03/03/2022
"Las Pinturitas" exposée à la Galerie du Moineau Ecarlate
Son nom complet est Maria Angeles Fernandez Cuesta, dite "Las Pinturitas", que l'on a tendance à présent à corriger en "La" Pinturitas" (ce qui est commettre une faute d'accord en nombre, d'après ce que je connais de la langue espagnole). Maria "Les Petites Peintures", connue pour le bâtiment désaffecté qu'elle repeignait sans cesse à Arguedas, non loin du pays Basque, durant les récents confinements, n'a pu se rendre sur son chantier favori, temporairement, et a orienté en conséquence sa peinture vers des supports transportables, des panneaux de bois, qu'elle a recouverts recto-verso, et du papier sur lequel elle s'est prise de passion pour le dessin, à l'aide de crayons de couleur.
On retrouve apparemment dans ses peintures sur bois le même côté "Street art" brut qui a fait sa notoriété. En France, c'est le photographe Hervé Couton, basé à Montauban, qui l'a fait connaître en publiant un bel album de photographies sur ses peintures murales: La Pinturitas, Hervé Couton, éditions Alpas (les Amis de La Pinturitas d'Arguedas), en février 2018. J'en ai parlé en son temps, et à diverses reprises.
Photo Hervé Couton.
La Galerie du Moineau Ecarlate, sise au 82 de la jolie et pittoresque rue des Cascades, à Belleville (Paris XXe ardt), organise du 5 mars au 14 mai une expo, intitulée "Todo borra con blanco, peintures et dessins", avec une sélection de ses travaux récents, en même temps que seront exposées des photos d'Hervé Couton pour permettre au visiteur de comprendre le contexte de cette production insolite. Qu'on se le dise...
Bande-annonce contextualisante de l'expo de la Galerie du Moineau Ecarlate...
00:15 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Environnements populaires spontanés, Street art marginal (art de rue sauvage) | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : maria angeles fernandez cuesta, la pinturitas, arguedas, hervé couton, galerie du moineau écarlate, art mural brut, muralisme brut | Imprimer
27/10/2018
"La Pinturitas" à Paris et "le Gazouillis des éléphants" aux Tours de Merle
Ce sera le même week-end mais dans deux lieux bien différents... Hervé Couton présentera à la Halle Saint-Pierre ce samedi à 15h son livre consacré à la peintresse espagnole Maria Angeles Fernandez, alias "La Pinturitas", tandis que j'irai de mon côté en Dordogne, demain, dimanche 28, à 17h, aux Tours de Merle, causer autour du film Bricoleurs de paradis des environnements populaires spontanés que j'ai recueillis au sein de mon inventaire, Le Gazouillis des éléphants, paru l'année dernière aux éditions du Sandre (deux derniers exemplaires à vendre, soit dit au passage, à la librairie de la Halle St-Pierre...). Une exposition d'une douzaine de mes photos est également prévue en ces tours, en même temps que des statues d'Antoine Paucard (voir le couple d'amis ci-contre, Paucard et son pote Cronnier, que j'ai photographié en 2011), et ce, du 20 octobre au 4 novembre. A signaler qu'interviendra le maire de St-Salvadour, Pierre Rivière, qui viendra parler justement du musée Antoine Paucard, du nom de ce sculpteur naïvo-brut dont les statues ont été sauvegardées par la mairie de St-Salvadour (Corrèze). Antoine Paucard fait l'objet d'une notice dans mon Gazouillis des éléphants. Ces deux interventions sont une initiative du Nuage vert, le musée mobile de la vallée de la Dordogne, animé, entre autres, par Laurent Gervereau.
René Escaffre, la statue d'un maçon au travail (plus une sirène au loin), Roumens (Lauragais), ph. Bruno Montpied, 2014.
