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Rechercher : Jean Branciard

Petit Jean de la côte

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Masque de Yannig an Aod, pierre trouvée, photo Benoît Jaïn, 2006 

    "Concernant le caillou, certes, il a la couleur et les formes "circonvolutionnées" de l'étron mais il n'en a guère la consistance ni la masse ! Hauteur : 10,5 cm, roche très dure et très, très dense, je n'ai pas pu encore déterminer sa nature... Un caca préhistorique fossilisé alors... Des petits coquillages blancs se sont incrustés dans les cavités (yeux et bouche) ce qui facilite sa lecture (pupille, dents)... Si tu publies la photo de cette bizarrerie, "Masque de Yannig an Aod", c'est mieux comme titre ("Petit Jean de la côte", c'est la version "littorale" de l'Ankou, dans les légendes de Basse-Bretagne, il pousse un cri à dresser les cheveux sur la tête,  les jours de brume, du style : "IOU-IOU")."

    Benoît Jaïn (courriel à BM)

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03/11/2009 | Lien permanent

Les mises en boîte de Jean Veyret

       Les assembleurs d'objets en boîte sont pléthoriques depuis des années que l'on connaît les boîtes-poèmes d'André Breton ou celles de l'artiste para-surréaliste Joseph Cornell, ainsi que les objets à fonctionnement symbolique tels que les surréalistes les promurent dans les années 1930. Il y eut, pour consacrer ce nouveau support artistique, une grande exposition, intitulée "Boîtes" tout simplement (tenue de décembre 1976 à mars 1977 au Musée d'art moderne de la ville de Paris puis à la Maison de la Culture de Rennes, juste avant la fameuse exposition les Singuliers de l'art de 1978 dans ce même musée parisien).jean veyret,art d'assemblage,théâtre d'objets,boîtes à mise en scène d'objets

      Depuis, je n'ose imaginer ce qui a pu se produire dans ce domaine. Un de mes anciens amis, un surréaliste anglais, Peter Wood, excellait dans ce domaine, avant de tirer sa révérence bien trop tôt dans cette vallée de larmes. Ses assemblages sous boîte vitrée étaient fidèles à une certaine tradition surréaliste de l'image ésotérique. Il la tempérait avec une touche de naïveté ça et là.

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Peter Wood, sans titre, boîte peinte avec divers éléments assemblés, années 1980-1990, coll. et ph. Bruno Montpied.

      Récemment cependant, agréablement surpris (faut dire que j'étais conduit par Alain Dettinger, grand dénicheur de talents devant l'Eternel), j'ai été confronté à un autre style de boîtes, remplies elles aussi d'assemblages, celles d'un ancien instituteur, Jean Veyret, par ailleurs adepte avec son épouse Joëlle (elle aussi tâte des arts plastiques et du détournement de matières et d'objets) d'une forme d'archéologie amateur qui les pousse chaque été, la plupart du temps, dans les déserts, notamment ceux de la Mauritanie, où ils récoltent nombre de débris et bestioles desséchées qui viennent alimenter leurs rêveries ultérieures, une fois de retour au bercail...

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Jean Veyret, La guerre, boîte peinte avec assemblage d'accessoires divers, fil en laine, bois avec écorce, 40 x 28 x 12 cm, 2011, ph. et coll B.M., 2016 ; certes, le sujet est assez limpide, la colombe de la paix va être dévorée par un monstre à la gueule immense et vorace, mais cela est réalisé avec un sens des couleurs et des matières magnifique ; le contraste entre la pelote de fils, les ailes en plastique de la colombe, matériaux tous aussi fragiles les uns que les autres, et le bloc de bois fruste sur un fond sanglant, est très frappant, je trouve.

 

       Les assemblages de Jean Veyret recèlent une fraîcheur et une immédiateté poétique qui s'éloignent nettement de  l'esprit ésotérique qui préside aux boîtes à connotation onirique, un peu comme on pourrait distinguer la poésie d'un Prévert (du reste, poète apprécié par Jean Veyret) de la poésie d'une Alice Massénat (pour citer quelqu'un de contemporain, particulièrement "ésotérique")...

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Jean Veyret, L'apparition, date non notée,  ph. B.M., 2016.

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Jean Veyret, Le sacre, date non notée, ph. B.M., 2016.

 

     Bien qu'au début, paraît-il, cet artiste autodidacte ait commencé par des boîtes confusément interprétables. C'est sa compagne Joëlle, qui, réclamant (avec raison selon moi) du sens plus explicite, orienta involontairement le travail de son mari vers des assemblages  plus immédiatement lisibles : antimilitarisme, anticléricalisme, moquerie à l'égard du christianisme, dénonciation de l'éducation religieuse lobotomisante, poésie engendrée par des rapprochements humoristiques et des analogies surprenantes, toutes attitudes saines et salubres méritant d'être observées avec constance. D'autant que ça nous change enfin de ces boîtes remplies d'objets, certes jolis, léchés, choisis avec un goût exquis, destinées à nous faire sentir qu'on a affaire à un poème visuel qui sonne surréaliste parce qu'on n'y comprend rien et qu'on a affaire à des objets insolites particulièrement beaux...

