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26/03/2021

Rêve de Darnish, le 20 mars 2021

 
 
Rêve raconté dans un mail à Bruno Montpied
 
 
     J'étais en Bretagne, au bord de la mer quelque part du côté de la pointe finistérienne. La mer était forte malgré un temps radieux. L'océan étincelait sous le soleil et on apercevait des vagues qui déferlaient un peu partout, de vraies vagues pour le surf. Justement il y avait des surfeurs, pas mal de surfeurs, regroupés sur les différents "spots". 
      En explorant un peu – j'étais alors en haut d'une falaise –, je devinais un autre "spot", plus caché, dans une crique. Il y avait là aussi quelques surfeurs dont un qui glissait sur une vague juste au moment où j'arrivais. L'eau était limpide, on voyait le fond rocheux et je me disais qu'en cas de chute, le surfeur heurterait à coup sûr le fond. J'apprenais que ce "spot" fonctionnait très rarement, que la mer ne se retirait presque jamais suffisamment pour permettre à quiconque d'y accéder.
     Le surfeur qui glissait à l'instant nageait maintenant sous l'eau, à peine sous l'eau, car il n'y avait pas plus d'un mètre de fond. En nageant, il attrapait un objet qui traînait là. Je m'étonnais de deviner une forme de corps dans cet objet et mon impression se confirmait. Il s'agissait d'une espèce de Pinocchio en plastique sans bras, un peu comme ceux qu'on voit sur les manèges des années 70. 
    Je reconnaissais alors une sculpture d'un environnement dont tu m'avais montré une photo. Sur cette photo, on voyait un environnement dans une grotte, je savais que tu ne connaissais pas sa localisation, ni s'il était encore en place. Un environnement mystérieux.
    Alors, je balayais du regard le paysage en contrebas de la falaise sur laquelle je me trouvais et découvrais, stupéfait, la quasi totalité des sculptures de la photo, échouées sur les rochers de la crique. Je m'empressais de descendre les récupérer. Il y avait un éléphant, un peu du genre "manège" aussi, un personnage moustachu fait en balais (comme celui qui faisait "tournicoti, tournicota"), une petite girafe bariolée en carton, et d'autres dont je ne me souviens pas. Je les chargeais dans le coffre de ma voiture, aidé par mon beau-frère et quelques enfants. Je me disais que c'était une façon de les sauver, qu'elles avaient dérivé depuis leur grotte et que, si je les laissais là, elles allaient être perdues à jamais. C'était déjà un miracle de les trouver regroupées dans cette crique.
 

Illustration pour un rêve de mars 21.JPG

Dessin de Darnish illustrant son rêve, mars 2021.

 
    En remontant, Vanessa t'envoyait une photo de nos trouvailles. Le tout était, malgré la mer, en parfait état... Tu nous répondais immédiatement en disant que tu arrivais de suite. Une fois sur place, tu semblais à la fois peu intéressé et complètement emballé...

06/03/2021

Chouchan à la Fabuloserie-Paris

     "Le Printemps de Chouchan", tel est le titre choisi par Sophie Bourbonnais et Marek Mlodecki pour leur nouvelle exposition dans la galerie parisienne de la Fabuloserie, à partir du 3 mars, prévue pour durer jusqu'au 3 avril 2021 (au départ, elle aurait dû se tenir de début novembre à fin décembre 2020, la pandémie a repoussé les dates).

Chouchan 3 (Frise).jpg

Une peinture de Chouchan, extraite du catalogue de l'expo.

 

     Chouchan Kebadian (1911, née à Yozgat, en Arménie - décédée en 1995 à Montreuil-sous-Bois, en France) est une peintre autodidacte qui s'essaya à la peinture et au dessin (le dessin en fait avant la peinture) à partir de ses 73 ans. C'est une de ses jumelles (elle eut quatre enfants, dont le réalisateur de documentaire, Jacques Kébadian qui est quelque peu à l'origine de cette expo), Aïda Kébadian¹, qui, elle-même artiste spontanée (elle exposa à l'Atelier Jacob en 1975, ce qui ne fut sans doute pas pour rien dans l'idée de stimuler sa mère), lui suggéra de s'essayer à l'art en lui mettant entre les mains, vers 1984, des tubes de gouache, des crayons de couleur, un cahier à spirale, une pochette de feuilles Canson, afin de dépasser l'ennui que sa mère ressentait dans les années qui suivirent la perte, en 1972, de son mari Khoren. Sa famille fut surprise de découvrir à quel point elle se jeta dès lors à corps perdu dans la peinture .

Peinture avec personnage rouge.jpg

Chouchan.

 

     On pense à d'autres exemples de personnes âgées venues comme elle à l'art sur le tard, tels M'an Jeanne dans l'Yonne, ou le Catalan Anselme Bois-Vives, lui aussi poussé à peindre par son fils artiste en Savoie, Joseph Barbiero, sculpteur et dessinateur à Clermont-Ferrand, Gaston Mouly dans le Lot, et plus généralement tous ces créateurs d'environnements qui, une fois arrivés à l'âge de la retraite, se prirent de passion pour la recréation de leur environnement immédiat (voir l'inventaire que j'en ai dressé dans mon livre Le Gazouillis des éléphants). Elle produisit d'abord des dessins, où le trait domine (ce que je préfère personnellement dans sa production), puis des peintures, et ce, pendant une grosse dizaine d'années.

      Jacques Kébadian, dans le catalogue qu'a édité la Fabuloserie, écrit ceci: "Ma mère pensait qu'on allait se moquer d'elle, elle s'excusait  presque de ne pas savoir "faire ressemblant"... Je l'ai emmenée alors dans les musées. Au musée Picasso... (...) A Beaubourg, elle a été émerveillée de découvrir que tout était possible... (...) Il y a eu aussi cette exposition Watteau au Grand Palais : elle n'arrivait pas à croire que l'on pouvait peindre des yeux et des mains avec autant de réalisme... Plus de trente ans après, je me replonge dans les valises et les cartons où sont conservés peintures, dessins et gouaches qui n'avaient plus été exposés après sa mort... J'en ai répertorié plus d'un millier de tous formats." Il est à noter que ces oeuvres, en elles-mêmes, ne manifestent aucune timidité, mais au contraire paraissent bien assurées, sans repentir ou complexe  d'aucune sorte, comme le note pour sa part l'artiste arménien Sarkis.

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Cette peinture, représentant un couple (il n'y a jamais de titre proposé, ni de date, ni de signature semble-t-il), se trouve encadrée comme de prédelles brouillonnes, à la mode d'un Alechinsky brut...

Chouchan 1.jpg

Peinture paraissant peut-être évoquer un souvenir de costumes traditionnels arméniens?

 

    Cette peinture évoque des souvenirs de famille, explore les rapports entre les tons, la composition, par le jeu de certaines formes (fleurs, plantes), et se concentre avec délectation dans l'emploi des couleurs par touches automatiques laissées "flottantes", appliquées sans désir de netteté, très gestuelles. Peut-être cette activité improvisée servit-elle de moyen pour redonner vie aux souvenirs d'amour, au bonheur de vivre dans une communauté familiale soudée, à la fin de sa vie, marquée au départ (elle avait 4 ans) par le massacre de son père (en compagnie de tous les autres hommes de son village)  par les Turcs durant la période traumatisante du génocide arménien de 1915.

 

Dessin extrait du cahier en reprint.jpg

Dessin extrait d'un cahier édité en reprint par la Fabuloserie.

 

LA FABULOSERIE PARIS, 52 rue Jacob 75006 . Du mercredi au samedi, 11h - 18h et sur rendez-vous. Tél: 01 42 60 84 23 - fabuloserie.paris@gmail.com
Un film de Jacques Kébadian, réalisateur de documentaires, comportant quatre courts-métrages, dont un plus spécifiquement consacré à Chouchan, est diffusé au premier étage de la galerie.
Outre le catalogue, la Fabuloserie a également réédité en reprint un cahier rempli de dessins par Chouchan (voir le dessin ci-dessus, extrait d'une page de ce cahier).
 
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¹ Je trouve une certaine parenté entre les peintures d'Aïda Kébadian et celles, récemment apparues, de l'artiste lui aussi autodidacte, appelé Marjan.

24/04/2020

Le jardin de paradis d'Emil Milan Grguric (Croatie)


Film de Pavel Konečný, 2018. Cet environnement, constitué de statues à l'extérieur de la maison de l'auteur, montre également de somptueux bas-reliefs à l'intérieur, sur les murs et les plafonds notamment. Ceci dit en écho avec la note que j'ai mise en ligne le 22 mars dernier...

13/07/2018

La Fabuloserie, aperçu au "Consulat", espace open de style berlinois à Montparnasse

     Très actif depuis quelque temps, Antoine Gentil, qui s'était déjà fait remarquer  par des organisations d'expo au MAHHSA (musée de Ste-Anne émanant du Centre d'Etude de l'Expression), a invité la Fabuloserie à taper l'incruste dans un sacré foutoir installé provisoirement (quelques mois) dans une espèce de friche industrielle, aux murs nus, tout près de Montparnasse, dans ce quartier où les aménagements de Ricardo Bofill, il y a déjà longtemps (1985), avaient contribué à enfoncer le clou de l'effacement, vingt ans auparavant, de tout un quartier de petites maisons et d'ateliers d'artisans qui ne surent et purent résister – à rebours des habitants qui le réussirent plus loin, dans ce même XIVe arrondissement, du côté de la rue des Thermopyles et de la Cité Bauer. Ce sont les chantiers de l'actuelle gare Montparnasse (gare qui ne ressemble à rien),  en effet, qui avaient entraîné en 1965, par exemple, la disparition  du bâtiment où se trouvait l'atelier du Douanier Rousseau, rue Perrel, que l'on aperçoit dans l'admirable film de Jacques Brunius, Violons d'Ingres (1938) – atelier qui fut, par la suite, également, le lieu de travail de Victor Brauner.


podcast

Formulette recueillie par Jacques Brunius dans un recueil (de comptines et formulettes) resté inédit (merci à Lucien Logette de  nous l'avoir communiqué) ; lue par B.M., 2018

 

      Le "Consulat"¹, donc, est un vaste espace sur deux niveaux, prêté pour quelques mois, où l'on trouve disséminés sur des centaines de m², une friperie, des buvettes, un restaurant, une salle de concert, des tables de ping-pong, des chaises dépareillées et des canapés défoncés distribués au petit bonheur, des espaces d'exposition (au 2e étage) où voisinent, dans deux espaces distincts qu'on ne pouvait confondre, art contemporain d'une part, présenté anonymement, tel des puces, sous l'autorité d'un texte liminaire d'une prétention insondable (intitulé le "blind marché", titre d'un snobisme au ridicule achevé), et d'autre part, l'art hors-les-normes de la Fabuloserie, exposé jusqu'au 15 août, et mêlant lui-même art brut (Emile Ratier, Pierre Petit, Giovanni Battista Podesta, Guy Brunet, Jean Tourlonias, François Portrat, Edmond Morel, un grand tableau de fleurs, assez rare, d'Abdelkader Rifi) et artistes singuliers (Le Carré Galimard, Nedjar, Francis Marshall, Alain Bourbonnais, Verbena).

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Des éléments de l'environnement créé par François Portrat dans les années 1980, ph. Bruno Montpied, 2018.

 

       Si l'on oublie cependant le contexte désordonné de la première exposition, la zone dévolue à la Fabuloserie permettait de découvrir des ensembles d'œuvres souvent méconnues. Dommage cependant qu'on n'ait pas souhaité, du côté du responsable des expos  (un certain Samuel Boutruche), laisser les animateurs de la Fabuloserie, ainsi que le commissaire d'exposition, Antoine Gentil (le bien nommé), apposer tout de suite les noms des auteurs exposés, dès le vernissage (cela a changé par la suite), au nom d'un anonymat revendiqué (l'anonymat paraît devenir par les temps qui courent un argument à la mode, ici employé très superficiellement (comme souvent, avec tout ce qui est à la mode), puisque les noms des artistes circulent par dessous...).

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Emile Ratier, deux musiciens, ph. B.M., 2018.

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Michel Nedjar, quatre assemblages de tissus colorés, ph. B.M., 2018

 

       Pour ma part j'ai découvert dans l'expo de la Fabuloserie, parmi les cinq pièces d'Emile Ratier – des maquettes  et machineries de bois brun, faites au départ pour être actionnées –, trois dispositifs qui sont des machines à produire des sons, en fait des instruments de percussion ultra bricolés à ranger au nombre des instruments de musique alternatifs. J'ai été également  surpris par des assemblages de tissus colorés de Michel Nedjar, exposés seulement le jour du vernissage, que j'ai trouvés bien plus séduisants, et moins montrés que ses sempiternels "chairdâmes", sorte de poupées noirâtres d'exorcisme imaginaire, qui personnellement me dégoûtent, et qui sont faites pour dégoûter (scandale facile à produire). Hélas, l'artiste, victime d'un caprice de diva, a fait retirer ses œuvres les jours suivants, n'appréciant pas l'exposition voisine semble-t-il. Je publie ci-dessus les quatre assemblages dont je parle plus haut, présentés dans l'expo, donc, de façon éphémère. Même si le voisinage avec l'expo d'art contemporain assez inconsistante était discutable, il n'en reste pas moins que l'idée de montrer l'art hors-les-normes de la Fabuloserie en un tel lieu fréquenté par la jeunesse et par un public n'ayant peut-être jamais entendu parler de l'art brut l'art singulier, etc., n'en était pas moins une bonne initiative. Il faut tenter ce genre de passerelle, pour que les transmissions s'effectuent entre générations. Et peut-être aussi détourner le public de l'art contemporain absurdement mis en avant par les temps qui courent par toutes sortes d'intérêts capitalistiques². Il y va d'une forme de résistance.

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Pierre Petit, Laboratoire Frela, ph. B.M., 2018.

 

       L'accrochage, dans le fond,  à droite, sur un mur où ils sont seuls, de divers éléments provenant de l'environnement créé par François Portrat à Brannay dans l'Yonne (voir mon Gazouillis des éléphants où je lui ai consacré une notice), agencé par Marek de la Fabuloserie, frappait l'esprit du visiteur. Podesta était également présent par des peintures qui relèvent davantage de l'art naïf, en tout cas inattendus. Surtout, on restait charmé par le "Laboratoire Frela" et ses personnages délicieusement angéliques, humanoïdes ineffables, du retraité Pierre Petit, qui vivait autrefois à Bourges, et dont nous avons ici quelques maquettes et autres "maisons de poupée" d'un nouveau genre.

     Rien que pour cette exposition, rare à Paris – reléguée en marge de tout le reste dans ce labyrinthe de béton, de façon cohérente au fond, car on n'a pas affaire ici à de "l'art hors-les-normes" pour rien! : il reste en marge quel que soit le contexte d'exposition – il faut se rendre dans ce Consulat, en traversant jusqu'à l'espace fabulosant ces 3000 m² d'un trait, sans se disperser outre mesure dans les autres espaces, plutôt vides de sens (si ce n'est pour aller se boire une bière sur une terrasse aux herbes sauvages poussant sous des gratte-ciels ou des immeubles du genre cages à lapins, en rêvant des fantômes de Rousseau et de Brauner).

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Abdelkader Rifi, sans titre, env. 1m sur 1,20m, sans date, ph.B.M., 2018.

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¹ Ce "Consulat", nous apprend un article du Quotidien de l'Art, "est issu de l’association GANG, dirigée par Lionel Bensemoun, petit-neveu du fondateur des casinos Partouche. Il a créé avec l’artiste André Saraiva son agence événementielle La Clique et le club Le Baron, et vient de s’installer à Paris dans le 14e, pour une nouvelle saison (jusqu’en octobre 2018), dans l’espace des futurs Ateliers Gaîté de 3000 m2..." L'adresse de ce Consulat éphémère est au 2 de la rue Vercingétorix, 14e ardt donc.

² A ce sujet, on lira avec fruit le livre  d'Annie Le Brun, Ce qui n'a pas de prix, récemment paru chez Stock.

20/03/2018

Un "Musée pittoresque de sculpture": un inspiré encore inconnu au bataillon

   Récemment, un correspondant lecteur de ce blog, M. Julien Gonzalez, m'a signalé une image montrant un "musée pittoresque de sculpture", primesautièrement installé dans le jardin d'un pavillon situé, selon la légende de la carte postale où l'on pouvait le découvrir, à Triel-sur-Seine, en Seine-et-Oise (aujourd'hui les Yvelines).

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On notera l'inscription "Le Musée" sur le portail surmonté d'une tête sculptée, et, imprimée en bas à droite, la mention "L'Abeille Asnières" (la référence du cliché à une publication du début du siècle semble-t-il) ; les statuettes rassemblées par l'homme barbu que l'on voit dans le jardin regardant vers l'objectif, vraisemblablement l'auteur de ces sculptures "pittoresques", sont majoritairement massées près de la clôture, derrière le grillage, afin de permettre plus aisément la contemplation aux passants sans doute trop timides pour frapper à la porte de ce "musée" privé...

 

     Cette carte me rappelait quelque chose... Où avais-je déjà vu ce site? Ma mémoire d'obsédé des inspirés du bord des routes privilégie bien entendu ce genre de réminiscences... Et, donc, la lumière s'est brusquement faite! Bon sang, mais c'était bien sûr, comme aurait dit le commissaire Bourrel (le genre de référence qui, je l'avoue, date gravement celui qui la profère, mais baste...) : ce personnage coiffé d'un calot ressemblant vaguement à une chéchia, je l'avais déjà rencontré sur une autre carte, publiée comme tronquée, dans un livre sur les jardins... de l'art brut... Dans le livre de Marc Décimo, portant justement ces mots  en titre, réédité l'année dernière.

     Une autre carte en effet, au cliché pris plus frontalement, est insérée dans l'introduction des Jardins de l'Art Brut (éditions Les Presses du Réel), mais ne comporte aucune légende, comme si elle n'était d'ailleurs qu'un fragment de carte (le format ne paraît pas proche de celui d'une carte postale), à moins que ce ne soit plutôt une photo? Marc Décimo paraissait désolé de n'avoir pu localiser ce "musée". Je tenais bien entendu à dissiper cette désolation, grâce au recoupement avec l'autre carte dénichée par Julien Gonzalez. Ce dernier a mené une enquête auprès d'une association érudite de Triel qui lui a signalé que "la maison existerait toujours et se trouverait rue de l'Hautil, aux environs de l'embranchement du chemin des Gouillards à Triel."

