Du CrAB et des environnements spontanés (03/03/2012)
(Cette note a reçu deux mises à jour)
Deux membres du CrAB (Centre de recherche autour de l'Art Brut), Roberta Trapani et Déborah Couette, paraissent s'intéresser aux environnements des autodidactes, populaires (Fouré, Cheval, Picassiette, Litnianski, Taugourdeau, Chatelain, etc.), ou non, sans opérer de distinction avec les créateurs de sites plus "artistes" (ce qui n'est pas ma tasse de thé, comme je l'ai déjà plusieurs fois exprimé). A l'occasion en effet elles paraissent mettre l'accent aussi sur des sites d'artistes alternatifs (tels Jean Linard, ou Robert Tatin, ou Warminski, ou Chomo, etc.), ce qui pourrait avoir un sens si ces artistes alternatifs étaient présentés nettement à part (sans délirer non plus outre mesure sur leurs talents respectifs).
Que veulent-elles faire exactement, c'est peut-être – avant de les juger trop vite (faut dire, commencer par la défense du site de Jean Linard, ce ne serait pas le plus fascinant des choix, ça a un petit goût contre-culture résurgente qui peut donner l'impression qu'on veut ressusciter ces vieux babas-cools des années 70 qui furent aussi en même temps des récupérateurs du vrai art inspiré des bord des routes, créé lui par des gens infiniment plus modestes et infiniment moins m'as-tu-vu)– c'est le moment d'aller les écouter quand elles vont se présenter, en compagnie de Vincent Capt qui s'intéresse surtout par ailleurs aux écrits bruts et autres, dans le cadre de l'expo Marcel Storr, au Pavillon Carré de Baudouin, le jeudi 8 mars prochain, à 15h (oui, c'est pas un horaire pour ceusses qui ont des obligations salariées, ça, on n'a visiblement pas songé à eux...). Voici ci-dessous quelques précisions ultimes transmises par le service communication de la Mairie du XXe ardt:
"Murs, (an)architectures et villes utopiques
Carte blanche au CrAB pour une série d'interventions sur l’art brut et l'architecture fantastique animée par Laurent Danchin:
-Vincent Capt (Université de Lausanne/Université Paris VIII) analysera différents types de murs transfigurés par l’utilisation de diverses écritures.
-Déborah Couette (Université Paris I) abordera des œuvres picturales d’art brut qui figurent des architectures et des utopies urbanistiques.
-Roberta Trapani (Université de Palerme/Université Paris X) évoquera des œuvres monumentales - installations ou architectures insolites réalisées par des autodidactes excentriques - en présentant un projet italien inédit sur l'art spontané in situ, Bâtisseurs de Babel de l’anthropologue Gabriele Mina.
Pour finir, le collectif présentera L'invention rustique, documentaire réalisé en décembre 2011 par Jean-Michel Chesné, collectionneur de cartes postales d’anciens environnements insolites."
Pavillon Carré de Baudouin, 121 rue de Ménilmontant, 75020, Paris.
Tél. 01 58 53 55 40. Accès : M° Gambetta (Lignes 3 et 3 Bis) ou bus 26 et 96 (Arrêt Pyrénées/Ménilmontant). Horaires d’ouverture au public : du mardi au samedi de 11h à 18h (sauf jours fériés).
(ENTRÉE LIBRE dans la limite des places disponibles)
12:10 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : crab, environnements spontanés, roberta trapani, vincent capt, déborah couette, pavillon carré de baudouin, architectures et écritures folles | Imprimer
Commentaires
Salut Bruno,
Merci pour l'info.
Je précise juste quelques éléments, à titre personnel et non en qualité de membre du CrAB.
