Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : Jacques Brunius

Un endroit où vivre

   Vient de commencer à la Cinémathèque Française à Paris un hommage au peintre surréaliste et poète-reporter (documentariste) anglais Humphrey Jennings (séance inaugurale le 7 novembre, je l'ai déjà manquée, il y avait au programme Spare time que l'on pourrait traduire par Temps libre, film sur les loisirs des ouvriers britanniques de la sidérurgie, du textile et des mines de charbon au début de la Seconde Guerre Mondiale (1939, même date que le film Violons d'Ingres de son ami Brunius), réalisé dans l'esprit du groupe Mass observation qui militait pour une observation anthropologique des occupations du peuple anglais). C'est une réalisation assez brute, très différente du projet de Brunius qui envisageait de préférence les loisirs individualistes de la population française, affichant un certain dédain vis-à-vis des loisirs moins créatifs (comme les jeux de cartes, le sport, la cuisine, la picole...). Jennings se livre à une sorte de revue des loisirs en fonction des métiers, comme une sorte d'état des lieux, sans jugement de valeur, et sans visée apparente ethnologique. Seule une petite phrase placée à la toute fin, du genre "le temps libre est le seul temps qui nous permette d'être nous", donne quelque indice sur la perspective secrète de l'auteur. 

c52f4e76edfdeeb816b3320e1987ea9e.jpg

Image tirée de Spare time d'Humphrey Jennings, fanfare carnavalesque étonnante...

   Ce Spare time repasse samedi 10 à 17h, ce sera la seule autre occasion de le voir, et c'est embêtant car ce jour-là il y a aussi Marc Décimo à la Halle Saint-Pierre à 15h... Il faut également signaler dans le cadre de cette mini rétrospective un autre film, rarement montré, de l'ami Jacques Brunius justement.

  Ca s'intitule Somewhere to live. Ce documentaire de 1951 fut réalisé par le créateur de Violons d'Ingres38e7d6e2f1cb04d4816bd170ea6ac1a5.jpg durant la deuxième partie de sa vie qu'il passa en Angleterre où, pendant la guerre, il travaillait à la BBC comme speaker, faisant reconnaître sa voix à travers les ondes aux vieux amis de l'Affaire est dans le sac, ceux de la bande aux frères Prévert qui n'avaient pas oublié l'acteur qui réclamait un bérai-ai-ait, un bééééret français...!

67b9ddfdbe86f2320c6c8776070251db.jpg
Sur le tournage de "L'Affaire est dans le sac", Pierre Prévert est le deuxième à partir de la gauche, Jacques Brunius est le troisième, Jacques Prévert est complètement à droite, debout

    Ce film de Brunius est-il passionnant?  Je n'en sais trop rien, son sujet renvoie aux problèmes énormes de logement auxquels devait faire face l'Europe dévastée par la guerre, et la cité prise en exemple dans ce court-métrage de vingt minutes est la bonne ville de Caen. Mais tout Bruniusophile qui se respecte se devrait d'aller y faire un tour, en attendant qu'on accepte de nous passer un autre film encore plus rare du même Brunius, datant lui aussi de sa période angalise, To the rescue (A la rescousse), film pour la jeunesse qui reçut un prix du film de jeunesse (pour les 12-15 ans, c'était très précis...!) au festival de Venise 1953, court-métrage qui doit être, lui, nettement plus joyeux. Qu'attend-on, plus généralement, pour nous concocter un festival des  pionniers du cinéma pour la jeunesse comme il y a eu il y a quelques semaines, toujours à la Cinémathèque, une programmation sur les pionniers du cinéma d'animation d'Emile Cohl à Paul Grimault (avec un instructif catalogue à la clé)...?

2a0940138131e41ffe9cc22c5b6e29a5.jpg
Jacques Brunius, séducteur quasi faunesque dans Une partie de campagne de Jean Renoir

    Somewhere to live, c'est dimanche 11 novembre à 19h30 et samedi 17 novembre à 17h00. Au même programme, il y aura d'autres films d'Humphrey Jennings et un d'Alberto Cavalcanti, cinéastes que respectait beaucoup le protéiforme Jacques Cottance, alias Jacques Brunius.

a91ab06cc2eb9449b94cf3faa7526500.jpg
Le nouveau site de la Cinémathèque Française à Bercy, moins mythique que le Palais de Chaillot, mais plus de salles, une bonne librairie, un café...

