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29/05/2014

Un film sur Henry Darger pour ceux qui ne vont pas à Nice et qui restent à Paris

     La Halle Saint-Pierre est compatissante pour tous les Parisiens et banlieusards qui ne pourront se rendre à Nice le week-end de Pentecôte prochain. Elle a décidé d'héberger samedi 7 juin une présentation du prochain livre des Editions Aux forges de Vulcain, L'Histoire de ma vie d'Henry Darger, le dernier texte que celui-ci aurait rédigé entre 1968 et la date de sa mort en 1973.HD l'histoire de ma vie.jpg Il devrait être livré par l'éditeur en juin prochain justement. Henry Darger est bien connu des amateurs d'art brut américain pour les milliers de pages illustrées qu'il avait créées dans le secret de son petit appartement à Chicago, pages qui mettent en scène l'épopée d'une guerre entre enfants et adultes sanguinaires. Elles ne furent découvertes qu'après sa mort par son logeur, Nathan Lerner, par ailleurs photographe connu aux USA. Ce fut la révélation de techniques d'illustration inédites dans l'art brut qui consistaient en collages d'images décalquées et reportées.

affichette-darger-525x742.jpg

        La présentation aura lieu à 15h30 dans l'auditorium de la Halle, accompagnée d'un film, Revolutions of the night, the enigma of Henry Darger de Mark Stokes, projeté donc le même jour que la programmation du 17e festival de films d'art singulier au MAMAC de Nice (il n'y a pas de lien entre les deux organisateurs). Cette édition s'effectue en préface à l'ouverture prochaine (en mai 2015) d'une salle entièrement consacrée à Henry Darger au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris (je me suis laissé dire par ailleurs que ce musée aurait également reçu un legs important de peintures de Marcel Storr ; si c'est vrai, à quand une aile d'art brut dans le musée comme au LaM de Villeneuve-d'Ascq? Mais je suppose que comme tous les créateurs de l'art brut sont désormais assimilés aux artistes de métier, il n'y en aura pas et que l'on mélangera allègrement tout le monde ; pourquoi du reste faire des musées distincts même, mélangeons tout, ethnographie, animaux empaillés, arts premiers, art modeste, art brut, art naïf, et art moderne...). 

       Il y aura un débat autour du livre et des éditions Aux forges de Vulcain, petit éditeur parisien que j'avais remarqué par ailleurs il y a peu de temps pour leurs traductions des romans "médiévaux" de William Morris, cet écrivain anglais du XIXe siècle, que l'on considère comme un précurseur de la littérature de fantasy, mais aussi comme le défenseur socialiste d'un art appliqué inspiré des arts populaires (il était à la fois écrivain, ami des Préraphaélites, et chef d'entreprise) qui ne se couperait pas des méthodes de l'artisanat.Tout Morris aux  forges de Vulcain.jpg Il avait pour position que tout homme avait le droit de créer et d'être entouré de beaux objets. Et il détestait l'esprit marchand qu'il jugeait contraire à l'esprit des artistes. Voici par exemple ce qu'il écrivait dans L'art et l'artisanat aujourd'hui, texte d'une conférence prononcée à Edimboug en 1889 ¹: "L'éthique du commerçant (qui va de pair, cela va de soi, avec ses besoins) le pousse à donner aussi peu que possible au public et à prendre autant qu'il peut de lui. L'éthique de l'artiste l'invite à mettre tout ce qu'il peut de lui dans tout ce qu'il crée. Partant, le commerçant se retrouve aux prises avec un public d'ennemis, tandis que l'artiste a affaire avec un public d'amis et de proches".

 

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¹. Traduction française disponible dans William Morris, L'art et l'artisanat, Rivages poche, 2011

20/03/2011

Art, folie et alentours, le n°24 de la revue Area

(Cette note contient une petite mise à jour à la fin, datant du 24 mars...)

