres (deux gros calibres venus de la collection de Frédéric Lux par exemple, ou un comme ramolli par suite d'un traitement dalinien on aurait dit, venant de la collection de Bernadette Chevillon). Michel Boudin m'a confié avoir trouvé une inspiration d'origine populaire à l'un des dessins présentés. Il représente un "renard de la forêt d'Orléans". Michel retrouve dans ses contours la forme de ces hachoirs taillés en forme d'animaux qui ne sont pas rares aux cimaises des antiquaires spécialisés en outils populaires. Est-ce une source d'inspiration du gars André? Pourquoi pas: quand on l'entend souffler dans son harmonica, surgit le plus souvent le fantôme d'une mélodie traditionnelle, répétitive, nouée en boucle obsédante, ce qui lui assure une forme nouvelle. Robillard partage cette façon de jouer de la musique avec Pierre Jaïn, autre sculpteur de l'art brut qui lui aussi recyclait des airs traditionnels quand il s'amusait à faire de la musique.
Preuve une fois de plus que la culture populaire est le substrat qui sous-tend pas mal de créations dites "brutes". Depuis la salle, j'ai essayé de l'insérer à l'intérieur de la causerie où, le samedi 4 avril à la bibliothèque jouxtant le musée de la création franche, conférençaient Gérard Sendrey, Lucienne Peiry et Roger Cardinal. Le public intervint un peu durant cette causerie qui réunissait ces trois personnages fort contrastés. Qu'en ai-je retenu? Une phrase de Sendrey le rimbaldien, la création travaille toujours à partir de l'inconnu, jamais du connu. Lucienne Peiry insista sur l'art des enfants qu'elle n'a pas envie de tacler comme Dubuffet l'a fait (j'avoue être moi plutôt de l'avis de Dubuffet qui reprochait aux enfants leur besoin de singer la réalité, leur conformisme ; mais s'ils le font, c'est aussi sans doute par suite de la pression énorme qu'exercent les adultes sur eux à ce sujet). Roger Cardinal trouvait qu'art brut et art savant peuvent rester chacun de leur côté, c'est quelquefois pas plus mal. A un autre moment, il répéta aussi cette évidence que le poète est toujours en avance sur l'homme de science.
Bref, on échangea gentiment mais exclusivement sur le thème de l'art brut, personne n'ayant remarqué que le sujet initial de la causerie qui devait aborder la question de la nouveauté de la création après l'art brut (titre original: "De l'Art Brut à l'Outsider Art et à la Création Franche, héritage et novation") avait été purement et simplement évacué... Ni Sendrey, ni Cardinal ne voulant par égard pour la conservatrice de la Collection de l'art brut signifier que la notion d'art brut aurait pu être aujourd'hui dépassée. Ou tout simplement, parce que ces protagonistes avaient conclu implicitement à la cohabitation simultanée de leurs trois "labels" (création franche pour Sendrey, art brut pour Peiry, outsider art pour Cardinal), sans possibilité de friction entre eux.
12/04/2009 | Lien permanent | Commentaires (6)
Feu de joy...eux Noël
24/12/2008 | Lien permanent
Monsieur X quelque part à la fin des terres
A Benoît et Darnish qui m'accompagnèrent joyeusement en ce bout des terres
Ce créateur, se définissant volontiers comme « asocial », et non pas « anarchiste », ne veut pas qu’on le nomme ni qu’on le situe sur la carte, même si certains, ayant voulu parler de lui, n’ont pas respecté cette demande (et que donc son nom traîne ici et là).
Monsieur X., ce qui dépasse de la haie côté route... ph. Bruno Montpied, 2013
Ancien marin ayant passablement bourlingué sur les mers (il habite à quelques encablures de falaises surplombant vertigineusement l’océan), ayant également tâté des Beaux-Arts, et parcouru la France dans sa jeunesse pour parfaire son éducation d’artisan tel un compagnon, possédant quelques connaissances en architecture et dans la construction des voiliers, « monsieur X » a créé depuis trente-cinq ans autour de sa petite maison traditionnelle bretonne un ensemble harmonieux et mystérieux de sculptures aux formes recherchées et oniriques, tenant tantôt de l'os, tantôt de l'épine ou bien encore de l'algue.
Original belvédère comme gluant, adhérant à la maison d'habitation, et faisant une transition de l'architecture traditionnelle bretonne à l'inventivité offerte dans le jardin dont il garde un passage, ph. BM, 2013
Monsieur X., vue de la maison en arrière-plan, flanquée d'un belvédère en angle, d'un monument avec une femme nue étendue de tout son long sur une arche, ph. BM, 2013
"Onirique" n’est pas une épithète trop éculée en ce qui le concerne, puisqu’il se revendique d’un certain surréalisme, même si comme il le confie, après être allé rencontrer certains surréalistes historiques à Paris dans les années 50-60, il trouva ce milieu passablement « embourgeoisé ». Il paraît avoir assisté, quelque peu intimidé semble-t-il, à la cérémonie, organisée par Jean Benoît entre autres et immortalisée par les photographies de Gilles Ehrmann, visant à exécuter le testament du Marquis de Sade. S’y sentit-il déplacé ? Il ne le précise pas. Cependant, il se sent proche de ce mouvement. Ses peintures, louchant du côté d’un certain fantastique aux codes surréalistes peut-être un peu trop voyants, en attestent, de même que, peut-être aussi, des écrits qu’il évoqua à mots couverts durant notre bref entretien (on trouve de temps à autre sur les sculptures diverses inscriptions manifestant son goût pour la poésie ; voir ci-dessous la légende "Parfaite en beauté hautaine").