Lire la suite

08/11/2007 | Lien permanent

Un Jeu des Définitions 2014, par Jacques Burtin et Bruno Montpied

 

      Petit rappel de la règle de ce jeu, surréaliste au départ… La question est posée de manière automatique. Un deuxième joueur répond sans connaître la question, de manière tout aussi automatique. Dans les exemples ci-dessous, les deux auteurs se sont coulés alternativement dans les rôles du questionneur ou du répondeur. La rencontre surprenante de la question avec la réponse fait tout le sel de cet exercice, où l’on creuse un dialogue entre deux pensées inconscientes l’une de l’autre, mais se réunissant sur un plan autre. 

 *

Qu’est-ce qu’un tortionnaire ?

C’est une peau ridée qui se déplie comme un accordéon.

*

Qu’est-ce qu’un râle ?

Une déchirure sans fin.

*

Qu’est-ce que la Der des Der ?

C’est un labrador qui se prend pour un loup.

*

Qu’est-ce que l’harmonie ?

C’est une danse lascive qui n’ose pas dire son nom.

*

Qu’est-ce qu’un labyrinthe au fond du cœur ?

C’est la coupe bue jusqu’à la lie.

*

Qu’est-ce que la Justice ?

C’est un doigt dans l’œil.

*

Qu’est-ce que l’argument ultime ?

C’est un sous-vêtement ridicule.

*

Qu’est-ce que le mensonge ?

C’est un cheval cabré qui pleure à chaudes larmes.

*

Qu’est-ce que l’ombre ?

C’est une mégère apprivoisée.

*

Qu’est-ce que le Diable ?

C’est une armée à la rescousse.

*

Qu’est-ce que la faim ?

C’est une soupe d’yeux.

 

jeu des définitions,jux surréalistes,jacques burtin,bruno montpied,écriture en commun,art collectif

Bruno Montpied, Hémorragie voyeuse, 1982

 

*

Qu’est-ce que le doute ?

C’est un renard qui pond des œufs.

*

Qu’est-ce qu’une mauvaise herbe ?

C’est une libellule que l’on suit aveuglément.

*

Qu’est-ce qu’une explosion de colère ?

C’est un train dans la nuit, tu ne sais pas d’où il vient, tu ne sais pas où il va, et quelqu’un te frappe sur l’épaule.

*

Qu’est-ce qu’un bras d’honneur ?

Un aller sans retour.

*

Qu’est-ce que cette mèche rebelle sur votre front ?

C’est un précipice dont personne ne s’échappe.

*

Qu’est-ce qu’une cave ?

C’est la preuve de l’existence de Dieu.

*

Qu’est-ce que l’oubli du passé ?

C’est un gaz qui s’échappe inéluctablement.

*

Qu’est-ce qu’un silence ?

C’est le tâtonnement de l’amant sur le corps de l’aimée.

*

Qu’est-ce que l’excision ?

C’est une bougie qui ne s’allumera pas.

*

Qu’est-ce que l’infini ?

C’est une femme nue.

 

jeu des définitions,jux surréalistes,jacques burtin,bruno montpied,écriture en commun,art collectif

 

*

Qu’est-ce que la Création ?

C’est une chemise dont les bras jouent au sémaphore.

*

Qu’est-ce que l’amour aveugle ?

C’est une certaine disposition de l’esprit où le haut et le bas, le beau et le laid, etc., cessent d’être perçus contradictoirement.

*

Qu’est-ce que le mystère ?

C’est une mante religieuse qui dévore son amant.

*

Qu’est-ce que la Beauté ?

C’est un facteur qui ne distribue aucune lettre.

*

Qu’est-ce qu’un livre qui s’ouvre tout seul dans le noir ?

C’est une jupe qui froufroute et se déchire de haut en bas !

*

Qu’est-ce que la censure ?

C’est une défaite devant la lumière.

*

Qu’est-ce que l’Erotisme ?

C’est un soutien qui ne vient pas.