 

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Jean Veyret, Coffret de représentant en Clous de Christ, date non notée, env. 25 x 35 cm, ph. B.M., 2016.

 

      Jean Veyret a été instituteur une bonne partie de sa vie, je l'ai déjà dit. On rencontre nombre d'artistes autodidactes parmi les professeurs des écoles en effet. Nul doute qu'un ouvrage paraisse un jour à ce sujet, comme il y en eut déjà un sur les artistes postiers (Josette Rasle, Ecrivains et artistes postiers du monde, éditions Cercle d'Art, Paris, 1997). J'ai abondamment parlé sur ce blog des œuvres de deux autres maîtres d'école, Jean-Louis Cerisier et Armand Goupil. Voici donc à présent les boîtes de Jean Veyret. L'instituteur est souvent féru de cultures diverses, pratique un métier altruiste tourné vers les enfants, désire améliorer la société en propageant toutes sortes d'idéaux via les élèves qu'il enseigne. Il n'est pas étonnant, qu'il puisse à côté de son travail, durant les temps de loisir qu'il possède – que l'on sait plus longs  que dans bien d'autres métiers –, tenter de s'exprimer à son tour. Il le fait souvent en autodidacte, ou, au mieux, avec des moyens et des techniques artistiques moins poussées que celles qu'on enseigne dans les écoles spécialisées des Beaux-Arts.

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Jean Veyret, Lobotomies, date non notée, ph. B.M. , 2016 ; les lobotomisés que l'on aperçoit ici, adéquatement choisis parmi des figurines Duplo (plutôt des Playmobil...), aux crânes creux, connues des enfants, se dressent devant une photo de classe religieuse... 

 

      Parallèlement à cette activité de metteur en boîte, qu'il poursuit depuis une trentaine d'années à peu près (et qu'il a très peu montrée, sa première exposition n'ayant été organisée qu'en 2013, à la galerie Dettinger-Mayer à Lyon, suivie d'une autre, tout récemment, fin 2016, dans le même lieu),  Jean Veyret a coulé aussi ses pas dans ceux des aventuriers qui de tous temps ont été attirés par les espaces sauvages ou inconnus des Occidentaux. Il partit à moto à travers le Sahara, stimulé par les premiers rallyes Paris-Dakar, fréquentés et organisés en amateur au début, puisque leurs premiers vainqueurs, côté voiture, avaient roulé en 4L Renault. On était très loin de l'actuel rallye avec ses caravanes de matériel, de technologie, sa couverture médiatique, son spectacle, donnant l'impression d'un divertissement du capitalisme instrumentalisant des territoires au profit de ses jeux du cirque.

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Chez Jean Veyret, la réserve aux boîtes-poèmes... ph. B.M. 2016.

 

     Jean Veyret cherche depuis quelque temps à exposer davantage. Avis aux professionnels de la diffusion artistique qui n'ont pas les yeux dans leurs poches... 

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Adieu Verchuren, aurait dit Jean Grard

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Jean Grard, André Verchuren, bois et matériaux recyclés, vers 2001

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Jacques Reumeau, par Jean-Louis Cerisier (1)

Page de titre expo Laval 84 Hernandez Reumeau.jpg     Jacques Reumeau, cela fait des années que j'en entends parler par un ami peintre lavallois, Jean-Louis Cerisier, qui le connut dans les années 70 et 80 comme d'autres jeunes gens dans cette bonne ville qui fut le berceau de plusieurs peintres naïfs et singuliers, au premier rang desquels le fameux Douanier Rousseau bien sûr, mais aussi, Henri Trouillard, Jules Lefranc, puis pour les Singuliers, Robert Tatin, Alain Lacoste, Sylvie Blanchard, et Jacques Reumeau, cet artiste vagabond, semi clochard, à l'œuvre diverse, inégale, hétéroclite d'où émergent cependant de nombreuses pépites, conservées comme la majorité de l'œuvre (voir le texte de Cerisier ci-dessous) au musée du Vieux Château à Laval, musée qui vient de commencer une mue spectaculaire de l'art naïf à l'art singulier (l'art naïf qu'il possède restant présent bien entendu, puisqu'il s'agit d'une collection de réelle qualité bâtie autour de celle qu'avait commencée Jules Lefranc et qui servit de fondation et de racine à l'essor de la collection ; je rappelle que ce musée a ouvert ses portes au public en 1967). Il faut ajouter que la Sarthe voisine contient d'autres créateurs singuliers ou bruts tout à faits frappants, comme François Monchâtre, Gaston Floquet (voir l'article sur lui par Eva Prouteau dans le récent numéro de 303 sur l'art brut, outsider, modeste), Fernand Chatelain et Emile Taugourdeau. Sans compter que dans les générations actuelles sont apparus des créateurs tout à fait originaux comme Jean-Louis Cerisier justement, ou Serge Paillard, voire Patrick Chapelière et Joël Lorand (un non natif lui pour le coup), qui tous ont un lien avec la figure de Jacques Reumeau, cet artiste qui un jour abandonna l'usine pour se consacrer corps et âme à la peinture (comme le signalait la notice du catalogue de l'expo "De face et de profil" en 1984 au musée de Laval).