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La carte postale publiée par Marc Décimo dans son livre Les Jardins de l'Art Brut ; davantage mis en scène, le "Musée" : avec l'homme au calot, apparemment assis, au milieu de ses œuvres que l'on discerne plus, étant donné que la saison a laissé les branches sans feuillage, et deux femmes présentes à l'arrière-plan, aux fenêtres du pavillon ; les statues semblent particulièrement modelées, manifestant une dextérité qui ne se limite pas à de la stylisation et cherche des formes se rapprochant du réalisme : ce sculpteur avait-il du métier, ou était-ce un autodidacte?

02/01/2018

Les éléphants viennent gazouiller sur Radio-Libertaire jeudi 4 janvier prochain

    On est toujours dans la présentation du Gazouillis des éléphants, mon inventaire des environnements populaires spontanés de France métropolitaine, paru au Sandre en novembre dernier.Le Gazouillis 7.jpg Je suis invité à converser sur le sujet dans le cadre de l'émission "Bibliomanie" par Valère-Marie Marchand, sur Radio-Libertaire, ce jeudi qui vient, à 15h (jusqu'à 16h30). A noter que l'animatrice de l'émission est elle-même écrivain et dessinatrice, et qu'elle est l'auteur, entre autres, d'un livre sur le Facteur Cheval aux éditions du Sextant (il y a une dizaine d'années), une biographie imaginaire du Facteur selon ce qu'elle m'a confié (je n'ai pas encore eu l'occasion de lire l'ouvrage).

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02/11/2017

"Le Gazouillis des éléphants", premier inventaire des environnements populaires spontanés en France, par Bruno Montpied, paraît aujourd'hui

      Trente-cinq ans que je le méditais cet inventaire... Longtemps, je me suis dit que je n'y arriverais jamais. Et puis un soir... A la Maison de Victor Hugo, j'ai fait une rencontre, j'ai fait connaissance avec le responsable des éditions du Sandre, Guillaume Zorgbibe, qui accompagnait un vieux camarade à moi, Joël Gayraud. Guillaume éditait alors la revue de Marco Martella, Jardins, qui cessa malheureusement après six numéros. Martella m'avait invité à publier un article pour son n°2. Par la suite j'en fis un autre dans le n°5. Bref, les Editions  du Sandre, c'était donc déjà mon éditeur... Je le signalai en souriant à l'ami Guillaume. Il me semble qu'il m'a regardé avec curiosité, mais peut-être mon souvenir enjolive, mythifie ce qui s'est réellement passé ce soir-là. Ce fut le début de notre collaboration plus étroite autour d'un projet qui m'était cher depuis longtemps, faire l'inventaire des environnements spontanés français...

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Après Eloge des jardins anarchiques en 2011...

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Andrée Acézat, oublier le passé, en 2015...

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Marcel Vinsard, l'homme aux mille modèles, en 2016...

 

Voici donc :

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Le Gazouillis des éléphants, tentative d'inventaire général des environnements spontanés et chimériques créés en France par des autodidactes populaires, bruts, naïfs, etc., éditions du Sandre, novembre 2017.

 

     Ce projet d'inventaire des environnements populaires spontanés français (= "inspirés des bords de  routes", "habitants-paysagistes", "bâtisseurs de l'imaginaire"...) me trottait dans la tête depuis des décennies. Chaque fois que je commençais à accélérer dans l'idée de le finaliser en m'y mettant sérieusement, un livre sortait sur la question, parcellaire, toujours insuffisant à mon avis (par exemple le Bonjour aux promeneurs d'Olivier Thiébaut chez Alternatives en 1996), ou mixé de façon peu judicieuse (mais commerciale!) avec des sujets insolites plats  (par exemple Le Guide de la France insolite de Claude Arz chez Hachette en 1990, où le sujet était mêlé à l'évocation de lieux hantés, de trésors cachés, de musées de l'épicerie, de la sorcellerie de bazar...).

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Le Gazouillis présent à l'étalage du stand de la Halle St-Pierre à la dernière Outsider Art Fair, du 19 au 22 octobre dernier, où il fit une apparition temporaire en avant-première... pour une dédicace.

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Le Gazouillis ouvert sur une notice consacrée à Denise Chalvet en Lozère. Ph. B.M.

 

     En rassemblant tous les sites recensés dans les différents ouvrages d'un certain volume traitant de la question, il me semblait toujours qu'on ne dépassait pas la centaine de créateurs environ, tout compris, dispersés qui plus est sur plusieurs ouvrages distincts publiés à des années de distance. En outre, les découvertes se renouvelaient fort lentement (je ne veux pas jeter la pierre à Claude et Clovis Prévost, mais au fil des années, ils ne nous ont parlé que des mêmes 15 créateurs, dont certains, comme Chomo, Tatin ou Garcet étaient plutôt des artistes singuliers et marginaux que des créateurs totalement hors système des Beaux-arts). Dans Eloge des Jardins anarchiques, moi-même, je n'évoquais qu'une cinquantaine de sites (dont plusieurs avec une seule photo).

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Couverture de Jardins n°5, 2014 ; avec un texte de Bruno Montpied sur la Mare au Poivre d'Alexis Le Breton (Morbihan)

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Alexis Le Breton, dans son arboretum de La Mare au Poivre, Locqueltas, ph. Bruno Montpied, 2010.

 

       Ainsi, si l'on voulait se faire une idée de l'ensemble des sites qui avaient existé, existaient encore, ou étaient en train d'apparaître, l'information était éclatée, parfois dans des publications devenues très difficiles de se procurer, uniquement consultables pour beaucoup en bibliothèque, ou bien se trouvait sur des cartes postales anciennes rarement rassemblées en un livre unique (la collection de cartes postales sur les Inspirés de Jean-Michel Chesné, si elle fut dévoilée dans la défunte revue Gazogène de Jean-François Maurice, ne paraît l'avoir été que de façon fragmentaire et, là aussi, éclatée sur les différents numéros ; de plus ce rassemblement de documents anciens, séparé d'un rassemblement plus général qui aurait montré la continuité des sites présents sur les cartes postales, donnait une impression tronquée du phénomène). Ces cartes postales anciennes (en l'occurrence, venues de ma propre collection), il me semblait nécessaire – c'est une autre caractéristique importante de mon inventaire - de les associer dans mon livre à une iconographie en couleur illustrant les mêmes sites conservés jusqu'à l'époque présente, ainsi, bien sûr, que des sites nettement plus récents. D'une manière  immédiate, devant ce noir et blanc confronté à la couleur, le lecteur comprend que les environnements existent depuis bien avant le Palais Idéal du Facteur Cheval (commencé en 1879) et se poursuivent aujourd'hui...

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Bas-relief de Louis Licois, daté de 1843, toujours présent sur la façade d'une maison à Baugé (Maine-et-Loire), Photo B.M., extraite du Gazouillis, 2009.

 

       J'ai longtemps déploré dans mes débuts de recherche de ne pas trouver une ressource qui me permettrait d'avoir la liste complète des lieux existants ! C'est une question qui m'a souvent été posée au cours des débats que j'ai pu faire à la suite de la sortie d'Eloge des jardins anarchiques : comment faites-vous pour trouver ces sites? Pour aller voir ces sites étonnants, c'est un truisme,  il faut d'abord apprendre qu'ils existent, et trouver l'endroit où on les évoque. Ce sont des lieux privés, où il y a une exhibition certes, mais qui restent des lieux privés, des habitats  supposant une approche discrète et respectueuse des habitants. Dans les années 1980, années où j'ai commencé ma quête, il n'y avait bien sûr pas d'annuaire des inspirés! Ce dernier n'est d'ailleurs pas souhaitable. J'ai patiemment cherché, sans me presser (cette lenteur m'a toujours paru essentielle ; aujourd'hui les nouveaux venus dans ce genre de recherche, habitués à tout trouver très vite sur internet, sont trop pressés...), accumulant des fiches, des références... Une bibliographie condensée et fournie, commencée dans Eloge des JA, et légèrement augmentée dans mon nouveau livre, fait office à mes yeux de premier signe de pistes... Il n'est pas aventuré ou has been de considérer cette recherche des Inspirés hors système des Beaux-Arts comme une longue dérive au sein d'un labyrinthe... Un sens préservé du merveilleux est à ce prix.

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Entrée du Paradis, chez son auteur, Léopold Truc, à Cabrières d'Avignon (Vaucluse), ph. B.M. (extraite du Gazouillis), 1989.

 

      Le Gazouillis n'est donc pas un annuaire. Je n'y ai donné des adresses que lorsque j'étais sûr que cela correspondait au désir des créateurs inventoriés, ou des collections qui préservent des fragments d'environnements (comme la Fabuloserie dans l'Yonne, la collection de l'Art Brut à Lausanne, le LaM de Villeneuve d'Ascq à côté de Lille, ou le Jardin de la Luna Rossa à Caen). C'est plutôt une immense stimulation à découvrir la création primesautière française se déployant hors les cadres des beaux-arts traditionnels, et aussi, point remarquable, hors du marché de l'art (ce qui explique qu'on n'en parle pas tant que cela!).

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Les Ruines de la Vacherie, exemple de carte postale ancienne (début de XXe siècle), montrant un site réalisé par un récupérateur de gravats nommé Auguste Bourgoin, alentours de Troyes (Aube), aujourd'hui disparu, coll. B.M.

 

      Il rassemble, avec discrétion et parfois un peu de mystère, en un seul volume, tout ce que j'ai pu voir et trouver dans des ouvrages ou des revues, pas forcément des publications spécialisées en art brut d'ailleurs, et  tout ce que j'ai découvert de mon côté, ou éclairé, ou remis en perspective. A partir de ce rassemblement, il me semble qu'on pourra se faire une idée plus précise du phénomène des créations d'autodidactes en plein air, entre habitat et route, associables tantôt à l'art brut, tantôt à l'art naïf, sur le territoire métropolitain en France.

      Le Gazouillis des éléphants recèle ainsi jusqu'à 305 notices consacrées à ces créations d'hier et d'aujourd'hui. En donnant l'état des lieux, dans la mesure de mes connaissances, et en particulier les solutions diverses qui ont été trouvées pour sauvegarder ou prolonger, en partie ou en totalité, divers sites. Depuis quelque temps, il me semble en effet que la notoriété de l'art brut et des environnements d'inspirés allant en augmentant, le public se montre de plus en plus sensibilisé à la question du prolongement à donner aux environnements spontanés post mortem. Ce que les héritiers de ces décors foutraques auraient jeté naguère, il arrive plus fréquemment qu'il soit désormais conservé ou, quand on veut à tout prix s'en débarrasser, au moins mis en vente par exemple (voir le cas du site d'André Hardy en Normandie).

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André Hardy, lion en ciment peint et collage de faux crin, ph. B.M. en 2010.

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Le même lion d'André Hardy dans les réserves du LaM à Villeneuve d'Ascq, après acquisition et en attente de restauration, © photo LaM 2011.

 

    Fidèle à mon angle habituel pour aborder ces créations de plein air, je  me suis cantonné  dans cet ouvrage aux environnements populaires, en écartant tous les environnements créés par des artistes modernes ou singuliers (marginaux), hormis quelques cas-limites qui permettent de faire ressortir la spécificité du corpus retenu (comme par exemple le jardin de Monsieur X dans la Presqu'île de Crozon en Bretagne, de son vrai nom Jacques Boënnec - je donne à présent son nom car il vient de disparaître ; auparavant, il m'avait demandé de taire son identité, d'autres que moi n'avaient pas eu ce respect...). Pas de Cyclop de Tinguely, ou de musée Robert Tatin, pas davantage de maison de "Celle qui peint" (Danielle Jacqui), manifestant une culture artistique préalable (Jacqui m'a toujours donné l'impression de connaître Picassiette, par exemple).

     Primo, il fallait circonscrire à tout prix le champ d'étude (déjà, arriver à 305 notices m'a amené à un livre-monstre qui fait 930 pages avec plus de mille photos, pour un poids de 2,7 kgs...). Secundo, j'ai un faible pour les créations d'autodidactes populaires, qui œuvrent artistiquement sans se revendiquer artistes, et dont les travaux, détachés de toute attitude référentielle – y compris quand il leur arrive de démarquer ou de copier/transposer des œuvres d'art vues à la télé ou dans les magazines –, gardent une fraîcheur authentique. Fraîcheur brute ou naïve, je ne fais pas de hiérarchie sur ce point, si l'œuvre me surprend et m'enchante (critère premier!).

     C'est ce qui explique que l'Introduction du Gazouillis insiste sur ce slogan que je reprends régulièrement, depuis quelque temps, dans mes textes : il s'agit bien d'un Art sans artistes. Comme on parla à une époque d'une architecture sans architectes.

     Bon vagabondage à tous!

 

Bruno Montpied, Le Gazouillis des éléphants, tentative d'inventaire général des environnements spontanés et chimériques créés en France par des autodidactes populaires, bruts, naïfs, excentriques, loufoques, brindezingues, ou tout simplement inventifs, passés, présents et en devenir, en plein air ou sous terre (quelquefois en intérieur), pour le plaisir de leurs auteurs et de quelques amateurs de passage, Editions du Sandre, 2017. 950 pages, 220x240x70 mm, plus de mille photos couleurs et noir et blanc. Disponible au prix de 39€ dans toutes les bonnes librairies (si vous ne le trouvez pas, faites-le commander par votre libraire favori) à partir de la première semaine de novembre. Diffusion Harmonia mundi.

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Les professionnels des éditions du Sandre, sans qui il n'y aurait jamais eu de multiplication du Gazouillis, de gauche à droite: Guillaume Zorgbibe, Stefani de Loppinot et Julia Curiel, ph. B.M., 2017 ; merci à eux! Heureusement que ces gens existent...

 

QUELQUES DATES A RETENIR :

Durant tout le mois de novembre, exposition de photos et d'objets de la collection de Bruno Montpied dans la librairie Atout-Livre, 203 bis avenue Daumesnil dans le XIIe arrondissement. Causerie et débat avec le public le vendredi 24 novembre à 19h30, en présence de B.M. et de Régis Gayraud, camarade d'enquête de B.M.

Le samedi 9 décembre, à l'auditorium de la Halle Saint-Pierre, à 15h, projection de photos extraites du livre (rangées par ordre chronologique de dates de création) et débat avec le public en présence de B.M. Suivie d'une dédicace. Organisée en partenariat avec  la librairie de la Halle St-Pierre.

Le mercredi 20 décembre, au Musée de la Création franche à Bègles, à 19h30, projection de photos et rencontre-débat avec le public dans le cadre du LAB et en partenariat avec la librairie bordelaise La Machine à lire.

 

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Dessin de Jade, 8 ans (qui sert de cul-de-lampe à quelques endroits du Gazouillis, notamment sur les pages de garde)

09/09/2017

Une fiction sur le Facteur Cheval bientôt au cinéma : la mode "Séraphine"

     Le Séraphine de Martin Provost a été un succès et a contribué à faire connaître Séraphine Louis, la peintre visionnaire naïvo-brute de Senlis. Oui? Je commanderai bien un sondage pour savoir combien de spectateurs après le film seront allés se plonger dans les quelques livres existant sur la peintre (signalons au passage une référence récente, fort sérieuse, enrichie de témoignages de première main, le Séraphine Louis,  d'Hans Körner et Manja Wilkens, paru chez Reimer/Benteli en 2009). Le film permettait en tout cas de découvrir de nombreux tableaux de Séraphine, magnifiquement photographiés, mais souffrait du choix de l'actrice, Yolande Moreau, au physique marqué par la gourmandise et l'épicurisme, qui ne correspondait en rien, selon moi, à l'austère physique de la véritable Séraphine de Senlis, confite dans la frustration et le refoulement, ce qui la conduisit vers les exubérantes turgescences de ces bouquets de fleurs hésitant entre l'enfer et le paradis...

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Séraphine Louis, les seules photos que l'on ait d'elle, prises il me semble par Anne-Marie Uhde (sœur de Wilhelm Uhde ; à signaler: le LaM préparerait une expo sur ce critique d'art-collectionneur pour bientôt).

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Yolande Moreau, photographe non identifié.

     Les producteurs de cinéma ont dû se dire, tiens? Séraphine, ça a marché, pourquoi ne pas continuer? Si on allait chercher aut'chose du côté des Bruts... Et c'est tombé sur le Facteur Cheval. Le réalisateur qui a été sollicité est Nils Tavernier, le fils de Bertrand, qui a avoué ne pas connaître un mot sur le fameux Facteur il y a un an. Je ne reprocherai rien à ce sujet. Après tout, tout le monde peut faire un bon film ou un bon livre sur un thème qu'il a découvert depuis peu. Non, ce qui m'amuse dans cette histoire de tournage, c'est le casting, là encore. Si je n'ai rien contre Jacques Gamblin, que je trouve tout à fait adapté au personnage de Ferdinand Cheval, j'ai plus de réticences vis-à-vis de l'actrice destinée à jouer sa femme : Laetitia Casta... Et pourtant, j'apprécie cette actrice, belle et intelligente. Mais, le physique, là aussi, ne correspond guère. Et mieux que de longues palabres, autant confronter la femme du rôle et le modèle original en photo. C'est comme si, comme me le suggérait un camarade récemment, on proposait Paméla Anderson pour jouer la femme de Picassiette (au nom de cette théorie que peu importe la ressemblance physique, un acteur peut tout jouer...)!

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La Famille Cheval, la femme de Ferdinand qui avait l'air brave mais pas très sexy.. (Tandis que la fille, Alice. n'avait pas l'air de rigoler tous les jours...)

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Et Laetitia Casta en mannequin qui va certainement apporter un autre souffle à la vie de Ferdinand...

 

 

07/09/2017

Une exposition consacrée à Marcel Vinsard dans le cadre de la 7e Biennale Hors les Normes de Lyon

– 

Exposition de Marcel VINSARD 14 septembre au 20 octobre 2017

Taxis Lyonnais

(où, paraît-il, quelques statues seront présentées dans les bureaux, mais aussi, initiative plus étrange, dans un vieux taxi - qui devrait peut-être circuler dans Lyon??)

Lundi au vendredi : 10h-12h / 14h-18h, 83, Rue Jean Jaurès – 69500 Bron T2- arrêt Bron Hôtel de Ville

 

     Dans le cadre de la 7e Biennale Hors-les-Normes de Lyon (aux dates variées selon les événements dont elle est partenaire), va se tenir une exposition consacrée aux pièces sculptées par Marcel Vinsard, le créateur d'un environnement de mille statues, naguère installé à Pontcharra en Isère, et qui a été démantelé à l'été 2016, après sa mort survenue en juillet de la même année.

