Misanthropie pour le moins (24/08/2014)
Voici une publicité naïve et fort ambigüe que m'a transmise récemment J-C Sandré du blog Des Signes sur les murs (se spécialisant sur les murs peints principalement publicitaires). Il y trouve du nihilisme caché derrière le prétexte d'une plaisanterie publicitaire "améliorée" par un garagiste ("améliorée" parce qu'elle prolonge un slogan pour les Rustines qui proclamait, déjà naïvement, "vous pouvez crever"...). A moins que derrière l'argument publicitaire toujours il ne s'agisse d'amertume se parant de misanthropie? En tout cas, cela fait regretter qu'on n'ait pas plus d'initiative publicitaire amateur et détournante du même genre, on se marrerait plus.
Publicité ambigüe sur la devanture d'un garage d'Auray (Morbihan), transmis par J-C Sandré ; pas de date mais on peut supposer qu'on est dans les années 50 (n'est-ce pas Darnish, cette bourgade vous parlera sûrement?)
22:53 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : j-c sandré, des signes sur les murs, murs peints, publicité naïve, inscriptions cocasses, misanthropie, poésie involontaire | Imprimer
Commentaires
J'aime bien cette enseigne et son graphisme cursif qui imite les slogans politiques. Pourquoi ces vieux garages procurent-ils une telle nostalgie? On ferme les yeux et l'on sent l'odeur de la graisse, et surtout, du caoutchouc, et cette fraîcheur de cave qui y régnait toujours. Quels lieux de rêve étaient ces antres sombres, luisant de cambouis où de vieilles carrosseries d'avant-guerre dormaient sous la poussière, où des King Kong de fonte maintenaient suspendues, capots ouverts comme de grandes robes noires, 203 ou Arondes dans les cieux enfumés des poutrelles! Où vont les songes des enfants? Y en a t il encore, de tels garages, sont-ils tous remplacés par ces impersonnels hangars rectangulaires des immondes faubourgs commerçants qui ont ravagé les entrées des cités, engloutissant les terres, broyant les rêves de campagnes des petits citadins? Quel garagiste - tous des concessionnaires ou tous des franchisés, désormais, et donc tous contraints aux "chartes graphiques" de leurs patrons - oserait aujourd'hui écrire un tel slogan?
Écrit par : Régis Gayraud | 25/08/2014
C'est vrai que ces garages faisaient rêver. D'ailleurs, enfant, je voulais devenir garagiste. Je me souviens d'une casse près d' Auray ou au milieu des Simca, des Datsun et autres Ford Taunus rouillées, des Jeeps et des camions de l'armée américaine pourrissaient en plein air. Cette vision, à la fin des années 70, était magique. C'était beau comme une ruine (un Hubert Robert du vingtième siècle) et je m'imaginais y travailler plus tard. Pour revenir à la photo de J-C Sandré, outre l'excellent slogan brillamment réalisé par un peintre en lettres (profession qui a bien changé), je remarque qu'il s'agit d'un endroit qui recycle le caoutchouc des vieux pneus, des bottes, par les procédés de "vulcanisation", de "rechapage". C'est l'époque où on préfère réparer que jeter, l'époque ou même une paire de bottes en caoutchouc vous dure toute une vie...Il y a un trou dans tes bottes, va chez " Vous pouvez tous crever!!!".
Écrit par : Darnish | 25/08/2014
Exactement. Moi aussi, j'adorais les casses. Il y en avait une gigantesque à côté de Villiers-sur-Loir (plus précisément sur le plateau au-dessus de Vendôme) où nous allions en vacances. Cette casse (on disait "cimetière à voitures") vivait sa vie de casse sans clôture, sans bureau, sans cause, les gens pouvaient encore aller se servir librement en pièces s'ils le souhaitaient. C'était simplement un endroit où l'on se débarrassait de sa voiture. Avec mon frère, nous entrions dans les voitures (oh le parfum des vieux plastiques des années cinquante!), et nous partions pour de longs voyages immobiles, maltraitant les leviers de changement de vitesse, les manettes de clignotants, les volants, en imitant le bruit de moteurs (chaque modèle de voiture, vous souvenez-vous, émettait une musique différente, et je pourrais encore vous imiter la 203, tous les diesels Peugeot avec leurs nuances, les Panhard, l'Aronde, la 4CV, la Dauphine, la 4L, la R8, la DS, et bien sûr -c'était si simple! - la 2CV et puis les Ami 6... C'était grandiose...
Et au milieu du cimetière, là aussi, il y avait les Jeeps et les vieux GMC de la guerre.
L'explication est simple. C'est autour de ces véhicules abandonnés que s'étaient formés, dans les années cinquante, ces cimetières à voitures. Et ces cimetières-là, ils sont en réalité, très clairement liés à cette société de consommation que vous décrivez justement, cher Darnish, car c'est aussi à cette époque que le populaire s'est mis à avoir sa voiture, et plus encore, à vouloir en changer dare-dare. Nos souvenirs sont déjà des souvenirs dans la consommation.
Et, à Montoire, le garage Simca de Maurice Fousset, perpétuellement la "maïs" au bec, avec son accent de vieux marlou parigot parti se ranger au vert!...
Écrit par : Régis Gayraud | 25/08/2014