Autour de Trouille à L'Isle-Adam (05/12/2009)

    Je m'en voudrais de ne pas vous signaler l'exposition autour de Clovis Trouille qui a débuté le 28 novembre au musée d'art et d'histoire Louis Senlecq de L'Isle-Adam et qui est prévue pour s'achever le 7 mars 2010 (tous renseignements sur le lien précédent, catalogue, conférences de Clovis Prévost, le vice-président de l'Association Clovis Trouille...). Elle s'intitule "Voyants, voyous, voyeurs", ce qui est tout un programme comme on voit... Le vernissage a lieu aujourd'hui à partir de 16 h. C'est annoncé sur un carton aux formes originales en accord avec les goûts du peintre Clovis Trouille (1889-1975), inclassable marginal de l'art moderne que l'on a tendance à rattacher aux surréalistes desquels il fut un temps le compagnon de route (mais dont il se séparait par son goût de "l'élite", et pour les artistes de l'Antiquité tels que Phidias ; il écrivait ainsi en 1961 à Maurice Rapin: "J'ai horreur de l'appellation "populaire", ce mot me fait vomir").

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Les chauve-souris qui sont des cache-sexes dans les peintures deClovis Trouille...
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Clovis Trouille, vernissage de l'exposition organisée par Ornella Volta à la Lanterne Magique le 9 novembre 1962, Pablo Volta,tirage argentique original

    Clovis Trouille, on a toujours intérêt à remettre le nez dedans. Et à l'écouter: "J'ai pour principe qu'il faut gagner de l'argent pour pouvoir vivre et peindre, mais jamais peindre en vue de gagner de l'argent, mais qu'un tableau fait en vue de la vente est raté d'avance" (cité dans le livre de Jean-Marc Campagne sur lui chez Pauvert en 1965). Comme l'a souligné Bernard Marcadé (dans le magnifique livre de Clovis Prévost sur Clovis Trouille aux éditions Melie-s en 1999), le peintre appliquait ses idées  à sa vie. Il vécut matériellement grâce à son métier de maquilleur-retoucheur dans une fabrique parisienne de mannequins. C'est son anarchisme, son anti-cléricalisme, son voyeurisme érotique assumé et revendiqué qui le rapprochent des valeurs défendues par les surréalistes. Par contre, sa technique faisant recours à la copie quasi hyperréaliste(notamment de photos) pourrait faire croire qu'il s'éloigne des techniques surréalistes connues comme le dessin automatique, les frottages, etc, si l'on oublie qu'à côté existaient aussi les techniques daliniennes de détournement délirant des techniques de la peinture illusionniste. Dali est du reste une grande référence de Trouille.
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Le voyeur canonisé, 1945, 38x46cm, tableau peu connu (étonnant!), extrait du livre de Clovis Prévost sur Clovis Trouille
 
     En fait Trouille généralisait - et dans ce domaine il eut un "frère" qui s'appelait Alfred Courmes, autre génial marginal de l'art moderne, du reste présent dans l'expo de L'Isle-Adam - une technique picturale de montage d'éléments iconographiques empruntés à l'imagerie ambiante, photographique, publicitaire, et même populaire. Il anticipait de loin sur le Pop'Art, la figuration critique, des peintres tels qu'Erro, ou ceux de la Figuration Libre (Di Rosa, présent dans l'expo avec un tableau d'hommage à Trouille). Il pratiquait au fond un collage, technique on le sait largement utilisée par les surréalistes (mais pas seulement par eux, les dadaïstes aussi), un collage qui se réalisait en peinture (technique savante peu à la portée des autodidactes mais peut-être plus féconde que le collage de papiers).
     Il prétendait n'avoir peint que 120 tableaux, c'est qu'il était aussi un perfectionniste, reprenant sans cesse ses ouvrages. Et même s'il paraît fautif de l'associer à la peinture dite "naïve", on ne peut s'empêcher de souscrire à ce que lui écrivit un jour Ghérasim Luca: "Vous êtes celui qui a réussi à planter entre les cuisses du douanier Rousseau une paire de couilles géantes".
     L'exposition est aussi l'occasion de présenter des artistes que l'on a voulu associer à Trouille, comme Courmes, Pierre Molinier (autre grand érotomane), Hervé Di Rosa (dont l'art modeste est petit cousin des goûts iconographiques de Trouille), Gérard Lattier (qui eut une correspondance avec l'artiste qui l'influença en ses débuts), Francis Marshall, Anne Van der Linden, entre autres.
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Clovis Trouille, La joueuse de tarentelle
  

A noter que l'exposition sera présentée ensuite au musée Rimbaud de Charleville-Mézières du 15 mai au 21 septembre 2010. Puis elle continuera son petit bonhomme de chemin jusqu'au musée du Vieux-Château de Laval du 16 octobre 2010 au 16 janvier 2011 (histoire sans doute de permettre à tous ceux qui prisent en Mayenne une certaine imagerie anticléricale délicieuse et peu montrée dans ces parages de s'en mettre plein les mirettes). 

 

18:02 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : clovis trouille, voyant, voyous, voyeurs, gérard lattier, pierre molinier, di rosa, érotsime surréaliste, anticléricalisme |  Imprimer