Les tours de Merle
08:59 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hervé couton, la pinturitas, environnements populaires spontanés, rené escaffre, antoine paucard, pierre rivière, tours de merle, nuage vert, musée mobile de la vallée de la dordogne, laurent gervereau, bricoleurs de paradis, librairie de la halle saint-pierre, le gazouillis des éléphants | Imprimer
26/09/2018
Info-Miettes (32)
La Maison sous les Paupières
Revoilà l'antre sous les paupières qui se remet à pondre de l'expo(-pière). Son animatrice, Anne Billon, est passée dans le village perché du Carla-Bayle en Ariège où il y a, outre le très joli petit musée enchanté des Amoureux d'Angélique (art populaire et naïf et brut), tout plein d'artistes.
Le Carla-Bayle, c'est un peu St-Paul-de-Vence avant les touristes et l'artifice. Sera donc exposée du 6 au 28 octobre, à Rauzan (7 rue du Pont-Long), bourg de l'Entre-deux-Mers, la très inspirée Mélissa Tresse au nom comme un programme (autre que pileux).
Mélissa Tresse, la Joute, eau-forte et aquatinte, 44x30 cm, 2017.
Curzio Di Giovanni, une exposition proposée par Lucienne Peiry à Lausanne
Lucienne Peiry, l'ancienne responsable de la collection de l'Art Brut, même si elle fut "débarquée" par le syndic de Lausanne en 2012, d'une façon bien peu fondée, n'en continue pas moins de s'intéresser à l'art brut, bien entendu. Et je dois dire que, prisant passablement ses goûts en cette matière, j'accorde toujours beaucoup d'intérêt à ses choix de créateurs. Elle est un bon guide... Elle propose à partir du 26 septembre jusqu'au 22 novembre 2018, à Lausanne, à la HEP Vaud, une expo consacrée à Curzio Di Giovanni et à ses têtes aux étranges conformations. Elle comportera une soixantaine de dessins issus de collections privées, dont celui ci-dessous.
L'Atelier-Musée Fernand Michel à Montpellier expose Helmut Nimcewski
Ph. Bruno Montpied, 2016.
Ce musée aux collections d'art brut et d'art singulier bien sympathiques (surtout en ce qui concerne l'art brut) monte des expositions temporaires en sus de ses collections permanentes (au cœur desquelles on trouve un important fonds consacré à l'artiste singulier Fernand Michel qui constitue le socle du musée).
En voici une qui ouvrira bientôt ses portes du 3 octobre prochain au 10 janvier 2019, consacrée au créateur Helmut Nimcewski, féru de représentations de foules aux petits personnages serrés en rangs d'oignon, le tout dans des couleurs de bonbons acidulés. C'est un type de représentations que l'on retrouve souvent dans l'art brut et l'art naïf. Certaines sont même nettement plus poussées dans ce domaine, Berthe Coulon par exemple...
Berthe Coulon
L'Atelier-musée se situe 1 rue Beauséjour, à Montpellier, tél: 04 67 79 62 22, mail: <CONTACT@ATELIER-MUSEE.COM> . Le site internet du musée est annoncé en (perpétuelle?) construction...
Monsieur Jacques Burtin en balade à travers l'Espagne...
Goya, gravure, communiquée par Jacques Burtin.
"Hier, à Saragosse, la rencontre (...) avec l’une des gravures de Goya que je mets au-dessus des autres : « Légèreté et audace de Juanito Apiñani dans la Corrida de Madrid» (1814 -1816). Elle définit le mieux à mes yeux la situation de l’artiste. Non point le moment de la mise à mort : je laisse à ses partisans et à ses adversaires l’inutile, le vain plaisir de se combattre. Mais ce moment d’élévation où l’on risque sa vie pour la beauté d’une figure impossible."
"Histoires de femmes" aux Yeux Fertiles, de l'art brut et surtout de l'art singulier...
"Histoires de femmes", la nouvelle exposition de la galerie Les Yeux Fertiles rue de Seine (Paris VIe ardt ; du 2 octobre au 3 novembre) est sous-titrée "Art brut, art singulier".