 

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Jacques Reumeau, Les coqs mangeurs de champignons, pastel sur papier, sans date, 95x75 cm, Musée d'art naïf et d'art singulier du Vieux-Château, Laval


       Jean-Louis, comme il l'explique lui-même ci-après dans ce texte inédit datant de 2007, se consacre régulièrement à restituer la mémoire de cet artiste atypique, véritable figure de la vie artistique lavalloise (patrie également d'Alfred Jarry).


"Pour que Reumeau ne meure

 

       Jacques Reumeau est décédé il y a 20 ans, le 29 juin 1987, à l’âge de 38 ans. Je voudrais, à l’occasion de cet anniversaire¹, revenir sur la destinée posthume de son œuvre. Le peintre a mis sa vie au service de sa création, engagement total  lié à un désir de reconnaissance, lui-même né d’un sentiment d’abandon ressenti par le peintre dans son enfance.

        Reumeau a commencé à effectuer des donations au Musée de Laval, alors dirigé par Jean-Pierre Bouvet². Le conservateur du musée et le suivant Charles Schaettel ont montré curiosité et intérêt pour l’œuvre et l’ont accueillie favorablement, ce qui a rendu possible  la décision finale de l’artiste de léguer par testament la totalité de son œuvre au musée. Les idées d’éparpillement, de disparition et d’oubli hantaient l’artiste à la fin de sa vie.

 

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       L’amitié et la confiance qu’il m’avait témoignées le poussèrent à me faire promettre de ne pas laisser son nom et son œuvre tomber dans l’oubli. Après sa mort, j’ai mis toute l’ardeur nécessaire à la publication d’un article dans la revue 303 (« Jacques Reumeau, peintre mayennais », n° XXXIX, 1993)

      La conservatrice du musée, Marie-Colette Depierre, au début des années 90, a engagé un inventaire du legs imposant consenti par Reumeau, constitué d’environ 2000 dessins, encres, pastels et peintures. Elle confia un travail de recherche  à des étudiantes en histoire de l’art de l’université de Rennes.

 

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Jacques Reumeau, La Spatule et la baignade des singes, pastel e tfusain sur papier, 1975, Musée d'art naïf et d'art singulier du Vieux-Château de Laval, ph. Bruno Montpied

 

         Estelle Soleillant rédigea ainsi un mémoire de Maîtrise en 1999-2000 (Etude, sous forme de catalogue raisonné, d’un choix d’œuvres de l’artiste mayennais Jacques Reumeau, Université de Rennes 2 / Haute Bretagne, Directeur de recherches : M Poinsot). Ce mémoire présente une synthèse de la vie, de l’œuvre et de l’environnement artistique du peintre, enrichie de propos recueillis auprès de personnes ayant côtoyé le peintre. Anne Archenoul a poursuivi le travail d’inventaire, ce qui a donné lieu à la publication d’un article dans la revue Maine Découvertes : « Au Musée d’Art Naïf de Laval : la redécouverte du fonds Reumeau », (n° 42, septembre 2004).

    Deux expositions posthumes ont été organisées par Marc Girard, artiste-peintre qui avait connu le peintre à Mayenne à la fin de sa vie, l’une en 1987 au château de Juhel à Mayenne, la seconde en 1988 à la chapelle du Géneteil à Château-Gontier. En 2000, à l’initiative d’Alain Guesné et Serge Paillard, une exposition fut organisée au prieuré d’Olivet sur la base d’un choix d’œuvres prêtées par le Musée de Laval sous la conduite d’Estelle Fresneau. Cette exposition a été remarquée pour la qualité de la sélection et de la présentation des œuvres. A l’occasion de cette exposition, Jean-Claude Leroy a publié un recueil d’entretiens qui prolonge le travail entrepris par Estelle Soleillant (revue Tiens, n° 8, mars 2000).

       La Biennale 2007 peut constituer un début de reconnaissance pour des artistes demeurés à la marge. Les vœux de Jacques Reumeau n’auraient alors pas été vains."

