Arnaud Mahuas, dit "Darnish", colleur et architecte d'images (09/11/2012)
On parle d'art nahuatl mais on ne parle pas d'art mahuas. Et pourtant la tribu existe, résumée à un seul individu, le surnommé Darnish, actif dans le secret d'une grande ville du Far West breton, j'ai nommé Rennes. Ce drôle de Peau-Rouge, natif de Vannes en 1973, ayant grandi à Sainte-Anne-d'Auray dans le Morbihan, travaille bien caché de la circulation, loin des FRAC et autres autoroutes de l'art contemporain, porté par un goût de créer qui visiblement l'occupe comme nous habite le principe germinatif responsable de la pousse de nos cheveux ou de nos ongles. Cela sort de lui comme l'eau du robinet qu'il a choisi depuis l'âge de 12 ans de laisser ouvert.
Collages, architectures miniatures et légères faites d'assemblages de minuscules baguettes de bois récupérées, ruines et brisures d'images logées au fond de bouteilles tels des ex-voto profanes, lavis visionnaires où des silhouettes infimes, collées dans un coin, donnent aux étendues d'encre, abstraites en apparence, la force de s'imposer du seul fait de ces présences dans un coin de la feuille comme des paysages concrets tout au contraire, disques de bois aux compositions savantes, très constructivistes russes du début du siècle précédent, des gravures enfin, ultra stylisées, bricolées dans sa cuisine puis pressées en atelier, tout cela est charrié par Darnish avec un égal bonheur.
Sans titre, paysage avec couple, collage et lavis, vers 2012, 44 x 30 cm
Sans titre, collages et bois insérés dans une bouteille, env. 15 cm, vers 2011
Sans titre, collage et bois dans une bouteille, env. 10 cm, vers 2012
Sans titre, deux autres bouteilles... env 20 cm
Il y a du Schwitters aussi dans ce Darnish, surtout dans ses bouteilles (anciens échos des bouteilles où les marins glissaient des bateaux, du reste Darnish a aussi fait des bateaux, mais dans son système cela devient des bateaux-visages de femmes) où il insère des ruines, ou des amas de débris frêles qui me font penser aux "misérables petits tas de secrets" que cachent paraît-il les hommes (qui a écrit cela? Je sens que l'Aigre de Meaux va nous le rappeler...). C'est comme si on avait mis le Merzbau en bouteille.
Sans titre, une des pièces de la série des bateaux à visage, env. 40 cm de long, vers 2011 ?
Mais ces récipients ne peuvent à eux seuls permettre une telle contention, Darnish dresse vers le ciel ce qu'il fait de meilleur à mon goût, des architectures fragiles où des images, empruntées aux chefs-d'œuvre de l'histoire de l'art comme aux icônes du cinéma dont il est tout autant féru, se retrouvent mêlées dans ces tours de Babel mémorielles où elles prennent figure de kaléidoscopes de souvenirs en miettes échafaudées en désespoir de cause vers les nuages...
Des galeries et autres espaces d'exposition vouées à la promotion de ce qui se fait de mieux dans la création contemporaine feraient bien de s'intéresser d'un peu plus prés à ce jeune homme très sincèrement inspiré. Non?
09:48 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : darnish, architecture, kurt schwitters, merzbau, objets en bouteilles, collages, art singulier, assemblages, tours de babel | Imprimer
Commentaires
«Ce misérable petit tas de secrets», c'est du Malraux qui se la joue philosophe pessimiste. Bof...
Écrit par : L'aigre de mots | 09/11/2012
Je sors de l'Imprimerie, petit lieu à Rennes où on peut voir les images de Darnish
chouette expo !
Écrit par : Citlali | 09/11/2012
C'est effectivement intéressant. J'aimerais voir de visu, in situ, ce "Breizhbau". Et je suis certain que cela tenterait quelques galeristes, comme on dit. Indéniablement ses arrangements et constructions sont ressentis et dépassent le simple procédé de l'installation ou du pêle-mêle. Le choix des regards y est pour beaucoup. Ce serait peut-être intéressant de rapprocher tous ces inventeurs qui s'inspirent ou plutôt sont inspirés par le cinéma.
Jean-Christophe
Écrit par : Jean-Chistophe Belotti | 11/11/2012
Oui, ce serait intéressant... Et plus encore de rassembler tous les créateurs que je distingue aujourd'hui dans la masse des dits "Singuliers", étiquette fourre-tout sous laquelle apparaissent aussi des sortes de surréalistes sans étiquette, des surréalistes inconscients en quelque sorte, des surréalistes spontanés comme j'ai écrit dans le sous-titre de ce blog.
Mais où le faire, et qui s'offrira pour héberger un tel rassemblement?
Écrit par : Le sciapode | 11/11/2012