Une idée pour un autre Salon... (19/09/2022)
Je ne suis qu'un écrivain et un artiste, et j'en ai marre de cette Outsider Art Fair qui nous revient depuis dix ans, avec son prix d'entrée pour élite friquée, et sa conception étriquée, parce que strictement mercantile, de la communication autour des arts spontanés et alternatifs.
En fait, cette Foire disparaîtrait corps et biens, que je n'en souffrirais pas le moins du monde.
Un Forum basé sur des principes différents, organisé et monté par des Français qui plus est, à un coût moins élevé, pas seulement axé sur le marché de l'art, mais où on inviterait, dans une conception infiniment plus large, des musées, des associations, des ateliers collectifs pour handicapés, des photographes, des architectes alternatifs, des libraires, etc. serait beaucoup plus intéressant à monter.
Halle Saint-Pierre, 2e étage, exposition "Sous le Vent de l'Art Brut 2", 2014 ; à gauche des oeuvres à moi... ; photo Bruno Montpied.
Quel local faudrait-il proposer pour un tel Forum? Eh bien, la Halle Saint-Pierre serait toute indiquée. Qu'elle soit installée au pied de Montmartre, aux lisières de quartiers populaires (la Goutte d'Or notamment), et de quartiers plus chics (la Butte Montmartre), me paraît tout à fait adapté aux substrats culturels des différentes formes d'expression que ce Forum réunirait et présenterait. Disposant d'un auditorium et d'un cafétaria permettant les échanges formels et informels, elle autoriserait dans une seule unité de lieu toutes sortes d'animations, conférences, débats, présentations de films. Le forum pourrait durer une grosse semaine (dix jours), plutôt que les quatre malheureux jours de la Foire d'Art Ousider actuelle. Les prix de location pour les galeries et autres musées et associations concernés (qui tourneraient au fil des éditions) ne seraient pas trop élevés, ce qui éviterait que les prix des oeuvres en vente soient trop élevés, les participants craignant de ne pas rentrer dans leurs frais à la fin du Forum (ce qui est le cas actuellement pour les galeristes qui participent à l'OAF). Les musées, librairies, associations de défense des arts indigènes (entre autres), ateliers pour handicapés, collectionneurs, organisation pour l'auto-construction, etc., qui participeraient pour faire connaître leurs passions et leurs activités, vendant au passage des catalogues d'expositions, procédant à des échanges divers et variés.
On aurait davantage affaire en l'occurrence à une réunion ayant pour but la communication et l'échange autour de passions communes ou à découvrir qu'à une vulgaire foire de mercantis, qualification dans laquelle l'OAF est en train de se couler (à tous les sens du terme "couler")...
11:32 | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : outsider art fair, foire d'art marginal, art brut, salon, échange, passion, arts spontanés, arts divers d'autodidactes, halle saint-pierre, forum des arts spontanés | Imprimer
Commentaires
Reste plus qu'à convaincre l'administration de la halle Saint-Pierre...
Écrit par : Atarte | 19/09/2022
Bravo Bruno, ce serait super.
Écrit par : Yves D'Anglefort | 19/09/2022
C'est bien, en effet, le problème de cette OAF : Vu les tarifs de la location des stands (on me dit 6000/8000 euros), les exposants sont obligés de venir avec " du lourd " pour tenter de se rembourser leurs locations. Pour y être allé à cette dixième édition, j'ai trouvé que c'était la moins bonne des 10 ...
Écrit par : Michel l'égaré | 19/09/2022
Nos planètes sont alignées (comme on dit maintenant), Michel, sur ce sujet. Le tarif des stands à l'OAF est à peu près dans ces eaux-là, plus ou moins, en fonction de la longueur de murs occupés... Cette 10e était effectivement assez faible. En grande partie à cause des galeries du 1er étage.
Écrit par : Le sciapode | 19/09/2022
Vous me rappelez quand Niko Pirosmani fut amené en 1916 par ses zélateurs à une réunion de l'Union des artistes de Gérogie, très compassée assemblée d'artistes où dominaient les académistes, et qu'assez décontenancé par la futilité des discussions, notre génie naïf osa prononcer ceci : "Voilà ce qu'il nous faut, mes frères. En plein centre de la ville, pour que nous puissions tous y aller facilement, il faut que nous construisions une grande maison en bois où nous pourrions nous rencontrer; nous achèterons une grande table, un grand samovar, nous prendrons le thé, nous en boirons beaucoup et nous parlerons de la peinture et de l'art".
Bien sûr, cela resta lettre morte...
Écrit par : Régis Gayraud | 19/09/2022
Excellent, mon cher Régis. L'esprit de Pirosmani souffle en nous.
Écrit par : Le sciapode | 19/09/2022
Trop cher, j'ai fait demi-tour, 20 euros l'entrée, c'est abusé!
Écrit par : Cacte | 19/09/2022
J'ai parfois lu que l'OAF était le OFF de la FIAC. Il faudrait un OFF du OFF !
Écrit par : Michel l'égaré | 19/09/2022
Oui, un Off des oufs...
Écrit par : Le sciapode | 20/09/2022
Le problème est-il qu'il faille revenir aux expositions de patronage?
Exposer dans des cercles spirites bien particuliers ou autres réunions de fanatiques improbables?
L' histoire, et qui plus est, l'histoire de l'art, valorisent ce que l'on connaît. Les "vainqueurs" laissent plus d'archives que les vaincus disparus sans laisser de traces. C'est vrai dans l'histoire de l'humanité, et donc aussi dans ses pratiques dites "artistiques".