*

Qu’est-ce que la Révolution ?

C’est un train qui hurle dans un tunnel.

*

Qu’est-ce que la sodomie ?

C’est le rêve d’un réverbère.

 

jeu des définitions,jux surréalistes,jacques burtin,bruno montpied,écriture en commun,art collectif

 

*

Qu’est-ce qu’un coche en flammes qui fuit sur la route ?

C’est lorsque l’on se rapproche d’une inconnue par derrière et qu’on n’ose la toucher.

*

Qu’est-ce que la vérité ?

C’est la rosée qui transperce les sandales.

*

Qu’est-ce que le doute ?

C’est une façon de nier l’évidence.

*

Qu’est-ce qu’une menotte ?

C’est un animal fabuleux que l’on caresse et qui vous mord.

  

Jacques Burtin et Bruno Montpied, octobre 2014

Lire la suite

Jacques Bertin, une chanson: Louvigné-du-Désert

    Une petite chanson pour partager un moment mélancolique et de pure poésie, loin de cette poésie cérébrale que l'on imagine comme seule possible)... Par Jacques Bertin, poète-chanteur que j'apprécie énormément (il est né à Rennes, voici 70 ans cette année). 


podcast

Jacques Bertin, Louvigné-du-Désert, album "Une fête étrange" (1970)

Lire la suite

Rencontre avec Roméo, un film improvisé par Jacques Burtin et Bruno Montpied, 2015

       On a fait du cinéma sans que je m'en aperçoive. "On", c'est surtout Jacques Burtin qui s'était muni d'une caméra tandis que j'avais un appareil photo pour aller prendre quelques images des girouettes animées (whirligigs), des vire-vent, de M. Roméo Gérolami, il y a presque un an à Bléneau (Yonne). Moi, je faisais l'interviewer.

Vue-générale-en contre-plongée (2).jpg

Quelques sujets de Roméo Gérolami, vus depuis la route en contrebas, ph. Bruno Montpied, 2014

Le-scieur-de-bois-(2).jpg

Un homme en train de scier du bois, ph. BM, 2014

 

     Ce dernier, ancien motoriste chez Lancia, Alfa-Roméo, et BMW, spécialiste de la résolution des énigmes mécaniques en tous genres, chercheur du mouvement gravitationnel (un mouvement que l'on fait démarrer et qui ne s'arrête plus, s'alimentant de lui-même grâce à une batterie se rechargeant), inventeur de la porte fermable et ouvrable sans serrure, autrefois collaborateur de la Caméra Invisible pour laquelle il concevait des voitures démarrant sans conducteur, ce dernier (de son point de vue: accessoirement) est aussi l'auteur d'une série de girouettes animant des saynètes peintes sur tôle quelque peu naïves. J'ai beau l'interroger sur son talent de dessinateur naïf, il n'en a cure et me renvoie sans cesse à sa passion centrale: la mécanique.

 

Le-buveur-de-vin(2).jpg

Un buveur de vin (qui a fait des réserves), ph. BM, 2014

  

       On trouve ainsi entre autres un hélicoptère, un oiseau donnant la becquée à son petit, un pêcheur, un cheval caracolant, un coureur cycliste, un homme en train de scier une bûche, un bouliste, un buveur de vin et des avions bien sûr, comme il arrive d'en voir dans pas mal de jardins ici et là. Des animateurs de saynètes activées par le vent, on en trouve rarement par contre. C'était une tradition plus fréquente il y a des dizaines d'années, mais avec le recul du bricolage et de l'ingéniosité, cela tend à disparaître.

        Pour voir le film, c'est ci-dessous (ça dure 18 min 24):

RENCONTRE AVEC ROMÉO (Nouvelle version) from Jacques Burtin on Vimeo.

 

      A signaler que c'est une version légèrement différente de ce film qui a été projetée récemment à la Maison du Tailleu le 28 août dernier à Savennes dans la Creuse dans le cadre de mon exposition de dessins.

 

Lire la suite

Jacques Trovic s'en est allé sur la pointe des pieds...