Mais, à part deux ou trois créatrices effectivement cataloguées dans l'art brut (Thérèse Bonnelalbay, Madge Gill, et... Sol (Solange Lantier)), toutes les autres relèvent plutôt de de l'art moderne, voire d'un art contemporain de plus en plus éloigné de ce que l'on appelle art singulier. Certaines sont devenues au fil du temps de vraies "vedettes", comme Yolande Fièvre ou Ursula, géniale artiste, qui a déjà été présentée à la galerie les Yeux fertiles. On peut même avancer que ces deux-là sont désormais entrées dans le Panthéon de l'art moderne, non loin des surréalistes, dans la grande cohorte des assembleurs, des collagistes, des artistes fidèles à l'imaginaire (Unica Zürn peut en être rapprochée). Les autres artistes ici présentées, comme Isabelle Jarousse ou Josette Rispal, voire Ody Saban et Christine Sefolosha, se hissent même aisément dans les rangs des artistes contemporaines. Le mot "singulier", qui comme l'art brut, combine une notion esthétique (pas de volume, des aplats, une grande stylisation dans le rendu des figures, invention des techniques d'expression) à une notion sociologique (autodidacte, situation de l'artiste en dehors du milieu professionnel de l'art, influence de l'exemple moral et esthétique de l'art brut), selon moi, ne s'applique pas vraiment ici, devenant, en l'occurrence, passablement galvaudé.
Madge Gill, image du carton d'invitation à "Histoires de femmes".
De l'art brut (et "outsider", c'est-à-dire "singulier") iranien à la Galerie Polysémie à Marseille
La Galerie Polysémie file de temps à autre vers des contrées lointaines où l'on ne pense pas d'habitude que l'on puisse rencontrer de l'art dit brut.
La galerie propose ainsi de l'art brut de Chine continentale en ce moment je crois, mais ce choix me paraît personnellement de qualité fort moyenne, étant donné qu'il s'agit, j'en ai bien l'impression, à voir ce qui est proposé, pour la plupart de peintures du même genre que celles qu'on a pu voir à la dernière Biennale Hors-les-Normes de Lyon, en provenance d'ateliers pour handicapés (à Marseille, il me semble que François Vertadier, responsable de Polysémie, a fait appel au Nanjing Outsider Art Studio), et donc de créateurs stimulés par des animateurs dans ces ateliers, ce qui est souvent en contradiction avec le principe même de l'art brut – une expression irrépressible, surgie de façon autonome, comme le chiendent parmi une végétation disciplinée. Mais, surtout, c'était, à Lyon, des œuvres peu originales, peu surprenantes, en dépit d'un certain savoir-faire.
La galerie présentera cependant bientôt (du 6 octobre au 3 novembre prochain) des créateurs plus étonnants, en provenance d'Iran donc, plus en rapport avec ce qui correspondrait à de l'art brut, tel que défini plus haut.
J'ai déjà eu l'occasion par le passé, sur ce blog, de citer des créateurs originaires de l'ancienne Perse, comme Mokarammeh, Akram Sartakhti, ou plus connu depuis quelque temps dans les milieux de l'art brut, Davood Koochaki (que l'on retrouve ici à Polysémie). A la dernière exposition de groupe montée à l'Île d'Oléron en 2017 par Jean-Louis Faravel, j'avais aussi remarqué un autre créateur, Mehrdad Rashidi (également présent à l'expo à venir chez Polysémie). J'accueille donc cette expo marseillaise avec grand intérêt et je la conseille à tous ceux qui cherchent de l'art à la fois bruto-naïf et original.
Mahmoodkhan, trois dessins de 50x70cm, extraits du dossier de presse de la galerie Polysémie
Trois œuvres de Reza Safahi.
