Arthur Vanabelle n'est plus (05/09/2014)
J'ai appris hier par l'animateur de l'ASMA (association qui voudrait sauvegarder le site) la disparition du faiseur d'avions-girouettes, de tank et de canons anti-aériens de la Base de la Menegatte à Steenwerck dans le Nord le long de l'autoroute Lille-Dunkerque). Des trois frères et soeur (Arthur, César, Agnès) qui gardèrent fidèlement la ferme de la Menegatte après la mort de leurs parents, sans jamais se marier, il ne reste plus désormais que César. Les deux frères étaient récemment partis, fort fatigués, en maison de retraite. La ferme couverte d'avions-girouettes, protégée par des canons faits de matériaux glanés dans la campagne, à la cour envahie par un tank trompe-l'oeil (ce sont des accessoires divers posés à même le sol, pour masquer une fosse à purin, qui font l'illusion d'un vrai char d'assaut), animée par des silhouettes d'officiers de la débâcle de 39-40, qui défila devant la ferme, les Vanabelle étant alors fort jeunes, mais pas oublieux –le souvenir les hanta toute leur vie–, tout cet ensemble va désormais continuer de s'abîmer progressivement, à moins, à moins... Que quoi? Qu'on y crée, comme le voudrait l'ASMA une résidence d'artiste qui permettrait parallèlement de restaurer les artefacts d'Arthur...
Arthur Vanabelle dans sa salle à manger, derrière lui sous le buffet on aperçoit les dessins qu'il produisit durant un bref moment, ph. Bruno Montpied, 2010
La Base de la Menegatte en 1988, au temps de son apogée, dirais-je, ph. BM
Il sera en revanche nettement plus dur de ressusciter le contagieux rire de Vanabelle qui continuait de le secouer jusqu'à ses dernières années. On lui souhaite d'ailleurs d'avoir ainsi fini, dans un grand éclat de rigolade énorme. Je ne peux m'empêcher de penser que ce site d'art brut ou naïf est du reste conçu aux contours de ce rire énorme. Une fois ce dernier disparu, même s'il nous est loisible de l'imaginer encore accroché aux branches des arbres de la Menegatte, tel le sourire du chat de Cheshire de Lewis Carroll, rien ne sera vraiment plus comme avant, et il faudra bien se résoudre à partir chercher la poésie de l'immédiat ailleurs.
00:31 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : arthur vanabelle, asma, base de la menegatte, ferme aux avions, chat du cheshire, lewis caroll, nécrologie des inspirés, habitants-paysagistes naïfs, deuxième guerre mondiale, girouettes, tank | Imprimer
Commentaires
Outre son rire, c'est son regard malicieux et sa joie de vivre dont je me souviens.
Salut l'artiste ! (puisqu'il avait fini par se convaincre de se qualifier ainsi après avoir constaté que ce que faisaient les artistes patentés "n'était pas fameux non plus...")
Écrit par : RR | 05/09/2014
"Il avait fini par se qualifier ainsi"... Euh, à mon avis tu vas un peu vite en besogne, cher camarade réalisateur de "Bricoleurs de paradis". Comme pas mal de trucs qu'il nous balançait, c'était du recyclage de propos tenus à son propos.
Je me méfie de l'usage récupérateur qui peut être fait d'un tel qualificatif chez les défenseurs à tout crin de l'art vu comme la propriété d'une caste séparée des hommes du commun. S'il prononce ces mots dans le film c'est aussi, comme tu le soulignes du reste dans le commentaire ci-dessus, à comprendre dans une sorte de contrepied vis-à-vis des artistes professionnels. Et ce contrepied à coloration involontairement dadaïste est révolutionnaire dans l'usage social de l'art, ce que l'on a voulu mettre en exergue dans notre film, non?
Écrit par : Le sciapode | 05/09/2014
Bien sûr que c'était du recyclage de propos tenus à son endroit et bien sûr également que c'était une sorte de contrepied vis-à-vis des artistes patentés.
C'est la manière de l'exprimer toute entière contenue dans sa formulation que je trouve intéressante car il ne dit pas: "ce que je fais est aussi bien ou intéressant que ce qu'ils font", ce qui ne serait que répéter banalement un propos entendu, mais plutôt: "eux ne font pas mieux que ce que je fais" c'est à dire qu'il ne comparait pas sa création aux travaux de ces artistes mais il comparait les travaux de ces derniers à ce que lui faisait, ce qui est un renversement complet (et bien sûr également involontaire) des références et raisonnements admis.
Écrit par : RR | 05/09/2014
attristé et heureux por lui car il aura laissé une trace en passant devant ce lieu enfant "qu'on allait a la mer" l'imaginaire et l'inquiétude surtout pour des enfants de la guerre comme nous....tous les artistes sont toujours en danger peut etre plus maintenant mais chaque époque a ignorée je pense qu'il était libre le plus important en fait je ne sais?alors salut l'artiste et bonne route a toi attends nous ..........roger Ernest JANKOW artist
Écrit par : roger ernest jankow | 05/09/2014
C'est en passant par hasard devant sa maison que j'ai découvert le poignard subtil et que je me suis re-intérèssé au petit monde de l'art brut et des environnement, merci Bruno de m'avoir aiguillé à l'époque.
Écrit par : Cosmo | 06/09/2014