A Priscille Coulaud

 

     Une de mes lectrices m'a aiguillonné il y a peu de temps pour que je signale la disparition, le 27 octobre 2018, de ce grand peintre naïvo-brut qui s'appelle Jacques Trovic. Et elle a bien raison.

jacuqes trovic,art naïf,art brut,la pommeraie, art modeste, folie wazemmes, sur le fil

Jacques Trovic, "Le Cordonnier" (inscription à l'envers, puisqu'on est à l'intérieur de l'échoppe et que le mot est gravé dans le bon sens de l'autre côté de la vitre, pour être lu par les clients à l'extérieur), 1963, ph. Bruno Montpied, 2009.

 

    Je traînais les pieds... Surtout pour cette raison que je ne tiens pas toujours à me spécialiser dans les nécrologies. Le Poignard n'est pas forcément à tout coup un bulletin d'actualités des arts spontanés, j'aimerais parfois qu'il se contente d'être comme une abeille qui butine ici ou là du côté de la poétique de tous les jours...

    J'ai déjà parlé, dans le temps, de Trovic que j'avais rencontré (ce fut la seule fois) en compagnie de Jean-Louis et Juliette Cerisier, en 2009, lorsqu'il habitait encore à Anzin, cette commune proche de Valenciennes, où il faisait, ce jour-là, un temps à ne pas mettre un canard dehors (c'est Brel qui chante, je crois, que par là-bas, de temps  à autre, même les canards se pendent...).

 

jacuqes trovic, art naïf, art brut, la pommeraie

Anzin en 2009, au 486 rue Jean-Jaurès... Ph. B. M., 2009.

 

   C'était un bon bonhomme, gourmand et bon vivant, gentil comme tout. Il brodait, tricotait des tableaux en tapisserie-patchworks (voir ci-contre une de ses aiguilles) qui racontaient la vie et les souvenirs d'autrefois du pays du Nord, des mines... jacuqes trovic,art naïf,art brut,la pommeraieEn restituant une vision familière, primesautière, cordiale, des gens qu'il côtoya durant la majorité de ses soixante-dix années de vie, en montrant bien tout l'amour qu'il leur portait, à leur us et coutumes, à leur alimentation.... Parfois son évocation des pays, comme dans la tapisserie ci-dessous consacrée à la Fabuloserie (et à la Bourgogne), servait en effet aussi de prétexte à l'évocation marginale, qu'on devinait pâmée, par Trovic des produits locaux, le fromage de Chaource (qui est en Champagne dans l'ancienne Bourgogne), le vin bien sûr, la moutarde de Dijon, le pain d'épices, les escargots, la crème de Cassis, bref, toute une série de délices qui constituent les accessibles plaisirs de la vie...

jacuqes trovic,art naïf,art brut,la pommeraie

Sur ce patchwork, tenu par Jean-Louis Cerisier, consacré à la Fabulsoerie de Dicy, je me demande si ce n'était pas un moyen pour Trovic d'évoquer les deux fondateurs de cette collection fabuleuse, à savoir Alain, à gauche avec un grand chapeau, et Caroline Bourbonnais à droite, en costume folklorique ? Ph. B.M., 2009.

 

   Il fit de nombreuses expositions, tout à tour dans des manifestations d'art naïf ou d'art singulier. Je ne crois pas qu'il fut intégré à l'art brut proprement dit, mais plutôt dans les collections annexes, dites de la Neuve Invention. L'art modeste pouvait le faire sien à l'occasion, comme lorsqu'il lui fut consacré un bel hommage, au sein de l'exposition "Sur le Fil", sur un ensemble de créateurs textiles à la Folie Wazemmes à Lille en 2009. Et comme la Fabuloserie s'est sans doute intéressée  à lui, il pouvait également entrer sous l'étiquette d'"art hors-les-normes"...

jacuqes trovic,art naïf,art brut,la pommeraie,art modeste,folie wazemmes,sur le fil,cordonnier,fabuloserie

Jacques Trovic, une majorette, tableau en mosaïque, années 1970, ph. B.M., 2009.

     Dans la dernière partie de sa vie, ne pouvant continuer à vivre seul à Anzin, après avoir perdu sa sœur qui était comme une deuxième mère pour lui, il fut recueilli par le Centre de La Pommeraie animé par Bruno Gérard en Belgique, près de la frontière. Nul doute qu'il y fut bien accueilli et protégé.