Le dossier de presse fourni par la galerie énumère les artistes et créateurs exposés. Personnellement, dans l'échantillon proposé je retiendrai essentiellement les dessins de Mahmoodkhan, commencés à plus de 70 ans, Reza Safahi, visiblement instruit et cultivé mais ayant conservé dans son graphisme une grande fraîcheur de tracé "brute" ou "naïve", et aussi Zabihollah Mohammadi, à l'inspiration plus empreinte de références à de grands récits épiques iraniens. On retrouvera dans l'expo cela dit aussi Davood Koochaki et ses esprits noirâtres, ainsi que Mehrdad Rashidi. Chacun pourra se faire sa propre opinion en consultant le dossier de presse.
Le livre d'Hervé Couton sur "Las Pinturitas" bientôt présenté par son auteur à la Halle Saint-Pierre
"La Pinturitas", "la Petites peintures", c'est cette femme, de son nom d'état-civil Maria Angeles Fernández Cuesta qui depuis des années (depuis 2000) réalise en Espagne, en Navarre, non loin du Pays Basque, une œuvre picturale sur le support des murs d'un bâtiment désaffecté à la sortie de la ville d'Arguedas. Ses fresques sont immenses, mixtes de street art sauvage et d'environnement brut, en constant renouvellement. C'est pourquoi le photographe Hervé Couton a trouvé nécessaire de fixer depuis huit ans ce work in progress, dont l'éphémère est la marque de fabrique. Il viendra en parler à l'auditorium de la Halle St-Pierre le 27 octobre prochain, à 15 h. Toutes précisions sont à retrouver sur le site web de la Halle St-Pierre.
Charles "Cako" Boussion sur le mur de la boutique d'Antoine Gentil jusqu'à début octobre
Une vingtaine d'œuvres de l'ami Boussion, en provenance de la Pop Galerie de Pascal Saumade, sont actuellement exposées chez Antoine Gentil au 75 bis bd de Rochechouart, dans le IXe à Paris (Sur R-V.: tél: 06 58 34 72 09). Restent quelques jours seulement...
Le mur et son miroir, boutique d'Antoine Gentil, Paris, ph. Bruno Montpied.
Evelyne Postic-Joseph Caprio, dessins-photographies
14:49 Publié dans Art Brut, Art moderne ou contemporain acceptable, Art naïf, Art singulier, Correspondance, Environnements populaires spontanés, Littérature, Photographie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art contemporain merveilleux, le carla-bayle, anne billon, la maison sous les paupières, mélissa tresse, art animalier, curzio di giovanni, art brut italien, lucienne peiry, helmut nimcewski, l'atelier-musée fernand michel, corrida, jacques burtin, goya, berthe coulon, galerie les yeux fertiles, yolande fièvre, ursula, histoires de femmes, art brut iranien, galerie polysémie, mahmoodkhan, reza safahi, street art sauvage, la pinturitas, enironnements spontanés espagnols, hervé couton, charles boussion, galerie dettinger-mayer, joseph caprio, evelyne postic | Imprimer
06/03/2018
La "Pinturitas" ou "las grandes pinturas"?
Un très beau livre d'art et de photographie vient de paraître, édité par un photographe déjà connu pour l'intérêt marqué qu'il porte aux expressions populaires, telles qu'elles s'affirment essentiellement sur les murs : Hervé Couton. Il a exposé jadis de très belles photos de graffiti historiques à l'Abbaye de Belleperche. Récemment, pour mon propre ouvrage, le Gazouillis des éléphants, il m'a généreusement prêté des photographies qu'il avait prises sur les fresques murales ultra naïves de la peintresse autodidacte de Montauban, Amelia Mondin (1910-1987). Celle-ci était d'origine italienne, et cela préfigurait peut-être la passion qui l'a porté à aller photographier régulièrement les peintures de Maria Angeles Fernandez Cuesta, dite "La Pinturitas" (La "petites peintures", surnom double, singulier/pluriel, comme on le voit, entérinant peut-être une rupture des conventions en matière d'expression, et exprimant aussi adéquatement le foisonnement et le carambolage des figures et des couleurs qui s'étalent, mêlées à toutes sortes d'inscriptions, sur les murs d'un restaurant abandonné, à la sortie de la petite ville d'Arguedas, qu'elle a investi depuis l'an 2000).
