La "Pinturitas" ou "las grandes pinturas"? (06/03/2018)
Un très beau livre d'art et de photographie vient de paraître, édité par un photographe déjà connu pour l'intérêt marqué qu'il porte aux expressions populaires, telles qu'elles s'affirment essentiellement sur les murs : Hervé Couton. Il a exposé jadis de très belles photos de graffiti historiques à l'Abbaye de Belleperche. Récemment, pour mon propre ouvrage, le Gazouillis des éléphants, il m'a généreusement prêté des photographies qu'il avait prises sur les fresques murales ultra naïves de la peintresse autodidacte de Montauban, Amelia Mondin (1910-1987). Celle-ci était d'origine italienne, et cela préfigurait peut-être la passion qui l'a porté à aller photographier régulièrement les peintures de Maria Angeles Fernandez Cuesta, dite "La Pinturitas" (La "petites peintures", surnom double, singulier/pluriel, comme on le voit, entérinant peut-être une rupture des conventions en matière d'expression, et exprimant aussi adéquatement le foisonnement et le carambolage des figures et des couleurs qui s'étalent, mêlées à toutes sortes d'inscriptions, sur les murs d'un restaurant abandonné, à la sortie de la petite ville d'Arguedas, qu'elle a investi depuis l'an 2000).
La Pinturitas, Hervé Couton, éditions Alpas (les Amis de La Pinturitas d'Arguedas), février 2018.
Hervé Couton revient ainsi depuis huit ans saisir ce qui a changé, été remplacé, métamorphosé par la dame aux petites peintures. Autant dire que son travail se nourrit d'un dialogue constant avec cette peintre sauvage (au sens de libre, sans contrainte d'aucune sorte, si ce n'est celles qui sont naturellement imposées par le physique, ou la résistance des matériaux). Cela explique pourquoi les bénéfices de cet ouvrage sont annoncés comme devant profiter à Maria Angeles Fernandez Cuesta. Le photographe se sent redevable à la peintresse.
La "Pinturitas" devant ses œuvres, ph. Hervé Couton, 2014.
La "Pinturitas" peint aussi des tableaux sur panneaux de bois, et s'exerce également au dessin aux crayons de couleur, mais elle me paraît y être moins à l'aise. Son terrain de prédilection reste l'art mural, sur des parois de l'espace public, bien que supports de bâtiment désaffecté, s'inscrivant ainsi dans ce que Laurent Danchin, dans l'un de ses derniers textes, publié aussi dans cet ouvrage, appelle – pourquoi pas? – du Street art brut (muralisme brut, art brut de rue pourraient aussi bien être employés...). Son goût de peindre, de combiner sans cesse ses figures, ses mots, ses couleurs, ses yeux aux cils très marqués, peut s'y exercer à plein. Il y a sûrement là un indice de la manière dont elle préfère s'exprimer, sur l'espace public en un point donné, au cœur de la vie quotidienne, même si – ou parce que – ce point est un espace du rejet, de l'oubli, un trou noir dans le paysage qu'elle investit avec frénésie et gourmandise de couleur. Les peintures ou les dessins qu'elle essaye de produire à côté ne semblent pas lui donner le même plaisir, sa confiance en son geste paraît s'y freiner.
La "Pinturitas" dans ses œuvres, ph. Hervé Couton, 2010.
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Pour commander le livre (35€), peut-être peut-on donner l'adresse postale des Amis de la Pinturitas d'Arguedas, 23 rue Michelet, 82000 Montauban. Et leur adresse e-mail: <lesamisdelapinturitas@yahoo.fr> ; nul doute qu'on puisse le trouver incessamment à la librairie de la Halle Saint-Pierre, à Paris. Il est aussi à la Fabuloserie Paris, rue Jacob dans le 6e ardt, ainsi qu'à Toulouse (librairies Ombre Blanche, Privat et Terra Nueva) et à Montauban (la Femme renard). Le livre sera disponible par la suite à Bordeaux et Bayonne. On le trouve aussi à Lausanne dans la librairie de la Collection de l'Art Brut, où il voisine du reste avec mon Gazouillis des éléphants...
J'ajoute que le livre est trilingue (français, anglais, espagnol), qu'il comprend 160 pages couleur et qu'il regroupe, outre un texte et de nombreuses photos d'Hervé Couton, une préface de Sarah Lombardi, directrice de la Collection de l'Art Brut de Lausanne, et un texte de Jo Farb Hernandez, la directrice de l'association Spaces aux USA, par ailleurs grande connaisseuse des environnements spontanés espagnols.
J'ai déjà eu sur ce blog l'occasion de parler, par deux fois, de cette quête d'Hervé Couton, voir ici.
20:01 | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : la pinturitas, hervé couton, spaces, jo farb hernandez, peintures murales, muralisme brut, street art brut | Imprimer
Commentaires
C'est curieux, avez-vous remarqué que cette Maria Angeles Fernandez Cuesta ressemble étrangement à Denise Chalvet, la grande papesse des épouvantails dans l'Aubrac que le livre et le film "Denise et Maurice, dresseurs d'épouvantails" ont fait (un peu) connaitre au delà de leur canton ?
Écrit par : RR | 07/03/2018
Sans parler bien entendu de l'article que Bruno Montpied consacra, avant l'édition du livre et du film dont vous parlez, dans la revue "Création Franche", et sans parler non plus de l'effort de révélation qu'il poursuivit au sujet de ces deux créateurs dans son inventaire national des environnements populaires spontanés qu'il a intitulé plaisamment "le Gazouillis des éléphants" en 2017?
