Art, folie et alentours, le n°24 de la revue Area (20/03/2011)
(Cette note contient une petite mise à jour à la fin, datant du 24 mars...)
Area est une revue fort bien maquettée, dirigée par le critique d'art et collectionneur, curieux de diverses formes d'expressions picturales Alin Avila, qui travailla aussi sur France-Culture. Dans la série déjà longue de ses numéros, on rencontre à l'occasion divers évocations de figures autodidactes de l'art, comme Henry Darger ou Jacques Trovic, qui se retrouvent ainsi mêlés sans distinction particulière au tout-venant de la création contemporaine. Alin Avila a une sensibilité pour la création hors des chemins battus, en témoigne un des articles parus dans le n°16 de novembre 1978 de la revue Autrement, dossier "Flagrants délits d'imaginaire". Consacré à un ancien mineur du Nord devenu concierge à Paris, Félix Picques, peignant naïvement ses souvenirs de la mine, la découverte provenait d'une "rencontre" d'Alin Avila, nous y dit-on.
Voici que le n°24 de la revue se trouve consacré aux rapports de l'art et de la folie, et leurs alentours. Je n'ai pas le détail du sommaire (en scrutant avec une loupe la couverture reproduite sur le carton d'invitation, on devine des entretiens avec beaucoup d'acteurs connus et moins connus du champ de l'art brut ; même mézigue y a participé sur une proposition de Roberta Trapani, par un mini-entretien autour de mon livre Eloge des jardins anarchiques ; on trouve aussi au hasard de la revue une évocation du griffonneur de Rouen Alain Rault, "lettriste" spontané, déjà mentionné sur ce blog ). Le carton d'invitation annonce un vernissage pour le jeudi 31 mars prochain, avec une exposition d'oeuvres provenant de la collection de l'hôpital Sainte-Anne (le Centre d'Etude de l'expression, animé par Anne-Marie Dubois qui a déjà consacré pas moins de quatre tomes de livre à cette collection, belle et intriguante surtout grâce à ses oeuvres anciennes, c'est-à-dire entrées dans la collection avant 1950). Les oeuvres qui seront montrées chez Area proviennent de Gilbert Legube, Aloïse Corbaz, Francisca Baron, Fikaïte, Guillaume Pujolle, etc.
Aquarelle de Guillaume Pujolle ci-dessus, rare et belle...
L'exposition s'intitule "60 ans après? Reconstitution de l'Exposition internationale d'art psychopathologique de 1950". Le sous-titre m'a plongé immédiatement dans des abîmes de perplexité. Veut-on nous dire qu'il va s'agir de reconstituer cette exposition historique fort vaste dans le loft de la galerie Area? Cela serait digne du livre Guiness des records. Ou bien est-ce l'annonce d'un projet à venir au musée Singer-Polignac à Ste-Anne, wait and see... Si l'on veut se renseigner sur ce Centre d'Etude de l'Expression (et l'exposition "d'art psychopathologique" de 1950), voici un lien vers un document en PDF, rédigé par Anne-Marie Dubois pour un numéro de la Revue du Praticien daté de 2004 (il est à télécharger sur le site de cette revue). Il a le mérite d'être court et condensé.
L'exposition à la galerie Area (50, rue d'Hauteville, 10e Paris, fond de cour 2ème étage) se tient entre le 31 mars (jour de vernissage) et le 14 mai 2011. Elle est ouverte du mercredi au samedi de 15h à 19h. Le n° 24 de la revue sort au même moment. A signaler également, le jeudi 24 mars à 20h, la présentation de ce même numéro spécial à la librairie L'atelier (2 bis, rue Jourdain, Paris 20e), avec une "conversation autour de l'art brut : de la folie à la reconnaissance ?" entre les intervenants Alain Avila, Anne-Marie Dubois et Céline Delavaux.
16:28 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : area revue, art et folie, art brut, henry darger, jacques trovic, alin avila, eloge des jardins anarchiques, centre d'étude de l'expression, guillaume pujolle | Imprimer
Commentaires
Je vous recommande le passage croustillant de l'ami Dubuffet page 90 du pavé de Volmat: L'art psychopathologique. Vous trouverez j'en suis certain les mots pour expliquer le contexte de cet article.
Bravo pour votre publication, je ne pense pas être le seul à attendre avec curiosité le tome 2.Petit bémol, la maquette un peu triste avec une qualité de la photogravure qui laisse à désirer.
un autre ami
Écrit par : un autre ami | 31/03/2011
Je l'ai relu sur votre invitation.
Dubuffet dans une première partie de cette lettre (de 1952, alors que le livre est de 1955, non?) s'attache à affirmer sa position hostile à toute idée d'art psychopathologique, un art qui porterait les stigmates de la maladie psychique du créateur. C'est la deuxième partie qui vous titille à ce que j'ai cru comprendre. Dubuffet trouve que l'expo de 1950 à Ste-Anne contenait beaucoup d'oeuvres convenues et plates, souvent imitatives, la maladie mentale de leurs auteurs ne les ayant pas mis à l'abri de ces travers, communs avec les personnes saines.
S'il y a dans ce jugement un désir de se démarquer de Ste-Anne, en réaffirmant que le seul véritable connaisseur des bonnes oeuvres des créateurs aliénés c'est bien Dubuffet, avec certes un peu de jalousie par en dessous (il y a aussi à la même époque la passe d'armes avec Breton qui accusait Dubuffet de ne rien apporter de nouveau avec l'art des fous qui à l'époque prédominait vraiment dans la collection d'art brut jusque là réunie ; il parlait d'or puisque venait de se monter l'expo de Ste-Anne en 1950, après tant d'autres...), il faut aussi convenir que si on se base sur les oeuvres reproduites dans ce "pavé" de 1955, une bonne partie est en effet d'une platitude effroyable, ce qui donne quand même un peu raison à Dubuffet finalement.