     Jacques Trovic va manquer dans le paysage, c'est bien certain.

Lire la suite

”Les Solèls de Jacques Trovic”, un film en préparation

      Cela fait un bout de temps que la réalisatrice Francine Auger-Rey m'a parlé de son projet de film sur Jacques Trovic, ce brodeur et "tapissier" autodidacte dont j'ai déjà parlé ici (en particulier pour annoncer sa disparition en 2018), que j'avais rencontré une seule fois personnellement, à Anzin, sa ville natale, en compagnie de Juliette et Jean-Louis Cerisier en 2009. Ce film, intitulé les Solèls de Jacques Trovic, long de 70 minutes, devrait bientôt sortir. Les "solèls", mot de patois du Nord, la région à laquelle Trovic était profondément attaché, renvoie aux soleils par lesquels il commençait toujours ses oeuvres en patchworks multicolores, sans doute – comme on le devine – parce que l'astre en question espaçait par trop ses apparitions dans ce pays de mines...

jacques trovic,francine auger-rey,les solèls de jacques trovic,patchworks naïfs,broderie singulière,art textile brut,cinéma et arts populaires

Jacques Trovic, Combat de coqs, 1994, vue prise à l'exposition "Sur le Fil", à la Folie Wazemmes, à Lille, en 2009, ph. Bruno Montpied.

 

     Francine Auger-Rey a confectioné un site internet où l'internaute intéressé trouvera toutes sortes d'informations, et pourra également particper financièrement à la production du film: https:

//docu-solels-de-trovic.org/

       Pour ceux qui ne voudront pas prendre le temps de suivre ce lien, voici le résumé du projet filmique que m'avait transmis la réalisatrice il y a quelque temps:

Résumé du documentaire de création :  ″Les Solèls“ de Jacques Trovic

Ce documentaire raconte l’histoire d’un homme né en 1948 dans une ville du Nord : Anzin, cité de la fin des mines et de la sidérurgie moribonde. Dès l’adolescence, sur la table de la cuisine obscure de sa maison de coron,  il fait jaillir, malgré ses entraves et son milieu rude et modeste, une œuvre lumineuse et colorée. Ses mosaïques, ses tapisseries composées de patchworks et de broderies montrent un univers joyeux dont Trovic pressent qu’il est en train de s’éteindre. Son handicap, son épilepsie ont-ils été la circonstance fondatrice de son œuvre mais aussi ce qui brisa douloureusement son aspiration à rejoindre la communauté humaine ordinaire ? Cette tension sera, avec son indéfectible attachement à l’histoire, la culture, de son Nord natal, au cœur de la problématique de ce documentaire.

 

Lire la suite

Un endroit où vivre (suite)

   J'ai donc vu Somewhere to live, film de Jacques Brunius qui paraît à l'évidence un film de commande. Il fait partie d'un ensemble de films sur les travaux de reconstruction de l'Europe des années 50 (plan Marshall), avec le dernier film d'Humphrey Jennings The good life, tourné en Grèce où cet auteur trouva la mort.

   Le film de Brunius a en gros deux parties, la première qui montre dans des images aux couleurs passées qui vont bien aujourd'hui à l'évocation de ces époques les ruines de Caen juste après la guerre, et qui font un peu penser aux images du Montmartre lépreux que l'on aperçoit dans le film d'un autre ami des frères Prévert, Roger Pigaut, Le Cerf-volant du bout du monde (film pour la jeunesse ayant gardé aujourd'hui toute sa fraîcheur, encore vivement apprécié des enfants contemporains), et une deuxième partie où l'on doit dire que l'on ne retrouve plus du tout le Brunius de Violons d'Ingres, amateur de bizarreries et de singularités. Le film se termine en effet dans un vibrant hommage aux cités et aux barres que l'on édifiait en masse pour résoudre au plus vite la crise du logement dans ces années d'après-guerre, dressant en même temps sous le ciel un autre décor de misère, plus morale celle-là (que dénoncèrent assez vite situationnistes et libertaires de tous poils dans les années 60 et 70).