Ph. BM, 2013
Mais ce sont surtout ses sculptures, arachnéennes, effilochées, étonnantes dans leur apparent déséquilibre, comme influencées par un nouvel Art Nouveau n’osant pas dire son nom, qui retiennent l’attention par leur évidente originalité. Les bras de ses statues s’effilent et se transforment en racines comme bouturés directement dans la terre. Un avorton grimpe sur une sphère éclairée la nuit comme un étrange quinquet, enseigne de poète de la fin du monde. Un étrange petit belvédère juché sur une tourelle à l’angle de sa maison comme perpétuellement sur le point de vaciller donne au site un caractère de décor de rêve improbable au milieu de la lande. Une arche supportant une immense femme renversée porte en son extrémité des soufflets qui peuvent jouer des notes de musique si on tire correctement leurs ficelles (voir ci-contre avec Darnish chef d'orchestre), composant une sorte de nouvel orgue d’un autre Capitaine Nemo réfugié dans les terres, survivant, toujours résolument à l’écart d’une société qu’il vomit avec ses valeurs indexées sur le profit, la vanité et la gloire. Le style Art Nouveau de ses œuvres en plein vent faisant penser au décor du Nautilus dont des fragments se seraient perdus dans la lande.
La "sainte" vue par monsieur X., accueillant le mort, ph. BM, 2013
Certes, monsieur X par le style cultivé de ses sculptures tranche avec les environnements populaires que je préfère usuellement. C’est sans compter avec la naïveté de certains de ses personnages, et l’aspect débridé profondément original de l’ensemble, le goût très fort de l'analogie appliquée à la conception de ses sculptures, la grande poésie de l'ensemble. Autodidacte surréalisant, cet ancien marin breton, réfractaire à l’ordre établi, est à la croisée des créateurs purement naïfs ou bruts¹ et des créateurs de décors excentriques primitivistes (comme celui de Robert Tatin par exemple dans la Mayenne, dont on pourrait facilement rapprocher sociologiquement monsieur X).
Monogramme de Monsieur X. sur le mur de sa maison, ph. BM, 2013
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¹ A noter que monsieur X, durant notre entretien avec lui, tint à se distinguer nettement de l'art brut auquel il ne pense pas devoir être rattaché.
Merci à Benoît Jaïn, à Alain Nempont et enfin à Thérèse Barbier qui tous successivement, à différentes époques, m'ont envoyé des photos pour me signaler ce site qui se veut pourtant discret...
02/11/2013 | Lien permanent | Commentaires (2)
Dictionnaire du Poignard Subtil
CONTRE :
"Against, again.
Etre contre,
c'est être encore."
Pierre Peuchmaurd, 2007 (cité dans Soapbox n°42, janvier 2016)
11/01/2016 | Lien permanent
Dictionnaire du Poignard Subtil
FAMILLE:
"Les morts ont de la chance : ils ne voient leur famille qu'une fois par an, à la Toussaint."
(Pierre Doris ; cité dans Elizabeth Quin, Le livre des vanités, Editions du Regard, Paris, 2008)
01/11/2008 | Lien permanent
Albasser et Santé Mentale
Pour la seconde fois, Pierre Albasser, le célèbre dessinateur sur cartons d'emballage alimentaire bien connu, vient d'illustrer de ces merveilleux dessins à base de feutres et autres marqueurs usagés les pages de la revue Santé Mentale (ici le n°164 de janvier 2012). Voici trois portraits comme autant de variantes sur les commentaires que cette publication pourrait susciter.
1.Pierre Albasser par Geha, 2012. Professionnel de l'illustration. Mais est-ce un manifeste en sous-entendu?
2. Un doute s'installe?, ph.Geha
3. Une possible interprétation ; ph. Geha retouchée par Bruno Montpied
02/03/2012 | Lien permanent
Un nouveau film de Remy Ricordeau
Avant les projections publiques qui seront au printemps, le nouveau film de Remy Ricordeau, Inventaire avant liquidation (2012), est édité en DVD avec Putain d'Usine, un de ses précédents films, adapté du livre éponyme de Jean-Pierre Levaray.
Inventaire avant liquidation from mutins on Vimeo.
On trouvera d'autres renseignements sur le site des Mutins de Pangée.
24/02/2012 | Lien permanent
Dictionnaire du Poignard Subtil
07/11/2009 | Lien permanent