______

¹Texte rédigé  par Jean-Louis Cerisier dans le cadre de la 6e Biennale internationale de Laval en 2007. Non publié.

²Jean-Pierre Bouvet fut conservateur du musée de 1965 à 1976. Charles Schaettel lui succéda de 1976 à 1990. Puis ce fut le tour de Marie-Colette Depierre, d'Estelle Fresneau, et enfin actuellement d'Antoinette Le Fahler de présider aux destinées du musée.

 

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Jacques Reumeau, par Jean-Louis Cerisier (2)

           Deuxième volet de notre dossier Jacques Reumeau, voici un second texte de Jean-Louis Cerisier, toujours fidèle à son camarade de jeunesse.


Jacques Reumeau, une seconde vie

         A ses débuts Jacques Reumeau, habité par une énergie démesurée,  était obsédé par la volonté de faire émerger sa personnalité, au regard des figures tutélaires que représentaient pour lui Barbâtre, Henri Trouillard et Robert Tatin¹. Ceux-là tentèrent plus ou moins  d’encadrer les bouillonnements de ce créateur à la fois rebelle et fortement demandeur. Le jeune Reumeau, entièrement autodidacte, avait en effet besoin de s’approprier des démarches et des techniques auprès des artistes qui comptaient pour lui parce qu’ils bousculaient les valeurs et les codes établis.

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Jacques Reumeau, Ubuoîte, 1977, Musée d'art naïf et d'art singulier de Laval, ph. Bruno Montpied


        Ses lectures en histoire de l’art lui ont également permis de trouver en Goya (pour la révolte) et en Odilon Redon (pour le mystère) une résonance dans sa recherche d’expression personnelle. Il a résulté  de tout ce brassage une période de création puissante, dont émergeaient des représentations tour à tour animales, rituelles, sacrificielles, fantastiques.

         Au milieu des années 70, la disparition ou l’éloignement des figures marquantes qui l’entouraient jusque-là correspondent à une période où les phases de dépression et les hospitalisations deviennent fréquentes ; l’énergie créatrice du peintre allant en s’amenuisant, il développe un mode d’expression basé sur la force et l’épure,  démarche déjà explorée auparavant, mais cette fois de façon plus  systématique. Des rencontres (les créateurs Alain Lacoste, Stani Nitkowski, Jean-Joseph Sanfourche, Jean-Eric Fouchault) le confortent dans une approche plus directe du dessin et de la peinture.

 

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Jacques Reumeau, Combat-Duel, gouache, craie blanche, pastel sur papier, 1974, Musée d'at naïf et d'art singulier de Laval

 

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Jacques Reumeau, Le Couple, huile sur toile, 1982, Musée d'art naïf et d'art singulier de Laval

 

       Dans une série de quatre pastels et gouaches, l’esprit de Goya se fait  sentir. Le combat-duel (1974) se révèle comme une prise à bras-le-corps du geste pictural et l’expression d’un combat pour la vie.  La peinture Le couple, référence possible à Tatin,  est débarrassée de toute fioriture pour se concentrer sur le sujet : la rencontre de deux bouches, de deux regards démesurés, de deux corps.  Dans les pastels La femme-fleur et Le sommeil à la lune (1982), Reumeau emprunte sans détour le style d’Odilon Redon pour aller à l’essentiel : le visage est réduit à un œil qui écoute. Un dos immense est la caisse de résonance du monde, le corps vibre.

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Jacques Reumeau, Sommeil à la lune, pastel sur papier, 1982, Musée d'art naïf et d'art singulier de Laval

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Jacques Remeau, Accouchement, pastel et fusain sur papier, 1986, Musée d'art naïf et d'art singulier de Laval


       Les dernières compositions du peintre au pastel et fusain sur papier, telles Accouchement et Les femmes enceintes (1986), révèlent l’état d’esprit du peintre : alors que la mort le guette, il fait surgir la vie pour triompher du destin. Le corps est réduit à l’état de boyau. Ne comptent plus alors que le regard pour faire face et la main pour combattre. Encore et toujours…

       (Le présent texte (non publié), rédigé dans le cadre de la 6e Biennale de Laval (du Naïf au Singulier : le spectacle des corps, juin-sept. 2007), m’a permis de mettre en avant le combat pour la vie engagé par le peintre dans un corps à corps avec la création durant les dix dernières années de sa vie. J-L.C.)



 ¹ Peintres de la région de Laval comme Reumeau et Cerisier.

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Jean Benoît prend sa pierre tombale et nous laisse le monde

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POUR SALUER JEAN BENOÎT 

               De l'œuvre de Jean Benoît, que je considère comme l'une des plus flamboyantes qu'ait données le surréalisme dans ces cinquante dernières années, je ne parlerai pas ; de nombreux catalogues d'exposition ainsi que des articles de presse ou de dictionnaire en ont, avec plus ou moins de bonheur, rendu compte. Mais, malgré tout le talent et toute la puissance d'imagination qu'elle  manifeste, du plus tellurique au plus aérien, alliant la grâce et la tendresse aux ténèbres, l'œuvre cédait le pas à l'homme ; et la perte, toujours irréparable, est ici à la mesure de ce dépassement.