La Pinturitas, Hervé Couton, éditions Alpas (les Amis de La Pinturitas d'Arguedas), février 2018.
Hervé Couton revient ainsi depuis huit ans saisir ce qui a changé, été remplacé, métamorphosé par la dame aux petites peintures. Autant dire que son travail se nourrit d'un dialogue constant avec cette peintre sauvage (au sens de libre, sans contrainte d'aucune sorte, si ce n'est celles qui sont naturellement imposées par le physique, ou la résistance des matériaux). Cela explique pourquoi les bénéfices de cet ouvrage sont annoncés comme devant profiter à Maria Angeles Fernandez Cuesta. Le photographe se sent redevable à la peintresse.
La "Pinturitas" devant ses œuvres, ph. Hervé Couton, 2014.
La "Pinturitas" peint aussi des tableaux sur panneaux de bois, et s'exerce également au dessin aux crayons de couleur, mais elle me paraît y être moins à l'aise. Son terrain de prédilection reste l'art mural, sur des parois de l'espace public, bien que supports de bâtiment désaffecté, s'inscrivant ainsi dans ce que Laurent Danchin, dans l'un de ses derniers textes, publié aussi dans cet ouvrage, appelle – pourquoi pas? – du Street art brut (muralisme brut, art brut de rue pourraient aussi bien être employés...). Son goût de peindre, de combiner sans cesse ses figures, ses mots, ses couleurs, ses yeux aux cils très marqués, peut s'y exercer à plein. Il y a sûrement là un indice de la manière dont elle préfère s'exprimer, sur l'espace public en un point donné, au cœur de la vie quotidienne, même si – ou parce que – ce point est un espace du rejet, de l'oubli, un trou noir dans le paysage qu'elle investit avec frénésie et gourmandise de couleur. Les peintures ou les dessins qu'elle essaye de produire à côté ne semblent pas lui donner le même plaisir, sa confiance en son geste paraît s'y freiner.
La "Pinturitas" dans ses œuvres, ph. Hervé Couton, 2010.
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Pour commander le livre (35€), peut-être peut-on donner l'adresse postale des Amis de la Pinturitas d'Arguedas, 23 rue Michelet, 82000 Montauban. Et leur adresse e-mail: <lesamisdelapinturitas@yahoo.fr> ; nul doute qu'on puisse le trouver incessamment à la librairie de la Halle Saint-Pierre, à Paris. Il est aussi à la Fabuloserie Paris, rue Jacob dans le 6e ardt, ainsi qu'à Toulouse (librairies Ombre Blanche, Privat et Terra Nueva) et à Montauban (la Femme renard). Le livre sera disponible par la suite à Bordeaux et Bayonne. On le trouve aussi à Lausanne dans la librairie de la Collection de l'Art Brut, où il voisine du reste avec mon Gazouillis des éléphants...
J'ajoute que le livre est trilingue (français, anglais, espagnol), qu'il comprend 160 pages couleur et qu'il regroupe, outre un texte et de nombreuses photos d'Hervé Couton, une préface de Sarah Lombardi, directrice de la Collection de l'Art Brut de Lausanne, et un texte de Jo Farb Hernandez, la directrice de l'association Spaces aux USA, par ailleurs grande connaisseuse des environnements spontanés espagnols.
J'ai déjà eu sur ce blog l'occasion de parler, par deux fois, de cette quête d'Hervé Couton, voir ici.
