Im Lagerhaus, l'autre musée d'art brut en Suisse (05/06/2007)
A feuilleter l'innombrable documentation sur l'art brut, on tombe parfois sur la mention du "Museum Im Lagerhaus" à Saint-Gall (St-Gallen en Suisse alémanique), spécialisé, ultra-spécialisé même, dans l'art brut et naïf suisse, uniquement suisse. Et pour corser le tout, ses deux animateurs principaux, Simone Schaufelberger-Breguet et Pierre Schaufelberger, lorsqu'on leur demande de préciser, ajoutent: oui, suisse et même de Suisse orientale...
Nulle trace de chauvinisme derrière une telle spécialisation, comme je l'avais redouté en allant me promener à St-Gall récemment. Simplement, un désir de mieux faire connaître une région méconnue à la fois sur le plan artistique et sur le plan géographique.
Un autre des amis du musée, Peter Killer (j'adorerais m'appeler ainsi...), dans Le Säntis, montagne magique (publié dans le catalogue "Oh la vache", Art naïf suisse né autour de la montagne magique du Säntis, expo à la Halle Saint-Pierre en 1997 qui était entièrement pilotée par les animateurs du musée Im Lagerhaus) souligne qu'en Suisse l'art populaire singulier se rencontre avant tout dans deux zones "bien délimitées", dans la zone ouest et dans la zone est. Rien au nord et au sud, donc...
Ca tombe bien, il y avait déjà un musée d'art brut à l'ouest, celui de Lausanne pour ceux qui l'auraient oublié, il en fallait donc un à l'est et c'est à Saint-Gall qu'il est né voici déjà 19 ans... Non loin du massif de l'Alpstein que domine la montagne effectivement magique du Säntis (notre photo ci-dessus). Cependant, petite, ou grosse, différence avec Lausanne, on n'y montre pas seulement de l'"art brut". Les animateurs d'Im Lagerhaus (au fait, ça veut dire quelque chose comme "l'Entrepôt") se passionnent tout autant pour l'art brut (ils ont défendu Hans Krüzi ou Aloïs Wey par exemple) que pour les peintres paysans naïfs, voire naïfs-bruts, de l'Appenzell-Toggenburg (car c'est incroyable le nombre de générations de créateurs qui se sont succédées autour de cette fameuse montagne; on ne peut guère comparer ce genre de phénomène qu'à des pays comme Haïti où des dizaines de créateurs autodidactes se sont manifestés au fil du siècle; pourtant Haïti et la Suisse, le vaudou ou la vache, la pauvreté et la richesse, qu'est-ce qui les unit? Un seul trait commun peut-être, une certaine idée de la sauvagerie, les cérémonies vaudou et le rite des Sylvester Klaüse, les Hommes sauvages d'Urnasch, au pied du Säntis encore et toujours...). Ils aiment aussi ce qu'ils appellent, à la manière anglo-saxonne, les "Outsiders" (Ignacio Carles-Tolra par exemple). Ils laissent leur compas d'appréciation (un autre outil aussi utile qu'un poignard subtil) grand ouvert.
Lors de ma visite ultra courte (deux heures de temps), avec la chance de tomber sur les deux animateurs du musée qui préparaient leur nouvelle exposition (sur des créateurs d'instruments de musique faits à partir de matériaux de récupération, Max Goldinger, Gottfried Röthlisberger et autres), je suis allé de découverte en découverte. Avez-vous entendu parler de Pya Hug?
Connaissez-vous Ulrich Bleiker? Aloïs K.Hüllrigl? Et John Elsas (formidable, John Elsas)? Et Maria Török? Tous ces créateurs, je ne sais où je dois les ranger, je n'ai vu d'eux que leurs oeuvres accrochées dans la collection permanente, ou bien seulement en illustrations dans des livres (il y a une petite librairie extrêmement bien fournie) sans rien comprendre du contexte sociologique de leur création. Mais ce que j'ai vu m'a exceptionnellement intrigué, me donnant l'envie d'en apprendre plus. La langue allemande est l'obstacle à l'amplification de la découverte, mais grâce aux deux animateurs de l'endroit, Pierre et Simone Schaufelberger, qui ont eu le courage et la générosité d'apprendre à parler un excellent français, on doit espérer que les ponts resteront jetés entre l'est et l'ouest. Je n'ai pas encore dit à quel point ces deux personnes m'ont laissé une grande impression de culture, de savoir-faire, de passion désintéressée pour ceux qu'ils rassemblent et tentent magnifiquement de faire connaître... Eh bien, c'est chose faite.