Regardez l' histoire reprécisée du " Barbu Muller" qui fit tout dernièrement la couverture de la Gazette Drouot et dont Bruno Montpied est le héros!
Un grand et cordial salut à vous.
Écrit par : Jean marie Staive | 05/10/2022
Ouais, ouais, ouais, monsieur Jean Marie Staive Mac Queen
Parce qu'il faut pas oublier que les marchands d'art brut, ce qui les intéresse, et donc ce qu'ils montrent, c'est des trucs qu'ils ont achetés 20 euros à des artistes pauvres et plus ou moins normaux, et qu'ils savent pouvoir revendre pour des milliers d'euros.
Ce qui veut dire qu'il y a des tas de trucs de qualité que ces fripouilles ne montreront pas parce qu'ils ne peuvent pas les acquérier 20 euros ; car le profit seul meut 90% de ces gens, et donc on ne voit pas tout ; et Bruno Montpied a entièrement raison de vouloir sortir du ghetto new yorkais friqué ce salon.
Voilà, voili.
Marcelline Ben Barka
Écrit par : marcelline | 07/10/2022
Si je comprends bien, vous préférez les expositions de patrons aux expositions de "patronage"?
Atoine Rabany, l'auteur de plusieurs Barbus Müller, fut un vaincu lui aussi. L'histoire de l'art peut lui rendre quelque peu son mérite désormais. Elle ne s'occupe donc pas seulement des vainqueurs. Qui bien souvent, finissent par être oubliés, eux ausi, recouverts par des revalorisations...
Un Forum, je l'appelle de mes voeux pour que l'on se rende enfin compte du vaste éventail des créations de tous ordres, naïves, singulières, brutes, spontanées, qui excèdent de toutes part l'étriqué marché de l'art. Rien à voir avec un club de fanatiques.
Écrit par : Le sciapode | 05/10/2022
Mais non, pas du tout!
Je suis bien de votre avis.
Le marché de l'art n'est pas étriqué malheureusement, il fait flèche de tout bois!
On en a la preuve avec les cotes de l'art brut et le barbu Müller en est un bel exemple!
Bien à vous.
Écrit par : Jean Marie staive | 11/10/2022
Oui, mais pour un Antoine Rabany (qui bénéficie de l'aura d'énigme créée par Dubuffet autour de ses statues surnommées "Barbus Müller"), et des Aloïse, Wolfli, et quelques autres dans cet art brut, combien d'autres ne parviennent pas à voir grimper leurs cotes (tant mieux, cela dit, ça laisse de la place aux petits collectionners et amateurs...)?
Le marché de l'art tend à l'étroitesse, je dis, mais il est heureusement sans cesse réélargi, comme une veste dont on ferait craquer les coutures pour l'agrandir, confronté à des revalorisateurs, des chercheurs, des nouveaux faiseurs de rois, qui donnent l'impression qu'il est vaste, mais c'est contre son principe même, qui est de se transformer en une chasse gardée pour quelques gros richards, type Bernard Arnault ou Pinault. C'est l'ensemble des oeuvres d'art qui est très vaste, lui, mais il est maquillé, camouflé, par les hiérarchisations de valeurs imposées par le marché. La 'Pataphysique lutte conte ces hiérarchisations, proclamant au fond une équivalence universelle entre toutes les productions d'art. Moi, je serai plutôt pour une remise en question perpétuelle, régulière, des valeurs. Comme le faisaient les surréalistes.
Écrit par : Le sciapode | 11/10/2022
Que voulez-vous, bruno Montpied, l'être humain à tendance (fortement) à hiérarchiser ses valeurs, à en créer aussi...
Acheter de l'art pas connu, marginal comme on dit ou des croûtes, à cela, tout le monde veut y attribuer une valeur! Regardez l'émission très suivie sur une antenne de télévision nationale ou le premier quidam fait des offres de ce qu'il a chiné. Il y a des experts et tout le toutim pour surenchérir sur cette fameuse valorisation. L'objet vaut cela, point barre!
Peut-on valoriser le travail souterrain de Massou? Ses "objets d'art" sont heureusement indéplaçables!
Doit-on en faire un "musée" comme cela semble s'organiser?
On confond toujours l'intention de la création brute et/ou inventive et son résultat matériel. Vous savez bien que l'opération mentale est aussi essentielle que son résultat. C'est ce qui fait toute l'originalité et l’ambiguïté de ces productions qui se situent à la limite.
Pour ma part, j'ai toujours été autant intéressé par les êtres humains, leur biotope, que par leurs productions. Je sais que c'est aussi votre cas Bruno Montpied!
De cette manière on peut tous trouver un pratiquant original autour de soit si on y regarde bien. Il s'agit bien d'une autre manière d'envisager l'art.
Cela étant dit, nos choix en la matière dépendent de notre expérience esthétique respective et on en revient à une certaine hiérarchisation des valeurs!
Écrit par : Jean-Marie Staive | 11/10/2022
Pour le dire autrement, je trouve votre recherche sur le barbu Müller aussi, voire plus passionnante, que la matérialité même de ces statues!
Comme est aussi passionnant le choix de Jean Dubuffet envers des productions "pas loin de chez soi", c'est à dire loin d'une mode/monde de "l'art primitif" qui a fait toute la naissance de l'art moderne occidental dans ses colonies.
Écrit par : Jean Marie Staive | 11/10/2022