Fictions d'art brut à l'INHA et monstres de Josep Baqué aux enchères (23/03/2013)
Pourquoi lier ces deux événements, d'une part la nouvelle rencontre du 30 mars prochain proposée à l'INHA entre le CrAB et le collectif Marco Decorpéliada, et d'autre part la vente aux enchères de plusieurs lots de dessins de Josep Baqué (1895-1967) chez Ader le jeudi 11 avril?
Josep Baqué, un de ses dessins à la vente aux enchères, site web d'Ader
Peut-être à cause d'un point commun, la présence en arrière-plan de 'pataphysiciens (ou d'Oulipiens, ce qui est souvent la même chose il me semble), Marcel Benabou dans le collectif decorpéliadesque et la "Fond'Action Boris Vian" qui organisa autrefois une expo Josep Baqué, expo probablement en rapport avec l'article remarquable sur ce même personnage de Guy Ciancia et Françoise (ou Francine) Degand paru dans le n°1 de Viridis Candela, correspondancier du Collège de 'Pataphysique en octobre 2007.
Les incroyables dessins de Josep Baqué, Hommes primitifs, vente aux enchères Ader
Cet autoportrait est extrait du Correspondancier n°1 dont on voit la couverture plus haut
Il y a aussi que la rencontre prochaine du CrAB interroge diverses "fictions" qui ont pu se faire passer pour vies de créateurs bruts, avec les cas de Véreux (que je connais très mal), de Juva et ses silex "orientés" (voir ci-contre une reproduction tirée du fascicule de la collection de l'art brut où un chapitre lui est consacré), de Jules Penfac (canular monté par Michel Ragon qui déplut fortement à Gaston Chaissac qui y vit une cabale caricaturale montée aux dépens du rôle d'artiste bouseux qu'on voulait lui faire endosser) et donc de ce "Marco Decorpéliada" (on ne se lasse jamais d'écrire un tel nom). Inventer des auteurs d'art brut est bien sûr une façon d'éprouver le sens critique des amateurs. Si l'on arrive à asseoir la réputation "brute" d'une oeuvre produite par un auteur caché, en réalité habile et pétri de culture, ayant suivi un enseignement artistique qui plus est, on tourne en dérision un des aspects du concept d'art brut, un art surgi du néant, un art sans formation, sans culture. C'est tentant comme on le voit.
Les 'pataphysiciens ont commis à l'occasion quelques supercheries à ce qu'il me semble (je ne suis pas un spécialiste, et encore moins de leur "Collège"), notamment lorsqu'ils ont fait croire à l'existence d'un certain Julien Torma, poète maudit des années 30 qui aurait dépassé les surréalistes par l'étendue et la portée de sa révolte. Il semble qu'en réalité ce fût Noël Arnaud qui le créa avec l'appui par la suite d'autres membres du Collège. Mais il est vrai que dans leur quête de nivellement des valeurs (ce qui est mon interprétation, eux parlent à propos de 'Pataphysique "d'une science du particulier, d'une science de l'exception"), grâce à laquelle le public ne verrait plus de différences du plus humble des créateurs populaires au plus notoire et reconnu des artistes (et pourquoi pas? au fond, c'est ma recherche personnelle aussi bien), les 'pataphysiciens n'ont jamais créé, à ma connaissance, de faux créateur d'art brut et qu'ils ont plutôt, tout au contraire, documenté de façon régulière plusieurs d'entre eux (Picassiette, l'abbé Paysant, Frédéric Séron, Camille Renault, plusieurs habitants-paysagistes par la plume de Marc Décimo dans ses Jardins de l'Art Brut paru il y a quelques années, etc.).
Le Josep Baqué qu'ils ont donc révélé en 2007, dont des dessins se trouvent désormais dans la Collection de l'Art Brut à Lausanne (celui ci-contre est reproduit dans le Correspondancier de 2007), me demandais-je, ne serait-il pas une de leur supercheries? Car c'est trop beau, il s'agit d'un gardien de la paix qui de 1932 à 1950 en Catalogne espagnole, à Barcelone, donc pendant la guerre civile notamment, aurait dessiné en cachette 1500 dessins montrant des monstres, des animaux improbables, des "hommes primitifs", le tout décliné en série comme dans les planches zoologiques ou botaniques, et avec un style étonnamment moderne (c'est-à-dire vraiment très proche de nous)...
