"Brut de pop'" dans les Landes (05/04/2015)
J'ai appris un peu à la dernière minute, et avec très peu d'informations sur le contenu de l'exposition (ainsi que sur la totalité des auteurs présentés)... qu'une manifestation commençait le 1er avril à l'Ecomusée de Marquèze (fin prévue le 28 juin) près de Sabres dans les Landes (entre Bordeaux et Mont-de-Marsan ; le titre est un calembour bien entendu, on veut nous faire songer à "brut de pomme"... Et l'on joue aussi en sous-titre sur les rapports de l'art brut avec l'art populaire en posant la question de "l'impopularité" hypothétique de ces formes d'art).
Le musée de la Création Franche de Bègles est associé à l'exposition par le prêt de pas moins de deux cents œuvres. Ils sont généreux à Bègles, faut pas le nier. Mais qui est exposé, c'est la question à mille francs ? Il semble qu'il n'y ait pour l'instant aucun dossier de presse de disponible, et l'on en est donc réduit aux supputations. Un catalogue, sous la forme d'un numéro spécial de Création Franche, devrait cependant, en principe, sortir la semaine prochaine. Les amis Albasser m'ont informé de plus qu'il y a deux douzaines d'œuvres de Pierre Albasser d'accrochées dans une section consacrée à la "récupération" (on les apercevait, à un moment d'internet, en illustration d'un communiqué de l'Ecomusée, présentées sous des cadres vitrés suspendus). Il semblerait aussi qu'on puisse aussi y trouver des pièces de Simone Le Carré Galimard, si le masque sur l'affiche est bien d'elle... A côté de l'affichette ci-dessus, on aperçoit aussi une de ces charmantes sculptures ultra brutes de décoffrage de Jean Dominique (sur lequel, je profite de l'occasion, est paru il n'y a pas si longtemps un ouvrage entièrement consacré à sa vie et son œuvre – avec une centaine de sculptures reproduites – livre écrit et autoédité par Jean-Luc Thuillier, Jean Dominique, une figure de l'art brut en Périgord, 2012). Le musée de la Création Franche possède en effet une cinquantaine de pièces de cet auteur.
Deux petites sculptures de Jean Dominique, musée de la Création Franche, ph. Bruno Montpied
Mais pour le reste? On ne peut que faire des suppositions en attendant qu'on trouve le temps de nous en dire plus ou que je rencontre quelque motorisé qui voudrait bien m'emmener là-bas... Le laïus du communiqué déjà évoqué indique: "Objets du quotidien détournés, art du bricolage et de la récupération, cette exposition propose de découvrir des objets aussi insolites qu’esthétiques, mais aussi de s’interroger sur les principes de la création artistique, qu’elle soit populaire, brute ou franche.
Anonymes, artisans, artistes, les créateurs rassemblés ici offrent une vision esthétique du monde loin des « beaux-arts » et des cercles académiques. Pour vous en faciliter la découverte, nous avons regroupé ces objets et œuvres autour de sept thématiques : l’artiste-artisan, le monde rural, le foyer, le religieux, l’enfance, les fêtes et les loisirs, la récupération."
Il semble donc que l'on veuille – dans un écomusée, c'est dans la logique des choses – associer l'art brut, et la création singulière d'artistes en porte-à-faux avec l'art des "Beaux-Arts" d'un côté (ce qui fait le fonds du musée de la Création Franche), avec, d'autre part, l'art populaire au sens rural du terme (tel qu'il a été conservé en tout cas dans ce musée consacré à la culture populaire landaise¹). Pour illustrer ce dernier aspect, il semble que l'Ecomusée ait décidé de mettre des éléments de sa collection (statues, œuvres de patience, meubles, gourdes en calebasse gravée, jouets...) en regard des œuvres venues de la Création Franche. Il faut préciser du reste que c'est une responsable de l'Ecomusée, Mme Vanessa Doutreleau, chargée des expositions au Pavillon de Marquèze, qui a choisi les 450 œuvres (au total) de "Brut de Pop'". J'applaudis en principe à ce genre d'initiative qui permet de réassocier art d'autodidactes bruts ou naïfs et art populaire, loin de l'art moderne ou contemporain (le rapprochement avec ces derniers, comme je l'ai déjà dit, se fait en effet par trop depuis quelque temps dans les cercles plus mondains de la capitale). Plutôt que de conserver une collection d'art brut dans un musée d'art contemporain et d'art moderne, on aurait pu tout aussi bien imaginer la voir entrer dans le prolongement d'un musée d'art populaire, comme c'est presque le cas lorsqu'on découvre en Bourgogne dans un même triangle géographique (j'avais appelé celui-ci autrefois, en 1989..., le "triangle d'or") le musée d'art naïf de Noyers-sur-serein, le musée d'art populaire de Laduz et la Fabuloserie de Dicy...
