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Jean Galeani

     Ah, formidable initiative que celle de Régis Gayraud que d'être allé surfer sur internet en tapant le nom de Galeani, ce peintre dont j'avais mis en ligne il y a quelques années une toile retrouvée chez deux collectionneurs (ayant préféré rester anonymes). Brillant effort, que je suis toujours réticent à pratiquer personnellement, préférant la découverte de hasard, et peut-être sans doute, parfois trop vieux (et trop paresseux surtout) pour ce genre de recours...

     En cherchant à ce nom de Galeani, Régis a donc déniché l'interview de Pierre Dumayet mis en ligne sur le site de l'INA. Incroyable... On voit Dumayet, dont mes lecteurs fidèles se rappelleront que j'avais déjà signalé (en 2009) une autre interview, consacrée celle-ci au créateur d'environnement Frédéric Séron (toujours sur ce même site de l'INA), on voit Dumayet s'entretenir avec le peintre Jean Galeani, en 1955, alors octogénaire, sur le seuil, de son appartement puis dans son atelier, où il habitait depuis le début du XXe siècle en haut d'une cage d'escalier où faute de place et sans doute de meilleures conditions d'exposition il exposait certains de ses tableaux (l'Aigre de Meaux de son côté, toujours en commentaire de ma note sur le tableau Victoire, défaite de 1919, et après les révélations de Régis, a retrouvé l'adresse exacte où habita Jean Galeani, au 74, rue de Turenne dans le Marais à Paris, adresse qui est donnée dans un compte-rendu par le journal Le Petit Parisien en 1913 de l'affaire d'un autre tableau refusé de Galeani, intitulé La Justice ; on y apprend par ailleurs que le peintre était originaire de Montpellier). Il faut croire que Pierre Dumayet développait dans ces années 50 de l'autre siècle une sympathie récurrente pour les Naïfs et les créateurs autodidactes. Question à creuser...

Interview de Jean Galeani par Pierre Dumayet, 8 avril 1955, site de l'INA

 

    Comme en ont débattu les divers commentateurs qui se sont succédés après la révélation de Régis (voir donc ma note du 10-06-2011), les propos de Galeani dans cette interview paraissent refléter la position qui devait être celle des tenants de la révolution parmi beaucoup d'hommes du peuple à l'époque (avant la fin des années 30, avant les procès de Moscou), à savoir une indifférenciation entre communistes à la Lénine, que Galeani dit avoir "rencontré" (il montre dans le sujet une sculpture où l'on voit Lénine en forgeron) et anarchisme (certains des tableaux présente un christ "vivant" dont Galeani retient surtout l'injonction pacifiste "aimez-vous les uns les autres", tandis qu'un autre plus allégorique présente l'Autorité comme un pied géant venant écraser la foule ; cette critique de l'autoritarisme est au fondement même de l'anarchisme). Cela dit, il semble que Galeani, homme simple, ait gardé de l'affection même à Staline dont l'interview indique à un moment qu'il lui consacra un tableau, sans doute parce qu'il ne s'encombrait guère d'information, ou bien qu'il avait évolué au fil du temps de l'anarchisme au communisme, préférant se concentrer avant tout sur l'attitude anti-capitaliste (il paraissait détester l'argent, dont il se moquait, en lui consacrant un billet  encadré sous-verre telle une icône). A noter aussi la mention que Galeani avait été "parrainé" par Louise Michel qu'il avait également rencontrée lorsqu'il était plus jeune.