Mon petit doigt me dit que c'est d'ailleurs lui qui a emmené l'auteur du film et du livre dont vous parlez chez ces deux inventifs, n'est-il pas (ce dont ce même auteur a oublié de le créditer dans les remerciements placés à la fin de son film du reste) ?
Écrit par : Adelbert Cariâtre | 08/03/2018
Je ne sais pas qui se cache derrière ce pseudonyme mais je me demande quel mauvais procès il veut me faire ? Ai-je écrit que j'avais découvert le site de D et M ? j'ai juste écrit que mon livre et le film avait contribué à les faire connaitre un peu au delà de leur canton. Comme bien sûr antérieurement l'article de Bruno dans la "Création Franche", et postérieurement dans son inventaire. Mais fallait-il que je précise absolument tout cela pour ne pas être suspecté de piratage comme vous semblez le sous entendre ? Vous êtes un adorateur de l'auteur de ce blog bien sourcilleux ! Plus sourcilleux encore que lui-même... qui l'est pourtant déjà pas mal.
Quant au fait d'avoir oublié de le créditer dans le générique du film, il n'y a effectivement pas d'autres remerciements, que ceux destinés à Denise et Maurice pour la chaleur de leur accueil et leur contribution active. Bruno était déjà crédité comme directeur de collection et rédacteur de la préface du livre, il me semble qu'il n'était pas absent de l'ensemble... Bruno ne s'est d'ailleurs jamais plaint auprès de moi de l'avoir oublié comme vous le dites.
Pour conclure, en un mot comme en cent, mêlez-vous de vos fesses plutôt que de chercher des poux dans la tête de votre voisin.
Écrit par : RR | 08/03/2018
J'ajouterai, monsieur le pinailleur, que Bruno Montpied ne prétend d'ailleurs pas être le découvreur de ce site et qu'il rend hommage dans son inventaire à Martine et Pierre-Louis Boudra, animateurs du "musée des amoureux d'Angélique" pour l'avoir préalablement signalé dans leur catalogue.
Mais puisque votre petit doigt a l'air particulièrement bien informé, vous allez nous dire, je l'espère, comment ils l'ont eux-mêmes découvert pour avoir enfin la liste exhaustive de ceux qu'il conviendrait de remercier à chaque évocation de Denise Chalvet.
Écrit par : RR | 09/03/2018
Ne suffisait-il pas de mettre seulement dans votre commentaire: "C'est curieux, avez-vous remarqué que cette Maria Angeles Fernandez Cuesta ressemble étrangement à Denise Chalvet, la grande papesse des épouvantails dans l'Aubrac?" (ce qui est vrai) ? Parce que la suite faisait un peu auto-promotion, j'ai trouvé, sur le blog du "Bruno" qu'effectivement vous n'avez pas cru bon de remercier dans un film qui peut se diffuser indépendamment du livre avec lequel il est vendu.
A ce premier à "pinailler", ne lui avez-vous pas tendu la perche avec votre auto-promotion?
Il me semble que votre réponse au bazooka signe une colère curieuse, exagérée, qui prend racine on ne sait où...
Écrit par : Le sciapode | 09/03/2018
Je dois donc comprendre que le A Cariâtre en question était donc vous-même. Voilà des récriminations insoupçonnées qu'il aurait été préférable de m'exprimer directement en privé, plutôt que publiquement sous pseudonyme, ne pensez-vous pas ?
Quant à la critique relative à mon auto promotion, m'accusant donc de détourner votre blog à des fins personnelles, je pense d'abord que les lecteurs de ce blog n'ont pas attendu ce commentaire pour avoir connaissance du film et du livre (que je n'ose plus citer, ce serait une récidive - et je ferais d'ailleurs remarquer que je n'avais même pas mis de lien vers le site sur lequel on peut l'acheter ou le visionner) et que d'autre part un commentaire de blog, n'a pas une diffusion telle qu'elle serait de nature à porter préjudice à votre réputation en ne précisant pas que c'était vous qui m'aviez présentée Denise.
Écrit par : RR | 09/03/2018
Il est vrai que les commentaires d'un blog ne sont effleurés du regard que par une poignée d'habitués et quelques rares naufragés de la toile, échoués là. Mais quelle délectation pour le lecteur régulier d'assister depuis la solitude confortable de son cabinet de lecture à ces règlements de compte à fleurets mouchetés ! Quelle prime accordée à son inexorable fidélité ! Continuez, messieurs, vos rivalités vous soudent, vos mesquineries vous grandissent, vos blessures vous raniment et vous renforcent. Et quels que soient vos mutuels griefs, vous avez, vous trois, au moins fait quelque chose, chacun en son domaine, qui trouve son sens et sa justification en soi-même. Ce qui est l'exception aujourd'hui, vous en conviendrez, chez ceux qui prétendent écrire, filmer ou créer.
Écrit par : L'aigre de mots | 10/03/2018
Tien, ça fait un peu curaillon, ce genre de prose de faux grand sage, le monsieur Laigre, là...
Écrit par : Dédé Moniaque | 11/03/2018
OK, OK, et si on revenait au sujet de cette note?
Écrit par : Le sciapode | 11/03/2018