Roberta Trapani et Déborah Couette ne semblent pas s'intéresser aux environnements. Elles s'y intéressent, pleinement et consciemment. Roberta Trapani depuis déjà plusieurs années se déplace dans tout l'hexagone et dans sa botte italienne pour voir, admirer, comparer et réfléchir à ces ouvrages étonnants de par leur diversité. Sa passion est admirable. Elle suit en cela les traces de ses brillants - ou ternes - prédécesseurs. Dans le cadre du CrAB (qui est un "collectif de réflexion autour de l'art brut", et qui n'est pas un "centre", restons plus modeste comme disait l'autre), et de son séminaire qui se déroule à l'Inha tous les deux mois, auquel tu as eu la gentillesse de collaborer, Roberta produit un véritable travail de réflexion autour de ces notions. Ce qui - c'est mon avis personnel - me semble très intéressant dans son travail, c'est qu'elle tend à dépasser les habituelles tentatives de taxinomie qui ont trait à l'appréhension que l'on a des productions apparentées à l'art brut. Oiseuses réflexions que ces dernières, à mon sens. Ceci me semble fort fécond, notamment dans le champ d'une véritable critique de ce qu'est l'architecture aujourd'hui. Elle prolonge tout en les dépassant certains des excellents textes que toi et d'autres ont écrits, il y a quelques années (par exemple, je pense parmi bien d'autres à ton article sur Martial Besse, Création Franche, n°4). Roberta avait ainsi produit une réflexion fort stimulante lors de la journée d'étude mise en place par Déborah Couette et le CrAB à la Fabuloserie en octobre dernier, dans le cadre des activités du collectif qui, comme tu le sais, ne chôme pas et travaille. Je pense que tu peux faire confiance à Roberta et Déborah, à leur passion et à leur intelligence.
Quant à Vincent Capt - lui aussi membre du CrAB - il travaille, effectivement et entre autres, sur les écrits asilaires et leur(s) statut(s). Son ouvrage intitulé "ECRIVAINER La langue morcelée de Samuel Daiber", va paraître tout début mars aux éditions Infolio, en collaboration avec la Collection de l'Art Brut, de laquelle il a écumé les archives. Il soutient une thèse de doctorat sur ce sujet au mois de mai prochain à l'Université Paris 8. On est impatient de voir le résultat de son colossal travail. D'ici à penser que son activité universitaire de linguiste ne lui permette pas de s'intéresser à d'autres problématiques, liées ou non à l'art brut, il est un pas que je suis sûr tu ne franchiras pas. Le cloisonnement est une insulte à l'intelligence, et l'art brut est - à la suite de l'informe bataillien que tu connais - un outil de déclassement qui permet de penser le monde. Evitons les raccourcis.
Un dernier mot quant aux salariés. Nous sommes, comme à l'habitude, bien embêtés pour ceux d'entre eux qui ne pourront suivre cette conférence alors qu'ils le désirent (certains membres du collectif sont d'ailleurs retenus par leur travail ce jour-là). La conclusion de ton libellé pourrait faire penser aux lecteurs de ton billet que les membres du CrAB sont de jeunes privilégiés qui n'ont cure du monde du travail. Sache que nous sommes - jeunes chercheurs de l'université française - des précaires. Nous travaillons pour certains d'entre nous - c'est mon cas - sans contrat, sans couverture aucune, et à des payes misérables dans le cadre pourtant prestigieux d'institutions sérieuses et respectables. Le volume de nos travaux de recherche - tout aussi bénévole que le tien, et qui s'inscrivent dans le champ de l'université, ce qui ne va pas sans la pression associée à une grande exigence de rigueur - ne pourrait souffrir d'une disqualification menée par l'ignorance entretenue de sa réalité et l'anti-intellectualisme : des préjugés qui sévissent dans certaines arcanes et qui font que la génération des chercheurs âges de 20 à 40 ans est une génération qui trime, pour peu de connaissance et de reconnaissance, alors qu'elle produit une réflexion riche et diversifiée. Aussi notre conscience des salariés est - plus que ton billet ne le laisserait supposer - extrêmement aiguisée. Car nous sommes des travailleurs, tout simplement.