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Démantélement du site de Marcel Vinsard, ph. Fatimazara Khoubba en août 2016 ; on aperçoit, très abîmé, au centre du cliché un portrait de Gérard Depardieu tout ruiné...

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Le même portrait de Depardieu du temps de sa "splendeur"; Marcel Vinsard collait souvent dans un coin de ses compositions des photos de ceux qui lui avaient servi de "modèles", ph.B.M., 2013.

 

 

      Les animateurs de l'association La Sauce Singulière, Loren, Jean-François Rieux et autres, prévenus par le sculpteur Jean Rosset, qui est de la région, connaissaient comme moi cet environnement, et ont eu le temps de récupérer environ deux cents pièces. De mon côté, j'en ai récupéré quelques-unes aussi, dont certaines sont allées au musée des Arts Buissonniers à Saint-Sever-du-Moustier dans l'Aveyron. D'autres sont chez quelques collectionneurs (qui les ont acquises durant une précédente expo à Lyon, déjà organisée par la BHN en 2015). Personnellement j'en conserve six, dont un de Gaulle que j'avais acquis directement auprès de Marcel Vinsard. J'ai gardé aussi, abîmé, le panneau où Vinsard avait inscrit des jeux de mots près de son chalet.

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Marcel Vinsard, de Gaulle, coll. et photo Bruno Montpied, 2013.

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Marcel Vinsard, masque vert, polystyrène peint, créé vers 2013, ph. et coll. B.M. (devant la galerie Dettinger), 2016.

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Marcel Vinsard, "Coiffeur à la retraite...", panneau en polystyréne peint, années 2000, coll. et ph. B.M., 2016

 

     Marcel Vinsard, j'en ai causé sur ce blog le 3 février 2015, après l'avoir rencontré en juillet 2013 en compagnie d'un camarade, suite à un signalement par Alain Dettinger et Fatimazara Khoubba. C'est le type même de créateur d'œuvres éphémères qui installent leurs artefacts en plein air en négligeant absolument la question de la pérennité de leurs œuvres. Il est probable, en outre, que Vinsard ne se faisait aucune illusion sur la suite que donnerait sa famille à ses excentricités... Mais il reste tout de même emblématique de l'attitude toute empreinte d'immédiateté d'une majorité de ces créateurs autodidactes, étrangers  aux milieux artistiques. Leurs environnements vivent aussi longtemps qu'eux. Lorsque ces derniers pensent avoir atteint la fin (de leur art et de leur vie, c'est tout un), tout part en quenouille... Les matériaux qu'employait Vinsard, le polystyrène, les mousses polyuréthanes dans une grande majorité des œuvres (il recourut cependant aussi au bois, au Siporex et au ciment-colle par exemple), n'arrangeaient pas les choses, non plus! Il est donc vain de traiter les familles ou les héritiers de ces sites avec des noms d'oiseaux – comme le font certains sur des sites web que je ne nommerai pas...

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Marcel Vinsard, vue des abords de son chalet d'habitation en 2013... Ph. B.M.

Après, le chalet nettoyé... (2016) (2).jpg

...et après le démantèlement, le vide, l'ennui... ph. B.M., 2016.

 

     A signaler que dans l'expo on pourra trouver mon livre paru l'année dernière dans la collection La Petite Brute aux éditions de l'Insomniaque, Marcel Vinsard, l'homme aux mille modèles. Ne pas hésiter à le demander à l'accueil...! Très beau, pas cher... Il contient de nombreuses photos du site prises en 2013, à son apogée quasiment.

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01/07/2017

Ratoune reviendra-t-il comme un mort-vivant parmi les épouvantails de Denise Chalvet? Mais c'est peut-être déjà fait...

    RR, notre émérite commentateur fan de deux roues, voir son commentaire ici, nous a annoncé la fin de Ratoune, le petit chien si apprécié par Denise Chalvet, dont les créations nous ont plusieurs fois ravi. Alors, pour compatir à la très probable tristesse de cette dernière, voici un petit hommage à ce petit être qui a souvent inspiré, il me semble, notre maquilleuse d'épouvantails-mannequins en Lozère. Un portrait de Ratoune en son carrosse en juillet 2016.

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Photo Bruno Montpied, 2016

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Une créature de Denise Chalvet (qui ne crée pas seulement des épouvantails) qui me paraît dériver de Ratoune..., ph. B.M., 2012.

05/06/2017

Ce blog a dix ans jour pour jour ce 5 juin : grand rassemblement d'éléphants de tous poils pour fêter l'événement, et en hommage précoce à un certain "Gazouillis" à venir bientôt...

Les éléphants sont étonnants. Les éléphants sont intrigants.

cp match avec joueurs de football univ de Loyola.jpg      Ils ont des nez très longs, des airs pachydermiques (et pour cause), des grosses pa-pattes avec des gros ongles et le dessous des pieds plat. Deux grandes quenottes qui leur sortent des deux côtés de la bouche, que toute une série de gens mal intentionnés veulent leur arracher. Des portugaises comacs pour ceux d'Afrique, mais plus riquiqui pour ceux d'Asie, qui me font penser à des feuilles de choux.

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André Robillard, un éléphant dafrique (sic ; cette bête-là a dû être coupée avec un cocker on dirait), env. 40x50cm, coll. et ph. Bruno Montpied.

Calder, éléphan, sculpture en bronze, 1973t.jpg

Sandy Calder, un éléphant  de bronze en mobile, 1973.

 

     Ils ont la peau rugueuse, paraissant avoir des milliers d'années, comme une peau fossile. Des airs de vieux, vieux sages revenus de tout. Il ne faut cependant pas leur courir sur le haricot, ils s'énervent facilement. Et en  même temps, ils sont attentionnés avec leurs cornacs, qui leur peignent dessus parfois (c'est du plus bel effet, ils devraient être tout le temps  peints).

    Ils marchent avec des airs balourds, l'air grommelant de traîneur de savate.

    L'éléphant fascine petits et grands. Il y eut Babar bien sûr (voir ci-contre un exemplaire par le sculpteur naïvo-brut Joseph Donadello (en Hte-Garonne), ph. B.M., 2008).Babar par Donadello.jpg Et des jouets (voir ci-dessous un à roulettes ayant appartenu à un rassemblement d'objets du brocanteur Philipe Lalane),Jouet, éléphant à roulettes, réun Lalane, mai 2016.JPG des éléphants de dessin animé et de publicités improbables...

 

Anonyme, poupée éléphante (2), peut-être ukrainienne, coll BM.jpg

Poupée-éléphant, peut-être d'origine ukrainienne, ph. et coll. B.M.

 

Soyez bon avec les animaux (2), cadeau Bon Marché.jpg

Le Jardin d'Acclimatation, Constructions enfantines, cadeau du magasin Le Bon Marché (merci à Guillaume pour la permission de photographier la chose), ph.B.M.

Néocide la terreur des moustiques, Lille.jpg

Vu à Lille dans une brasserie, reproduction d'une ancienne affiche publicitaire, où l'éléphant chasse les moustiques en courant, ph.B.M.

Affiche cappiello le Nil, ext L.Jacquy.jpg

Affiche de Capiello reproduite sur le blog Les Beaux dimanches de Laurent Jacquy

Affiche l'orchestre des éléphants, F Appel 1890.jpg

Affiche "l'orchestre des éléphants", F Appel, 1890.

 

     L'éléphant est tellement sympathique et fort, avec une réputation de mémoire légendaire que les publicitaires et inventeurs de logos ont bien souvent songé  à lui...

Elephant logo sur un camion qq part en Lorraine.jpg 

Cherchez-le, ici en logo d'une société de transport (en Lorraine?) qui cherche à donner une image de force et de puissance, ph. B.M.

 

      Mais ceux qui ont adoubé le pachyderme qui hante nos rêves restent avant tout les artistes, les créateurs anonymes et populaires, naïfs, les enfants aussi qui adorent "croquer" les éléphants, et puis, au bout de la chaîne, ceux qu'on a appelés tour à tour inspirés du bord des routes, habitants-paysagistes ou créateurs d'environnements spontanés. Ces derniers en sèment très souvent dans leurs jardins, soit dans un recoin de l'espace dont ils disposent entre habitat et route, soit en majesté avec toute la lumière désirable braquée sur eux... Tant et si bien, que, dans le  volumineux livre que je vais faire paraître aux Editions du Sandre en octobre prochain, intitulé de façon cohérente Le Gazouillis des Eléphants, qui est une tentative d'inventaire des environnements populaires spontanés d'hier et aujourd'hui en France (voir projet de couverture  actuel ci-contre), je suis souvent amené à publier de nombreux exemples de cette étrange mascotte des inspirés.

 

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       L'éléphant qui gazouille, formule démarquée d'une stèle installée dans la "Seigneurie de la Mare au Poivre" d'Alexis Le Breton à Locqueltas dans le Morbihan, y servira de virgule visuelle, et de métaphore programmatique du propos de l'ouvrage : une défense et illustration de l'imaginaire gracieux des plébéiens bien souvent perçus et méprisés par l'intelligentsia comme des lourdauds et des bourrins de l'art...

Eléphant, (copie) Coli, 2011.jpgDessin d'enfant d'environ 7 ans, 2011.

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Dessin d'Idriss Bigou, un éléphant dont la trompe ressemble à une paille...

 

Marionnette à fil africaine, un éléphant, coll Veyret.JPG

Marionnette à fil africaine, coll. Joëlle et Jean Veyret, ph.B.M., 2016.

 

Cyrille Augeard, art de la Passerelle, les éléphants, feutres, 45x32, 2012.JPG

Cyrille Augeard, Les éléphants, feutres sur papier, 32x45 cm, 2012,  atelier La Passerelle, Cherbourg.

 

Eléphant (2), décor de Guimonneau,vase aux chinois, la reine bérengère.jpg

Un éléphant représenté sur un vase "aux Chinois", dû à l'artisan Pierre-Innocent Guimonneau de La Forterie, vers 1786,  musée de la Reine Bérengère, Le Mans, ph.B.M.

 

Bertholle-Saynète-éléphant-.jpg

Jean Bertholle, silhouettes en tôle découpée et peinte, montées sur girouette, parc de la Fabuloserie, ph.B.M., 2011.

 

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Eléphant (détouré) du Facteur Cheval, couloir intérieur du Palais Idéal, Hauterives (Drôme), ph.B.M., 2011.

 

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Morris Hirschfield, éléphanteau avec jeune garçon, env. 44 x 22 cm, 1943.

 

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Chez André Hardy, outre une baleine bleue, et divers autres bestiaux, il y avait ce magnifique pachyderme à l'œil extatique, ph.B.M., 2010.

 

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Anonyme, éléphants de la fontaine à Cléon d'Andran (Drôme), ph. B.M., 1994.

 

Fernand et Marie-Louise (2), par Prévost, années 70.jpg

Marie-Louise et Fernand Chatelain (Fyé, Sarthe) posant devant l'objectif de Clovis Prévost ; derrière on reconnaît les éléphants de la fontaine de Chambéry, celle des "4-100-Q".

fontaine des éléphants chambéry, un éléphant.JPG

L'éléphant de la fontaine de Chambéry, en effet dépourvu d'arrière-train...

 

      Quelquefois, c'est la nuit qu'ils surgissent, travestis en buissons, et arpentant la ville comme des fantômes...

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Art topiaire à Londres en nocturne, photo sans référence transmise par Julia (merci à elle).

    

      Même sur les sablières des églises bretonnes, il arrive qu'on en rencontre...

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Sablière d'une chapelle Saint-Pierre (pas plus de référence...).

 

     Le "yarn bombing" (si je ne me trompe pas d'orthographe), cet enrobage de formes en plein air (mobilier urbain, troncs d'arbre...) par d'habilles mains tricoteuses, s'en prend aussi aux pachydermes...

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Yarn bombing en Espagne, pas plus de références...

 

     L'homme, à l'évidence, entretient un rapport fusionnel à l'éléphant, qu'on en juge avec cette statue funéraire consacrée à un dompteur et à un dompté :

Tombe de dompteur-dresseur, (2) cim Méza Kapi, Riga, ph André Chabot.jpg

Tombe d'un dresseur-dompteur au cimetière de Méza Kapi, Riga, ph André Chabot.

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Et un éléphant par Yves d'Anglefort, qui se dit "artiste d'art brut" (dans son cas, le terme paraît coller) ; 32x41 cm, technique mixte sur Canson, coll. privée, Grenoble.

 

    Les éléphants sont innombrables. Il faut bien conclure (provisoirement? La suite du feuilleton se proposera-t-elle au prochain anniversaire décennal ?). En attendant cet hypothétique et beau jour, voici un enregistrement où nos héros ne gazouillent pas vraiment... (capté à la Fondation Cartier, enregistrements de Bernie Krause) :


podcast

    Et encore, un cadeau en sus, la reproduction d'une carte postale peu connue (je ne pense pas que les autres amateurs cartophiles, collectionnant les autodidactes inspirés, à supposer qu'ils la connaissent, l'aient mise quelque part en ligne...) :

Winter Duerec (2), sculpteur sur sable, vue redressée.jpg

L'auteur de ces sculptures sur sable paraît se nommer Winter Duerec (ou Duérée? Ou bien, peut-être plus probablement Querée? Voir ci-dessous dans les commentaires l'hypothèse de Régis Gayraud) : "Artiste autodidacte, modeleur de bêtes sauvages Attention à la nouveauté", est-il proclamé sur la banderole tendue derrière la scène sculptée ; Winter Querée est sans doute l'homme accroupi au centre des animaux féroces (au moins trois félins avec un éléphant, un homme étant sur le point de se faire dévorer...).


 

12/04/2017

L'art brut en Finlande, la collection Korine et Max Ammann au musée de la Création Franche à Bègles

Affiche-Art-brut-en-Finlande.jpg

 

Affiche de l'exposition béglaise avec, au centre, un détail d'une œuvre d'Ilmari (ou Imppu) Salminen.

 

      Le musée de la Création Franche, se détachant provisoirement de l'art singulier, qui est tout de même d'habitude son "cœur de cible", ou sa cible de cœur, revient à l'art  brut stricto sensu, ou plus exactement à l'"I.T.E." (encore une nouvelle étiquette...), du 14 avril au 11 juin. Qués aco? C'est du finnois, Itse Tehty Eläma en toutes lettres, c'est-à-dire en anglais self made life. Et en français? : la vie faite par soi, en somme la vie fait maison? L'art de la vie en autodidacte? Cela dit, dans un livre que je possède, publié en 2011,  l'auteur (Seppo Knuuttila), dans son édition en anglais, parle, comme synonyme pour l'art de l'ITE, d'"art populaire contemporain", ce qui nous rapproche aussi de l'art modeste, terme utilisé par Di Rosa (dans une acception plus large). Un musée existe en Finlande qui défend cette catégorie d'art, The ITE contemporary folk art in Finland.

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Le livre de Seppo Knuuttila, éd.Maahenki, Helsinki, 2011, avec des photos de Veli Granö (à noter que je ne sais pas pour l'instant si à Bègles, dans l'exposition Ammann, on retrouve des œuvres de quelques-uns des 23 créateurs recensés dans cet ouvrage, probablement... (puisqu'on en y retrouve au moins un, Ilmari Salminen,dont un détail paraît avoir servi pour l'affiche béglaise) ; la sculpture en couverture du livre est de Martti Hömppi (né en 1935) ; elle fait penser par association aux guitaristes de André Morvan au Bar du Mont Salut dans le Morbihan, qui recoure pour sa part davantage aux formes trouvées dans les arbres.

 

     Le laïus du musée de la Création Franche nous explique que les créateurs collectionnés par le couple Ammann sont des individus quelque peu retirés de la société de consommation traditionnelle, "la majorité d'entre eux vivant en pleine nature, très souvent dans des cabanes au milieu des forêts nordiques", et utilisant pour s'exprimer de ce fait les matériaux qui se trouvent à leur portée immédiate. On connaît quelque peu ce genre de créateurs ici en France. Plusieurs créateurs de bord des routes font de même, à l'écart des chemins de l'art contemporain. Il est facile de tracer de nombreux parallèles entre créateurs populaires finlandais et français, que ce soit dans la propension à dresser des statues naïves au milieu de son jardin ou dans le traitement visionnaire appliqué à des matériaux naturels bruts, comme les branches ou les racines.

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Pentti Mäkäräinen, photo Teijo Määttänen (dans ITE Art in Finland), à mettre en parallèle avec...

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....Emille Chaudron, œuvres en brindilles d'épines ou de mirabelliers, musée municipal de Lafauche (Haute-Marne), photo Bruno Montpied, 2016.

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Et cette installation primesautière en plein champ avec piquets sculptés et peints de manière anthropomorphe, dû à Niilo Rytkönen (né en1928 ; photo de Minna Haveri empruntée à l'ouvrage ITE Art in Finland), qui comporte en arrière-plan une autre série de figures, des épouvantails venus à plusieurs, pour cette dernière idée, est à rapprocher des...

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...épouvantails-mannequins, en France, de Denise Chalvet et Pierre-Maurice Gladine à Rimeizenc en Lozère, ph. B.M., 2014.

      Parmi les créateurs finlandais recensés par ITE Art in Finland, on trouve aussi des naïfs, du genre visionnaire, comme par exemple les trois cas ci-dessous:

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Rauha Ryynänen (née en 1921), photo Pentti Potkonen (dans ITE Art in Finland)

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Tuula Huusko (1946-2004), ph.Pekka Agarth (dans ITE Art in Finland)

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Tyyne Esko (née en 1920) ; photo Aki Paavola, dans ITE Art in Finland

    Mais l'incontestable vedette, tout au moins parmi les créateurs d'environnements finlandais, est Veijo Rönkkönen (1944-2010), qui a dressé près de 500 statues cherchant à magnifier le corps humain, en particulier le sien propre, qu'il entretenait avec un amour immense, à ce qu'il semble. Dans son parc de statues, une partie est consacrée à 250 postures de yoga, discipline qu'il pratiquait (voir ci-contre).art brut en finlande,collection ammann,création franche Cette zone du parc est, comme il l'a confié une fois, "un monument dédié à la mémoire de son corps à l'état jeune". 250 variations d'hommage à la jeunesse de son anatomie... C'est ce qui s'appelle s'aimer. Mais cela ne l'empêcha pas de ne plus se réveiller après une sieste, à 66 ans seulement. Une sieste affreusement "crapuleuse" pour le coup...