               Doué d'une présence et d'une spontanéité souveraines, dans les gestes comme les paroles, Jean était la figure même de l'excès. Mais de l'excès délicat, sans pesanteur et sans pose. Aucune affectation ne venait alourdir la virulence de ses détestations ni l'insolence de ses provocations délicieuses. Il pouvait déclarer en toute ingénuité que le seul rêve qu'il n'avait pu réaliser était celui de « tuer un missionnaire » ; et c'est avec la même candeur dans la voix qu'en se penchant sur la main d'une inconnue pour y déposer un baiser, il n'oubliait pas de lui dire: «Mes hommages irrespectueux, mademoiselle». Rien ni personne ne pouvait lui faire obstacle, lui en faire accroire ou lui en remontrer. Et cela, sans inflation de l'ego, sans prurit de puissance ; il se contentait de vivre, de marcher dans la vie en rêveur éveillé, il était une cause libre.

              Je l'ai rencontré, il y a près de trente ans, dans un café où l'esprit surréaliste jetait encore quelques feux timides parmi une époque particulièrement hostile. Il en imposait sans s'imposer ; son rire, qu'on entendait dès l'entrée, était la plus certaine manifestation de sa présence. Je ne faisais pas partie du cercle de ses intimes, mais nous n'avons pas cessé de nous voir au fil des années, de façon discontinue, par hasard le plus souvent, à la faveur d'un vernissage, ou quand il lui prenait envie de venir saluer les amis réunis dans tel ou tel débit de boissons. Un jour, il m'a invité à lui rendre visite, et, depuis lors, je suis monté plusieurs fois dans son atelier de la rue de la Cossonnerie puis dans celui de la rue de la Tour d'Auvergne, le plus souvent avec une amie, qu'il courtisait aussitôt. En sa compagnie, on buvait beaucoup, et il parlait plus encore ; la seule fois où je suis allé dans son appartement de la rue des Grands-Champs, ces champs dont il incarnait la clé même, nous avons descendu en quelques heures une bouteille de Chivas : il avait pourtant 85 ans, et une demi-douzaine d'infarctus derrière lui. Lors de ces rencontres, il m'a montré le fameux rouleau où il couchait sur le papier le labyrinthe de toute une vie aimantée par l'amour et m'en a lu, comme à bien d'autres visiteurs, quelques passages ; mais surtout, il m'a souvent parlé, à mon grand enchantement, de ses séjours dans les années soixante, chez les Papous du fleuve Sépik et sur l'île de Nouvelle-Irlande, qui restait dans sa mémoire comme le modèle d'une société libre et heureuse.

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 Rouleau-manuscrit de Jean Benoît tel que reproduit dans le catalogue de l'expo 1996 à la Galerie 1900-2000

 

             Certains le comparaient à un bûcheron canadien ; moi, je le voyais plutôt comme un arbre indéracinable. Hélas, en juin 2009, au moment où se tenait une grande exposition de son œuvre et de celle de Mimi Parent, il a été frappé d'une attaque qui l'a paralysé du côté droit et l'a privé de la parole. Je me suis rendu à l'hôpital Tenon où il avait été pris en charge ; nous sommes parvenus à communiquer par un système de questions et de réponses auxquelles il répondait par des gestes signifiant oui ou non. Il était bien sûr très malheureux, et aurait voulu en finir au plus vite avec une situation où, par un paradoxe cruel, il devenait prisonnier d'un corps pour lequel il avait toujours revendiqué la liberté suprême. Je suis sorti de l'hôpital en larmes, et ne l'ai plus revu. 

             Il y avait une dimension mythique chez Jean Benoît, qui éclatait dans son amour inépuisable pour les femmes, toujours renouvelé, toujours émerveillé. Son érotisme solaire avait le regard limpide des enfants. Aucune fascination chez lui pour les affres de la transgression, il était d'emblée au-delà. Il était parfaitement païen, en totale harmonie avec ces préadamites des îles heureuses où il a abordé juste avant qu'elles ne succombent aux ignobles prestiges de la civilisation.            

            Avec la disparition de Jean Benoît, une nouvelle page vient de se tourner, de cet immémorial traité des passions écrit et déchiffré seulement par les rêveurs et les poètes. Notre Dionysos au masque de plumes de ménure est parti, le jour de Vénus, sur la barque malangan, de l'autre côté de sa légende.

JOËL GAYRAUD, le 7 septembre 2010.

 

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15/09/2010 | Lien permanent

Complaintes et messages de Jean-Marie M.

