Alain-Michel, disparu à la fin de l'été (20/09/2015)
“Il se produisait cette chose étrange : plus il utilisait cet appareil photographique, plus il lui semblait que les lieux de ses promenades quotidiennes perdaient petit à petit de leur réalité.
Il oubliait d’abord le nom des rues qu’il arpentait depuis toujours ; puis c’était jusqu’à la mémoire du nombre de fois qu’il les avait empruntées, de la partie de la ville dans lesquelles elles se trouvaient…
Un beau jour d’automne, se présenta à ses yeux une composition sortant de l’ordinaire, digne d’une de ces photographies dont on parlait.
Alors qu’il avait préparé un cadre minutieux sur un monument célèbre baigné d’une lumière rasante, des personnages firent irruption sur cette scène fugitive.
L’homme, en fauteuil roulant jouait de la trompette tandis qu’une petite fille dansait à ses côtés.
Leurs ombres, parfaites, s’étiraient jusqu’à se perdre dans une rangée de statues à l’orée du grand parc.
Une calèche s’éloignait lentement.
Ebloui, il captura l’instant, ou il lui parut qu’il l’avait capturé.
Toutes affaires cessantes, il porta la pellicule au laboratoire à côté de chez lui, et attendit avec impatience le jour fixé pour la restitution.”
(Journal d’un auteur-photographe)
Alain-Michel Boley (extrait de son blog Bolerophoto)
Rhapsodie, photographie d'Alain-Michel Boley
Alain-Michel Boley était une sorte de dandy vêtu à la diable que je verrai pour toujours sur un vieux biclou sillonnant fantasquement les rues de Paris, musardant le nez au vent, éternel (tu parles) flâneur, mon frère de ce point de vue... Il a fait partie des poètes que j'ai publiés dans mon ancien fanzine La Chambre Rouge n°4/5 en 1985. Il écrivait un peu à l'époque, et il avait commencé à faire des photos, activité qu'il intensifia dans la suite des années, après un épisode pictural aussi.
Deux pages consacrées à une intervention d'Alain-Michel Boley dans La Chambre Rouge n°4/5, 1985
Ses blogs en témoignaient, accueillant parfois de belles réussites, comme sa série "sans autofocus" sur son blog Bolerophoto, belles selon mon goût bien entendu.
Il vient de partir discrètement comme il a vécu, le 17 septembre 2015. Emportant avec lui un regard qui, en dépit du peu de réalité des lieux qu'il constatait fatalement au fur et à mesure qu'il les photographiait, apportait une reconstruction légère et poétique d'un monde qui plus que jamais en avait bien besoin.
00:05 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : alain-michel boley, photographie poétique, bolerophoto, dandysme, flânerie, la vie est un songe | Imprimer
Commentaires
Il y a sur son blog Bolerophoto de très belles photos ailleurs aussi que dans cette série "sans autofocus".
Vous avez raison, cher Sciapode, de parler de dandy.
C'était aussi un hyper-sensible, dont le regard agissait sur le monde comme le révélateur sur ce papier photo qu'il savait faire jouir à merveille (il n'y a pas de coquille).
Il avait un besoin vital que le monde soit poétique, et il arrivait à saisir sa poésie, ou à la construire.
Et puis il allait au bout de son choix de vivre en poète.
Écrit par : Régis Gayraud | 20/09/2015
Oui, mais pourquoi avons-nous attendu qu'il ne soit plus là pour lui dire tout cela?
Écrit par : Le sciapode | 20/09/2015
Une belle découverte. Merci.
Écrit par : Laurent | 22/09/2015