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Veijo Rönkkönen (1944-2010), ph. Veli Granö, dans ITE Art in Finland.

      Pourquoi, me dira-t-on, illustrer cette évocation succincte de l'"art brut en Finlande" avec des illustrations venues d'un livre extérieur aux œuvres exposées? Outre le fait que, comme je l'ai déjà dit, certaines œuvres doivent être communes aux deux ensembles, il faut savoir que mon information venue du musée est pour le moment déficitaire question visuels. Sur leur page Facebook, il y en a peut-être plus, mais je refuse de m'inscrire sur ce réseau, n'en appréciant ni la forme, ni les pratiques. Il est à imaginer que l'exposition de la collection Ammann doit recéler plus de travaux en deux dimensions qu'en trois, question de commodité de transport... J'invite donc chacun à aller vérifier tout cela sur place à Bègles. Le vernissage est dans deux jours, le 14 avril.

     Et tiens, pour finir, et pour adresser un clin d'œil-trait d'union à ma note précédente sur mon éloignement proclamé vis-à-vis des maquettes par trop réalistes, voici une autre nef, finlandaise, faite en os cette fois....

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Jussi Tuklainen (né en 1934), photo Sanni Seppo, dans ITE Art in Finland.

 

 

 

 

27/11/2016

Claude, Clovis Prévost et les Bâtisseurs de l'imaginaire

     Claude (l'épouse et  l'écrivain) et Clovis (l'époux photographe et cinéaste) Prévost font reparaître les Bâtisseurs de l'Imaginaire qu'ils avaient publié aux éditions de l'Est en 1990. On sait – et si on ne le sait pas, on devrait le savoir! – que le couple travaille depuis une cinquantaine d'années sur le sujet des habitants autodidactes, créateurs bruts, naïfs ou singuliers d'environnements fantaisistes, mettant en jeu sculpture, bas-reliefs, mosaïque, peinture, sonorisation parfois, poésie naturelle détournée, architecture (plus rarement), accumulation, land art sauvage... Ils sont les auteurs de nombreux films sur le sujet, d'expositions multimédia, de livres, et font figure de ce fait de grands initiateurs historiques à l'art de l'immédiat, et à l'art total, terme qu'ils chérissent plus particulièrement, après les photographes Robert Doisneau ou Gilles Ehrmann qui les avaient précédés de quelques années et sont disparus aujourd'hui. Clovis Prévost est à mon avis un grand photographe qui plus est, doublé d'un cinéaste de documentaire de très grande qualité, au style particulier. Pour sa bio-biblio-filmographie, voir ici.

Claude et Clovis Prévost interviewés à la Halle St-Pierre par Olga Caldas

 

 Couv. (2) Bâtisseus C&C Prévost 150 .jpg    Outre le fait que les chapitres initiaux paraissent avoir été remodelés dans certains cas (je n'ai pas encore le livre, mais je m'en rends compte en voyant les pages filmées dans l'interview filmé ci-dessus), la réédition de leur ouvrage de 1990 (cette fois aux Editions Klincksieck  Les Belles Lettres) comporte des chapitres supplémentaires par rapport à la première édition. Quatre exactement. Chaque chapitre étant consacré à un seul "bâtisseur" à chaque fois (en l'occurrence dans la première édition: le Facteur Cheval, Chomo, Fernand Chatelain, l'abbé Fouré, Monsieur G. - Gaston Gastineau, de son vrai nom -, Marcel Landreau, Picassiette, Camille Vidal, Irial Vets, et Robert Garcet), les quatre créateurs qui ont été ajoutés dans cette nouvelle mouture sont : Robert Vasseur, Robert Tatin, Roger Rousseau et Guy Brunet. Personnellement, si je ne connais pas "l'œuvre" de Roger Rousseau (qui paraît dépouiller des sols du Lot pour restituer les amas rocheux désormais dénudés qu'ils contiennent, réalisant ainsi volontairement ou involontairement une sorte de "land art" sauvage), et si je ne sais donc pas si l'on a affaire  avec lui plutôt à un artiste qu'à un homme sans qualité particulière, je n'hésite pas à ranger en art singulier (art contemporain de marginaux) Robert Tatin et Chomo, qui, en dépit de leur originalité, restaient très "artistes" (faisant référence à des cultures artistiques modernes diverses). Claude et Clovis Prévost se refusent à faire le distingo entre art brut stricto sensu et artistes marginaux, ce n'est pas leur affaire. Leur message essentiel consiste à attirer notre attention sur le fait que, pour ces créateurs en plein air, l'espace fonctionne comme un discours.

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Gaston Gastineau (appelé "Monsieur G." par les Prévost) devant une de ses fresques qui donnait sur la rue à Nesles-la-Giberde, Seine-et-Marne, photo Clovis Prévost, 1974.

 

     Samedi 3 décembre, samedi prochain donc, à 15h (entrée libre), à l'auditorium de la Halle St-Pierre, Claude et Clovis viendront présenter leur livre et, par la même occasion, projetteront trois de leurs anciens films : Robert Tatin, les signes de l'homme (28min.), Le Facteur Cheval, "Où le songe devient la réalité" (13 ou 26 min. ? Car il existe deux versions), et Chomo, "le fou est au bout de la flèche" (28 min.). C'est un événement à ne pas manquer.

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Mme Isidore, devant la maison qu'avait couverte de mosaïque son mari, Raymond, surnommé Picassiette, ph. Clovis Prévost

     Et citons pour clore cette note ce passage final de la préface de Michel Thévoz (reprise d'un texte de 1978), dont la conclusion vient confirmer le titre que j'avais choisi pour mon propre ouvrage paru en 2011 (Eloge des jardins anarchiques) :

     " (...) les bâtisseurs dont il est question, Camille Vidal, Fernand Chatelain, Irial Vets, Marcel Landreau, Raymond Isidore (dit Picassiette), Monsieur G., le Facteur Cheval, Chomo, Robert Tatin et quelques autres, ont entrepris de transgresser les règlements et usages et d'affronter les ricanements de leur entourage, pour échafauder cette manière de philosophie personnelle et concrète où l'habiter, le sentir, le penser et le vivre trouvent une expression encyclopédique et monumentale. Bien que, en cette période de programmation urbanistique, le terme résonne péjorativement dans la bouche des architectes les plus éclairés — ou qui se croient tels — nous dirons que cette exposition constitue un éloge de l'anarchie architecturale."

Michel Thévoz, à propos de l'exposition "Les Bâtisseurs de l'Imaginaire" de Claude L. et Clovis Prévost, présentée fin 1978 début 1979 à la Collection de l'art brut de Lausanne.

 

18/10/2016

Signature à l'Outsider Art Fair du 4e titre de la Petite Brute par Bruno Montpied, "Marcel Vinsard, l'homme aux mille modèles"

       Je fais une pause dans l'accrochage de l'exposition que j'organise à St-Ouen dans la galerie Amarrage ("Aventures de lignes", rappel : le vernissage c'est ce samedi 22 à partir de 15h, jusqu'à 19h, au 88 rue des Rosiers).

Couv livre Vinsard.jpg      Jeudi 20 octobre, dans deux jours donc, j'irai à la première journée de l'OAF (en français, ça donne le "Salon de l'art brut - et apparentés", ce qui nous parle tout de même davantage que le jargon américain, en plus, "OAF à de (vieilles) oreilles françaises, ça sonne tout près de "OAS", acronyme de sinistre mémoire...). Je serai en effet présent sur le stand de la librairie de la Halle Saint-Pierre qui me donne aimablement l'hospitalité. Je dédicacerai mon livre sur Marcel Vinsard, inspiré du bord des routes dont l'environnement, qui détenait le record du nombre de statues naïvo-brutes en plein air, vient juste d'être démantelé et dispersé, suite à son décès le 23 juillet dernier.

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Marcel Vinsard en ses œuvres, photo Bruno Montpied, juillet 2013 : Adieu, Marcel...

 

    C'est le 4e titre de la collection la Petite Brute, collection, qui, soit dit entre parenthèses, cherche désormais un autre éditeur, capable de la reprendre. Son premier éditeur, l'Insomniaque, jette en effet l'éponge...

19/08/2016

Marcel Vinsard est mort et son jardin s'évanouit avec lui

      Cela commence à devenir un cliché chez les créateurs d'environnements naïfs-bruts en bord de route. On apparaît "médiatiquement" (en l'espèce, ça venait juste de commencer), parce qu'on a accumulé suffisamment d'œuvres pour être aperçu des passants, locaux, puis de proche en proche, nationaux, puis internationaux. On est âgé cependant, on a commencé souvent (en majorité) à l'âge de la retraite ; pour accumuler, il a fallu qu'une vingtaine d'années supplémentaires passe – la santé était toujours là, heureusement – et l'on arrive bientôt à 80 ans (Marcel Vinsard avait eu 86 ans en février). On n'est pas éternel, hélas. Et l'on salue la compagnie, on tire sa révérence, comme on dit, d'une formule qui oublie soigneusement de noter les souffrances qui vont avec parfois (ce fut le cas ici, apparemment).marcel vinsard,la petite brute,patrimoine d'art populaire,environnements spontanés,inspirés du bord des routes,polystyrène,biennale hors-les-normes,art immédiat,bruno montpied,pontcharra,vandalisme de l'art populaire,nécrologie des inspirés A peine a-t-on un peu fait parler de soi (Marcel Vinsard, l'homme aux mille modèles, de Bruno Montpied, collection La Petite Brute, éditions de l'Insomniaque, sortira cet automne dans toutes les bonnes librairies, voir également ici), et voilà que l'on s'anéantit. Du site originel, il ne restera comme souvenir public, pour l'heur, que ce modeste livre-album. C'est pour cette raison qu'on me pardonnera de le mettre ici en avant...

 

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Dans sa cuisine, Marcel Vinsard en train de s'expliquer, ph. Bruno Montpied, 2013

 

    Marcel Vinsard est mort le 23 juillet dernier. Il n'aura pas eu le temps de voir le livre que je lui ai consacré et que je lui avais promis. Cela faisait un an qu'il déprimait, et six mois qu'il était hospitalisé. Il souffrait d'insuffisance cardiaque depuis environ quinze ans ans, ai-je appris, ce qui ne l'avait pas empêché de bâtir son œuvre fantaisiste autour de son "chalet" de Pontcharra, et de se balader à vélo dans le bourg et dans le pays environnant (c'était un grand amateur de cyclisme). J'ai écrit que le matériau de prédilection de ses statues (il était arrivé fin 2014 au chiffre record de 1000), le polystyrène, avait été choisi par lui afin de produire plus vite. A présent, j'ajouterai que très probablement la légèreté de cette matière précaire l'arrangeait aussi en raison de sa propre fragilité.

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Marcel Vinsard, les statues en polystyrène peint, ou en ciment-colle, ou en objets détournés, ou en bois, qu'on voyait en arrivant dans le jardin, ph. B.M., 2013

 

     J'aurais aimé que son œuvre lui survive. Hélas... La famille a eu envie de faire place nette, revendre la propriété, etc. (bien sûr, pendant l'été, cela se voit moins?). Les statues? Il semble que beaucoup d'entre elles, déjà pendant l'hospitalisation de Marcel Vinsard, se soient évanouies, entre les mains de passants, voisins, voyageurs, amateurs que l'on espère passionnés de cette forme d'art. D'après un témoin lecteur de ce blog, M. Rémi Bézelin, qui m'a contacté, en effet toutes les statues qui longeaient la grille de clôture du jardin avaient disparu bien avant la mort de leur créateur. Les plus belles pièces auraient été ainsi dispersées depuis quelque temps déjà, tandis que d'autres s'étaient grandement dégradées du fait du manque d'entretien par l'auteur devenu incapable de s'en occuper (la région a un climat froid, l'hiver). On aimerait savoir où les localiser. Il faudra malheureusement attendre de les voir resurgir au gré des brocantes, ou d'expositions... (comme l'année dernière à Lyon, où une trentaine était en vente). Et ce qui reste dans la propriété est en voie de destruction, quoique selon le fils de Marcel Vinsard, il s'agisse surtout de déblais venus de la maison.

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Marcel Vinsard, personnages avec un diable rouge dans la salle à manger de sa maison, ph. B.M., 2013

 

    Marcel Vinsard avait été exposé, ai-je dit, l'année dernière, dans un espace à part dans le cadre de la Biennale Hors-les-Normes de Lyon.expo-MJC 2015.jpg J'ai entendu dire que des responsables de cette Biennale souhaitaient récupérer des œuvres de Marcel, j'espère qu'ils pourront arriver assez tôt, et qu'ils auront l'amabilité de contacter ce blog. D'ores et déjà, j'appelle tous ceux qui sont soucieux de la mémoire de cette œuvre étonnante et hors du commun à se manifester pour signaler ici la présence de telle ou telle statue rescapée du grand massacre. J'n profite pour remercier ici notamment Jean-Michel Chesné qui m'a signalé que des achats d'œuvres de Vinsard avait eu lieu pendant l'expo de Lyon.

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Marcel Vinsard, ensemble de statues diverses installées au pied de son chalet, ph. B.M., 2013 ; à signaler que ce détourage, réalisé par mes soins et proposé à mon éditeur pour la couverture du livre de la Petite Brute, ne fut finalement pas retenu : dommage...

 

    J'ajouterai, pour ceux qui se montreraient étonnés que j'aie l'air de me mêler de ce qui ne me regarde pas en parlant d'un territoire en fin de compte privé, que l'on peut aussi considérer, en tant qu'amateurs d'art populaire en plein air, ce territoire comme participant d'un patrimoine collectif d'un genre très spécial. A ce titre, tout individu qui a aimé cette œuvre installée au vu et au su de tous les passants est en droit de demander des comptes à ceux qui furent responsables de sa disparition. Si l'œuvre  est faite aussi par celui qui la regarde, pour paraphraser Marcel Duchamp, alors, on peut considérer que cette œuvre nous appartient un peu à nous aussi...

22/06/2016

Info-Miettes (28)

     Et voici un nouveau bouquet, ou plutôt panier, d'Info-miettes, qui suggèrent quelques pistes de voyage pour cet été aux uns et aux autres, mais aussi quelques idées pour rester résolument sédentaires à l'abri des flux touristiques...

 

Darnish exposé au Petit Casino d'Ailleurs

darnish, petit casino d'ailleurs, architectures babéliennes, maquettes, collages, cinéma     Le vernissage aura lieu le 26 juin. Darnish  expose, dans cet espace, situé à Ault dans la Somme (tout près de chez Caroline Dahyot), ses constructions babéliennes constituées de fragments de photos extraites de magazines, de peinture, de collage de papiers divers  dont j'ai déjà parlé à plusieurs reprises sur ce blog (voir ci-contre ce que Darnish intitule un "volume sans titre", hauteur 80 cm). Certaines d'entre elles se présentant comme des décors pour des éléments isolés, des silhouettes d'hommes ou de femmes comme évadés d'un film hollywoodien, ou bien réaliste poétique français, pour être projetés dans un monde souvent désert, infiniment plus kafkaïen (voir ci-dessous un bâtiment où apparaît le personnage joué par Bourvil apparemment dans La traversée de Paris)...

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Exposition "tout l'été", ouverte principalement le mercredi matin, les week-end, ou sur RDV au 06 08 37 90 97

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Roberta Trapani soutient une thèse à Paris: "Patrimoines irréguliers en France et en  Italie. Origines, artification, regard contemporain "

     Roberta Trapani appartient au CrAB (Collectif de recherche en Art Brut) et s'intéresse depuis plusieurs années aux environnements spontanés, sans se limiter, comme moi, aux créateurs populaires, mais en débordant vers un questionnement des possibilités d'un habitat autre, envisagé par les habitants ayant une conception inventive de l'architecture et de l'environnement. Elle a ainsi réalisé une thèse sur le sujet (menée sous la codirection de Fabrice Flahutez (Université de Paris-Ouest Nanterre La Défense) et d'Eva di Stefano (Università degli Studi di Palermo), avec qui elle collabore aussi régulièrement dans l'édition de la revue italienne OOA, sur l'art outsider). Elle s'apprête à la soutenir bientôt (pas Eva di Stefano, mais sa thèse...).

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      Cette soutenance, ouverte au public, aura lieu le mardi 28 juin prochain à l'Institut national d'histoire de l'art à 14h30 (INHA, Paris, 2 rue Vivienne, salle Fabri-de-Pereisc, rez-de-chaussée).

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Un passionné d'allumettes, Bernard Beynat, au musée du Veinazès

     Ce petit musée privé, dont j'ai déjà parlé aussi, notamment à propos du créateur d'un environnement nommé René Delrieu, dont des œuvres ont été abritées et protégées de l'anéantissement par ce musée, se trouve dans le Cantal non loin d'Aurillac.darnish,petit casino d'ailleurs,architectures babéliennes,maquettes,collages,cinéma,bernard beynat,musée du veinazès,architecture alternative,roberta trapani,soutenances de thèse,osservatorio outsider art,environnements spontanés,inha,crab Ses animateurs essayent d'enrichir ses collections, à partir de découvertes opérées semble-t-il la plupart du temps dans la région. Leur expo d'été (en lien le dossier de presse avec tous les renseignements pratiques pour venir au musée), intitulée "L'extraordinaire épopée d'un peuple d'allumettes", présente cette fois Bernard Beynat, un passionné de maquettes et de figurines en allumettes assemblées et mises en couleur.darnish,petit casino d'ailleurs,architectures babéliennes,maquettes,collages,cinéma,bernard beynat,musée du veinazès,architecture alternative,roberta trapani,soutenances de thèse,osservatorio outsider art,environnements spontanés,inha,crab On est, semble-t-il, dans l'exploit, le tour de force, l'habileté manuelle. Le personnage est épris d'Histoire et de monuments. il n'a pas hésité à déborder dans son jardin pour réaliser un village miniaturisé auquel il n'hésite pas à mêler des bâtiments inspirés de la Rome antique ou de l'Asie.