     J'ai récemment parlé de Jean-Marie M., le creuseur de tunnels sauvage du Lot. Antoine Boutet a fait un extraordinaire film sur lui, Le Plein pays (intitulé comme cela par allusion à sa manière de chanter Le Plat pays de Jacques Brel). Une de mes surprises en voyant le film fut de découvrir les insoupçonnables talents de chanteur-psalmodieur de cet archéologue pulsionnel. Il fait corps avec la nature, au creux de laquelle, après tant d'années de compagnonnage intime, il a besoin de se nicher pour chanter ses drôles d'incantations. Se rencoignant dans certaines grottes creusées par lui à mains nues, et s'y recroquevillant comme foetus régressant. Du reste, le contenu de ses chansons qu'il improvise en utilisant une technique de répétition parle de procréation qu'il faut cesser, de trop plein de population, d'apocalypse à venir (cela dure depuis trente ans). Il faut selon lui que les hommes restent avec les hommes et les filles avec les filles, sans préciser plus avant ce qu'il compte leur proposer comme occupations.

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Jean-Marie M. parmi ses collages, photo site "Complaintes et messages", Antoine Boutet

      Une autre découverte est le talent artistique quasi enfantin de Jean-Marie. Il apparaît en fait plus flagrant lorsqu'on va sur le site internet qu'Antoine Boutet a consacré aux "complaintes et messages" de ce vieil enfant sauvage du Lot. En toile de fond, on aperçoit en effet des dessins aux traits tremblés qui sont touchants. Des collages aussi, au milieu desquels, la tête rejetée, il pose comme abattu,  tel un cadavre. Des petites peintures tendant vers la recherche pictographique. Le site, intitulé " Les complaintes de Jean-Marie", permet d'entendre en outre les fameux chants de l'auteur (le site en a choisi quatre), proches du cantique et de la psalmodie médiévale telle qu'on a l'habitude de l'entendre plutôt résonner au fond des cathédrales à l'acoustique réverbérante. On trouve aussi quelques fragments de vidéo et des photos (dont celles que je reproduis pour illustrer cette note).

Jean-Marie M parmi ses collages, photo Antoine Boutet.jpg
Jean-Marie M, photo même source, Antoine Boutet

      Chaleureuse gratitude à Antoine Boutet qui nous a révélé l'existence de son site plutôt secret, du moins peu connu des amateurs "d'art brut", ou de land art spontané, d'environnements étranges, et de proclamations apocalyptiques. A noter que, selon ce qu'il nous a confié, Boutet a longtemps constitué sa culture musicale à l'écoute de l'émission "Songs of praise" dont un des animateurs intervient depuis quelque temps sur ce blog. Il n'y a décidément pas de hasard...! Cette émission aura donc sans doute aidé cet auditeur inspiré à rechercher puis finalement à nous fournir un exemple supplémentaire de ce que l'on peut peut-être appeler de la "musique brute". Je gage que cela te mette du baume au coeur, cher Cosmo Helectra...? 

Sinon, pour ceux qui l'auraient raté à Montreuil récemment, à signaler d'autres occasions de voir le film d'Antoine Boutet, Le Plein pays:

Festival les Ecrans Documentaires à Arcueil dans le 94 (compétition internationale)
jeudi 29 octobre 2009 - 22h00

http://www.lesecransdocumentaires.org/2009/

Festival International du Film de Belfort (compétition internationale). Du 28 novembre au 6 décembre 2009
http://www.festival-entrevues.com/-2009-/films-competition2009.htm
 

Les Hivernales du documentaire à Nègrepelisse
samedi 14 novembre 2009
http://leshivernalesdudoc.free.fr 

Mois du documentaire - Cinéma Jean Renoir  à Martigues
samedi 28 novembre 2009 - 20h30
http://cinemajeanrenoir.blogspot.com

 

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Jean-Marie Massou traverse le mur des sons

     Dans un commentaire récent, M. Olivier Brisson donne des nouvelles fraîches de Jean-Marie Massou toujours bon pied, bon œil, au fond des forêts du côté de Marminiac, dans le Lot. Apparemment, s'il ne va plus au fond des galeries qu'il creusa une bonne partie de sa vie (depuis les années 1980 à peu près), il se concentrerait désormais sur des enregistrements de ses complaintes sur magnétophones à cassettes. Et bien entendu, il ne dételle pas quant à la grande prémonition de son existence, qui consiste à prophétiser la fin du monde et par conséquent à tenter de convaincre le reste de l'humanité de cesser de procréer.