Couverture du livre de Max Aub publié en traduction (adaptation d'Alice et Pierre Gascar) chez Gallimard en 1961
Le petit "catalogue d'exposition" inséré dans le livre d'Aub, avec un portrait imaginaire, un photomontage d'un côtoiement également imaginaire de Campalans avec Picasso (ci-dessous)
Sur le moment, j'avoue avoir pensé à une autre supercherie, celle qui fut fomentée par l'écrivain espagnol Max Aub, qui inventa un peintre nommé Campalans, lui aussi catalan, qui aurait connu Picasso à Paris, pour qui il inventa tout, une vie, une œuvre (avec des illustratons reproduites dans son livre), le présentant au début de son ouvrage comme retrouvé par hasard au Mexique... Mais finalement il semble que non, ce ne soit pas une supercherie, il y a un petit-neveu, une collection complète de dessins qui passe bientôt sous le feu des enchères (à un prix considérable, 100 000 à 150 000€..., peut-être parce qu'il s'agit de 1500 dessins et qu'on ne veut pas les séparer?). Alors? Qui se portera acquéreur de cet ensemble à l'abord fort agréable? Car ces monstres sont fort sympathiques et comme je l'ai dit, très modernes et si proches de notre époque.
Josep Baqué, Planche 164, Poulpe à barbe blanche, reproduit dans Le Correspondancier n°1
Josep Baqué, monstre, extrait du site de vente aux enchères Ader
Pour acquérir le n°1 de Viridis Candela de 2007, il faut s'adresser (apparemment) à collegedepataphysique@laposte.net ou college.pataphysique@free.fr. Je dis apparemment car il semble qu'il y ait à présent, au moins sur la toile deux Collèges de 'Pataphysique...
Josep Baqué, image sur le site d'Ader
19:51 | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : inha, crab, fictions d'art brut, supercheries, josep baqué, art brut, art immédiat, jusep torrés campalans, max aub, collège de 'pataphysique | Imprimer
Commentaires
bonjour,
je pense qu'on ne peut pas du tout mélanger le collège de pataphysique et l'oulipo, malgré l'appartenance commune de certains de ses membres.
le but (avoué, déclaré) de l'oulipo, c'est (en réaction à la vague du surréalisme) d'écrire sous contrainte, c'est d'établir des liens entre les mathématiques et la littérature.
il n'y a à l'oulipo aucune intention mystificatrice, il n'y a que la mise au point de contraintes, de propositions de travail, et les résultats ne sont que des exemples.
l'esthétique n'y a rien à voir, l'histoire et la science aussi.
on voit que ça n'a rien à voir avec le collège de pataphysique.
bien cordialement
F Sarhan
Écrit par : sarhan | 24/03/2013
"Il n'y a à l'OuLiPo aucune intention mystificatrice" dites-vous?
Cela peut se discuter il me semble, précisément quand on se réfère à ce "collectif Marco Decorpeliada" constitué d'un Oulipien Marcel Benabou, également membre du Collège de 'Pataphysique, et de quatre psychanalystes lacaniens, dont l'un je crois fait partie, ou va créer, un Ouspypo, variante psychanalytique de l'OuLiPo, comme il y a des variantes culinaires, l'OuCuiPo (Ouvroir de Cuisine Potentielle), plastiques, l'OuPeinPo (Ouvroir de Peinture Potentielle)... aux noms comme le remarquera le lecteur subtilement cocasses. Ce collectif a fabriqué ce Marco Decorpeliada qui aurait été interné et victime du monde psychiatrique et qui se serait révolté contre lui en découvrant que derrière le DSM IV (un manuel de classification des maladies mentales utilisé par les psychiatres pour établir les diagnostics) on peut retrouver le code de classification des produits surgelés de chez Picard!
Et ce Decorpeliada aurait ainsi construit à lui tout seul divers objets destinés à révéler les correspondances entre maladies mentales et produits alimentaires surgelés, comme dans le cas par exemple de "la pyromanie et le poulet à l’indienne rangés sous le même code 63.1" (voir l'article de Louis Seguin sur l'expo Marco Decorpeliada à la Maison Rouge en 2010).