d3c43c4cde1a96a2e68fc7942763f0c1.jpg

  Cette deuxième partie a un côté "lendemains radieux qui chantent". Brunius était-il partie prenante de ce lyrisme? Peut-être n'y voyait-il qu'un inconvénient mineur, si l'on songe au documentaire de ses amis Prévert, comme le magnifique Aubervilliers, qui dénonçait l'insalubrité et la misère des logements ouvriers de la banlieue nord...Ce que Brunius approuvait certainement, lui qui avait fait partie du mouvement d'agit'prop à la française qu'était le Groupe Octobre... Mais peut-être en définitive,  était-il avant tout bridé par ses commanditaires...

2d8f5d2cd1dd4a61db47015852a21c7f.jpg

   On le retrouve davantage dans la première partie du film, plus primesautière, plus poétique malgré le ton sérieux de la bande-son et du commentaire. Brunius prête sa voix, de façon fugace, à ce commentaire qui prend dès lors un rythme plus gouailleur et plus humoristique (hélas, l'intervention est courte). Sous prétexte de nous montrer les ruines de Caen (impressionnantes images historiques et je gage assez rares de cette époque ; on voit aussi à un moment  les ruines de St-Malo...), la caméra se promène vers d'étranges modes de logement alternatifs mis en oeuvre par les habitants en attente de logements plus confortables (et architecturalement plus normés aussi). On voit une baraque improbable construite sur des moignons de château, cabane que son habitant baptise du coup "château" avec dérision, et esprit de détournement sûrement aussi. On découvre des maisons venues en kit de plusieurs pays d'Europe qui dotaient alors la France de toits bigarrés et d'architectures hétéroclites, reflétant différents styles nationaux.

    La musique du film prend un tour excentrique à un moment. Brunius fait intervenir la mélodie du Troisième Homme de Carol Reed, avec son air fameux à la cithare, et souligne que c'est un peu, après-guerre, l'hymne de l'Europe en train de se reconstruire. Pour illustrer le propos le cinéaste fait jouer  le fameux air à un sonneur de biniou en costume traditionnel breton sur fond de ruines, la musique célèbre se déforme alors étrangement... Court -et fort rare!- moment de surréalisme musical pour le coup (on sait que la musique et le surréalisme ont rarement fait bon ménage)... Certes, le film ne fait pas l'éloge de ces habitats éphémères, puisque le propos de ses commanditaires insiste avant tout sur l'appel à une reconstruction plus massive, et à une justification de la demande de subventions américaines dans le cadre du plan Marshall, mais en filigrane, il est possible de deviner un propos autre de Brunius, favorable par dessous à ces habitats originaux nés de l'adversité.

c1fe1b27c0d8a84fbba870f79e2278a2.jpg

   Du coup, le film prend un aspect intriguant du fait de ce double niveau de langage. Un autre intérêt se trouve également à rechercher du côté de son montage alerte en courtes images successives, ce qui paraît une marque caractéristique du style cinématographique de Jacques Brunius.

    Ce film repasse à la Cinémathèque à Paris samedi 17 novembre à 17h.

Lire la suite

13/11/2007 | Lien permanent

Un doux penchant

     Je suis tombé en arrêt l'année dernière en compagnie de cicerones habitant le Poitou devant le panneau ci-dessous au contenu latent surréaliste (je crois employer ici le terme adéquatement,  autrement que dans son sens galvaudé par les journalistes).

Bruno Montpied.jpg
(Photo Bruno Montpied, 2006)

    Sans doute un parent de ces menuisiers mexicains adeptes du penché (et non pas seulement des planchers) dont parle Breton je ne sais plus où, ou bien de ce compagnon charron auteur de la roue ovale que l'on voit dans le film de Jacques Brunius, Violons d'Ingres, qui se trouve être la même -ce que les conservateurs du Musée d'Art Moderne au Centre Beaubourg à Paris, ainsi que les experts de Calmels-Cohen, n'ont toujours pas identifié- que celle que l'on découvre dans le morceau d'atelier d'André Breton exposé à Beaubourg, débité en tranches, une bonne part de sa magie envolée de se retrouver ainsi vitrifiée... Le film de Brunius permet en outre d'identifier de façon claire l'auteur de cette roue: Alphonse Benquet, aussi peintre naïf de grand talent, dont Breton, comme Eluard, possédait quelques tableaux (acquis sans doute à l'époque où ils séjournaient chez Lise Deharme, dans les années 30, dans les Landes).