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 Pétition de soutien au maintien de l'émission de Philippe Meyer sur la chanson française sur France-Inter

     Au nombre de mes intérêts, je compte la chanson littéraire, poétique ou insolite francophone, qui, comme les cartes postales en matière de médium photographique populaire, est un vecteur de masse de la poésie pour le plus grand nombre. Il y a peu d'émissions de qualité je trouve sur la chanson dite  "à texte". Celle de Philippe Meyer, "La prochaine fois, je vous le chanterai", qui existe depuis 2002, hebdomadaire (tous les samedis à midi), en est une. Elle est actuellement menacée pour des raisons obscures (l'animateur de l'émission ne peut être, paraît-il, à la fois sur France-Culture et sur France-Inter ; il y a bien sûr une autre raison moins avouable). On m'invite à signer la pétition qui circule actuellement sur le site Mes opinions.com. Je l'ai fait ce matin, à vous de voir si vous voulez en faire autant.

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Claude Massé au Musée de la Création Franche cet été

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Joseph Sagués, donation Claude Massé (dans la collection permanente du Musée de la Création Franche), photo Bruno Montpied, 2009

Expo "Patots et autres de l'art", du 24 juin au 4 septembre, au Musée de la création franche à Bègles. "L'inauguration, le vendredi 24 juin à 18h au musée, sera précédée d'une rencontre, le "Grand partage de la Création Franche", autour du livre que lui consacre Serge Bonnery, Claude Massé l'Homme liège (éditions Trabucaire), à la Bibliothèque de Bègles le vendredi 24 juin à 16h30. Ce rendez-vous sera suivi d'une séance de signature."

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Exposition de Jean-Louis Bigou, artiste et pas seulement découvreur de talents immédiats

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Et toujours à Villeneuve-les-Genêts, l'expo de mes photos d'après des environnements spontanés...

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Café "Chez M'an Jeanne et Petit-Pierre", sans M'an Jeanne et Petit Pierre, mais avec d'autres inspirés ; vue de l'expo de photos de Bruno Montpied dans l'ancienne salle de bal de ce café de village réaffecté grâce à l'action de l'association Puys'art animée par Fabienne Clautiaux, ph. B.M., 28 mai 2016

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Alain Bouillet expose sa collection dans le Rouergue: "De l'humaine condition"...

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Très bonne collection d'art brut au sens orthodoxe du terme (des non artistes, des créateurs s'exprimant en dehors de tout souci d'être reconnus, pour eux-mêmes avant tout, en quêtant peut-être à travers une telle pratique un réconfort, un sursis existentiel, un enchantement dans leur vie...), que celle d'Alain Bouillet, qui l'a déjà montrée l'année dernière à Bages, et qui en a tiré un excellent catalogue où il raconte ses découvertes

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"Les unes et les autres" au Musée Singer-Polignac à Ste-Anne, derniers jours

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Jean-Louis Cerisier et ses mondes intermédiaires, Centre Kondas d'art naïf, Viljandi, Estonie, 28 mai - 3 août 2016

     Notre célèbre (de plus en plus, en tout cas, vers l'Est, ça a l'air bien parti..) artiste primitiviste, singulier, naïf, et historien de la singularité en Mayenne et ses bords, Jean-Louis Cerisier, est invité depuis le mois de mai dans le centre consacré à l'art naïf (fort intéressant) de Paul Kondas (dont on attend impatiemment une exposition en France). Cerisier est-il parti pour être notre nouveau Douanier Rousseau au XXIe siècle (ils sont tous deux originaires de Laval, patrie aussi de Jarry, Lefranc, Trouillard, Ambroise Paré  et Alain Gerbault, tous de grands visionnaires en somme)?

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Jean-Louis Cerisier "et ses mondes intermédiaires"... Tiens ? Cela me rappelle quelque chose, "intermédiaires" : "recoins" ? Ou "interstices"?

14/06/2016

Dimanche 19 juin, on causera de petite brute et d'épouvantails à la Halle St-Pierre...

     Dans quelques jours (dimanche 19 juin, rendez-vous à 15h), nouvelle présentation des quatre titres de la Petite Brute à l'auditorium de la Halle St-Pierre avec la projection du film de Remy Ricordeau, tiré du troisième livre de la collection (au titre éponyme), Denise et Maurice, dresseurs d'épouvantails. Je serai présent, ainsi que Remy Ricordeau, pour défendre et expliquer le projet de cette collection, montrer les livres, et notamment le quatrième titre, que j'ai écrit, Marcel Vinsard, l'homme aux mille modèles. L'entrée est libre, bien entendu.

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Bruno Montpied, quatrième titre de la collection La Petite Brute

    Ce dernier livre, qui est une petite monographie consacrée à un créateur d'environnement peu chroniqué jusqu'à présent (72 p., et 65 illustrations en couleur), sera en vente en avant-première à un prix exceptionnel (révélé le jour même, ou bien encore ici), à la manière d'une souscription en quelque sorte. Sa sortie en librairie n'est prévue en effet que pour octobre. Si vous voulez profiter de l'occasion, venez donc nous en serrer cinq et acquérir du coup quelques livres. Les autres titres seront également en dédicace : le premier de la collection, Remy Ricordeau, Visionnaires de Taïwan, le deuxième, Bruno Montpied, Andrée Acézat, oublier le passé, et le troisième, Remy Ricordeau, Denise et Maurice, dresseurs d'épouvantails. Ces titres, inutile de le rappeler, mais je le fais quand même, sont d'ores et déjà disponibles en permanence à la librairie de la Halle St-Pierre, qui reste LA librairie de référence en matière de documentation sur l'art brut et apparentés.

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Les épouvantails-mannequins de Denise Chalvet et Maurice Gladine dans l'Aubrac, photo Bruno Montpied, 2012

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Chez Marcel Vinsard (en Isère), un rassemblement de masques et sujets divers en polystyrène peint, ph. B.M., 2013

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24/05/2016

Rappel, ce samedi 28 mai, la Petite Brute, dans l'Yonne, à Villeneuve-les-Genêts...

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      A signaler que cette journée du 28 mai –où sera également disponible à la vente l'ensemble des quatre titres de la collection La Petite Brute– marque le début de mon exposition de photographies consacrées à la thématique des environnements spontanés, prévue pour durer les mois de juin et juillet. Ci-dessous, une des photos exposées:

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10/04/2016

Un gouffre en plein ciel, le jardin de rocailles de St-Cyr au Mont d'Or

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Emile Damidot, posant devant une de ses chapelles pour une des cartes postales qu'il vendait aux touristes

 

     Samedi 16 avril à 16h à la Salle des Vieilles Tours (rue des Ecoles) à S-Cyr au Mont d'Or, je viendrai pour une conférence dans le but de situer le jardin de rocailles de l'Ermitage du Mont-Cindre, créé entre 1878 et 1913 par un ermite appelé "Frère François", alias Emile Damidot, dans le contexte plus large des rocailleurs et, surtout, des environnements spontanés bâtis par d'autres inspirés, qu'ils soient religieux, laïcs ou athées. Cette causerie sera illustrée d'une centaine de photographies et de cartes postales anciennes tirées de mes archives.

Conférence de B.Montpied : samedi 16 avril à 16h, salle des Vieilles Tours, Saint-Cyr au Mont d’Or. info@montcindre.fr / Tél : 06 32 39 94 73. Entrée 4 euros (ce tarif vise à aider les caisses de l'Association qui cherche à conserver et restaurer le jardin de rocailles d'Emile Damidot). Il y aura la possibilité ce jour-là de visiter l'ermitage et son jardin de 14h à 15h30 OU de 17h30 à 18h30, c'est-à-dire, avant ou après ma conférence.

*

    Afin de documenter les lecteurs sur ce jardin de rocailles, je mets en ligne ci-dessous la notice sur le jardin d'Emile Damidot qui figure dans le tapuscrit de mon prochain ouvrage sur les environnements d'autodidactes populaires , ouvrage actuellement en projet d'édition : 

"Emile Damidot, dit « Frère François » (?-1913), jardin de rocailles de l'Ermitage du Mont-Cindre, Saint-Cyr-au-Mont-d’Or. Non visitable en dehors de journées exceptionnelles de visite du patrimoine. A l’époque de mon passage, plusieurs chapelles en rocaille étaient en réfection sous des coffrages en tôle ondulée. L’entrée était étayée, et on ne pouvait accéder au belvédère à cause de la fragilisation des structures.

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Vue sur le jardin de rocaille et son belvédère depuis le bas, ph. Bruno Montpied, 2014

 

Ce frère François, installé après tant d’autres dans l’ermitage du Mt-Cindre[1], d’où l’on embrasse un vaste paysage avec vue imprenable sur la métropole de Lyon, fit des aménagements considérables durant son séjour de 1878, date de son arrivée à l’ermitage, jusqu’en 1910[2], à la fois sans doute pour des raisons d’édification religieuse, mais aussi probablement pour s’occuper. Il recourut surtout à l’art de la rocaille qui, importé d’Italie, visait l’imitation de la nature par un usage du ciment en trompe l’œil. On réalisa, essentiellement au XIXe siècle, dans maints jardins privés et parcs publics, des balustrades en faux rondins ou de fausses grottes.

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Par delà le paysage de rocaille, on aperçoit à l’horizon la ville de Lyon que domine le Mont-Cindre, ph. B.M., 2014

Par-dessus une grotte, créée auparavant par un confrère appelé Grataloup, il bâtit un belvédère en ciment de 12 mètres de haut. Amassant des pierres sur les chemins environnants, se servant de parties rocheuses qui avaient été à une époque plus ancienne une petite carrière, il maçonna et bâtit, par-dessus une multitude de faux rochers, des petites chapelles dédiées à des figures vénérées qu’il peupla de statues, apparemment[3], d’allure  saint-sulpicienne, Jeanne d’Arc, le Christ, François d’Assise, le curé d’Ars, etc. Trois croix dans un angle étaient chargées de figurer le site du Golgotha.

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Le belvédère au sommet du jardin de rocailles de l'Ermitage du Mt-Cindre, ph. B.M., 2014

 

Un chemin de prières fut également dessiné parmi des fleurs et toutes sortes de plantes qui constituaient de fait un jardin botanique qui disparut malheureusement par la suite. « Lavandes, mélisses et romarins, mêlant leur parfum aux roses, lys blancs, hémérocalles et iris émergeaint d’un tapis de pervenches, fraises des bois ou lierre rampant. Les buis et les lauriers forment maintenant des touffes imposantes » (Marie-Chantal Pralus). Plusieurs cartes postales furent éditées, popularisant grandement le lieu. C’était alors un moyen de diffusion à la portée de l’homme du commun soucieux de sa publicité, à une époque où il y avait très peu d’autres média[4].

L’aspect quelque peu foisonnant, baroque et naïf, la technique illusionniste de la rocaille, avec ses effets faussement naturels mêlée à de véritables végétalisations, méritent d'être associés à d'autres types d'environnements d'autodidactes qui parfois en procèdent également. Lorsque l’on se trouve plongé dans ce décor semblable à celui d’un théâtre en plein air, on se sent submergé par l’aspect fantastique du lieu, assez proche d’une gorge ou d’un gouffre en réduction (et on oublie bien vite les surdéterminations religieuses qui présidèrent à sa constitution). C’est d’autant plus renversant que, paradoxalement, ce « gouffre » est placé au sommet d’un mont dans un beau défi à la logique géographique."

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Le jardin de rocailles en cours de (laborieuse) restauration ; on note la rupture de style frappante entre le bourgeonnement rocailleux et la chapelle voisine, ph. B.M., 2014

______

[1] Sa fondation officielle remonterait à 1341.

[2] Au même moment se bâtit dans la Drôme, non loin de là, le Palais Idéal du Facteur Cheval et se sculptent sur la côte de Rothéneuf les rochers à figures de l’abbé Fouré. Le curé Paysant dans l’Orne à Mesnil-Gondouin décore pour sa part les murs intérieurs et extérieurs de son église jusque vers 1920.

[3] J’écris « apparemment » parce qu’elles ont disparu, soit volées, soit détruites à la suite du vandalisme ou des intempéries. 

[4] Ce que comprirent aussi de leur côté l’abbé Fouré (en Bretagne), le curé Paysant (en Normandie), ou le Facteur Cheval (Rhône-Alpes).

14/02/2016

Création Franche n°43 où les inspirés du bord des routes sont de retour

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Le n°43 d'une revue fondée en 1989

 

    Voici le nouveau numéro de Création Franche, revue bi-annuelle, un numéro au printemps, un numéro en hiver... Disponible sur abonnement, ou directement au Musée de la création franche à Bègles, et de temps à autre à la librairie de la Halle St-Pierre, Paris 18e ardt...

   Au sommaire − en dehors de l'édito du directeur, Pascal Rigeade, qui, cette fois-ci, nous présente le nouveau rendez-vous du musée, appelé de façon très branché "le Lab" (qui, d'après ce que j'en ai compris, souhaite révéler le dialogue que noueraient telle ou telle œuvre de la collection avec le contexte social, économique, culturel, etc, de sa production... Ambitieux programme...), et de l'article de Gérard Sendrey, l'ancien directeur, et fondateur du musée − on trouve cinq chroniqueurs extérieurs : Paul Duchein, Dino Menozzi, Denis Lavaud, Bernard Chevassu et moi-même. Les deux créateurs évoqués par Duchein et  Menozzi ne m'ont, je dois dire, pas beaucoup retenu. Non, je me suis plutôt attardé sur l'article de Bernard Chevassu qui propose une balade du côté des "racines et des rêves", autrement dit, de créateurs qui ont ce point commun de s'intéresser fortement aux formes suggestives de la nature, notamment arboricole. On y retrouve, au hasard des pages, quelques images des œuvres de Félix Gresset, personnage dont je n'avais plus entendu parler depuis une éternité, je crois bien que c'était dans une ancienne brochure de l'Aracine la dernière fois...

     En cherchant un peu dans ma documentation, j'ai finalement retrouvé une notice sur lui, illustrée de deux reproductions, dans le catalogue Art Brut, collection de l'Aracine, édité par le LaM, musée d'art moderne de Villeneuve-d'Ascq en 1997. Il y est dit que Gresset, ouvrier forestier dans le Jura, avait installé des personnages constitués de branches, de racines, ou bien encore de souches interprétées, devant sa maison, dans un village joliment appelé Chantegrue (un nom de lieu prédestinant là encore, sûrement). Ce qui me permet de le ranger parmi les créateurs populaires d'environnements chers à mon cœur. L'article de Chevassu vagabonde avec raison de façon agréable chez les assembleurs et interprètes amateurs (ou non : plusieurs de ceux qu'il cite paraissent plus "artistes") de poésie naturelle. On sait que, rien que dans la catégorie des créateurs autodidactes populaires, ils sont légion. On aime à ramasser du bois mort, ou des galets aux formes tourmentées, qui représentent d'étranges formes interprétables. C'est la manière que les fées et les trolls ont trouvée pour se perpétuer jusqu'à notre époque trop raisonnante. 

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Le jardin de Félix Gresset, photo parue dans Art brut, collection de l'Aracine (1997)

    Ce numéro de Création franche s'attarde plus que d'habitude chez les inspirés du bord de routes. C'est ainsi que l'on lit avec plaisir l'entretien que Francis David, l'émérite photographe du Guide de l'Art insolite dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie (Herscher, 1984), a donné avec bonne grâce à Denis Lavaud. Le dialogue revient sur le parcours de ce pionnier en matière de recherche d'inspirés, en nous révélant que c'est, entre autres, à la suite des expositions de Claude et Clovis Prévost que dès 1977 à Chartres, Francis David décida de s'intéresser de plus près aux habitants-paysagistes. Il y a en effet une chaîne de quêteurs d'inspirés du quotidien qui va, ininterrompue, depuis le début du XXe siècle (si l'on pense aux photographes anonymes qui nous ont gardé la trace par la carte postale de tant de sites du passé) jusqu'à aujourd'hui.

     Francis David, en plus de son travail photographique des années 1980, aurait très bien pu développer l'écriture, de façon tout aussi originale que dans sa photographie. Il s'est en effet rapproché des écrivains-voyageurs, si l'on se réfère aux quelques rares notes de balade (des vers en réalité) qu'il fit paraître dans le catalogue de l'exposition Les Bricoleurs de l'Imaginaire (Musées de Laval et de La Roche-sur-Yon, 1984). Ces dernières se terminaient par ces mots:

     "rouler jusqu'à la nuit / avec l'ivresse de ces courses et de ces rencontres / avec le vertige / d'avoir à délimiter / les fondations d'une tour de Babel / que des rêveurs s'acharnent / à bricoler pour nous / tous."

    Un Gabriele Mina, en Italie, s'est souvenu de cette tour de Babel dans le titre de ses livre et site web (Costruttori di Babele...). De même qu'un certain Bruno Montpied ne rougit pas de reconnaître qu'il a dû se souvenir des "bricoleurs de l'imaginaire" (cf. le titre du catalogue et de l'exposition initiés par Francis David), pour le film qu'il a écrit avec le réalisateur Remy Ricordeau, Bricoleurs de paradis...

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    B.M., dans ce même numéro 43 de CF, a rapporté un petit reportage sur un environnement étourdissant, très atypique, qu'il est allé voir en Espagne, en compagnie de deux camarades, l'été dernier. Ce site incroyable, créé par un certain Julio Basanta, pour commémorer le meurtre de son frère, puis de son fils, par la police, à vingt ans d'intervalle, est imprégné d'un mysticisme légèrement délirant qu'il paraît fréquent de rencontrer chez nos voisins ibères. L'article aurait pu faire partie de la série de notes que j'ai commencée sur ce blog (intitulée − bien présomptueusement puisqu'il n'y a eu jusqu'ici, je m'en avise avec confusion, qu'un seul épisode s'y rapportant − "Journal de voyage en Espagne"), évoquant en pointillé cette dérive automobile en Espagne. Je ne me laisserai pas aller à évoquer cette création architecturale et sculpturale, car cela nous emmènerait trop loin. Publions juste une photo supplémentaire et renvoyons nos lecteurs qui voudraient en savoir plus vers la revue. Car la fin du papier par la lecture sur internet n'entre pas dans mes vues... 