Si ce n'est pas de la subtile mystification cachée sous l'apparence d'un intérêt pour la combinatoire, je veux bien manger ma casquette...
Alors, d'accord pour ne pas confondre en général les deux organismes, Collège de 'Pataphysique et Ouvroir de Littérature Potentielle, il n'y a effectivement pas identité absolue entre les deux, comme le suggère du reste Marcel Benabou dans un entretien que l'on trouve sur internet.
Mais en l'espèce, il y a visiblement des passerelles qui s'établissent. Le côté pataphysicien de Benabou me semble particulièrement à l'oeuvre dans la fiction Decorpeliada, il se marie même avec une troublante harmonie avec son côté oulipien...
Voici le fragment de l'entretien que j'évoque ci-dessus et où Marcel Benabou donne son point de vue sur les deux entités:
"OuLiPo et pataphysique
C'est une affaire complexe. Au départ, l'OuLiPo était une commission du Collège de Pataphysique. Plus tard, pendant la période d'éclipse du Collège, l'OuLiPo lui n'est pas resté dans l'ombre. Au contraire, c'est à ce moment-là qu'il est devenu le plus visible. Au cours de ces années, de nouveaux membres sont arrivés qui ne faisaient pas partie du Collège et les liens se sont détendus. Aujourd'hui, certains oulipiens sont membres du Collège et d'autres non. Celui-ci continue d'informer de nos activités mais nous ne dépendons absolument pas de lui. Certains s'en sentent proches, d'autres pas. Caradec, par exemple, appartient au Collège et participe à beaucoup de ses activités. Moi aussi, je suis membre, mais je n'assiste pas aux réunions. Et d'autres, tout simplement, ne font pas partie du Collège. »
Extrait de "Bénabou et Perec, l'histoire d'une amitié"
Entretien avec Marcel Bénabou
Guadalupe Nettel
(en ligne sur le web en mars 2013 ; je n'ai pas trop cherché la date de cet entretien mais il a visiblement été réalisé avant la disparition de François Caradec)
Écrit par : Le sciapode | 24/03/2013
N'oubliez pas, cher Sciapode, d'ajouter à la liste l'OuLiPoPo, Ouvroir de littérature policière potentielle.
Écrit par : L'aigre de mots | 24/03/2013
La rigueur de la pataphysique
Alfred Jarry rédige ses Eléments de pataphysique en 1894 : « ...la pataphysique sera surtout la science du particulier quoi qu’on dise qu’il n’y a de science que du général. ». Cette science du particulier un certain médecin viennois dans ses Etudes sur l’hystérie (1895) est dans le même temps en train de l’inventer. Dans son essai Délires et rêves dans la « Gradiva » de Jensen (1907) Freud fait état de l’énigme d’un rapport du savoir à la création : « Mais les poètes et romanciers sont de précieux alliés [...]. Ils sont, dans la connaissance de l’âme, nos maîtres à nous hommes vulgaires, car ils s’abreuvent à des sources que nous n’avons pas encore rendues accessibles à la science. » Prenons donc certains repères quant à ce savoir qui ne se sait pas dans la pataphysique.
« Faustroll plus petit que Faustroll » ( Alfred Jarry, Gestes et opinions du docteur Faustroll, pataphysicien, Livre II, chapitre IX). De cette non identité à soi, le nom « Faustroll », qui indexe le sujet, se trouve donc être identifiable au Zéro soit l’inscription de cette non identité, à partir de laquelle s’engendre la suite infinie des nombres (Gottlob Frege Les fondements de l’arithmétique, 1884, 4, « Le concept de nombre cardinal »). A partir de celle-ci se construit l’échelle du continu mathématique et donc de la droite infinie (Henri Poincaré, La science et l’hypothèse, 1902, chapitre II, « La grandeur mathématique et l’expérience »).
Au terme d’une extravagante démonstration, qui pourrait être un pastiche des élucubrations renaissantes d’un Nicolas de Cues, dans laquelle Jarry fait jeu de l’incommensurabilité géométrique et de l’irrationalité arithmétique, il parvient à la solution suivante :
« Donc, définitivement : DIEU EST LE POINT TANGENT DE ZERO ET DE L’INFINI. La pataphysique est la science... » (Op. cit., Livre VII, chapitre XLI ). Or il écrit par ailleurs :
« - Je suis Dieu, dit Faustroll. » ( Op. cit., Livre II, chapitre XIV).