 

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Jean Galeani traînant sur une charrette son tableau La Justice du côté du Grand Palais où avait lieu le Salon d'Automne où le tableau avait été refusé ; photo 1913, agence Rol, source Gallica.bnf.fr

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Le même Galeani, alors bien plus jeune qu'à l'époque de l'interview de Pierre Dumayet, en 1913, posant à côté de la charrette chargée de son tableau ; on devine les vers de La Fontaine en bas à droite du tableau ; photo Agence Rol, site Gallica.bnf.fr 

 

     Avec ce film, Régis a pu nous donner d'autres liens également vers un reportage et des photos présentes sur le site Gallica de la BNF, photos faisant partie du domaine public, donc reproductibles à la seule condition d'en indiquer les références et la source, relatant l'affaire d'un autre tableau de Galeani refusé en 1913 par le jury du Salon d'Automne, tableau allégorique inspiré de La Fontaine, et intitulé la Justice, un juge sur le tableau étant campé par un loup brandissant la tête décapitée d'un âne, le coupable  qu'il avait condamné. Les vers de conclusion de La Fontaine (extrait de la fable "Les animaux malades de la peste") étaient reproduits en exergue sur le tableau (visibles à demi sur la photo ci-dessous): "Selon que vous serez puissant ou misérable,/Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir".

     On aimerait savoir bien entendu ce que sont devenus les tableaux de Jean Galéani. ils étaient nombreux, si l'on s'en réfère au mur que détaille à un moment de l'interview le vieux peintre pour Pierre Dumayet. Qu'est devenu ce grand tableau de 1913 La Justice, refusé comme la version plus grande de Victoire-défaite de 1919, lui l'ayant été au Salon de la Nationale (Galeani, naïvement, croyait qu'il aurait des chances dans de tels salons académiques, à moins qu'il n'ait été sûr de s'en faire jeter et que cela lui donnerait l'occasion de le faire savoir, là aussi naïvement ; c'est plutôt dans ces tentatives de communication, charrette à bras défilant dans Paris, inscription pour mémoire au verso de sa mouture réduite de Victoire, défaite, que l'on doit en effet remarquer qu'il se faisait pas mal d'illusions sur ses chances d'être entendu)? Qu'est devenu en particulier aussi le tableau montrant la roulotte où Galeani à une époque de sa vie (après les années 20?) décida de trimballer ses œuvres "de Cherbourg à la Bretagne"? Il y organisait paraît-il des "loteries" où l'on pouvait gagner ses œuvres... Ce qui nous indique que sans doute ses œuvres de l'époque partirent entre les mains de collectionneurs peut-être moins fortunés qu'à l'accoutumée. D'où elles purent continuer secrètement leur chemin vers les brocantes. Je n'ai pour l'instant pas retrouvé dans ma documentation imprimée de mention de ce Jean Galeani. C'est du reste à cause de cette absence de référence dans les ouvrages consacrés à l'art naïf que je n'avais pas cru bon de chercher sur internet. Erreur...! Il faut se rendre à l'évidence, beaucoup de peintres et de créateurs ont été oubliés des ouvrages d'Anatole Jakovsky, Albert Dasnoy et autres Bihalji-Merin. A nous aujourd'hui de les réhabiliter en clamant haut et fort, peut-être tout aussi "naïvement", que ces peintures et ces messages picturaux alliant naïveté (immédiateté) et anarchisme nous concernent. 

 

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Jean Galeani rigolard, photo Agence Rol, éditée en 1914 (mais datant probablement du même jour que la balade en charrette du tableau La Justice)

 

 

 

 

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Victoire et Défaite, à chacun son lot

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J.Galeani, Victoire, Défaite, 1919, coll.particulière, ph.Bruno Montpied

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Inscription au verso du tableau précédent: "se tableau qui avez 3 m X 2m50 fut Censure aux Salin de la Nationnale Paris 1919 J.Galeani", coll. particulière, ph. BM

     Je dois à deux collectionneurs qui souhaitent garder l'anonymat la découverte de ce tableau naïf réalisé vraisemblablement à la fin de la Grande Guerre. C'est visiblement une charge contre les possédants accusés d'être des profiteurs de guerre. La "Victoire" de 1918 est celle du magnat à gauche tripotant ses sacs d'or pendant qu'en arrière-plan les cheminées de ses usines fonctionnent à plein régime, couronnées de drapeaux tricolores. La "Défaite" en revanche est réservée au Poilu qui revient estropié auprès de sa famille, qui n'a pas l'air bien riche elle, leur drapeau en berne cette fois-ci, et la croix derrière la scène semblant dire que le martyr a été réservé aux petits pendant que les gros s'en mettaient plein les poches. L'inscription placée au dos du tableau semble indiquer que cette peinture fut accompagnée d'une autre beaucoup plus grande (car 3m x 2,50m n'est absolument pas la dimension de cette œuvre retrouvée), qui fut refusée dans un salon. En tout état de cause, il semble que nous soyons en présence d'une peinture anarchiste. J. Galeani en est l'auteur, un nom à retenir, en espérant retrouver d'autres œuvres de ce trublion...