8a07d630b54097c5fab3ed61437e385d.jpg
(La roue ovale d'Alphonse Benquet, extrait d'une photo de Gilles Ehrmann publiée dans 42, rue Fontaine, recueil de photos parues chez Adam Biro en 2003)

Lire la suite

A Clermont-Ferrand pour écouter le gazouillis des éléphants

       Nouvelle occasion pour les amateurs de tous poils de venir discuter avec les auteurs du film Bricoleurs de paradis: ce sera à Clermont-Ferrand, samedi 10 septembre à 20h30, au cinéma le Rio, situé 178 rue Sous les Vignes, dans la bonne ville rouge et noire au dessous du volcan, où le film sera projeté, et le livre Eloge des jardins anarchiques mis en vente pour ceux qui souhaiteraient garder de la documentation sur la question des environnements naïfs (je rappelle que le film Bricoleurs de paradis (le gazouillis des éléphants) est édité en DVD dans le livre). En première partie, nous souhaitons aussi passer le film de Jacques Brunius, Violons d'Ingres (de 1939). En cas d'indisponibilité de ce dernier, nous passerions Le Faiseur de marmots de Jacques Malnou et Catherine Varoqui, consacré à François Michaud, sculpteur naïvo-brut de la Creuse entre 1850 et 1880. Les projections devraient durer environ une heure trente.

 

0039-Darcel,-juil-10.jpg

Pierre Maïllis-Laval, l'opérateur du film et Remy Ricordeau pendant le tournage de Bricoleurs de paradis, chez Yvette et Pierre Darcel en Bretagne, ph. Bruno Montpied, juillet 2010

 

Lire la suite

Jacqueline Humbert, fixés sous verre, Auxerre, Jacques Lacarrière: appel d'air

 

     

     Jacqueline Humbert, qui continue vaillamment à animer contre vents et marées la collection Humbert du musée rural des arts populaires de Laduz dans l'Yonne, expose bientôt une trentaine de fixés sous verre à la bibliothèque Jacques Lacarrière(allée du panier vert, Auxerre, Tél: 03 86 72 91 00, voir aussi le site de la bibliothèque) du 10 mars (jour du vernissage, à 17h) au 21 avril. Voici ce qu'elle écrit au sujet de ce travail:

jacqueline humbert,biblothèque jacques lacarrière,fixés sous verre,art naïf,art populaire contemporain

jacqueline humbert,biblothèque jacques lacarrière,fixés sous verre,art naïf,art populaire contemporain Un fixé de Jacqueline Humbert présenté à Auxerre.

Et puis un autre...jacqueline humbert,biblothèque jacques lacarrière,fixés sous verre,art naïf,art populaire contemporain

      Jacqueline Humbert l'avoue, elle a délaissé ses peintures plus anciennes qu'elle pratiquait avec des pochoirs pour se consacrer exclusivement aux fixés. Je garde personnellement un attachement marqué à ses anciens pochoirs, dont certains se dénichent parfois sur les brocantes, comme celui que je mets en ligne ci-dessous...

jacqueline humbert,biblothèque jacques lacarrière,fixés sous verre,art naïf,art populaire contemporain

Jacqueline Humbert, Sans titre, sans date (années 70?), ph Bruno Montpied

Et pour complaire à M. Belotti (voir commentaire ci-dessous), j'insère un autre ancien pochoir de Mme Humbert, retrouvé par moi comme le précédent en brocante:

jacqueline humbert,biblothèque jacques lacarrière,fixés sous verre,art naïf,art populaire contemporain

Jacqueline Humbert, sans titre, image ayant servi pour l'affiche d'un Gala de l'Union (des années 60? 70?), si je ne suis pas victime d'un faux souvenir... En tout cas, peinture bien mirifique, d'une immense poésie délicate

Lire la suite

Page : 1 2 3 4 5 6 7