Ainsi le sujet (Faustroll) s’identifie à ce point d’où part et y revient la droite infinie faisant cercle dans la structure d’enveloppe du plan projectif. Ce point transcendant est le lieu de conjonction-disjonction de l’espace sphérique et du moebien. Gérard Desargues en a élaboré la construction à partir de celle de la perspective (Brouillon project sur les coniques,1639). Construction revisitée par Jacques Lacan dans son analyse du tableau des Ménines de Vélasquez ( Le Séminaire, Livre XIII, L’objet de la psychanalyse, leçon du 11 mai 1966). Il y repére la structure du fantasme inconscient.
En ce qui concerne l’artiste il s’agit donc de la coupure entre le point de regard, l’objet pulsionnel, auquel il est identifié dans l’acte et la représentation qui lui en revient. Cette faille donne lieu à l’élaboration de son dispositif.
C’est ainsi que Marcel Duchamp élabore la légende du Grand Verre autour de la coupure de l’inframince et de son renvoi à la quatrième dimension.
Écrit par : Vermeersch | 26/03/2013
Oui, je ne connaissais pas les liens initiaux entre la pataphysique et l'Oulipo, mais je connais la plupart des oulipiens actuels, et hormis les quelques membres communs aux deux, ils n'ont rien, mais alors RIEN de jarryste, ni de mystificateurs....
quant à la cocasserie des noms, bof... il y a toujours un sourire quenellien, mais c'est plus une élégance que cette manière structurée et volontaire de produire de l'humour sophistiqué, etc., etc., qu'a la pataphysique.
En tout cas, quelque soient les ponts, je pense que les directions de pensées sont bien fermes. Je pense notamment à Roubaud, Jouet, Forte, etc.,
ce qui n'est absolument pas une critique sur personne !
Amitiés, et merci pour vos posts nombreux et documentés.
F. Sarhan
Écrit par : sarhan | 26/03/2013
C'est vrai que moi de mon côté je me référais davantage à l'OuLiPo des débuts, car j'ai vite passablement décroché après Pérec et Cie, trouvant en régle générale que s'il n'y a plus d'humour l'entreprise déjà assez formaliste et froide au départ avait encore moins de chances de m'enchanter. Ce qui comme jeu, initialement, avait chance de me retenir semblait se perdre dans des exercices desséchés sans lyrisme, privés d'âme et de chair, expressions purement formelles. S'être écarté du surréalisme de ce point de vue n'aura pas forcément été une bonne idée. Le recours aux mathématiques et aux probabilités n'a pas donné de grandes oeuvres dont on se souvienne il me semble.
Écrit par : Le sciapode | 27/03/2013
Il y a Oulipo et Oulipo, ce me semble. L'Oulipo du matin et l'Oulipo de tantôt. L'Oulipo d'aujourd'hui me paraît un peu un Oulipo en peau de lapin. Moins de génie qu'en ses débuts. Cela dit, si vous avez un jour l'occasion de voir le spectacle de Michel Abécassis "Oulipo/ Pièces détachées" ou tout autre spectacle d'Abécassis à partir de textes oulipiens, courez-y, c'est splendide. Et c'est bien la preuve que le théâtre n'est réussi que si les textes ont une rigueur formelle. Ce qui explique la nullité de 80% de la production théâtrale actuelle, qui pourtant n'a jamais bénéficié de moyens scénographiques aussi sophistiqués qu'aujourd'hui. Parce que ces stars que sont à notre époque les metteurs en scène sont ordinairement des désastres littéraires. Et qu'en plus, ils se piquent maintenant d'écrire. Les spectacles d'Abécassis ne nécessitent pas pléthore de moyens, eux, mais simplement extrême rigueur et passion des acteurs pour le texte.
Écrit par : Régis Gayraud | 27/03/2013
En parlant de l'Oulipo et de sa progéniture, il ne faut pas oublier l'OuLiPoPo, ouvroir de littérature policière potentielle et le tout dernier-né, l'OuLiPornPo, ouvroir de littérature pornographique potentielle. On s'en pourlèche les petites et grandes babines d'avance...