     Area est une revue fort bien maquettée, dirigée par le critique d'art et collectionneur, curieux de diverses formes d'expressions picturales Alin Avila, qui travailla aussi sur France-Culture. Dans la série déjà longue de ses numéros, on rencontre à l'occasion divers évocations de figures autodidactes de l'art, comme Henry Darger ou Jacques Trovic,Jacques Trovic, Le Bijoutier,2007,coll de l'artiste en 2009, ph. Bruno Montpied.jpg qui se retrouvent ainsi mêlés sans distinction particulière au tout-venant de la création contemporaine. Alin Avila a une sensibilité pour la création hors des chemins battus, en témoigne un des articles parus dans le n°16 de novembre 1978 de la revue Autrement, dossier "Flagrants délits d'imaginaire". Consacré à un ancien mineur du Nord devenu concierge à Paris, Félix Picques,  peignant naïvement ses souvenirs de la mine, la découverte provenait d'une "rencontre" d'Alin Avila, nous y dit-on.

 

Félix Picques,Autrement n°16, 1978.jpglix Picques

 Area 24, art, folie et alentours, mars 2011.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Voici que le n°24 de la revue se trouve consacré aux rapports de l'art et de la folie, et leurs alentours. Je n'ai pas le détail du sommaire (en scrutant avec une loupe la couverture reproduite sur le carton d'invitation, on devine des entretiens avec beaucoup d'acteurs connus et moins connus du champ de l'art brut ; même mézigue y a participé sur une proposition de Roberta Trapani, par un mini-entretien autour de mon livre Eloge des jardins anarchiques ; on trouve aussi au hasard de la revue une évocation du griffonneur de Rouen Alain Rault, "lettriste" spontané, déjà mentionné sur ce blog ). Le carton d'invitation annonce un vernissage pour le jeudi 31 mars prochain, avec une exposition d'oeuvres provenant de la collection de l'hôpital Sainte-Anne (le Centre d'Etude de l'expression, animé par Anne-Marie Dubois qui a déjà consacré pas moins de quatre tomes de livre à cette collection, belle et intriguante surtout grâce à ses oeuvres anciennes, c'est-à-dire entrées dans la collection avant 1950). Les oeuvres qui seront montrées chez Area proviennent de Gilbert Legube, Aloïse Corbaz, Francisca Baron, Fikaïte, Guillaume Pujolle, etc.

  Guillaume Pujolle, Area 60 ans après.jpg 

Aquarelle de Guillaume Pujolle ci-dessus, rare et belle...

 

  

     L'exposition s'intitule "60 ans après? Reconstitution de l'Exposition internationale d'art psychopathologique de 1950". Le sous-titre m'a plongé immédiatement dans des abîmes de perplexité. Veut-on nous dire qu'il va s'agir de reconstituer cette exposition historique fort vaste dans le loft de la galerie Area? Cela serait digne du livre Guiness des records. Ou bien est-ce l'annonce d'un projet à venir au musée Singer-Polignac à Ste-Anne, wait and see...  Si l'on veut se renseigner sur ce Centre d'Etude de l'Expression (et l'exposition "d'art psychopathologique" de 1950), voici un lien vers un document en PDF, rédigé par Anne-Marie Dubois pour un numéro de la Revue du Praticien daté de 2004 (il est à télécharger sur le site de cette revue). Il a le mérite d'être court et condensé.

L'exposition à la galerie Area (50, rue d'Hauteville, 10e Paris, fond de cour 2ème étage) se tient entre le 31 mars (jour de vernissage) et le 14 mai 2011. Elle est ouverte du mercredi au samedi de 15h à 19h. Le n° 24 de la revue sort au même moment. A signaler également, le jeudi 24 mars à 20h, la présentation de ce même numéro spécial à la librairie L'atelier (2 bis, rue Jourdain, Paris 20e), avec une "conversation autour de l'art brut : de la folie à la reconnaissance ?" entre les intervenants Alain Avila, Anne-Marie Dubois et Céline Delavaux.