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Le créateur anarchiste Jean Galéani, quelques éléments nouveaux...

      Un lecteur, par ailleurs animateur de deux blogs consacrés à l'histoire et à la généalogie concernant une commune en Vendée, appelée curieusement Le Tablier (située entre La Roche-sur-Yon et Luçon grosso modo), Jean-Pierre Logeais, m'a signalé récemment être tombé sur une autre œuvre du peintre (et sculpteur) anarchiste Jean Galéani, dont ce blog remonte le fil de l'œuvre et de la vie désormais, au gré des trouvailles de ci de là... Il me demandait si cela pourrait être du même auteur.

 

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Portrait de Fernand Planche, par Jean Galeani. Bas-relief en plâtre teinté, 1949, ph J-P. Logeais

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Au verso du bas-relief, l'inscription avec la signature "J.Galéani, Paris - 1949", ph. J-P. Logeais

 

     A la lecture de la signature, identique à celle qu'on trouve sur le tableau "Victoire - Défaite" de 1919 (voir ma note sur le sujet), il n'est pas permis d'en douter. De plus, Galéani était aussi sculpteur, comme on le voit dans l'interview filmée de Pierre Dumayet qu'on peut voir sur ce blog dans ma note du 23-12-2014 ou sur le site de l'INA. M. Logeais me l'a d'ailleurs fait remarquer, dans ce film on aperçoit des bas-reliefs du genre de ce portrait de Fernand Planche (dont M. Logeais donne les dates bornant sa vie: 1900-1974).

     Ce dernier était un anarchiste lui aussi, probablement admiré par Galeani, artisan de la tendance "La synthèse anarchiste" (qui cherchait à unir les différents courants du mouvement libertaire français.) Originaire de la région de Thiers, il a fait l'objet d'une biographie de Georges Therre qu'évoque sur un autre blog (auquel renvoie J-P. Logeais), "Escout'moi voir, webzine du Livradois-Forez", un certain Jean-Luc Gironde. Georges Therre s'appuie sur une documentation fournie par Pierre-Valentin Berthier du Monde Libertaire (Berthier qui connut Planche). Fernand Planche fut (entre autres, car il fit trente-six métiers) coutelier, ce qui n'est pas étonnant à Thiers, patrie du couteau, et ce qui n'est pas pour nous déplaire sur ce Poignard Subtil... Il a écrit une biographie de Louise Michel, ce qui nous alerte si l'on se souvient que Galeani disait avoir été "parrainé" par cette dernière dans sa jeunesse (Louise Michel fit une conférence à Thiers en 1904, un an avant sa mort)... Il a fréquenté de nombreux penseurs anarchistes des années 30 comme entre autres Lacaze-Duthiers que j'ai déjà eu l'occasion de citer ici, ou Voline, l'auteur de la Révolution inconnue consacrée à Nestor Makhno adversaire anarchiste des bolcheviks pendant la Révolution russe.

     Il était affecté d'un strabisme divergent aux deux yeux, perdant la vue sur un œil très rapidement. On le décrit cordial et terriblement désordonné (il tenait une boutique, qui était un véritable capharnaüm, à Billancourt). Après la guerre, il vécut dans le Marais (quartier où habitait aussi Jean Galéani). Il écrivit, et publia notamment un roman sur sa jeunesse à Thiers, Durolle, où il évoque les difficultés de la vie des ouvriers couteliers (un groupe anarchiste à Clermont-Ferrand s'en souviendra en prenant le nom de groupe Fernand Planche). Il finira à 50 ans par aller s'installer en Nouvelle-Calédonie où il s'établira vendeur de coquillages de collection avant d'y mourir d'une crise cardiaque.