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La "Casa de Dios" de Julio Basanta, ph. Bruno Montpied, 2015

  

 

17/10/2015

Du côté du cinéma documentaire, un nouveau film de Philippe Lespinasse

       André et les Martiens, ça s'appelle, ce nouvel opus lespinassien. Le réalisateur a réuni cinq créateurs (et non pas "artistes" ; comme dit Pailloux dans la bande-annonce du film, on n'aime pas trop le terme appliqué à ces auteurs inspirés, hors système des Beaux-Arts, n'ayant à la limite besoin d'aucun public), Paul Amar, confectionneur d'univers en boîte hantés par de multicolores coquillages que Philippe Lespinasse a été l'un des tout premiers à défendre, Richard Greaves, faiseur canadien de cabanes voulues et construites extraordinairement bancales aujourd'hui détruites, André Robillard, et ses fusils, et ses Martiens, et ses "renards de la forêt d'Orléans", et ses Spoutniks, Judith Scott qui s'immergeait dans des cocons plus gros qu'elle, tout embrouillés des fils de son âme aux chemins labyrinthiques et enfin André Pailloux et ses vire-vent, son vélo étourdissant que Remy Ricordeau et moi-même avions présenté primitivement (2011) dans le film Bricoleurs de paradis.

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      Ces créateurs sont réunis par la magie d'un regard amical passablement ébaubi devant les audaces de ses personnages, à tel point qu'on peut se demander, lorsqu'on n'a pas encore vu le film, si les "Martiens" dont il est question dans le titre du film ce ne serait pas aussi les quatre autres créateurs rencontrés dans le documentaire.

27/09/2015

Marcel Vinsard déterritorialisé à Lyon

     Du 28 septembre (demain lundi) au 16 octobre prochain, quelqu'un a eu l'idée de proposer à Marcel Vinsard, l'ex-coiffeur auteur d'un jardin habité d'un millier de sculptures taillées principalement dans le polystyrène qu'il peint ensuite de couleurs vives, dont j'ai déjà parlé sur ce blog, de présenter plusieurs de ses sculptures à Lyon dans une MJC. Cela s'inscrit probablement dans le cadre de la prochaine Biennale Hors-les-Normes qui régulièrement (tous les deux ans donc) présente dans plusieurs locaux éclatés un peu partout dans la ville des expos, conférences et autres projections ou manifestations diverses sur le thème des arts bruts et apparentés ("outsiders" pour parler comme les Américains). Si j'ai le temps, je tacherai d'y revenir, car d'autres expos cette année là-bas méritent qu'on en parle et peut-être aussi qu'on s'y transporte.

 

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Marcel Vinsard lisant studieusement un ouvrage d'art, ph. Bruno Montpied, 2013

 

      Marcel Vinsard est un cas à part parmi les créateurs d'environnements. Moi qui n'aime pas trop employer le terme d'artistes à tort et à travers en évoquant les auteurs populaires de jardins naïfs et fantastiques, puisqu'ils ne sont pas des professionnels de l'art, n'en vivant pas, ne se situant pas par rapport à ce qui se fait dans le spectacle et l'histoire de l'art, participant d'une culture autre, relevant en fait de la culture de masse (télé, bd, pubs, media) où surnagent parfois des bribes des anciennes traditions rurales, avec Vinsard, je dois reconnaître que ce recordman de la quantité de statues installées dans un jardin entre habitat et route aime à se confronter à certains artistes reconnus. Il l'annonce sur des divers panneaux autour de sa maison, chez lui, on trouvera du Braque, du Picasso (voir ci-dessous une "poupée" d'après Picasso), du Giacometti, des Uriburu (qui est nettement moins connu celui-ci) qu'il expose comme des articles destinés à prouver la dextérité de son insolite artisanat. Il ne fait pas que ça, loin de là, puisqu'il en était en décembre dernier à 1000 pièces, mais il ne dédaigne pas de se laisser photographier en train de feuilleter un livre d'art, l'air de rien... 

 

 

une-poupee-de-Picasso.jpg      Le voici donc extrait de son jardin de Pontcharra en Isère, ses œuvres légères du fait de leur matériau à la fois ductile et peu dense le permettant tout à fait, et le suggérant même, même si ce ne fut pas le mobile premier de leur réalisation. Lorsque je l'ai visité en 2013, il avait des difficultés à donner un prix possible devant mon désir d'acquérir une de ses pièces. Qu'en sera-t-il à la MJC de Monplaisir (la bien nommée)?

      Cependant, que voici un drôle d'artiste, que j'aimerais bien voir au milieu des cénacles de rapins lyonnais. Il y aurait des chances que, toutes proportions gardées bien entendu (faut pas exagérer en effet), ce genre de réunion risquerait de tourner en eau de boudin, du genre banquet du Bateau-Lavoir avec Picasso (justement) recevant le Douanier Rousseau, avec peut-être quelques malentendus à la clé...

 

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Marcel Vinsard, De Gaulle perdu dans la foule des "modèles" de l'ex-coiffeur, ph. et coll. BM, 2013

 

Exposition Marcel Vinsard, MJC Monplaisir, 25, ave des Frères Lumières, Lyon 8e ardt, tél: 04 72 78 05 75. Gratuit, ouv tlj de 9h à 21h.

 

29/06/2015

A Rothéneuf, expo de l'association des amis de l'oeuvre de l'abbé Fouré et redécouverte d'une sculpture de "l'Ermite"

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      Voici la nouvelle exposition à la fois documentaire et artistique sur l'abbé Fouré et "l'art brut en Bretagne" que présente l'association des amis de l'œuvre de l'abbé pour cet été à l'Hôtel le Terminus du Val, avec à la clé, l'exhibition, au moins sur l'affiche, d'une nouvelle sculpture attribuée au fameux ermite. Je dis cela ainsi, avec une feinte réticence, parce que rien ne nous a été transmis au sujet des conditions de cette attribution, d'où la sculpture provient, comment elle est parvenue entre les mains de l'association, est-on sûr qu'il ne s'agit pas d'une copie des œuvres de l'abbé dans un style "à la manière de", etc.

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La sculpture retrouvée attribuée à l'abbé Fouré, avec la même inscription que sur le rosier précédemment retrouvé en 2010

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Détail d'une carte postale du vivant de l'abbé montrant à gauche le gisant de St-Budoc avec l'ange étendant ses ailes au-dessus du gisant et des trois niches

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Ce qui restait en 2010 du même autel de St-Budoc... ; l'ange est complètement rongé..., ph. Bruno Montpied

 

    A bien la détailler, avec son inscription, "Œuvres de l'Ermite de Rothéneuf A. Fouré", surmontant la représentation  taillée en bas-relief d'un gisant que paraît protéger un ange, représentation visiblement démarquée de la sculpture qu'avait taillée l'abbé dans les rochers le long de la côte (toujours visitables aujourd'hui comme on sait, quoique fort dégradés) montrant le gisant de Saint-Budoc, à bien la détailler, donc, on  se dit que le style ressemble apparemment bien à celui de l'abbé, et qu'il pourrait s'agir, par exemple, d'un panneau autrefois apposé à l'extérieur de l'ermitage pour indiquer aux curieux ce que le musée de l'abbé abritait derrière son mur crénelé, surmonté de têtes sculptées en pierre. Si cette hypothèse se révélait fondée, cela ouvrirait un espoir que d'autres pièces de ce petit musée incroyable aient pu être sauvées.

 

Oeuvre réapparue le18déc10, 1904, signée, offerte à Joséphine Macé, 1910.jpg

Autre sculpture retrouvée de l'abbé Fouré en 2010, apportée par sa propriétaire au cours d'une exposition montée à Rothéneuf par Joëlle Jouneau, ph. BM

 

       Je veux le croire en tout cas. Sans pourtant effacer l'intuition  funeste que j'ai depuis fort longtemps, selon laquelle on risque bien de ne retrouver des sculptures de l'abbé, finalement, que peu de pièces décisives, soit des cadeaux faits à des obligés (comme la sculpture d'un rosier qu'on vit réapparaître à Rothéneuf lors d'une expo des débuts de l'Association en 2010, j'en avais parlé ici même, et voir ci-dessus), soit des meubles, des objets manufacturés ayant appartenu à l'abbé, ou des sculptures sans grande valeur, ayant quitté l'ermitage en 1910 lors de la vente aux enchères qui suivit la mort de l'abbé et dont j'ai publié le récit, écrit par Eugène Herpin, alias Noguette, dans le dossier que j'ai consacré au musée disparu de l'abbé Fouré dans la revue L'Or aux 13 Îles  n°1 en janvier 2010 (dossier qui contenait aussi la réédition du Guide du Musée de l'Ermite). J'ai ainsi personnellement vu passer (récemment) sous mes yeux des reproductions d'un fauteuil de l'abbé (authentique puisqu'on le reconnaît sur une carte postale de la Belle Epoque, l'abbé étant assis dessus), parti d'une collection privée parisienne en direction de Montpellier (paraît-il), de même qu'on a pu voir  il y a bien plus longtemps un tabernacle de l'abbé reproduit dans le livre de Michel Ragon, Du côté de l'art brut, ou qu'on peut encore découvrir une commode que possède Bruno Decharme dans la collection d'art brut ABCD (voir ci-dessous).

 

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Fauteuil de l'abbé de passage dans une collection privée parisienne (voir ci-dessous du temps où l'abbé s'asseyait dessus)

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Le même fauteuil (qui provient d'une vente aux enchères qui se tint à St-Malo dans les années 1980, où selon le témoignage du collectionneur qui le posséda un temps se vendirent quelques rares meubles de l'abbé que fort peu de gens se disputèrent...)

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Tabernacle à usage privé de l'abbé Fouré ,tel que reproduit dans le livre cité de Michel Ragon

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Commode en provenance également de chez l'abbé Fouré, collection ABCD

 

     La réapparition de cette seconde pièce de bois sculpté de l'abbé Fouré, due à l'incroyable ténacité de l'animatrice de l'association des amis de l'œuvre de l'abbé, Joëlle Jouneau, acharnée à collecter depuis environ cinq ans, à rassembler toute la documentation possible sur l'œuvre et la vie de "l'Ermite", apporte cependant une assise certaine à ces archives auxquelles on souhaite de trouver à Rothéneuf un local plus pérenne.

 

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Simone Le Moigne, coll. Art Obscur (à noter une petite  -j'ai dit "petite"...- parenté d'inspiration dans cette toile avec les images que crée en Vendée Yvonne Robert)

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Détail d'un objet sculpté, du "patient de St-Avé", coll. Art Obscur

 

     En parallèle de la présentation de cette sculpture retrouvée, l'association a choisi de présenter des œuvres provenant de divers autres points de la Bretagne, soit empruntées à la collection de l'Art Obscur de Michel Leroux (Simone Le Moigne, peintre naïve ; le "patient de St-Avé" avec une sculpture d'inspiration populaire assez énigmatique ; Yvette et Pierre Darcel, créateurs d'un environnement dans la région briochine dont j'ai abondamment parlé dans mon Eloge des Jardins Anarchiques et ici même au sein de plusieurs notes), soit provenant d'autres sources, comme des œuvres  du sculpteur de Kerlaz, Pierre Jaïn (il est cher à mon cœur depuis que j'ai aidé à sa redécouverte dans l'exposition d'Art Insolite au musée rural des arts populaires de Laduz en 1991), probablement prêtées avec le concours de son petit neveu Benoît Jaïn, ou encore des œuvres de Jean Grard et d'Alexis  Le Breton, tous deux créateurs d'environnements dont peu de pièces circulent en dehors des sites qu'ils créèrent en plein air (celui de Jean Grard a de plus été démantelé quelques années après sa disparition).

 

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Pierre et Yvette Darcel, la table du petit déjeuner avec cafetière et moulin à café, ces deux accessoires ayant donc fait (voir témoignage de Michel l'égaré ci-dessous en commentaires) l'objet de répliques séparables de l'environnement proprement dit, certaines étant montrées dans l'expo à Rothéneuf, ph. Bruno Montpied, 2009

 

 

25/05/2015

Hommage à Caroline Bourbonnais, une exposition et un catalogue

 

Caroline Bourbonnais lisant une monographie sur Dubuffet de Max Loreau, visuel Fabuloserie © Philippe Couette

 

Couverture du catalogue de l'exposition d'hommage à Caroline Bourbonnais (1924-2014), visuel Fabuloserie

 

      Du 18 avril au 2 novembre 2015, les héritières de Caroline Bourbonnais, Agnès et Sophie Bourbonnais, ont décidé de rendre un hommage appuyé à cette fondatrice, avec son mari Alain, disparu en 1988, de la collection de la Fabuloserie, un ensemble d'œuvres hors-normes conservé dans un bâtiment-labyrinthe, ainsi qu'autour d'une pièce d'eau, au sein du petit village de Dicy dans l'Yonne. Elles ont y été aidées par Déborah Couette, qui avait déjà réalisé, en compagnie d'Antoine Gentil et d'Anne-Marie Dubois en 2013-2014, juste avant la disparition de Caroline Bourbonnais donc, au musée Singer-Polignac, dans l'Hôpital Sainte-Anne à Paris une expo consacrée aux œuvres moins connues conservées dans les réserves de la Fabuloserie, "Un Autre Regard".

 

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Le parc de la Fabuloserie autour de l'étang, avec à l'arrière-plan le manège de Petit-Pierre et sur la rive à droite des statues de Camille Vidal rescapées du démantèlement du site de ce dernier situé originellement à Agde dans l'Hérault, ph. Bruno Montpied, 2011

 

     "Des Jardins imaginaires aux jardins habités, des créateurs au fil des saisons" est le titre d'une première exposition réalisée dans le cadre de cet hommage, et présentée dans le parc de la Fabuloserie ainsi que dans l'ancien atelier d'Alain Bourbonnais se situant à l'orée de ce parc (voir ci-dessous).

 © Jean-François Hamon

 

      Sa thématique est centrée sur les réalisations exécutées en plein air par un certain nombre de créateurs d'environnements spontanés, créateurs dont plusieurs fragments de leurs environnements se sont trouvés déplacés et sauvegardés dans le parc de la Fabuloserie, espace d'exposition caractéristique et original au sein de cette collection, la seule à posséder ainsi en Europe un musée de plein air consacré aux environnements d'art spontané (comme je l'avais déjà signalé dans mon ouvrage Eloge des Jardins Anarchiques en 2011). Voici la liste des créateurs exposés dans le cadre de cette première expo, avec pour ce qui concerne les autodidactes de culture populaire: Pierre Avezard, dit Petit Pierre, Giuseppe Barbiero (Joseph Barbiero), Jean Bertholle, Marcello Cammi, Jules Damloup,  Marie Espalieu, Marcel Landreau, Gaston Mouly, Charles Pecqueur, François Portrat, Abdel-Kader Rifi, Robert Vassalo, dit Vlo, le Finlandais Alpo Koivumäki et Camille Vidal. En ce qui concerne les créateurs en plein air plus "artistes", on trouvera aussi des œuvres d'Alain Bourbonnais, de l'Indien Nek Chand, de Roger Chomeaux, dit Chomo, de l'ineffable Danielle Jacqui, du baba new age Jean Linard, de Vincent Prieur, de Raymond Reynaud, du Belge Jean-Pierre Schetz et de Tô Bich Haï.

Joseph Barbiero, sans titre, sans date, pierre volcanique 45 x 33 x 21 cm, coll. La Fabuloserie, © Jean-François Hamon (visuel Fabuloserie) 

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Des sculptures de Camille Vidal et sur le mur rouge, structure portante conçue par Alain Bourbonnais, des médaillons en mosaïque et ciment de François Portrat, dans le parc d'environnements de la Fabuloserie, ph. BM, 2011

Robert Vassalo, Tu vas l'exposer à Marseille les 29-30 aout 94, Robert - Oui à la "Galerie Ola" 16.500.000 FRS Bld d'HAIFA - Tu es ignoble, v.1994, gouache et encre sur papier, 20,5 x 31 cm, coll. La Fabuloserie, © Jean-François Hamon ; Vassalo n'était  pas seulement l'auteur de sculptures installées à l'air libre mais il était aussi peintre (à noter que dans le catalogue on en apprendra plus sur lui grâce à une présentation de Roberta Trapani)

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Vue de l'exposition actuelle d'hommage à Caroline Bourbonnais ; on reconnaît des pierres sculptées de Barbiero sur la table blanche et (peut-être...) des personnages créés par Bich Haï dans le fond derrière une vitrine

 

     Les nouvelles animatrices de la Fabuloserie ne se sont pas arrêtées là. Elles proposent en effet  une seconde exposition, la première d'un cycle d'expos à venir (centrées sur des créateurs emblématiques de la Collection), consacrée à l'un des "piliers" parmi les artistes singuliers de la collection, à savoir Francis Marshall, connu pour ses grandes poupées boursouflées et bourrées dont l'une, Mauricette, occupe avec beaucoup de présence une salle entière à la Fabuloserie, avec en vedette la nommée Mauricette. A noter qu'à la faveur de cette exposition, première d'un cycle intitulé "Parcours turbulents", une nouvelle collection, dirigée par Déborah Couette, voit paraître son premier titre consacré à Francis Marshall, accompagné d'un DVD d'un film évoquant le parcours de cet artiste. D'autres devraient suivre, à chaque fois consacré à un des créateurs connus ou inconnus, dont l'œuvre est conservée à la Fabuloserie. C'est en quelque sorte une revitalisation de l'ancienne collection d'ouvrages que l'Atelier Jacob, première aventure d'Alain et Caroline Bourbonnais menée dans le quartier de St-Germain-des-Prés à Paris, éditait avant que leur collection migre en Bourgogne à Dicy.

Francis Marshall, la nommée Mauricette

 

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Plaquette sur François Monchâtre, de la collection Fabuloserie n°2, 1980 (on y annonçait l'existence de la Fabuloserie à Dicy)

 

     Enfin, une troisième exposition est également mise en place, intitulée "Le temps des collections, Hommage à Caroline Bourbonnais", qui se décline tout au long du parcours de la visite dans les collections, les œuvres sorties des réserves et constitutives de cet hommage faisant l'objet d'une signalétique particulière. Les créateurs exposés dans ce parcours sont : un Anonyme, dit Pierrot le fou (qui était déjà exposé à "Un Autre Regard"), Renaud d’Ampel (Sic, ce dernier que j'orthographierais personnellement plutôt "Renaud-Dampel" - car cela paraît être son nom et Jacques son prénom -  me semble être le même que celui dont on peut voir de magnifiques pierres peintes au Musée de l'Art en Marche de Luis Marcel à Lapalisse, voir ci-dessous), Guy Brunet, Gustave Cahoreau, Thérèse Contestin, Michel Dalmaso, Paul Duhem, Ted Gordon, Roger Hardy, Gérard Haas, Jeantimir Kchaoudoff, Aranka Liban, André Labelle, André Lécurie, Edmond Morel, Marilena Pelosi, André Robillard, Jean Tourlonias, Jacques Trovic et Jephan de Villiers.