Les oeuvres de qualité abritées par le Centre d'Etude de l'Expression n'ont été véritablement révélées plus largement au public que très tardivement (2000 et 2003 à ma connaissance). J'aime en particulier l'oeuvre mi-naïve, mi-brute d'Auguste Millet, dont on peut revoir quatre exemples dans l'expo actuelle de la galerie Area.
Sur votre remarque à propos de mon livre. Je vous trouve un peu sévère. Le lecteur n'a pas votre véritable nom, et c'est dommage parce que cela lui indiquerait que le jugement vient bien entendu d'une personne hautement autorisée à juger de la qualité d'une maquette, étant donné les travaux dont vous avez présidé à la publication. Je reconnais avoir perçu moi-même des petits problèmes de photogravure sur certaines photos. Ces problèmes sont pour moi archi-secondaires en regard de la liberté qui m'a été accordée par l'éditeur parfaitement respectueux de mes demandes, ce qui n'excluait pas bien entendu quelques négociations. Pour un premier livre, de cette ampleur qui plus est, cela a été un luxe inouï dont je mesure chaque jour le privilège. N'importe quel autre éditeur ne m'aurait-il pas harcelé d'exigences liées à son besoin de faire sentir son petit pouvoir dictatorial? Là, j'ai été fort libre. Je passe l'éponge sur les minimes fautes de photogravure qui sont sûrement imputables du reste, j'imagine, à une maladresse à l'imprimerie. Ces défauts ne sont quasiment pas perceptibles du lecteur ordinaire qui plus est. Votre critique est très professionnelle.
Maquette triste, dites-vous? Classique et simple, à mon humble avis, ce qui vaut mieux qu'une tentative de maquettisme vaguement avant-gardiste sombrant dans les fioritures.
Écrit par : Le sciapode | 01/04/2011
Si tel était votre choix artistique, c'est l'essentiel, ma remarque est alors à mettre à la poubelle. Ce commentaire (très mineur au regard du travail remarquable que vous poursuivez depuis des années) était fondé sur le fait que souvent les auteurs se retrouvent pris en otages de certains éditeurs peu regardants sur la qualité de fabrication.
un autre ami
PS: Il n'en demeure pas moins que je trouve les hautes lumières un peu creuses... Sorry, je chipote mais vous en êtes un autre !
Écrit par : un autre ami | 01/04/2011
"Hautes lumières un peu creuses"? Hou là, je n'ai que peu de lumière tout court sur de tels termes techniques. Du coup je suis allé en parler à mon éditeur favori, l'Insomniaque.
Ce n'est d'après lui pas du tout un problème d'impression ni de photogravure. Les minimes effets de verdure exagérée (mais on est dans des jardins anarchiques pas vrai?) viennent plutôt de certaines de mes photos d'origine, tantôt des diapos ou des argentiques scannées par moi avec du matériel amateur que nous n'avons pas toujours eu le temps de rescanner au mieux (le nombre de photos incriminables est fort limité). L'éditeur m'a écrit ceci à propos de ces petits défauts et des "hautes lumières":
« C'est dû à la qualité des clichés d'origine : grosso modo les hautes lumières sont les zones claires d'une image où le frêle détail s'atténue, voire disparaît (des arbres nus à l'arrière plan, des nuages, les nuances des reflets, etc) quand on pousse le contraste : avec ces clichés, il m'a fallu souvent jongler pour limiter ces dégâts dans les zones claires, nés de l'emploi originel non raffiné de la numérisation (scan et appareil numérique) tout en rendant les couleurs moins ternes. Pour faire un "beau-livre" bien standardisé, un éditeur richement doté aurait sans doute fait rephotographier bien des sites par un pro et relégué les purs documents à de petits formats. Ou bien il aurait tout fait relooké par un photoshopiste qui n'en aurait fait qu'à sa tête, sans réel feedback avec l'auteur. Je persiste à penser que notre modestie esthétique, sans maniérisme ni tape-à-l'œil, sied mieux en l'occurrence à celle des créateurs présentés — et au style de de notre maison d'édition. »
Voilà, jaime beaucoup cette mise au point qui éclaire d'une autre "haute lumière", cher "autre ami", notre "choix artistique". Ce dernier en définitive s'explique par la liberté consentie à l'auteur que je suis. Sans cet éditeur-là, si attentif et respectueux de mes demandes, rien ne se serait fait, et je serais toujours un "velléitaire". Le livre ressemble de ce fait beaucoup à un OVNI, je trouve (comme d'autres sur le même sujet du reste). Et c'est tant mieux, non?
Écrit par : Le sciapode | 03/04/2011
Alors: Vive les hautes lumières un peu creuses!!!!
Comme je suis également un chipoteur, (on pourrait dire un "enculeur de coléoptères"), je répondrai quand même à votre éditeur qu'un photoshopiste, comme il le nomme, n'en fait pas nécessairement qu'à sa tête si derrière son dos l'auteur est là pour lui donner des indications; il fait alors ce qu'on lui demande et tente de tirer le maximum du document fourni pour le grand plaisir de l'auteur qui alors s'émerveille des talents de magicien de ce précieux collaborateur.
Le "Jour du Seigneur" m'attendant à la TV, ne perdons pas notre temps à blablater sur des stupides détails qui, je le vois bien, sont pour vous et votre éditeur sans intérêt.
Continuez votre indispensable travail d'explorateur (avec ou sans hautes lumières creuses et noirs bouchés), c'est l'essentiel.
Un autre ami
Écrit par : un autre ami | 03/04/2011