    Olivier Brisson a rédigé à ce sujet un article ma foi excellent dans une revue appelée Revue et corrigée, n°106, où il conclut à l'existence d'une possible musique brute (je préfère dire "d'outre-normes") ; un enregistrement serait à l'étude, wait and see... :

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Le ”Coin au Soleil” de Jean-Pierre Schetz

    Le MAD musée (MAD= Musée d'Art Différencié) du Parc d'Avroy à Liège organise du 15 septembre au 17 novembre 2007, dans sa galerie, une exposition consacrée à un environnement singulier...
 
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Photo Fonds Desarcy-Robyns/Musée de la Vie Wallonne
 
 
      Cette exposition, "Un Coin au Soleil , le jardin singulier de Jean-Pierre Schetz",  met  en  lumière  l'environnement  anticonformiste  créé  à  Jupille sur les hauteurs de Liège par un homme modeste. Les organisateurs  présentent  des photographies, des articles de presse, ainsi que quelques sculptures (sauvées de la destruction par Brigitte Van Den Bossche, elle qualifie ce site de "Petit cabinet de curiosités à ciel ouvert"). Un  film documentaire, intitulé "Un Coin au Soleil. L'astre imaginaire de Jean-Pierre Schetz" produit par l'association C-paje (coordination B. Van Den Bossche), est également montré au cours de l'exposition.
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        Jean-Pierre Schetz, né en 1921 et disparu en 1986, avait emménagé avec sa femme dans une "cité sociale" pendant les années soixante. Ferrailleur et maçon au départ, il avait été embauché par la suite au service de la voirie de la ville de Liège. La cité toute neuve où ils avaient emménagé le rebutait, notamment par l'invasion du béton qui allait jusqu'à boucher l'espace situé entre son logement et la rue. Il décide de le faire régresser en l'éliminant et le remplace par de la terre dans laquelle il ne tarde pas à faire pousser des plantes, et toutes sortes de fleurs dans une sorte de luxuriance...
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                            Photo Alfred Jamin
             
       Dès lors, un processus s'enclenche, il ne s'arrête plus d'aménager et de vouloir embellir son jardin, afin de contrer l'aspect standardisé des lieux (normal au pays du Standard de Liège...). Il fait son Nek Chand au petit pied et en pleine Belgique. Qu'il pleuve ou qu'il vente, rien ne l'arrête, un mainate domestiqué souvent présent à ses côtés. Nous sommes dans les années 70.
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Photo Alfred Jamin
 
       Il assemble des pierres, récupère des objets, façonne un château qui devient un point de ralliement pour les enfants du voisinage. Il s'ingénie à marier ses compositions à l'élément naturel.
 
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     La mort vient le trouver alors qu'il continue de travailler à son jardin. Sa femme l'entretient encore vingt années, décède à son tour, la société gestionnaire de la cité sociale qui comme tout bon gestionnaire ne connaît aucun état d'âme se dépêche de faire place nette... Nous sommes en 2006...
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Le sens de la poésie chez les sociétés gestionnaires...
 
 
 
 
  (Ces notes sont basées sur un dossier pédagogique établi par Brigitte Van Den Bossche et transmis à Bibi, qu'elle en soit remerciée ici, ainsi que pour les photos ; je remercie aussi Gérard Sendrey pour son entremise)
 
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N-B: A souligner que le film "Un Coin au Soleil , l'astre imaginaire de Jean-Pierre Schetz" (voir ci-dessous sa mise en ligne sur YouTube, merci à Fredito - note de l'animateur du blog, 14 octobre 2019)  s'inscrit dans un ensemble projeté par l'association C-paje,  et qui consiste à vouloir réaliser d'autres documentaires sur les environnements spontanés. Il me paraît bon de publier les intentions de l'association à ce sujet:
"Ce projet, s'adressant à un large public, repose sur un triple objectif :
- Dévoiler de monumentaux ouvrages d'art qui renvoient à l'inventivité, l'imagination, la créativité et l'esprit visionnaire de leurs créateurs qui ne suivent aucune piste académique, mais créent pour eux-mêmes, dans le seul but d'embellir leur quotidien, leur vie.
- Reconnaître une forme d'art inclassable, si ce n'est dans la marge de l'art .
- Conserver les traces d'environnements qui ne sont pas destinés à la pérennité  -certains étant même en phase de disparition.

 De manière plus particulière aussi, ce projet s'adresse au secteur socioéducatif puisqu'à certains égards, les environnements pris en compte présentent d'évidentes similitudes avec des aménagements singuliers d'espaces conçus par des enfants dans un contexte associatif. Les intentions de ce projet sont, précisément dans ce cadre, les suivantes :

-  Inspirer des processus créatifs dans les domaines complémentaires de l'Education permanente, de la Culture et de la Jeunesse.
- Intéresser les professionnels de l'éducation et de l'animation à des projets d'aménagement d'espaces, enrichir leurs propositions créatives dans le rapport à l'espace et au patrimoine culturel. 
-  Aborder et mettre en valeur l'importance de l'action locale (intervention sur son environnement)."
 