 

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Jacques Renaud-Dampel, pierre peinte exposée au Musée de l'Art en Marche en 2014, ph. BM

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Une vue de l'intérieur de la Fabuloserie, avec quelques pièces de la collection, des Guivarch (les animaux en bas à droite), une enseigne de coiffeur en provenance d'Afrique de l'Ouest, à côté d'un tableau d'assemblage, semble-t-il, de Fernand Michel, de sculptures exécutées à la tronçonneuse de Jean Rosset(dans le fond), d'un bateau d'Emile Ratier(à gauche) et peut-être des pierres peintes du même Renaud-Dampel que dans l'illustration précédente, ph. BM, vers 2012

 

      Et puis il y a aussi un catalogue à l'occasion de ces expos, avec réuni autour de l'évocation des multiples aspects du travail de prospection et d'enrichissement de la Fabuloserie un bel aréopage de personnes connues depuis longtemps ou bien depuis plus récemment pour leur engagement envers l'art  brut, l'art populaire, l'art naïf, les environnements, l'art singulier et tutti quanti. Personnellement je me retrouve installé, pour évoquer mon vieux camarade Gaston Mouly (arrivé à la Fabuloserie en 89 parmi les premières nouvelles acquisitions de l'ère Bourbonnais avec Caroline en solo), entre Martine Lusardy (qui traite de Raymond Reynaud) et Céline Delavaux (sur Barbiero). Mais foin de beaux discours, autant vous donner le sommaire qui apparaît assez copieux:

Avant-propos, Agnès et Sophie Bourbonnais

 Avant-propos, Roger Cardinal

 Des jardins imaginaires au jardin habité, présentation de l’exposition, Déborah Couette

 Territoires imaginaires dans la collection art hors-les-normes, Déborah Couette

 Bâtisseurs et autres inspirés à La Fabuloserie :

 Charles Pecqueur ou la féerie d’un mineur, Sophie Bourbonnais

 La cathédrale de Marcel Landreau, Claude et Clovis Prévost

 Le jardin extraordinaire de François Portrat, Anic Zanzi

 Avec Chomo dans la tranchée des rêves, Jean-Louis Lanoux

 L’Arche de Noé de Camille Vidal, Déborah Couette

 Le Paradis Barbare d’Abdel-Kader Rifi, Déborah Couette et Antoine Gentil

 P.Avezard, vacher à la Coinche, « un aire de musique avant la sortie », Pierre Della

 Giustina

 Raymond Reynaud ou le fantassin du mouvement perpétuel de la création, Martine

 Lusardy

 Gaston Mouly, un artiste rustique moderne, Bruno Montpied

 Barbiero au pays des volcans, Céline Delavaux

 Marie Espalieu à la croisée des chemins, Jean-Michel Chesné

 La Petite Afrique de Jules Damloup, Michel Ragon et Sophie Bourbonnais

 La Galleria dell’Arte de Marcello Cammi, Salade Niçoise ou Antipasti Bourguignon,

 Sophie Bourbonnais et Pierre-Jean Wurtz

 La maison de celle qui peint, Danielle Jacqui. A la démesure d’un rêve éblouissant,

Marielle Magliozzi

 Le harem fantastique de Robert Vassalo, Roberta Trapani

 Vincent Prieur le pinseyeur, Marie-Rose Lortet

 Les girouettes polychromes de Jean Bertholle, Agnès Bourbonnais

 Un élan venu de la forêt finlandaise d’Alpo Koivumäki, Raija Kallioinen

 D’un jardin extraordinaire à un autre. De Chandigarh à Dicy, Lucienne Peiry

 Le Coin au soleil de Jean-Pierre Schetz, Brigitte Van den Bossche

 Les âmes errantes de Tô Bich Haï. Peintures, poupées et pieux, Tô Bich Hai et Sophie

 Bourbonnais

 Fabuleuse Caroline Bourbonnais

 Fabuleuse Caroline, Laurent Danchin

 Tu vois, Michèle Burles

 La Fabuloserie, Musée des diables et des anges, Sepp Picard

 Nos musées, souvenirs, Jacqueline Humbert

 La grande Caroline de La Fabuloserie, Suzanne Lebeau

 Lettre de réclamation d’affection, Francis Marshall

 Merci Caroline, Pascale Massicot et Stéphane Jean-Baptiste

 Caroline, Philippe Lespinasse

 Caroline a rejoint Alain, Michel Nedjar

 Le ciel peut bien attendre, Claude Roffat

 La Fabuloserie comme spectacle, Jean-Pascal Viault

 Dans le miroir des flaques du temps, Jano Pesset

 Caroline chérie ou l’assurance modeste, Léna Vandrey 

Un discours peu conventionnel pour une femme non conventionnelle, Rose-Marie

Vuillermoz 

Hommage d’un chérubin charbonnier, Pascal Verbena

Annexes 

Liste des créateurs exposés : Des jardins imaginaires au jardin habité 

Listes des créateurs exposés : Le Temps des collections

 

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Gaston Mouly dans son atelier en 1988, ph. BM ; au-dessus à gauche, on voit accrochée en bonne place son plus grand tableau (la vie au village de jour et de nuit) exécuté bien avant qu'il n'expose au Musée de la Création Franche et prouvant qu'il n'avait pas attendu Gérard Sendrey pour dessiner et peindre

12/05/2015

Les Mayennais toujours à l'œuvre et à la manœuvre en Estonie

     "Chers amis et contacts,

      J'ai le plaisir de vous annoncer une nouvelle exposition de La Mayenne à l'oeuvre,  organisée au musée Paul Kondas d'art naïf et outsider de Viljandi en Estonie, du 15 mai au 15 juillet 2015. 

     La précédente exposition, Croisements et Filiations, organisée en 2013 au musée National des beaux-arts de Biélorussie à Minsk, présentait les ramifications à l'origine de l'émergence de la création naïve et singulière dans la région. 
 
     Celle-ci, qui a pour titre Destins croisés aborde l'aspect plus actuel de la mouvance singulière en Mayenne." (Jean-Louis Cerisier)
 

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Article de Pauline Launay dans Le Courrier de la Mayenne du 6-5-2015

    
    Donc, il faut comprendre qu'il s'agit du deuxième volet d'un ensemble appelé globalement "La Mayenne à l'œuvre" et  qui se transporte cette fois en Estonie dans ce petit musée de Viljandi, avec l'appui de M. Michel Raineri, ambassadeur de France en Estonie, en partenariat avec le ministère de la culture d'Estonie, le musée du Vieux-Château à Laval, etc., pour montrer des artistes et créateurs mayennais contemporains.
 

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Un dessin de Robert Tatin, La Vierge aux Oiseaux, 1982, coll. Art Obscur

 
 
   On veut y présenter quelques créateurs  et artistes emblématiques de ce creuset curieux lavallois et mayennais qui, dans la filiation avec le Douanier Rousseau, le grand ancêtre d'où tout est parti à l'évidence, ou avec Jules Lefranc,  Henri Trouillard, Robert Tatin, ou Jacques Reumeau (voir ci-contre, coll. Art Obscur), tous natifs de Laval, a su se renouveler en s'enracinant dans cette région.Reumeau 2 (2).jpg Jean-Louis Cerisier, le commissaire d'exposition, en collaboration avec Michel Leroux et son "art obscur", ainsi qu'avec plusieurs membres d'une association lavalloise, CNS 53 (Création Naïve et Singulière: Serge Paillard, Nathalie Mary, Michel Basset, Chantal Mady-Houdayer, Jean-Luc Mady, Salomé Mady), Jean-Louis Cerisier lui-même se veut à la fois artiste (que je qualifierai de "naïf moderne" tant ses expérimentations le mènent quelquefois  à dépasser allégrement les frontières de son art d'autodidacte naïf) et organisateur, médiateur de ses compagnons de créativité en Mayenne, nébuleuse que j'ai appelée autrefois dans un court article que j'avais inséré dans un ancien numéro de la revue des Pays de la Loire, 303, Arts, Recherches et Créations, "L'Ecole de Figuration poétique lavalloise".
 

Jean-Louis Cerisier.jpg

Jean-Louis Cerisier, un billet de 1000 zlotys déchiré, allégorie d'un refus de la vénalité proposé par l'artiste?


      On sait par exemple que Jules Lefranc, fut aussi à la fois peintre et collectionneur, et qu'il légua une bonne partie de sa collection au musée du Vieux-Château à Laval ce qui permit de lancer le musée en 1967. Et que ce dernier s'est ouvert très récemment à l'art singulier en lui consacrant quelques salles, en attendant mieux (une extension du musée à l'ancien palais de justice voisin par exemple). Art singulier qui est vu par les conservateurs du lieu comme une continuation de l'art naïf en moins strictement référent à la réalité visuelle, puisque l'art singulier se détache de la représentation du monde extérieur pour peindre plutôt des images aux formes et aux couleurs libres.
 

Gustave Cahoreau.jpgGustave Cahoreau tenant une de ses sculptures, un "protégé" de Michel Leroux... Archives Art Obscur

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Céneré Hubert, créateur multi-formes et notamment créateur d'environnement à St-Ouen-des-Toits (toujours en Mayenne), Archives Art Obscur

 

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Un très beau dessin (pastel?) de Patrick Chapelière ; à noter que les trois créateurs ci-dessus s'apparentent davantage à l'art brut qu'à l'art dit singulier, tant leur travail s'accomplit dans l'écart vis-à-vis des démarches traditionnelles artistiques ; coll. Art Obscur

 
     Jean-Louis Cerisier nous a adressé quelques images des œuvres qui seront exposées (du 15 mai au 15 juillet au musée Paul Kondas d'art "outsider et naïf" de Viljandi; ce Paul Kondas qui paraît être lui-même un "singulier" estonien que le musée de Viljandi verrait bien exposé en retour à Laval). Le moins que je puisse dire, c'est qu'il y a de quoi être ravi et enchanté par plusieurs artistes à découvrir si l'on doit se fier uniquement au panel proposé par Cerisier (voir les différentes illustrations émaillant cette note).
 

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Alain Lacoste, autre Singulier mayennais bien connu et prolifique ; coll. Art Obscur

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Marc Girard ; j'aime assez cette œuvre qui me fait penser à ... moi, mais aussi à Chaissac, à Lacoste...; coll. Art Obscur

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Et un Joël Lorand, un... Peut-être relativement ancien, non? ; coll. Art Obscur

 
 
    Dommage qu'il faille aller si loin pour les voir réunis (même si aura lieu en Mayenne durant seulement trois jours un autre petit rassemblement d'œuvres, comme je l'ai précédemment signalé, à St-Cénéri-le-Gérei).  

26/04/2015

La Maison de la Gaieté à Chérac (suite), on se mobilise...

     La Maison de la Gaieté, cette maison couverte de mosaïques dans les années 1930 par Ismaël Villégier et son fils Guy, qui étaient apparemment cabaretiers et qui avaient également décoré l'intérieur, dont j'ai déjà parlé il y a quelque temps sur ce blog, est toujours en danger de destruction par volonté de la mairie qui est propriétaire du lieu. Des associations se sont créées avec des idées pour la pérennité de cet édifice, une pétition a été lancée et a recueilli (chiffre de mars 2015) 470 signatures. On peut trouver des infos ici.

 

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depuis cette photo d'Eric Straub (2012), les palmiers ont été sciés...

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Détail des murs couverts de mosaïque "Le roi des cocus"... ph Association pour le Renouveau de la Maison de la Gaieté

 

 

    Il serait bien sûr dommage que ce lieu voué autrefois à la joie soit rayé de la carte et qu'à la place on trouve un jour une Maison de la Tristesse... Je répète que la meilleure façon de prolonger ce lieu, c'est-à-dire la plus en accord avec son esprit, serait d'y créer un espace de documentation et de rencontre autour des inspirés du bord des routes, créateurs autodidactes qui n'ont rien à voir avec les artistes tels qu'on les connaît avec leurs désirs de promotion, de gloriole... 

 

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Page 1 de la fiche consacrée à la maison des Viléger père et fils à Chérac par l'Inventaire du Patrimoine de la région Poitou-Charentes

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Page 5 de la fiche de l'Inventaire ; décors intérieurs, objets, meubles, tableau en mosaïque...

 

03/02/2015

Marcel Vinsard de Pontcharra, le site aux mille "modèles"

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Site de Marcel Vinsard, épris de gigantisme à la Giacometti, et boulimique de la déco brute de jardin, ph. Bruno Montpied, 2013

       Marcel Vinsard, dont j'ai visité avec un camarade en juillet 2013  l'environnement bourré de statues en majorité taillées dans le polystyrène et violemment colorées, avait alors atteint le respectable chiffre de 650 "modèles" comme il dit, et comme il le proclamait sur des panneaux multiples en devanture de sa propriété, visibles des passants sur la route. Je me doutais qu'il allait  bien vite atteindre les mille vu l'allure soutenue qui était la sienne...

 

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Panneau à l'entrée du site de Marcel Vinsard, ph. BM, 2013

 

 

      Eh bien, c'était chose faite  fin décembre 2014, comme il me l'a fièrement annoncé par téléphone. Car c'est un homme qui aime les records comme du temps où léger comme une plume il escaladait en vélo les cols de sa région en cyclotouriste conséquent.

 

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Chez Marcel Vinsard, ph BM, 2013

 

      Le mot de "modèles" lui vient apparemment de son ancien métier de coiffeur ("coiffeur qui rase les murs et frise la neurasthénie", comme il est inscrit sur un panneau en bordure de son chemin d'exposition - voir ci-dessus), car il lui servait d'exemples de coupes à proposer à ses clients. Seulement, en l'espèce, avec sa galerie en plein air de trognes et personnages hétéroclites, figures connues de lui dans sa région ou vedettes du cirque audio-visuel, c'est à une autre sorte de modèles qu'on se trouve avoir affaire, une fois qu'on a pénétré dans sa propriété, où ils s'exposent en une longue perspective à peine tempérée par la présence de grands arbres ou de massifs de fleurs, de la route jusqu'à son habitation, un chalet en rondins comme dans les alpages... Sans qu'on sache si l'auteur nous les propose en exemples (des modèles... de vertu?) à copier, ou simplement en effigies faites pour amuser (cette deuxième hypothèse restant la plus probable).

 

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Marcel Vinsard, skieur et autre épouvantail, soleil, figures fantaisistes diverses... Ph BM, 2013

 

     Ce créateur a été très peu repéré jusqu'ici. Bien sûr on le connaît localement, des télés régionales sont venues le voir (on sait que ce sont les journalistes localiers qui repèrent toujours en premier les faiseurs d'environnements insolites). Aujourd'hui, internet a pris le relais de surcroît, YouTube ou Dailymotion y vont de leurs vidéos plus ou moins abouties techniquement. A tel point qu'en restant chez soi, sans sortir de son fauteuil (bonjour les tours de taille qui s'arrondissent du coup!), en se servant de cet outil merveilleux mais aussi diabolique qu'est l'ordinateur (avec Google Street par exemple, on peut se balader virtuellement un peu partout ; plusieurs sites y sont mentionnés et visibles, de façon volontaire ou involontaire), on peut trouver les mêmes environnements d'art brut ou naïf qu'on aurait dû mettre auparavant des années à découvrir en parcourant la France avec ses petits pieds et sa voiture.

 

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Marcel Vinsard, Gérard Depardieu, la photo de référence et l'œuvre qui en a dérivé, muséographie souvent réitérée dans le décor de la vie de Vinsard, ph BM, 2013

 

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Marcel Vinsard, Einstein..., ph BM, 2013

 

     Marcel Vinsard est un personnage survolté, affable, en recherche de visiteurs. Il ne cesse de faire sa publicité par tous les moyens. Il appelle à tour de bras, sans craindre à un âge pourtant avancé de voir un jour l'affluence des amateurs en tous genres l'envahir et le submerger... Il ne cesse de produire une œuvre aux thématiques variées. Il se présente capable de produire du "Giacometti", du "Uriburu" (connais pas...), du "Braque", du "Moligliani", qu'il ne néglige pas de signaler, au cas où on en aurait douté, comme des "copies"... Bien sûr, le tuyau télévisuel qui cascade dans tous les logis de France ne l'a pas épargné, et comme ailleurs lui fournit une matière abondante pour son inspiration. Hommes ou femmes politiques (François Hollande - voir ci-contre -  Sarkozy, l'abbé Pierre, Bernadette Chirac, le président chinois Hu Jintao),marcel vinsard,environnements spontanés,pontcharra,isère,polystyrène,cyclotourisme vedettes du show-business (Coluche, Gérard Depardieu), personnages du cinéma (Shrek), vedettes des arts ou de la science (Einstein -voir ci-dessus- une poupée de Picasso, la Joconde... qu'il a installée dans son propre lit...), des figures populaires (l'homme le plus grand du monde, l'homme le plus petit...), qu'il mêlera volontiers à l'évocation de figures d'amis ou de proches de sa famille.

 

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Dans la cuisine de Marcel Vinsard, évocations de sa famille dont celle de sa femme avec sa photo incrustée dans la sculpture (derrière le buste de "Kiki Vinsard") et placée tout près de la photo de Marcel son époux, ph. BM, 2013

 

      Et parmi ceux-ci, au premier rang, trône dans son cœur le souvenir de sa femme disparue trop tôt, blessure affective inguérissable. Dans sa cuisine, bourrée comme les autres pièces de sa maison de statues proliférant sans contrôle, la figure de sa femme, sa photo et sa statue, apparaît posée sur un buffet telle une icône vénérée sur un autel d'église. On sent bien que cette perte l'a touché cruellement, et l'on ne peut s'empêcher de penser que la foule des statues colorées, pleines de joie de vivre, a accouru chez lui, dans son jardin et sa demeure, pour lui faire escorte, et plus encore, pour le soutenir dans son deuil et pallier à sa solitude, boucher le manque...

 

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Marcel Vinsard, l'entrée du châlet, la foule des œuvres... Ph. BM, 2013

 

Et tiens, pour conclure ici provisoirement, une question. En combien de temps ce site que je vous révèle ici va se retrouver sur les blogs d'Henk van Hes et de Sophie Lepetit, hein? Top départ (mais y a rien à gagner)...