01/12/2008

Nathan Lerner, l'inconnu de Chicago que nous devrions mieux connaître

   J'ai toujours entendu parler de Nathan Lerner et de sa femme Kiyoko Lerner par le biais des expositions ou des catalogues consacrés à l'existence et l'oeuvre hors du commun d'Henry Darger, cet homme solitaire et replié sur lui-même qui créa des kilomètres de manuscrits et de fresques où il donnait libre cours à son invention de pays imaginaire où se déroulaient des combats homériques et parfois sanglants entre des bataillons de petites filles nues et de glaçants adultes acharnés à les vaincre et les étriper... On sait que ces deux-là logeant Darger dans un studio à Chicago, à la mort de ce dernier, découvrirent médusés ces manuscrits gros de milliers de pages illustrées.

Nathan Lerner, l'héritage du Bauhaus de Chicago, affiche de l'exposition du Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme, 2008-2009.jpg

   Or, qui était Nathan Lerner (disparu en 1997) ? Le musée d'art et d'histoire du judaïsme (le MAHJ) s'attaque à la question du 13 novembre 2008 au 11 janvier 2009. On y apprendra entre autres qu'étant né en 1913 et ayant vécu semble-t-il toute sa vie à Chicago, y ayant étudié au New Bauhaus fondé dans cette ville en 1937 par Lazlo Moholy-Nagy, alors réfugié d'Allemagne, il pratiqua la photographie notamment en captant la vie du quartier populaire de Maxwell Street à Chicago fréquenté par les émigrés juifs d'Europe de l'Est (fuyant les pogroms, la misère et  la conscription russe), plus dans une perspective de composition plastique que dans un esprit documentaire. Il semble que cette recherche fut avant tout expérimentale ne visant nullement à conférer à son auteur une position de spécialiste. Commencée au moment de la Grande Dépression des années 30 aux USA, elle fut menée en toute indépendance par le photographe. La rencontre, bien ultérieure (dans les années 80 il me semble), avec l'art brut, incarnée par la découverte de l'oeuvre cachée de son locataire Henry Darger, selon l'intuition que j'en ai, pourrait bien être très peu le fruit d'un hasard pur... Après la Seconde Guerre Mondiale, et après la mort de Moholy-Nagy, Nathan Lerner se tourna davantage vers le design, ce qui était un prolongement d'une recherche marquée par le sens de la mise en relation de l'homme avec toute chose, quêtant pour ce faire des moyens d'expression interdisciplinaires. Cette exposition me paraît pour toutes ces raisons parfaitement alléchante, isn't it...?

Le MAHJ se trouve dans l'Hôtel de Saint-Aignan, 71, rue du Temple, 75003 Paris. Se reporter au lien placé ci-dessus pour de plus amples renseignements d'ordre pratique ou pour connaître les animations présentées dans le cadre de cette expo (Le 19 novembre par exemple, a déjà eu lieu un récital de piano par Kiyoko Lerner). Un catalogue est édité à l'occasion de l'exposition.

30/07/2008

Eloquentes obsessions

 