      Sur son blog "Varia - Histoire et généalogie", Jean-Pierre Logeais en outre a retrouvé des éléments d'ordre généalogique sur Jean Galeani. J'invite les amateurs à s'y reporter. On y apprend entre autres qu'il était né de père inconnu, seulement reconnu par une mère qui était blanchisseuse, accompagnée de soldats du 87e de ligne de Montpellier le jour de sa déclaration de naissance. La même mère qui épousa six ans plus tard un Galéani, lui aussi soldat (tambour) dans ce même 87e de ligne, qui alors reconnut l'enfant en même temps qu'un second, peut-être un demi-frère de notre Jean. Etait-il le père biologique? Vu la fréquentation de nombreux soldats de ce 87e de ligne, il est permis d'en douter... Que le père de notre peintre anarchiste fut constitué d'une notable partie de l'armée française a pu jouer un rôle non négligeable dans sa détestation ultérieure du militarisme (qu'il dut partager très certainement avec Fernand Planche, lui aussi pacifiste). 

    A suivre? (Fernand Planche avait-il des tableaux de Jean Galeani?) 

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Exposition George Schmits à la bibliothèque Ulysse Capitaine (de Liège)

     J'aimerais bien m'appeler Ulysse Capitaine, moi, quel beau nom de héros qu'on imagine ayant conquis ses lettres de gloire au cours d'explorations aux confins de la terre et des mers. Heureux qui comme Ulysse Capitaine a fait de beaux voyages...

       Mais je ne chercherai pas à savoir qui était en réalité cet illustre Capitaine, je l'ai abandonné à ma rêverie et me suis plutôt contenté de focaliser sur l'exposition que consacre la bibliothèque ainsi nommé à Georges Schmits, romaniste, historien d'art, critique et éditeur liégeois à Verviers (commune de Wallonie célèbre à mes yeux pour avoir hébergé longtemps André Blavier, l'anthologiste des fous littéraires et écrivain fort estimable), et qui, à côté de diverses marottes littéraires – c'est là où je veux en venir – s'est aussi occupé d'art naïf belge. Oui, "naïf belge"... L'adjonction de ces deux épithètes doit nous incliner à dresser davantage l'oreille et aiguiser nos yeux. Le Naïf belge, c'est souvent du super-naïf, du bon naïf, rien à voir avec l'art naïf "cu-cul" que stigmatise le peintre, collectionneur et très bon connaisseur de l'art naïf, Yankel.

 

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Armand Funcken, Le départ du soldat, huile sur toile, 1915, anc.coll. André Blavier, ph. J. Keil
 ; Funcken avec son père était peintre populaire d'enseignes et de baraques foraines, lui-même peignant des charrettes de marchands de glaces italiens ; ce "départ du soldat", sujet patriotard colporté par l'imagerie populaire est à comparer avec le retour du soldat, intitulé "Victoire-Défaite" que j'avais mis en ligne le 10 juin 2011, à propos d'un peintre appelé Galeani...

 

         Georges Schmits paraît s'être surtout occupé des Naïfs wallons et d'un groupe de peintres nommés "les intimistes verviétois" (ça m'a amusé de tomber sur cet "isme"-là, étant donné que j'emploie le même terme en ce moment dans un projet d'expo), se caractérisant, écrit Monique Smal, par les mêmes "thèmes de prédilection : neige, paysages campagnards, objets du quotidien". C'est de l'intimisme très figuratif et très rétinien comme on voit.

 

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Couverture de L'art naïf en Wallonie et à Bruxelles, Ed.Labor, 1981 ; le tableau reproduit sur la couverture est de Karl William (Souvenir de la guerre 14-18, huile sur papier, 100 x 100 cm, coll. G.Schmits-Daube).