 

04/10/2014

Création franche et productive

    J'ai gardé silence cet été sur deux publications du musée de la Création Franche à Bègles me disant que cela serait plus judicieux d'en parler à présent que plusieurs internautes sont revenus de leurs campagnes, d'après ce que j'en juge en parcourant les statistiques de ce blog. En effet elles sont sorties en plein juillet, pendant que vous vous détachiez, chers internautes, de toutes tablettes, et autres engins électroniques, voir presse et radios traditionnels. Le musée n'en a cure, sa communication ne  lui paraît  pas essentielle, peut-être se dit-il "Dieu reconnaîtra les siens". La distribution de ses libelles et autres catalogues se fait centralement à Bègles dans ses locaux. Vous ne la trouverez que par la grâce d'un miracle en librairie. Même la Halle St-Pierre à Montmartre ne la diffuse qu'erratiquement. Et pourtant... Voici qu'est paru le n°40 de leur revue (lui pourtant disponible à la librairie de la Halle), avec une couverture noire minimaliste et pourtant baroque, une photo avec des superpositions qui fait penser à un archipel ou un oiseau dans les ténèbres, due à l'art raffiné de la photographe Marie-France Lacarce. création franche,musée de la réation franche,halle saint-pierre,marie-france lacarde,n°40 de la revue création franche,les fanzine sde l'art brut,crab,céline delavaux,déborah couette,bruno montpied,pascal rigeade,gérard sendrey,cako boussion,paul duchein,françois aloujes,joe ryczko,jean-françois maurice,abdelkader rifi,alain genty,thierry bucquoyBelle couverture qui veut peut-être solenniser ce chiffre rond - 40 numéros tout de même - mais qui sera la seule façon de marquer le coup pour ce bel effort éditorial, car nulle fête ne se profile à l'horizon pour ce quarantième non rugissant, mais séduisant.

 

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Charles Cako Boussion, panneau de signalisation bricolé, retrouvé par Charles "Cako" Boussion et profondément modifié par la peinture et des ajouts d'inscriptions en "profession de foi", 36x63 cm, 1983, coll. BM, Paris

       Il y est question de Cako Boussion - c'est moi qui me charge d'un article qui veut montrer que monsieur Boussion ne se cantonne pas aux compositions en mandalas, dites parfois "médiumniques", mais peut se révéler parfois bien plus éclectique dans ses choix de formes d'expression (comme on s'en convaincra ci-dessus). Paul Duchein rappelle de son côté l'environnement qu'avait créé Abdelkader Rifi à Gagny, en voisin de Madeleine Lommel l'ancienne fondatrice de l'Aracine. Il signe un second article sur les intéressantes compositions en coquillages de François Aloujes. Bernard Chevassu met pour sa part le focus sur un autre créateur d'environnement, Roger Mercier, qui vient d'abandonner son "Château de Bresse et Castille" située en pleine Bresse, site architectural naïf que nous avait autrefois révélé Frédéric Allamel dans Plein Chant (voir petit cliché ci-contre, ph. Bruno Montpied). création franche,musée de la réation franche,halle saint-pierre,marie-france lacarde,n°40 de la revue création franche,les fanzine sde l'art brut,crab,céline delavaux,déborah couette,bruno montpied,pascal rigeade,gérard sendrey,cako boussion,paul duchein,françois aloujes,joe ryczko,jean-françois maurice,abdelkader rifi,alain genty,thierry bucquoyJoe Ryczko quant à lui refait parler de l'excellent Alain Genty et de ses terres vernissées hautement "agitées", citant au passage le travail d'information que fait Thierry Bucquoy sur son blog à propos de Genty.

 

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Dimitri Pietquin, illustration extraite du catalogue de "Visions et Créations Dissidentes" 2014

 

      Il est à noter qu'il y a ce me semble une sorte d'écart qui grandit entre les créateurs et artistes évoqués dans la revue Création Franche et ceux que le Musée présente en ce moment dans sa dernière édition de "Visions et Créations dissidentes" (du 27 septembre au 23 novembre). Ai-je la berlue, ou bien ai-je raison de trouver qu'il y a vraiment de plus en plus de créateurs venus d'ateliers pour handicapés mentaux dans les expositions d'automne du musée (on sait que les autres expositions le reste de l'année sont plus spécifiquement consacrées à la découverte et la mise à jour des créateurs du fonds permanent du musée)? Dans la dernière mouture de cette exposition automnale, montrant comme d'habitude 8 nouveaux créateurs, il semble qu'on y compte au moins 5 ou 6 travaux d'ateliers, dont deux proviennent d'ESAT (Aide par le Travail). Ces ESAT qui paraissent bien rares - selon moi n'est-ce pas? - en travaux véritablement originaux (à l'exception notable comme je l'ai déjà plusieurs fois écrit sur ce blog, de l'ESAT de Ménilmontant, avec son Philippe Lefresne et son Fathi Oulad Ben Abid). Parmi ces travaux d'atelier, bien sûr il arrive que surgisse une œuvre plus attirante qu'une autre, mais les ressemblances avec d'autres travaux de talent déjà vus ne sont pas absentes, ainsi pour cette édition béglaise 2014 des œuvres de Dimitri¨Pietquin reproduites dans le catalogue. Au milieu de ces créateurs, surnage aussi (je me base on l'aura compris uniquement sur le catalogue pour exprimer cet avis), apparemment un peu incongrue  par l'aspect savant de ses reliquaires en assemblages d'objets recyclés et amalgamés en un ordre esthétique déjà rencontré dans les galeries parisiennes de la Rive Gauche, Lucie de Syracuse, dont Gérard Sendrey avait déjà parlé dans un numéro précédent de la revue Création Franche (d'une façon un peu absconse, je dois dire...).

 

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Lucie de Syracuse, illustration extraite du catalogue "Visions et Créations Dissidentes" 2014

 

      Au cœur du mois de juillet enfin, est paru avec retard un grand numéro hors-série (n°1) de Création Franche consacré entièrement aux "fanzines d'art brut et autres prospectus" et qui se veut "Actes de la Rencontre du 23 novembre 2013". En réalité, ce numéro est composé de textes et autres réponses à un questionnaire qui avaient été rédigées bien en amont de cette journée de novembre.

 

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     Le but recherché par le musée et par deux protagonistes du CRaB, Déborah Couette et Céline Delavaux, était, en interrogeant les protagonistes des revues et autres bulletins tournant autour de "l'art brut" (les Caire, moi, Bruno Montpied, Danielle Jacqui, Joe Ryczko, Gérard Sendrey, Jean-François Maurice, décédé peu de temps avant la journée du 23 novembre, Martine Lamy, et Denis Lavaud) et en exposant divers documents, de proposer à l'attention de (futurs?) chercheurs quelques exemples de publications plus ou moins amateurs qui des années 80 à aujourd'hui faisaient de l'information sur des domaines de la création populaire marginale. Il est à remarquer cependant que les revuettes et autres fanzines évoqués n'étaient pas à proprement parler des fanzines d'art brut (même si Céline Delavaux dans sa contribution à ce numéro Hors-Série contourne le problème en parlant de "manières d'édition brutes"...). Si l'on s'en tient aux définitions du concept inventé par Dubuffet, la seule revue d'art brut qui ait véritablement existé des années 60 jusqu'à aujourd'hui est ce que l'on appelle improprement "les Cahiers de l'Art Brut" et qu'il faut plutôt appeler les Fascicules de la Collection de l'Art Brut, émanant comme le dit le titre de la fameuse Collection installée à Lausanne depuis les années 70. En réalité les revuettes évoquées dans ce numéro lié à la rencontre de Bègles évoquent toutes sortes de formes de création, de l'art brut strict, jusqu'à l'art contemporain insolite, en passant par des artistes singuliers historiques, les environnements spontanés (pas tous réductibles à l'art brut), l'art des handicapés, les graffiti, le surréalisme conscient ou inconscient, l'art visionnaire, les fous littéraires, l'excentricité en littérature, l''art naïf, etc, etc. Comme s'il n'était pas possible de monter une publication qui se circonscrirait  uniquement à l'art brut. Ce constat, très peu dans ces "actes" ne le mentionnent et pourtant, il aurait mérité d'être mentionné et peut-être débattu.

      A signaler enfin que malgré une promesse entendue pendant la journée du 23 novembre le numéro hors-série en question n'est pas parvenu à nous restituer sous une forme écrite (pourtant il y eut captation par la vidéo et le son) les échanges qui eurent lieu durant cette journée, notamment la table ronde finale entre Jean-Claude Caire, Bruno Montpied, Gérard Sendrey, Pascal Rigeade et Denis Lavaud. Peut-être aurons-nous cette restitution plus tard notamment sous une forme vidéo mise en ligne sur le site du Musée de la Création Franche?

       On l'aura donc compris, c'est auprès de ce dernier qu'il faut se rendre pour se procurer ces diverses publications récentes.

03/09/2014

Postérité des environnements (9): la maison recombinée d'Antoine Puéo en danger de mort résiste encore...

     Des architectures d'autodidactes populaires, à part quelques exemples fameux comme le Palais Idéal du Facteur Cheval à Hauterives, la maison de Picassiette à Chartres, celle de Joseph Meyer à Berck-Plage, le collage de maquettes de monuments autour de la villa des époux Billy dans le Rhône la tour Travert et ses fers à cheval soudés dans le Maine-et-Loire, les demeures troglodytiques ornées comme celle de M. Roux dans le même département, les galeries souterraines de Jean-Marie Massou dans le Lot, la maison caparaçonnée de Jeanne Devidal à St-Lunaire, il n'y en a pas tellement en France, si on les compare aux nombreuses autres disciplines artistiques rencontrées dans les espaces populaires entre habitat et route. C'est plutôt les réalisations mobilières qui l'emportent sur l'immobilier, statues, mosaïques, fresques, accumulations, jardins topiaires, etc.

 

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Sans doute ce cliché des archives familiales conservées par Mme Ruig, petite-fille d'Antoine Pueo, montre un des états antérieurs de la "maison fleurie" de Lézignan ; merci à Jean-Louis Bigou de nous avoir transmis ce document

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Carte postale peut-être des années 70 montrant la même maison en rocaille, après déconstruction-reconstruction, Antoine Pueo apparaissant vraisemblablement au sommet de la construction, ainsi que sa femme (peut-être) à une fenêtre du premier étage, coll. Bruno Montpied

 

     C'est pourquoi la maison, l'immeuble plutôt, d'Antoine "Tounet"¹ Pueo à Lézignan-Corbières, fait partie des exemples architecturaux très rares, réalisés en pleine ville qui plus est par un autodidacte qui se permit de tripatouiller lui-même sans architecte sa propre demeure, en la recombinant, eut-on dit, d'étage en étage, rajoutant une balustrade par ci, éventrant des murailles par là, installant un système d'arrosage de ses nombreuses plantations en jardin suspendu qui recueillait les eaux de pluie, incrustant des statuettes dans des niches (qui ont été mises de côté par sa petite fille, voir le blog de J-L. Bigou), etc. Le tout prenant au fil du temps l'allure d'une gigantesque rocaille éruptive poussée en pleine zone urbaine.

 

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La maison ex-fleurie, photo BM, juillet 2014

 

    Elle a résisté près de cinquante ans. Je la croyais même disparue depuis belle lurette, jusqu'à ce que je découvre par une note du blog de Jean-Michel Chesné, puis par les nouvelles informations glanées par Jean-Louis Bigou sur son sympathique blog De l'art improbable dans l'Aude et ses environs, qu'elle était encore debout. Un répit de dernière minute me permit de photographier ce qui en subsistait en juillet dernier. En effet, la découverte de vestiges archéologiques tout près du bâtiment avait suspendu les travaux de démolition qui affectent de façon idiote tout le quartier de la "maison fleurie", surnom donné par les habitants et les journalistes à la construction rocailleuse de Pueo.

 

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Comment mieux mettre en évidence la guerre totale que mènent les urbanistes à la solde du pouvoir face aux demeures du peuple? Art "contemporain" contre art brut... Ph. BM ,juillet 2014

 

      Parce qu'il faut dire que la municipalité a décidé de passer un grand coup de balai dans ce vieux quartier populaire de Lézignan, aux petites boutiques simplissimes, au charme convivial, habité entre autres par des familles de Gitans, pour construire à la place des clapiers déshumanisés et sans âme comme aiment en produire au kilomètre les édiles et les urbanistes contemporains. Déjà, comme on le voit ci-dessus, on a placardé une espèce de fresque creuse et mochissime juste devant la maison en rocaille, prélude spatialement évident à la censure définitive annoncée pour bientôt de la maison d'Antoine Pueo.

     Et pourtant, habitants de Lézignan et gens de passage, cette maison était un des rares exemples français de création architecturale foutraque et naïve encore tolérée sur notre territoire. Vous aviez des amateurs qui se déplaçaient de loin pour venir la photographier. Si vous la détruisez, que viendront-ils faire à Lézignan ? Il n'y aura plus rien à voir...

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¹ Et non pas "Quinet" comme l'appela de manière erronée Yves Rouquette dans un article ancien de la défunte revue Les Cahiers de l'Office.

15/08/2014

Disparition de Caroline Bourbonnais, et hommage à la Fabuloserie

     Caroline Bourbonnais est décédée dimanche dernier. Décidément, après Madeleine Lommel, Monika Kinley (décédée au début de cette année à 88 ans), Charlotte Zander (elle aussi disparue cette année), une page se tourne avec ces femmes d'une incroyable pugnacité qui bâtirent des collections d'art hors les sentiers battus des années 70 aux années 2000. Caroline Bourbonnais, devenue la vestale de la Fabuloserie après le décès de son mari architecte et artiste Alain Bourbonnais en 1988, tenait d'une main de fer dans un gant de velours la collection d'Art-Hors-les-Normes qui est installée à Dicy dans l'Yonne, et divisée en deux parties particulièrement révélatrices dans leur spatialité des conceptions du couple Bourbonnais. Elle paraissait éternelle, personnellement je ne me souciais aucunement de chercher à connaître son âge, tant son rôle de gardienne intemporelle des lieux lui composait un masque d'intangibilité. Je n'ai découvert son âge (90 ans) qu'en apprenant sa mort, cette dernière inéluctablement associée au temps qui nous emporte tous.

 

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Parc de la Fabuloserie consacré aux environnements spontanés, avec des statues de Camille Vidal et des médaillons en mosaïque de François Portrat sur le mur de présentation rouge conçu par Alain Bourbonnais, ph. Bruno Montpied, 2011

 

     A la Fabuloserie, ouverte en 1983, il y a le bâtiment, qui se ramifie par des surgeons greffés ou ouverts ces dernières années, conçu comme un labyrinthe et qui abrite des œuvres peintes, brodées, tissées, collées, sculptées, etc., et il y a le parc, consacré à une sorte de musée des environnements spontanés d'habitants-paysagistes quasi unique en France, voire en Europe. Ce parc a reçu en effet au fil du temps des fragments d'environnements sauvés de la destruction et du vandalisme, ce qui est le lot quasi fatal de ces formes de créations de non-artistes, fragments entretenus, restaurés, par des équipes formées par les Bourbonnais, des passionnés qui entrent en empathie avec les œuvres qu'ils choisissent de prolonger en les réparant et en les remontant, qu'on songe au magnifique sauvetage du "manège" de Petit-Pierre par exemple.

 

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Le manège de Petit-Pierre, ph. BM, 2011

 

       La Fabuloserie fut créée dans le prolongement de l'activité de l'Atelier Jacob qui s'était constitué dans le VIe arrondissement parisien dès le début des années 70, Alain Bourbonnais collectionnant depuis les années 60, activité qui lui servait de jardin secret à côté de son activité professionnellecaroline bourbonnais,alain bourbonnais,fabuloserie,art brut,art-hors-les-normes,dicy,aloïse,jean rosset,fernand michel,les singuliers de l'art,environnements spontanés,petit-pierre,église stella matutina (il fut l'architecte, à ce que j'ai entendu dire, entre autres de l'aménagement intérieur de la station RER Nation, et de l'église Stella Matutina à Saint-Cloud -église où entre parenthèses le signataire de ces lignes, bien avant de connaître l'art brut, à douze ans, fit sa communion... avant d'abjurer toute croyance en Dieu, le jour même de la cérémonie !). Bourbonnais avait décidé de continuer en France la prospection d'art brut, d'autant qu'il regrettait le départ de la collection de Dubuffet vers la Suisse en 1971.

 

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A l'intérieur de la Fabuloserie, des enseignes de coiffeur africaines, un Fernand Michel semble-t-il, des sculptures de René Guivarch, de Jean Rosset, un bateau de Ratier, photo extraite du site web de la Fabuloserie

 

           Cela dit, est-ce tout à fait le même "art brut" que l'on trouve à Dicy et à Lausanne? S'il y a des Aloïse à la Fabuloserie, et des Ratier, on y trouve aussi, mêlés sans distingo, beaucoup d’œuvres d'artistes singuliers, comme Nedjar, Francis Marshall, François Monchâtre, Verbena et autres Moiziard ou Lortet et Chichorro. Les deux Bourbonnais recherchaient semble-t-il avant tout l'étonnement et l'émerveillement générés par les œuvres qu'ils rencontraient au gré de leur quête, qu'ils proviennent du contact de créateurs autodidactes, bruts, populaires ou naïfs, ou d'artistes marginaux. L'exigence de leur regard esthétique aidait à fondre ces créations, hétéroclites au départ, dans un creuset unitaire. La Collection d'Art Brut de Dubuffet était plus intransigeante, cherchant avant tout chez le créateur recherché l'écart vis-à-vis de toutes références culturelles artistiques. Les créations plus mêlées au cirque artistique ambiant étaient rejetées dans une collection dite "annexe" qui fut rebaptisée par la suite la collection Neuve Invention.

 

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Caroline Bourbonnais faisant visiter le manège de Petit-Pierre à la Fabuloserie, photo A.Gacon, sur le site lYonne.fr

 

     Caroline Bourbonnais aura grandement fait grandir la collection qu'elle avait commencée avec son mari, tout en préservant l'unité architecturale labyrinthique voulue par Alain Bourbonnais. Depuis plus de trente ans, c'est grâce à elle que l'on continue d'avoir au cœur de l'Yonne ce double cabinet des merveilles, conjuguant intériorités et extériorités poétiques d'autodidactes divers. Ses filles Agnès et Sophie la secondaient depuis quelques années, reprenant progressivement le flambeau. Il semble donc que dans l'avenir immédiat il n'y ait pas de souci à se faire pour la poursuite de l'aventure "fabulose"... Mais Caroline Bourbonnais, elle non plus, nous ne l'oublierons pas.