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    En marge de l'exposition sur l'art des outsiders british qui termine son séjour à la Halle St-Pierre à Paris (clôture le 1er août), Mr Roger Cardinal qui passait ces jours-ci par Paris nous a glissé une petite carte annonçant une autre exposition à venir cette fois, et se tenant dans les faubourgs de Londres à Twickenham, sans doute le même Twickenham que pour le rugby. "Eloquent obsessions", cela s'appelle, et c'est organisé à la Orleans House Gallery, à Riverside, Twickenham (vous trouverez bien tout seul où ça se situe exactement à Londres). La manifestation est organisée conjointement avec la Henry Boxer Gallery basée à Richmond. Le carton n'est pas très bavard sur les créateurs que l'on devrait retrouver dans ce lieu, et je ne suis pas encore arrivé à dénicher sur la Toile une référence à cette expo. C'est peut-être trop tôt. Le vernissage est pour le 3 septembre, et c'est prévu pour durer du 30 août au 19 octobre. Comme je sens que je vais oublier d'en reparler, je l'ai casé ici tout de suite. Comme ça vous aurez le temps de réserver le très cher TGV pour l'Angleterre (c'est le genre d'expo pour la jet set de l'art brut ; qui ne sait plus où placer ses sous en matière d'art moderne ou contemporain). On va y retrouver des noms bien connus, Henry Darger, Madge Gill (prononcez "Guill", m'a recommandé Roger) ou Scottie Wilson, ainsi que quelques oeuvres des pensionnaires de Gugging en Autriche.

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Madge Gill, expo British Outsider Art à la Halle St-Pierre, Paris

Louis Wain Galerie Henry Boxer.jpg

    On devrait aussi, surtout, y trouver un créateur peu connu de ce côté-ci du Channel, à savoir le dessinateur obsédé de la race féline, le dénommé Louis Wain, que je ne connais guère autrement personnellement qu'à travers le portail internet de la galerie Henry Boxer. La notice de la galerie nous signale que le monsieur fut d'abord un grand illustrateur célèbre spécialisé dans les dessins de chats, avant de sombrer dans la psychose (on parle de schizophrénie à son sujet). Interné, il continua à représenter les êtres qu'il affectionnait entre tous, mais ses images prirent des allures qualifiées de "kaléidoscopiques".

Louis Wain Galerie Henry Boxer.jpg

     Ses chats devinrent psychédéliques, se fragmentant en dizaines, centaines d'éclats colorés qui les font rejoindre les images de dragons tels qu'on peut en voir dans l'art d'extrême-orient. Cela les rapproche aussi d'autres célèbres chats de l'art naïf, ceux de Van Der Steen.

        
         Van-Der-Steen,-un-de-se.jpg         Tigre-porte-bonheur.jpg
A gauche un des chats de Van Der Steen, à droite un jouet porte-bonheur chinois, un tigre que l'on offre aux enfants comme objet protecteur (art traditionnel XXe siècle)

    Souhaitons que nous ayons l'occasion de voir des oeuvres de Louis Wain un de ces jours prochains en France.

Vonn Ströpp, galerie Henry Boxer, expo British Outsider Art à la Halle St-Pierre, 2008.jpg
Vonn Ströpp, sans titre, vers 1984, 114,3x190,5 cm, acrylique, Henry Boxer Gallery

    L'expo British Outsider Art, si elle nous a tout de même permis de découvrir les rares dessins d'Andrew Kennedy ou encore les compositions visionnaires hallucinantes de Vonn Ströpp, a raté l'occasion de nous montrer un ensemble plus vaste concernant le champ des créateurs spontanés autodidactes britanniques, et notamment a loupé l'occasion de nous présenter donc quelqu'un comme Louis Wain.

Andrew Kennedy, expo British Outsider Art, Halle St-Pierre, Paris, 2008.jpg
Andrew Kennedy, Bibliothèque de l'université d'Edimbourg, exposé à British Outsider Art à la Halle St-Pierre du 24 mars au 1er août 2008

   Elle n'a traité qu'une petite partie du champ. La collection Musgrave-Kinley par exemple (désormais prêtée sans limitation de temps au musée d'art moderne de Dublin) n'a pas été associée au projet (pour des raisons qui n'ont pas été évoquées), pas davantage que ses organisateurs n'ont souhaité nous présenter quelques oeuvres de l'étrange Richard Dadd, pourtant fort peu connu en dehors de la Grande-Bretagne. Dommage, dommage...

Richard Dadd Crazy Jane 1885, site noumenal.com .jpg
Richard Dadd, Crazy Jane, 1885, image reprise du site noumenal.com