Écrit par : Félicie Corvisart | 27/03/2013
Et ce Josep Baqué, personne n'en dit rien? C'est uen supercherie oui ou non? Parce que moi j'ai rien compris à ce que dit le monsieur qui a fait le post. Il ménage la chèvre et le chou, joue sur les deux tazbleaux il me semble, ce n'est pas très courageux...
Écrit par : Ramina Grossebiss | 27/03/2013
"Elle a mangé le chou, la chèvreeeuh/ Elle a mangé le chou/ Le chou le chou raveeeuh/ La chjcorée sauvageeeuh" (Folklore auvergnat).
Patrick Atarte
Écrit par : Atarte | 28/03/2013
En ce jour de la Nativité de Maldoror, il me plait de noter qu'il existe aussi l'OUtraPo (Ouvroir de Tragicomédie Potentielle.
Écrit par : Régis Gayraud | 04/04/2013
Et bien, je suis le petit-neveu. Mon ami Guy Ciancia, qui outre appartenir au Collège de 'Pataphysique est le Président de l'Association des Amis de Josep Baqué (loi 1901) m'a fait suivre le lien vers ce post m'informant qu'il y avait un bon article sur Josep Baqué mais que le fait qu'il ait été exposé à la Fond'Action Boris Vian et qu'il ait écrit un article dans la revue du Collège avait éveillé des soupçons sur l’authenticité de mon grand oncle. Je sais que les 'pataphysiciens (dont je ne suis pas) ont des rapports très particuliers avec ce que nous autres, simples mortels, appelons tout bêtement les canulars. Je ne suis pas sans être au courant des très forts soupçons qui pèsent sur la figure de Julien Torma. En revanche, je n'avais jamais entendu parler des autres canulars que vous évoquez dans votre post.
Ce que je peux vous dire néanmoins, c'est que Josep Baqué et ses monstres n'en sont pas un. Josep Baqué était tel qu'il a été raconté par Guy Ciancia et Francine (pas Françoise!) Degand, à qui j'avais confié mes souvenirs. Oui, tout est vrai: son caractère solitaire et un peu bizarre, son périple en Allemagne et en France, son modeste job de gardien de la paix (guàrdia urbana municipal de Barcelona), ses milliers d'heures passées à tuer sa solitude en dessinant sa collection de monstres, avec son classement si "sui generis" qui a justement intéressé, tout naturellement, les 'pataphysiciens.... Oui, il était l'oncle (et le parrain) de ma mère et je ne l'ai rencontré qu'à deux occasions: une fois dans mon enfance et lorsque nous l'avons enterré (j'étais alors adolescent).
Je peux vous faire parvenir (je ne sais pas comment les inclure dans ce commentaire) des photos, des "scan" de ses pièces d'identité (certaines datant de l'époque de la république espagnole) que nous avons récupéré à son décès. Je peux vous donner aussi des liens vers des sites où il est évoqué.
Bien sûr, vous pourrez retoquer que des montages photo c'est courant, que c'est des faux, etc. Mais enfin, croyez-vous sincèrement que le Musée de Lausanne, archi-spécialisé en art Brut, se serait laissé berner? Il y est exposé une carte postale avec deux de ses monstres qui a été éditée et se vend dans leur boutique (elle a même été rééditée il y a quelques mois car épuisée).
Et si vous voulez en avoir le cœur net, venez à la vente. J'y serai et répondrai avec plaisir à toutes vos questions.
Une dernière chose: Josep Baqué serait ravi d'apprendre que vous trouvez ses dessins très modernes. Ils sont pourtant d'époque. Il suffirait que vous voyiez de près les dessins et, ne serait-ce que par la qualité, type, composition (et même état de conservation pas toujours impeccable) du papier sur lequel se trouvent les 1500 dessins, vos derniers doutes s'envoleraient. Non, cette fois au moins, les disciples d'Alfred Jarry n'ont pas sévi. Ils ont juste (comme les conservateurs du Musée de Lausanne, de Villeneuve d'Ascq ou du Vivant, comme vous, je l'espère) beaucoup, beaucoup aimé.