Tout comme Armand, la polémique ne m'intéresse pas, je cherche juste à clarifier certains points d'ombre. Continuons d'être passionnés, et travaillons dans l'intelligence. N'oublions pas que le poignard subtil a deux faces comme l'indique le fantastique incipit de ton blog, et qu'il s'agit de se servir de la bonne, "si tu l'accompagnes avec ton esprit".
Au plaisir de te voir au Carré Baudouin le 8 mars, si tu le peux, ainsi qu'au prochain séminaire le 7 avril prochain à l'Inha. Il ne s'agira pas de "juger trop vite" comme tu l'annonces, mais de bien savoir de quoi il retourne.
Amitiés.
Baptiste Brun
Écrit par : Baptiste Brun | 17/02/2012
Qui sont donc "les ternes prédécesseurs" de Mlles Trapani et Couette, cher Baptiste? Une petite attaque "ad hominem" ne fait parfois pas de mal selon moi, et en l'occurrence nous éclairerait davantage sur ton opinion vis-à-vis des uns et des autres dont on doit comprendre que tu ne les considères pas pour des valeurs établies (et pour quelles raisons, hein? Oseras-tu enfin nous le dire?).
C'est comme ta répudiation de la polémique -bien dans l'air de ce temps qui se veut détaché de tout, jamais dupe, toujours au-dessus des partis-pris, et finalement assez peu franc-...
Qui refuse la polémique en est souvent réduit à l'insinuation. Y gagne-t-on vraiment?
Ca me fait penser à ta vision du poignard de Philip Pullman. Tu veux y voir un côté ombreux. Mais l'autre lame, qui ne coupe pas les brèches entre les espaces-temps, est simplement une lame qui tranche, en particulier de temps à autre dans le vif. C'est ce que j'aime en elle.
Nul besoin de voir en elle, de façon très manichéenne -ce qui serait par-dessus le marché faire un beau contresens en ce qui concerne Pullman qui dépasse ce genre de plate antinomie, entre bien et mal- de voir donc ici un quelconque "côté obscur de la force", tu te tromperais de fantasy (j'ai peu de goût du reste pour la fantasy du type space opera ou fantasy baston)...
J'essaye donc très consciemment de me servir des deux tranchants du poignard.
A propos de taxinomie, je me demande si tu ne confonds pas avec taxidermie.
Je demande un distingo entre créateurs ingénus de culture populaire et artistes alternatifs parce qu'il y va d'une différence d'inspiration assez nette, il me semble, et d'une terrible différence d'attitude à l'égard de l'usage et de la pensée de la création artistique. Les premiers font de l'art sans qu'on ait pour autant des artistes. Les seconds font les artistes sans qu'on ait pour autant de l'art!
C'est le genre de distinction qui nécessite qu'on fasse un peu de rangement... Et donc je veux bien qu'on me taxe à cette aune de taxinomiste.
Je me demande si cette critique ne cacherait pas de ta part un besoin sous-jacent, à terme, de mélanger tout dans une tambouille confuse, afin de caser dans la marmite de ton expertise homologante tout un tas d'artistes singuliers de centième zone, genre de ce qui se montre dans les piscines du côté de Lyon?
A propos de Vincent Capt, où as-tu vu que je lui déniais la possibilité de s'intéresser aussi aux architectures? Je n'avais pas spécialement fait attention au fait qu'il avait une formation de linguiste. Je ne faisais dans ma note que pointer sa présence afin de renseigner mes lecteurs sur cette intéressante causerie à venir.
Dont je me suis borné à relever l'étrange horaire, sans insinuer, comme tu fais mine de le penser que c'était imputable spécialement au CrAB. 15h, c'est -objectivement- un peu "chiant" comme horaire, en pleine semaine.
Cela dit, merci de ton commentaire de type assez massif qui nous permet ainsi de dialoguer devant tous ceux que cela intéresserait (Armand va avoir encore des boutons, je m'en excuse par avance auprès de lui, mais moi je pense un peu plus, à propos de polémique, comme L'aigre de mots).
Écrit par : Le sciapode | 22/02/2012