Un pervers égotique chez les cœurs purs
Qu’il me soit permis de dire d’emblée que cette expo (qui va rester là pendant un an) est une offense grossière à la mémoire d’Anatole Jakovsky et à tous les artistes de sa collection.
Il est vrai que ce genre de juxtaposition irrespectueuse entre l’art « contemporain » et l’art patrimonial est courante, car c’est une manière de donner une crédibilité et une illusion de durabilité au premier… Et parce que l’ignominie passe d’autant mieux qu’elle est énorme. … Souvenons-nous des expos Ben, Hyber, Othoniel, (Lévèque avait failli y exposer aussi) au Palais du Facteur Cheval à Hauterives…Des Christs en fil de fer barbelé d’Abdessemed auprès du Retable sacré d’Issenheim (un coup tordu signé Aillagon-Pinault).
On aimerait connaître, les personnes, les instances, les intérêts divers qui entrent en jeu dans les prises de décisions pour de telles impostures….
On se demande, bien sûr, ce que Ben Vautier a à voir avec les naïfs du Musée Jakovsky, sinon d’être à l’opposé même de leur pureté de cœur et d’esprit, de leur innocence, de leur vérité native, bien loin de l’intellectualité tordue qu’il représente, comme « fou du village », de l’appareil bureaucratico-financier et des réseaux de la duchamposphère¹ anti-fachiste et progressiste
On se demande, bien sûr, comment on peut avoir cette impudence d’ envahir le vénérable et admirable Musée Jakovsky avec cet amoncellement de raclures d’atelier, avec cette asphyxiante récapitulation ad nauseam de formules textuelles et visuelles pseudo-subversives, hyper-rabâchées depuis 50 ans, et passablement faisandées… Qui ne provoquent ni ne font plus rire personne, hors les dindes et dindons apparatchiks culturels ravagés par 50 ans de consanguinité dégénérative, qui font fonctionner l’appareil toujours en place depuis 50 ans.
Qu’il me soit permis de penser que cet attentat à l’art véritable et partageable, parachève en beauté le travail de 50 ans de déconstruction du sens, de renversement des critères et d’effondrement des valeurs… au profit de la spéculation intello-financière… et je trouve particulièrement malhonnête d’utiliser les artistes naïfs comme caution ou boucliers humains à ce type d'exactions artistiques … exactions qui, elles-mêmes, cautionnent celles qui se répandent hors du champ de l’art… L’art « contemporain » se positionnant ainsi aux avant-gardes de cet effondrement généralisé de l’humain.
Etrange coïncidence :
Ben Vautier vient de nous signifier son refus de recevoir la newsletter de la Gazette de Nicole….. Ce qui ne m’étonne qu’à moitié, compte tenu de la perturbation que je subodore apparaître dans son cerveau, quand il voit cette richesse et cette variété de la création actuelle, qui ne peuvent qu’entraver gravement sa rhétorique encéphalo-tire-bouchonnée et ses stratégies marketing de valorisation personnelle.
Gazette 64"
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¹ Une des limites de mon intérêt pour les diatribes de Nicole Esterolle, c'est son attaque traditionnelle et répétée contre Marcel Duchamp accusé de toutes les dérives des artistes contemporains qui se sont réclamés de lui. Déjà Pierre Souchaud, dans la deuxième série d'Artension dans les années 1990, s'en donnait à cœur joie sur ce thème dans les colonnes de son magazine, ce que je goûtais modérément... Par ailleurs, je ne vois pas pourquoi une quelconque sphère antifasciste serait à critiquer.
J'ai eu envie de reproduire cette attaque contre Ben au MIAN Anatole Jakovsky parce qu'elle illustre la tendance très actuelle aux amalgames entre arts contemporains et art brut, ou naïf, comme on le voit ici.
Commentaires
J'aime bien quand Nicole chie dans la colle !
Écrit par : gilles | 23/07/2023
Vous devez l'aimer souvent, alors. Elle passe son temps à ça.
Écrit par : Le sciapode | 23/07/2023
Pas plus qu’on ne peut imputer à Descartes les errements du cartésianisme, on ne saurait imputer à Duchamp les gags éculés de ses copieurs. Cette réserve faite, la charge de Nicole contre Ben Vautier est des plus salutaire. On ne répétera jamais assez que ce qui se vend aujourd’hui sous le label art contemporain n’a aucune valeur esthétique et sensible, aucun pouvoir d’enchantement ou d’émerveillement et n’est que discours creux, intellectualisme décomposé, infatuation et foutaise.
Écrit par : L’aigre de mots | 24/07/2023
"Ce qui se vend sous le label art contemporain" est un peu vague, monsieur l'Aigre.
Personnellement, je pense que tout n'est pas à jeter systématiquement dans l'art contemporain, qui comprend aussi nombre de plasticiens inspirés, et pas seulement des auteurs d'installations creuses (parmi ces derniers, du reste, il se trouve certainement quelques poètes). A tirer à boulets rouges sur "l'art contemporain" sans nuance et sans distinctions, on risque de rejoindre certains autres contempteurs de l'art actuel parfaitement réactionnaires. Attention de ne pas faire le lit d'un futur ministre de la culture type RN qui encouragera l'art des santons et de la sculpture à la Arno Breker, ou pour rester en France, un art du Gaulois moustachu à forte carrure et baguette sous le bras (je n'ai rien contre l'art gaulois, je ne pense qu'à ce qu'on peut en faire d'un point de vue nationaliste)...
Écrit par : Le sciapode | 24/07/2023
Je m’étonne de l’utilisation du terme “antifasciste” comme si c’était un gros mot…
Écrit par : Darnish | 25/07/2023
Je ne déteste pas Ben, notamment ce qu'il a pu faire dans ses débuts (les Bag' arts par ex) mais il faut bien reconnaître qu'il n'a strictement rien à faire dans le musée Jakovsky et de ce point de vue l'article est pertinent qui distingue, mais c'est évident, l'art des naïfs et l'art très réfléchi de Ben.
Quant au mot de Duchamposphère, il est grotesque... Il fait songer à l'utilisation incontrôlée de "fachosphère" dès qu'un écrivain n'est pas dans la ligne des nouveaux petits pères ou mères du peuple...
Écrit par : léger péril | 25/07/2023
J'ai trouvé dans cette diatribe de Nicole Esterolle une confirmation de ce que j'avais ressenti un jour en assistant à une séance de projection de divers courts-métrages consacrés aux arts singuliers dans le cadre du festival qu'organise chaque fin de mai l'association Hors-Champ à Nice, à l'époque dans l'auditorium du MAMAC de cette ville.
Ce festival, dédié aux différentes formes d'art spontané (naïf, brut, singulier), malgré sa notoriété restreinte au plan national, même parmi les connaisseurs, avait acquis un écho régional certain. Et qu'avait-on vu ce matin-là? Le petit père Ben, l'histrion en chef, vint faire un tour, pour apostropher le public depuis la salle. Il ne fallait pas l'oublier, tout ce qu'il disait, en plastronnant et en mondanisant à sa manière faussement provocatrice, le criait. Avait-il peur que la diffusion de ces créateurs tous plus sincères les uns que les autres, parfois modestes, mais sûrement authentiquement inspirés, eux, lui fasse à terme de plus en plus d'ombre? Et finisse par le renvoyer aux poubelles de l'histoire de l'art? C'est ce qu'il m'était apparu, et je m'étais retenu de crier depuis l'autre côté de la salle où je me trouvais, "mais tais-toi donc, espèce de clown, rentre dans ta boîte et fiche-nous la paix...".
Écrit par : Le sciapode | 26/07/2023