20:01 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Environnements populaires spontanés, Graffiti, Inscriptions mémorables ou drôlatiques, Photographie | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : la pinturitas, hervé couton, spaces, jo farb hernandez, peintures murales, muralisme brut, street art brut | Imprimer
13/11/2011
Maria Angelés, dite "Les Petites Peintures" (2)
Hervé Couton retourne régulièrement sur les lieux, non pas de ses crimes, mais de ses découvertes, surtout lorsque celles-ci demandent à être suivies (voir notre note du 29 juin 2010). Comme c'est le cas avec les peintures à même les murs d'un bâtiment désaffecté situé en Espagne, à Arguedas, peintures mêlées d'inscriptions qui évoluent sans cesse, dans un processus qui fait toute la passion de son auteur, Maria Angelés Fernandez, surnommée par ses voisins, "Las Pinturitas" ("Les Petites Peintures"). Je ne m'attribuerai pas le commentaire sur ce travail. Seulement doit-on souligner ici à quel point ce travail en constant renouvellement illustre la spécificité de ce que l'on nomme ailleurs l'art brut, ou de mon côté, l'art immédiat. Un art sans artiste, qui est avant tout action créative, bien avant toute médiation, tout morcélement à des fins commerciales (même si quelque beurre dans les épinards reste souhaitable, cela reste un but secondaire). Il emprunte à ce que l'on appelle ailleurs le street art, mais d'une façon qui me paraît, même si je n'ai jamais vu le lieu originel, très personnelle. Je laisse à présent la parole à Hervé Couton lui-même, qui m'a envoyé le nouveau texte suivant :
La « Pinturitas » d'Arguedas, une artiste hors du commun
Depuis ma découverte du travail pictural de la « Pinturitas » en 2009, je reviens chaque année à Arguedas, en Espagne, pour voir et photographier l'évolution de son œuvre peinte extraordinaire.
Ph. Hervé Couton, 2011
Maria Angeles Fernandez Cuesta dite « Las Pinturitas » (les petites peintures), créatrice instinctive à classer parmi les artistes d'art brut fascinants, poursuit opiniâtrement l'élaboration d'une œuvre colorée originale vouée à l'éphémère car peinte sur un unique support que constituent les murs d'un restaurant désaffecté destiné à la destruction.
Ph. Hervé Couton, 2010
En 2010 j'avais été surpris de constater que les peintures et dessins photographiés en 2009 avaient pratiquement tous disparu dans leur forme originale, parce que modifiés, enrichis de nouveaux apports, ou encore complètement effacés, faute de place, pour permettre l'ajout de nouvelles formes. Le phénomène s'est renouvelé en 2011 si bien que chaque année, on peut assister in situ à une « nouvelle exposition » de son travail qu'elle prend soin, tel le guide de son propre musée, de décrire et d'expliquer en détail avec une réelle passion.
Ph. Hervé Couton, 2010
Dans cet acte de mort et de renaissance de l'œuvre, comme savent souvent le faire les artistes instinctifs, on se trouve confronté à la création artistique absolue, qui semble être la seule préoccupation de Maria Angeles. L'emplacement du bâtiment désaffecté sur lequel elle peint, situé dans un endroit un peu désolé à la sortie d'Arguedas sur la route nationale Pampelune - Zaragosse, lui offre une position stratégique idéale pour échanger régulièrement avec les automobilistes curieux qui s'arrêtent, attirés par cette fresque colorée unique d'environ cinquante mètres de long. Le contact avec ce public de passage procède assurément à un encouragement à poursuivre l'acte de création.
Ph. Hervé Couton, 2011
Depuis 2010, après [qu’on l’eut] encouragée à peindre sur d'autres supports en petit format, des panneaux de bois peints commencent à sortir de sa production, cependant les itérations picturales qu'elle pratique sur la fresque manquent à ces nouvelles œuvres qui sont sans doute à renforcer ; car c'est bien l'apport permanent, en continu qui donne à cet immense tableau mural son caractère extraordinaire et puissant. En marge de la fresque, mais intégrés à l'une des façades peintes, les barreaux de protection de certaines fenêtres du bâtiment continuent d'être des « vitrines » pour présenter de façon dynamique d'autres éléments créatifs que sont des panneaux en carton qu'elle décore, ou tout autres effets personnels lui appartenant.