Une vue fort partielle de l'expo
Il faut souligner ce que ce projet a de tout à fait plausible et stimulant, à l'heure où certaine galerie parisienne et certain grand collectionneur voués à l'art brut aiment à mettre en avant ce qui relève à l'intérieur du champ de l'art brut plutôt du document ou de hautes élaborations intellectuelles pondues par des êtres cultivés en rupture, élaborations débouchant sur des chinoiseries cérébrales proches en terme d'ennui de tant d'œuvres de l'art contemporain le plus emmerdant (je pense au secteur dit "des hétérétopies scientifiques" de la dernière exposition ABCD à la Maison Rouge).
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¹ On pourrait renvoyer au fait les responsables de ce musée à l'information que j'ai délivrée il y a déjà quelque temps sur ce blog à propos d'Alphonse Benquet, ce peintre et sculpteur landais qui vivait dans les décennies du début XXe siècle à Tartas, non loin de Mont-de-Marsan dont est proche Sabres.
12:37 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : écomusée de marquèze, musée de la création franche, art populaire des landes, art brut, art singulier, brut de pop', albasser, jean dominique, édition jean-luc thuillier, enfance, art sans artistes, création franche | Imprimer
Commentaires
Bonjour,
Merci pour ces infos, habitant Bordeaux, je me rendrai courant avril voir l'expo à Marquèze dans les Landes. Artiste mais sûrement singulier, je me permets de vous signaler mon blog carcaly-philippe.blogspot.com/. Si vous avez quelques minutes, peut-être que mon univers rencontrera le vôtre.
Cordialement
Philippe Carcaly
Écrit par : carcaly | 06/04/2015
Félicitations, c'est en effet de la belle ouvrage... Pastel et collage. Le graphisme associé au collage donne des prolongements intéressants à la technique du collage qui parfois patine et bégaie dans des redites lassantes. Cela s'est révélé à la longue et finalement assez répétitif, cette technique du collage.
Il y a cependant aujourd'hui des exceptions, Aube Elléouët, Philippe Lemaire, Claude Ballaré, l'artiste qui anime le blog L'Horizon Ovipare, et surtout depuis quelque temps René Apallec (pseudonyme) et ses magnifiques "gueules cassées".
Écrit par : Le sciapode | 06/04/2015
Ce qui m'agace un peu (beaucoup) dans le visuel comme dans bien d'autres manifestations de ce genre, c'est souvent l'aspect très coloré, foutraque et "joyeux" qui est mis en avant. Et puis ce titre calembour comme tu le soulignes, brut de pop, art pop et pourquoi pas "pop art" ?
Il faut que je fasse attention à ne pas virer complètement "réac" ...
Écrit par : gilles | 07/04/2015
Il n'y a rien de réac dans votre remarque à moins de considérer comme moderne et "progressiste" l'impression d'être infantilisé. Car pour compléter votre propos, ce qui me choque souvent dans la communication de ces manifestations provinciales autour de l'art brut ou singulier, c'est qu'on semble souvent s'adresser aux gens comme s'ils étaient encore à l'école maternelle (là on dirait un flyer pour une fête d'anniversaire), Implicitement cela sous entend par la même occasion que les créations exposées sont assimilables à des travaux d'enfants et ne sont au fond pas très sérieuses.
Écrit par : RR | 08/04/2015
Oui, tu as un peu raison, c'est très "communicant" ce genre d'affiche. De la communication provinciale?
Le "pop" fait cela dit plus penser à l'explosion d'un bouchon de champagne qu'à Andy Warhol.
Écrit par : Le sciapode | 08/04/2015