 

          Mais si l'on veut en apprendre plus sur le personnage, il faut acquérir ses ouvrages. Je ne sais pas ce qu'il en est de leur disponibilité aujourd'hui. Je conserve de lui seulement un ouvrage de 1981 paru chez Labor à Bruxelles intitulé L'art naïf en Wallonie et à Bruxelles. Très clair, précis, il recense environ une cinquantaine de peintres naïfs (il n'y est pas question des "intimistes verviétois"), choisis pour leur sincérité autodidacte, éloignée de tout maniérisme (maniérisme naïf qui est le fait de peintres plus savants, imitant la manière naïve par admiration ou par souci de petit commerce, maniérisme qui est une des raisons pour lesquelles l'art naïf masqua, et finit par disqualifier, le vrai naïf de qualité).art naïf,bibliothèque ulysse capitain,george schmits,art naïf belge,yankel Il rend hommage dans cet ouvrage à d'autres exégètes de la peinture naïve dans son pays comme Marcel G. Lefrancq ou Albert Dasnoy. Il témoigne surtout de son admiration pour Georges-Henri Luquet qui avait créé au début du XXe siècle le terme et la notion de "réalisme intellectuel" (à propos des dessins d'enfant et aussi je crois de l'art populaire en prison, des graffiti). Ce réalisme intellectuel, Schmits le voit à l'oeuvre dans l'art naïf qui l'interpelle tant.

     Voici un extrait de ce livre qui explique ce qu'il entendait à la suite de Luquet par ce terme un peu oublié aujourd'hui (à tort selon moi):

    "...dans le réalisme visuel, la surface à peindre apparaît en quelque sorte comme une fenêtre à ouvrir sur la trompeuse profondeur du réel, avec tout ce que cela suppose d'obéissance aux illusions de la perspective, [tandis que] le réalisme intellectuel considère le tableau comme une surface abstraite sur laquelle les objets se poseront comme autant de signes régis dans leur nombre, dans leur tracé, dans leur taille, par une volonté de lisibilité suffisante aux yeux du créateur ; celle-ci sera par conséquent variable au gré de son exigence comme au fil des progrès de sa main et de sa faculté d'observation.

       Ce type de conception entraîne un certain nombre de changements dans nos habitudes de vision, de traitement de l'espace et du temps, dont le moindre n'est pas le non-emploi (par ignorance ou par rejet) de la perspective et des procédés qui visent à simuler la profondeur. Maladresse, dira-t-on, recul par rapport à la Renaissance! Pourtant, c'est là aussi la grande découverte du cubisme comme du fauvisme: rejeter la profondeur et la perspective pour restituer le tableau, dans un espace à deux dimensions qui est son caractère premier, à l'intégralité de son essence. C'est là aussi ce qui contribue à l'unité et à la tension des images populaires et des œuvres des primitifs où tout se passe sur le plan du tableau, sans que ne s'établisse par la fuite vers des lointains fallacieux, une perte de la tension plastique." Un peu plus loin, Schmits écrit ces autres phrases éclairant la découverte cardinale présente dans la peinture naïve: "Telle table ronde, qui deviendrait ellipse si la perspective entreprenait de la situer dans l'espace, sera maintenue dans sa forme réelle ; telle forme carrée refusera de devenir trapèze. Les choses ont aux yeux du naïf les formes dans lesquelles il vit sa relation avec elles [C'est moi qui souligne].  Le tabouret, expérimenté dans sa rondeur, sera maintenu tel ; le buffet, par contre, se dressera comme un rectangle. Mais vient-on à les reproduire ainsi, côte à côte, sur la toile : le tabouret suppose une vue plongeante et le buffet, une vue frontale. C'est ce que Luquet a nommé les perspectives multiples. Elles se contredisent mutuellement et font s'effondrer la profondeur". Art naïf et réalisme intellectuel sont ainsi synonymes.

      Bonne idée donc pour cette bibliothèque de Liège de permettre à cette figure importante de la critique d'art belge de refaire surface. 

Hommage à Georges Schmits, exposition du 11 mai au 10 juillet 2012, Bibliothèque Ulysse Capitaine, En Féronstrée 118 4000 Liège.

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20/06/2012 | Lien permanent

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