 

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Le créateur anarchiste Jean Galéani, quelques éléments nouveaux...

      Un lecteur, par ailleurs animateur de deux blogs consacrés à l'histoire et à la généalogie concernant une commune en Vendée, appelée curieusement Le Tablier (située entre La Roche-sur-Yon et Luçon grosso modo), Jean-Pierre Logeais, m'a signalé récemment être tombé sur une autre œuvre du peintre (et sculpteur) anarchiste Jean Galéani, dont ce blog remonte le fil de l'œuvre et de la vie désormais, au gré des trouvailles de ci de là... Il me demandait si cela pourrait être du même auteur.

 

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Portrait de Fernand Planche, par Jean Galeani. Bas-relief en plâtre teinté, 1949, ph J-P. Logeais

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Au verso du bas-relief, l'inscription avec la signature "J.Galéani, Paris - 1949", ph. J-P. Logeais

 

     A la lecture de la signature, identique à celle qu'on trouve sur le tableau "Victoire - Défaite" de 1919 (voir ma note sur le sujet), il n'est pas permis d'en douter. De plus, Galéani était aussi sculpteur, comme on le voit dans l'interview filmée de Pierre Dumayet qu'on peut voir sur ce blog dans ma note du 23-12-2014 ou sur le site de l'INA. M. Logeais me l'a d'ailleurs fait remarquer, dans ce film on aperçoit des bas-reliefs du genre de ce portrait de Fernand Planche (dont M. Logeais donne les dates bornant sa vie: 1900-1974).

     Ce dernier était un anarchiste lui aussi, probablement admiré par Galeani, artisan de la tendance "La synthèse anarchiste" (qui cherchait à unir les différents courants du mouvement libertaire français.) Originaire de la région de Thiers, il a fait l'objet d'une biographie de Georges Therre qu'évoque sur un autre blog (auquel renvoie J-P. Logeais), "Escout'moi voir, webzine du Livradois-Forez", un certain Jean-Luc Gironde. Georges Therre s'appuie sur une documentation fournie par Pierre-Valentin Berthier du Monde Libertaire (Berthier qui connut Planche). Fernand Planche fut (entre autres, car il fit trente-six métiers) coutelier, ce qui n'est pas étonnant à Thiers, patrie du couteau, et ce qui n'est pas pour nous déplaire sur ce Poignard Subtil... Il a écrit une biographie de Louise Michel, ce qui nous alerte si l'on se souvient que Galeani disait avoir été "parrainé" par cette dernière dans sa jeunesse (Louise Michel fit une conférence à Thiers en 1904, un an avant sa mort)... Il a fréquenté de nombreux penseurs anarchistes des années 30 comme entre autres Lacaze-Duthiers que j'ai déjà eu l'occasion de citer ici, ou Voline, l'auteur de la Révolution inconnue consacrée à Nestor Makhno adversaire anarchiste des bolcheviks pendant la Révolution russe.

     Il était affecté d'un strabisme divergent aux deux yeux, perdant la vue sur un œil très rapidement. On le décrit cordial et terriblement désordonné (il tenait une boutique, qui était un véritable capharnaüm, à Billancourt). Après la guerre, il vécut dans le Marais (quartier où habitait aussi Jean Galéani). Il écrivit, et publia notamment un roman sur sa jeunesse à Thiers, Durolle, où il évoque les difficultés de la vie des ouvriers couteliers (un groupe anarchiste à Clermont-Ferrand s'en souviendra en prenant le nom de groupe Fernand Planche). Il finira à 50 ans par aller s'installer en Nouvelle-Calédonie où il s'établira vendeur de coquillages de collection avant d'y mourir d'une crise cardiaque.

      Sur son blog "Varia - Histoire et généalogie", Jean-Pierre Logeais en outre a retrouvé des éléments d'ordre généalogique sur Jean Galeani. J'invite les amateurs à s'y reporter. On y apprend entre autres qu'il était né de père inconnu, seulement reconnu par une mère qui était blanchisseuse, accompagnée de soldats du 87e de ligne de Montpellier le jour de sa déclaration de naissance. La même mère qui épousa six ans plus tard un Galéani, lui aussi soldat (tambour) dans ce même 87e de ligne, qui alors reconnut l'enfant en même temps qu'un second, peut-être un demi-frère de notre Jean. Etait-il le père biologique? Vu la fréquentation de nombreux soldats de ce 87e de ligne, il est permis d'en douter... Que le père de notre peintre anarchiste fut constitué d'une notable partie de l'armée française a pu jouer un rôle non négligeable dans sa détestation ultérieure du militarisme (qu'il dut partager très certainement avec Fernand Planche, lui aussi pacifiste). 

    A suivre? (Fernand Planche avait-il des tableaux de Jean Galeani?) 

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