Ph. H.C. 2011
Sur la fresque actuelle, toujours dominée par la représentation d'animaux et de personnages hallucinants, de nombreux textes aux lettres stylisées en forme de corps d'animaux, se multiplient. Ils illustrent les noms de joueurs de football, des évènements qui l'ont touchée personnellement ou signifient son état civil comme le récurrent « soy de Toledo, 61 anos». Depuis 2010 on peut constater que Maria Angeles vit et crée avec son temps car les noms d'« Internet », « Facebook » ou « Youtube », media qui véhiculent depuis peu son image et son œuvre, peuplent de manière répétitive sa fresque. En effet, un compte au nom de la « Pinturitas » est consultable sur Facebook, des vidéos prises par les automobilistes de passage commencent à être déposées sur Youtube et des articles publiés dans la presse navarraise se font l'écho de cette création atypique.
Photo H.C. 2011
Les blogs les Friches de l'Art et le Poignard Subtil, animés[respectivement] par les spécialistes de l'art brut que sont Joe Ryczko et Bruno Montpied¹, présentent depuis 2010 les informations que je leur ai fournies sur la « Pinturitas ». Grâce au concours de Laurent Danchin, correspondant français de la revue trimestrielle anglo-saxonne d'art brut « Raw Vision », un article sur la « Pinturitas » accompagné des photographies prises en 2009 a pu être publié dans son numéro de l'été 2010 – cet événement rapporté auprès de Maria Angeles en 2010 sous la forme d'un exemplaire de la prestigieuse revue a immédiatement fait l'objet d'une inscription dans un coin de la fresque. A l'issue de cette publication, la Collection de l'Art Brut, musée suisse spécialisé dans cette forme de création et situé à Lausanne m'a contacté et a souhaité obtenir pour son fonds des informations et une vingtaine de mes photographies sur la fresque de Maria Angeles.
Photo H.C. 2010
Sur place, les relations de Maria Angeles « la marginale » avec la population locale semblent s'être apaisées, peut être aussi du fait d'une certaine résonance médiatique de son travail. Les habitants manifestent leur sympathie en l'apostrophant amicalement dans les rues d'Arguedas ou par un coup de klaxon en passant près de l'artiste au travail.
Pour Maria Angeles le travail créateur se poursuit sans relâche, cet être attachant et généreux que la vie n'a pas ménagé et qui produit inlassablement une œuvre forte, originale et très personnelle, mérite bien que son engagement pictural soit de plus en plus connu et reconnu comme celui d'une artiste à part entière².
Hervé Couton – septembre 2011
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(1). Je ne me présente pas de moi-même comme un "spécialiste", je m'empresse de le préciser. En argot, un spécialiste, c'est un tueur.
(2). Je laisse la responsabilité de cette opinion à son auteur. Que Maria Angelés Fernandez soit ou non reconnu comme artiste (avec tout ce que cela implique de professionalisation, de séparation avec le reste de la population) n'est pas du tout ma tasse de thé. C'est même à mes yeux complètement contre-productif, et constitue un contresens.
29/06/2010
Maria Angeles Fernandez, une fresquiste spontanée au beau pays d'Espagne
Hervé Couton est un photographe de talent qui s'intéresse particulièrement aux créations populaires sur les murs de nos tanières. Il y a plusieurs années, j'étais entré en relation avec lui parce qu'il avait photographié, à peu prés au même moment que moi, les fresques naïvo-brutes que Mme Amélia Mondin avait réalisées sur les murs extérieurs et intérieurs de son logis en rez-de-chaussée d'immeuble, impasse d'Angleterre à Montauban, fresques qui en ces débuts des années 90 étaient sur le point d'être effacées (elles furent effectivement badigeonnées peu de temps après, à l'exception selon Hervé Couton de peintures du côté cour ; il reste aussi quelques peintures sur bois qui sont entre les mains de Paul Duchein qui fit beaucoup pour faire connaître Amélia Mondin ; d'autres se trouvent dans les collections de l'Aracine, à présent au LAM de Villeneuve-d'Ascq).