A l'avenir, j'espère pouvoir revenir plus au large sur les créateurs ci-dessus mentionnés.
Les photos de cette note sont dues à B.Montpied sauf celle de Pya Hug qui a été extraite par nos soins de la monographie Das wunderbare Universum von Pya Hug écrite par Simone Schaufelberger (sans date), disponible au musée "Im Lagerhaus" (pour les contacts, cliquer sur le lien surligné en bleu au début de la note).
14:10 | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : art brut, im lagerhaus, schaufelberger | Imprimer
Commentaires
Désolé d'innover les commentaires ainsi (vous pourrez le jeter sans honte), dans ce joli texte des alpages, si purs, une scorie s'est glissée: "qui se sont succédées". Hélas, visitez non plus la Suisse orientale, mais ce bon vieux belge de Grévisse (chez Duculot, bien nommé ici !), au §796... se succéder est invariable dans tous les cas... Ceci dit, si chacun s'y mettait, l'Académie finirait bien par suivre... dans 4/5 siècles, peut-être, ce qui est aujourd'hui fautif deviendra la norme du vieux patois franchouillard.
Écrit par : L'anti-homme au Bob, avec B comme Bernard. | 07/06/2007
Nul n'est parfait, vous m'en administrez la preuve. C'était sans doute ce que vous vouliez que je vous rétorque?
L'H.a.b. (itant du Poignard)
Écrit par : L'Homme au bob | 07/06/2007
Non, pas spécialement... Je souhaitais étrenner votre blog et je l'espère encore vous porter chance, comme le dit cette antique prière des marchands poitevins (et d'ailleurs):
"Bénie-soit la main qui m'étrenne !" Hélas, la mémoire collective s'estompe dans les relations humaines, et la "bénédiction" n'a pas été administrée.
Écrit par : Llorenç | 08/06/2007
Cher Hab,
Ce blog est le symbole du hub qu'est l'homme au bob, qu'on prend souvent à tort pour un spécialiste quand il est un curieux de tout, et quand je dis "de tout", c'est que je me limite. L'homme au bob est aussi l'amateur de musiques rares et mélancoliques dont j'espère que, technique aidant, son blog, bien tôt, nous abreuvera. Que la technique progresse pour qu'elle nous donne aussi l'odeur musquée de sa chambre! Qu'aille le blog, foc sous le vent!
Mais revenons à des choses moins sérieuses. reçu ce matin des Musées de Bordeaux, généralement moins olé olé, le carton d'invitation au vernissage de l'exposition de ses nouvelles acquisitions. Avec un beau Maisonneuve (bien reproduit). A Bègles Mamère, Chirac à Branly, Juppé n'a pas voulu rester en rade. Il ferait bon savoir s'il y a d'autres choses du même acabit dans ces nouvelles acquisitions, et je propose à l'homme au bob, la prochaine fois qu'il ira se pacser à Bègles avec la création franche, de passer voir de près ce masque de coquillages et peut-être d'autres.
Amitiés,
Régis
Écrit par : Régis Gayraud | 09/06/2007
Merci Régis de vos informations, et excusez le vouvoiement qui me paraît plus adapté au style des blogs.
Je n'ai rien contre le fait que vous nous transmettiez d'autres découvertes dénicheuses (dénichons, dénichons) dont vous avez le secret.
Vos phrases sont parfois redoutables. A certains moments, on pourrait les entendre aussi ainsi: "Qu'AIL le blog, fuck sous le vent!", et cela devient atrocement vulgaire... Mais avec vos odeurs musquées, on sent bien que vous glisseriez facilement sur ce genre de pente.
Cordialement.
Écrit par : Le Sciapode | 09/06/2007
L'anti-homme au bob n'a pas tort de traquer les fautes d'orthographe,
surtout lorsqu'elles escagassent les accords, semés de merveilleuses
chausse-trapes, des verbes pronominaux. Mais il convient alors, sous
peine d'être attendu au tournant par plus pointilleux, pinailleur,
voire obsessionnel que soi, de se montrer irréprochable et, en
conséquence, de ne point affubler le divin Grevisse, sur sa première
syllabe, d'un accent aigu aussi irritant qu'un épi rebelle sur une
chevelure coupée au bol...
Joël Gayraud
Écrit par : Joël Gayraud | 11/06/2007