Bien cordialement vôtre
Esteve Freixa i Baqué (le petit-neveu en chair et en os...)
Écrit par : Esteve Freixa i Baqué | 05/04/2013
N'en jetez plus signor Esteve Freixa i Baqué, je rends les armes, pour peu que je les ai du reste brandies une seule fois...
Les 'pataphysiciens sont gens suffisamment malicieux pour autoriser mon genre de supputations canularesques. Surtout en ce temps où l'art brut, tendant à devenir la vraie valeur de l'art dominante , et plus du tout "outsider",renversant les précédentes valeurs académiques, donne envie d'interroger ses limites au moyen de supercheries.
Donc d'accord votre grand-oncle a bien existé, j'en suis fort aise. Car oui, j'aime beaucoup ses dessins et il m'enchante d'apprendre qu'ils furent réalisés dans les années 30. Cela remet en cause les certitudes qu'il peut y avoir sur les styles vus comme des reflets d'une époque. A côté des styles en vogue, il y avait place pour des écritures intemporelles, proches de ce qui peut se faire aujourd'hui.
Quelle étourdissante imagination des formes en tout cas, quand on feuillette le catalogue d'Ader!
Cela fait regretter que l'amateur qui ne pourra plus voir ces dessins une fois la vente effectuée (à moins d'une préemption par un musée ?) n'ait pas à sa disposition un ouvrage d'art qui les recense intégralement. Est-ce à l'étude?D'autre part, vous parlez du LaM. Je crois que la collection de l'Art Brut en possède de ces dessins, n'est-ce pas (je les ai photographiés là-bas)? (Du coup à la vente Ader, il n'y a pas tous les dessins produits par Baqué?) Mais le LaM? En ont-ils eux aussi acquis?
Merci si vous pouvez renseigner mes lecteurs là-dessus...
Et cordialement,
Écrit par : Le sciapode | 06/04/2013
Cher monsieur,
Merci de votre réponse. Je n'ai pas beaucoup de temps devant moi car je pars demain matin pour Paris. Mais je ne voulais pas ne pas répondre à certaines de vos interrogations (je pourrais vous répondre plus amplement après les vacances).
Josep a réalisé 1500 dessins, numérotés et classés, qui sont ceux qui vont être vendus. On avait, au départ, envisagé de vendre planche par planche; mais outre la longueur d'une telle vente (454 planches!!!), je tenais à ne pas trop disperser cette œuvre dans la mesure du possible. D'où le recours aux lots et à la faculté de réunion en fin de vente. Mais il avait aussi dessiné quelques planches, plus grandes, non numérotées et non classées. C'est dans ce stock qu'ont été puisées les donations aux musées. Une seule de ces planches (la seule qui reste) est mise aux enchères, dans un lot spécifique, à un prix très raisonnable. [...] Un ou deux petits dessins hors-collection sont aussi vendus, toujours à un prix abordable. [...] ADER a édité un catalogue avec TOUTES les planches. Visible chez eux.
Je vous joins quelques liens pour compléter le tout.
https://plus.google.com/photos/100752531744560300705/albums/5721312316786868545
http://docpatrimoine.agroparistech.fr/spip.php?page=ecolibtv_video&id_document=635&id_article=316
http://docpatrimoine.agroparistech.fr/spip.php?page=article&id_rubrique=102&id_article=207
[...]
Bien à vous
EFB
Écrit par : Esteve Freixa i Baqué | 07/04/2013
Je souhaite partager avec vous tous une excellente nouvelle.
Un acheteur a fait jouer la "faculté de réunion" proposée par le commissaire priseur et, en sur-enchérissant pour la totalité des 10 lots, il a raflé la mise.
L'intégrité de cet extraordinaire ensemble est donc préservé!
Gageons qu'il s'agisse d'un musée ou d'un amateur très éclairé.
Écrit par : Enchères @ Drouot | 12/04/2013
C'est curieux quand M. Freixa i Baqué écrit qu'il n'a rencontré son aïeul que 2 fois, dont la deuxième à son enterrement. Selon moi, cette dernière "rencontre" n'en était pas une. Une dépouille est si peu une personne... Juste un bout de chair sur le seuil du délitement...
Écrit par : Matt Erialiste | 12/04/2013