Amélia Mondin, fragments de la fresque de l'impasse d'Angleterre, à Montauban, vers 1990, ph. Hervé Couton
Hervé Couton, par la suite, fit une exposition remarquable de photos de graffiti relevés sur les murs de l'Abbaye de Belleperche non loin de Montauban (c'est dans cette abbaye qu'eut lieu son expo du reste).
Et voici qu'il m'envoie, sur les conseils de Laurent Danchin me dit-il (que ce dernier soit donc poliment remercié ici) d'autres photos tout à fait intéressantes, une fois encore sur une peintre de murs. Cela se passe en Espagne, à Arguedas, petit village de Navarre, et c'est une dame peintresse sexagénaire qui fait l'objet de ce reportage en images: Maria Angeles Fernandez, dite "La Pinturitas" (surnom qu'elle se donne et qui est, paraît-il, intraduisible ; un ami poète d'origine espagnole m'écrit que cela veut tout simplement dire "Les petites peintures", Maria "Les petites peintures" en somme). Voici quelques éléments d'information à son sujet, extraits d'un texte d'Hervé Couton qui s'intitule "La Pinturitas d'Arguedas" (version intégrale ici).
"Elle ne peint que sur un seul et unique support, les murs d'un restaurant désaffecté situé au bord de la route qui traverse le village. Elle utilise des pots de peinture à l'eau (...) et se limite le plus souvent aux couleurs primaires. (...)
Vivant de petits boulots pour la mairie et d'une modeste pension sociale, la « Pinturitas » se refuse de peindre sur tout autre support et pour quiconque, considérant que sa peinture doit rester à Arguedas. Théâtrale et volubile, avec un fort désir de reconnaissance, la « Pinturitas » décrit avec beaucoup de passion sa production à tout passant qui accepte de lui donner du temps. Chaque partie de cette œuvre unique raconte une petite histoire populaire locale, nationale, ou personnelle. Les thèmes évoqués peuvent aller du football où tel nom de joueur est mis en valeur, à la représentation des couleurs de tel ou tel pays en passant par des noms de villes, de personnages divers, ou par des représentations religieuses. Les barreaux des fenêtres condamnées du bâtiment ont été utilisés par elle, pour coincer et exposer des objets récupérés, mélange hétéroclite de publicités, d'articles de journaux, de bouteilles de sodas, etc. Aujourd'hui, les barreaux ont disparu, car récupérés et vendus par quelques ferrailleurs, détruisant ainsi les compositions de la « Pinturitas ». En proie au mépris et aux moqueries d'une partie de la population locale, dûs à son comportement marginal, Maria Angeles dit avoir commencé à peindre en 2000 sur les murs de ce bâtiment pour représenter ceux qui se moquaient et la raillaient. Elle raconte qu'elle a dormi un temps dans le cimetière local et qu'elle a moins peur des morts que des vivants. Marquée dans sa vie personnelle par des épreuves lourdes – les services sociaux lui ont retiré ses enfants quand ils étaient encore jeunes à cause d'une instabilité et d'une précarité familiale - la « Pinturitas » se serait alors réfugiée dans la peinture peut être pour ne pas sombrer.
Aujourd'hui, rien n'arrête cette créatrice infatigable, qui s'applique, hiver comme été à transformer, enrichir, embellir et restaurer avec attention et passion ses peintures que la pluie délave régulièrement."
(Hervé Couton - avril 2010)
21:12 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Environnements populaires spontanés, Fantastique social, Graffiti, Photographie | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : maria angeles fernandez, hervé couton, graffiti, fresques spontanées, art immédiat, art brut, amélia mondin, abbaye de belleperche | Imprimer