Après le Gazouillis (3) : Sottise et jalousie concentrées à Saint-Berthevin, la haie de Guy Souhard éradiquée du paysage (26/10/2018)
La haie taillée de Guy S. – c'est ainsi que je le nommais dans la notice que je lui ai consacrée dans mon inventaire du Gazouillis des éléphants, sans donner le patronyme complet, car je ne l'avais pas visité et n'avais donc aucun renseignement sur sa volonté ou non de voir figurer son nom en toutes lettres dans une publication – était un petit chef-d'œuvre d'art topiaire, situé apparemment dans un ensemble de villas de type classique, telles qu'on en voit dans les lotissements de si nombreuses périphéries urbaines (mon livre en propose d'autres exemples, à Remémont par exemple, dans les Vosges, en Lorraine). J'avais fait seulement une visite virtuelle, Google street aidant, et il me semblait que l'endroit, dans la commune de Saint-Berthevin, en Mayenne, méritait ce genre de création décorative pour égayer quelque peu l'ambiance générale, passablement aseptisée et monotone...
Google street, capture en juin 2015.
Photo de la même, par Michel Leroux en avril 2015.
L'auteur commente – hélas, c'est muet –, auprès de ses visiteurs ce qui ressemble à un arbre à l'imposante ramure abritant deux chaises, taillée en relief – à moins que ce ne soit un champignon géant? ; ph. Michel Leroux, avril 2015.
Google street, capture en juin 2015.
Et puis il m'apparut que l'auteur de cette haie laissait son patronyme circuler dans les quotidiens régionaux, et donc que je pouvais comme tout le monde l'appeler par son nom, Guy Souhard. Voici ce qu'il déclarait dans un ancien article d'Ouest-France (du 10 août 2016) : "Lorsque je commence, il me faut 45 heures de travail pour sculpter cette haie d'une longueur de 35 m, tout à la main, sans engin motorisé. Bien sûr, je répartis le travail sur plusieurs jours." A cette date, il était indiqué que les thuyas composant sa haie étaient plantés depuis 45 ans mais que cela ne faisait que 15 ans qu'il la taillait figurativement.
Une lectrice de mon livre et de ce blog, Josiane Burzholz, m'adressa un peu plus tard, des photos qu'elle avait prises en mars de cette année. Guy Souhard avait relevé d'un cran son ambition esthétique, il avait rehaussé ses sculptures végétales de traits de peinture!
La haie peinte de Guy Souhard, © ph. Josiane Burzholz, mars 2018.
Détail de la haie peinte ; on notera qu'un éléphant y gazouillait, ici aussi... ; © Josiane Burzholz, mars 2018.
Certes, ce soulignement coloré pouvait paraître discutable, car personnellement, je trouvais que la haie nue, avec ces fantômes de formes, dinosaure, allusion à Armstrong et à la chienne Laïka perdue dans un vol spatial par les Soviétiques (thème qui a aussi marqué Euclides Ferreira da Costa dans sa "Maison Bleue" à Dives-sur-Mer dans le Calvados, comme on s'en souviendra), symboles de jeu de cartes, silhouette de baleine, cœur, etc., se suffisait à elle-même dans sa pureté topiaire de départ. Mais cela plaisait à d'autres (Michel Leroux, bon connaisseur des environnements, m'a fait remarquer, à juste raison, qu'il ne connaît pas d'autres haies de ce genre, à savoir avec de la peinture dessus)...
Las! Patatras... Et fatalitas... Voilà-t-y pas qu'un groupement de riverains a paru s'émouvoir de cette création pas comme les autres. Excipant du PLU (Plan Local d'Urbanisme), arguant (y a du ARGH dans "arguant" et, aussi, de la hargne presque) que la haie était trop haute (je vous demande un peu) et qu'elle débordait sur le trottoir (tu parles, les haies qui débordent ça manque pas, et qu'est-ce que ça peut faire, l'arrêt de bus limitrophe n'était tout de même pas dévoré par la haie... Dommage, du reste, on aurait enfin un peu rigolé à St-Berthevin...), ils ont réussi à faire imposer à notre sculpteur sur végétal de 86 ans qu'il arrache sa haie amoureusement taillée.... On ne peut pas être plus mesquin, d'esprit étroit, et jaloux que ces Berthevinois-là. Non? Il paraît que sur Facebook des internautes s'émeuvent et protestent. Moi, je ne m'affilie pas à ce fesse-bouc-là, mais vous êtes libres d'y aller, chers lecteurs. Et de vous indigner, comme disait l'autre...
Guy Souhard annonce dans Ouest-France qu'il va entreprendre la construction d'une autre clôture, en métal cette fois, autre matériau qu'il apprécie, puisqu'il a aussi réalisé divers sujets en aluminium dans son jardin. Ah, Monsieur Souhard, vous êtes un vrai Edouard aux mains d'argent...
Article de Johan Bescond paru dans Ouest-France ces temps-ci...
15:34 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : environnements populaires spontanés, guy souhard, st-berthevin, art topiaire, plan local d'urbanisme, laïka, vandalisme légal | Imprimer
Commentaires
superbe haie
vraiment sympa
Écrit par : x | 26/10/2018
Il suffit d'aller sur le site internet de la mairie de Saint-Berthevin ( http://www.saint-berthevin.fr/ ) et de regarder les photos qui composent le diaporama qui sert de bandeau-titre dudit site pour voir de quel genre "d'urbanisme" sont fiers les édiles de ce bled : hideux hangars d'une de ces abominables zones d'activité qui dévorent les terrains des entrées de ville, immonde extension architecturale prétentieuse de la mairie. Comment pouvait-on imaginer que le maire de cette commune prenne la défense de son vieil administré face aux dénonciateurs jaloux?
Écrit par : Isabelle Molitor | 26/10/2018
Qu'est-ce qu'une telle haie pouvait ôter à ces "dénonciateurs" ? La différence gène toujours semble-t-il à St Berthevin ; les tenants de la mairie ne doivent pas fréquenter le Musée d'Art Naïf de Laval pourtant si proche ; je préfère la haie sans les couleurs ; bon, à la description de l'urbanisme faite plus haut avec laquelle je suis d'accord, j'ajoute cependant un bémol : il y a dans cette ville un camping municipal très sympa dans un décor très vert.
Écrit par : Dani KERSAUDY | 03/11/2018
Cette triste histoire me fait penser à un passage du film Les Valseuses...Depardieu et Dewaere sont pris à partie par des habitants d'une zone pavillonnaire.
"si tu leur faisais une bonne coupe de cheveux à ces zazous!" crie un habitant de sa fenêtre.
Et Depardieu de répondre "ya pas d'erreur possible, on est bien en France"...
Écrit par : Darnish | 04/11/2018