François Michaud (Creuse) et Antoine Paucard (Corrèze), deuxième film du Vidéoguide de l'Inventaire du Patrimoine de Nouvelle-Aquitaine (06/04/2023)
Voici que la réalisatrice de la série sur les inspirés du bord de routes produite dans le cadre du Vidéoguide du Patrimoine de Nouvelle Aquitaine, Juliette Chalard-Deschamps, me fait suivre le second volet de cette série (le premier, on s'en souvient, a été mis en lien sur ce blog le 13 mars dernier), cette fois consacré à l'évocation des sculptures de François Michaud à Masgot dans la Creuse, site qui m'est cher, d'autant que je fus des premiers à le défendre et le faire connaître (dans Plein Chant d'abord dans les années 1990, dans un texte intitulé Le Ciment des rêves, puis dans le livre qui lui fut consacré par les éditions Lucien Souny dans ces mêmes années ; le texte que je lui consacrai dans ce dernier ouvrage fut repris ensuite, en 2011, dans mon livre Eloge des Jardins Anarchiques), mais aussi aux sculptures d'Antoine Paucard, présentées dans un abri vitré derrière la mairie de son village de Saint-Salvadour en Corrèze. Les deux hommes étaient tous deux maçons, tailleurs de pierre, ayant vécu chacun dans un siècle différent.
François Michaud (1810-1890) est présenté dans ce film par le maire de Fransèches, la commune de rattachement de Masgot (qui est un hameau de fort belle allure, aux maisons de pierres probablement taillées par Michaud lui-même, dont les deux qui lui appartinrent et qu'il décora de statues à diverses périodes de sa vie), Daniel Delprato. Antoine Paucard (1886-1980), pour sa part, est également présenté par un maire, celui du village de Saint-Salvadour, Pierre-Marie Capy. Les deux sites bénéficient de vues aériennes prises par le drone piloté par l'excellent caméraman de la série, Arnaud Deplagne. Cette façon de tourner me fait rêver d'un inventaire des environnements de France qui se déroulerait ainsi, vu du ciel, allant d'un point à l'autre de l'Hexagone, comme pendant les retransmissions des étapes des courses cyclistes, telles celles du Tour de France par exemple!
Dans son commentaire sur les œuvres d'Antoine Paucard, Pierre-Marie Capy donne des éléments d'information nouveaux par rapport à Paucard, en particulier lorsqu'il évoque le gisant que le sculpteur alla tailler dans les bois pour évoquer la tuerie de résistants dans le lieudit de La Servantie par les Allemands pendant la Seconde Guerre. Il nous apprend également que Paucard a laissé des photos derrière lui, montrant l'intérieur du petit musée où il avait disposé de son vivant ses statues aux bustes bardés d'inscriptions (Paucard a laissé 123 carnets remplis de poèmes, et un livre de souvenirs de voyages en URSS en 1933 ; il se voulait donc écrivain aussi bien que sculpteur). Ce musée, nous dit M. Capy, présentait une certaine muséographie, les statues étant orientées les unes par rapport aux autres, et, donc, le maire avance l'idée qu'il faudra en tirer une leçon pour la valorisation future de cet ensemble dans un autre musée.
Concernant les sculptures de François Michaud, que je n'avais pas revues depuis quelque temps, il me semble, à voir ce film, qu'elles ont dû être soigneusement nettoyées de leurs mousses et lichens qui souvent après chaque hiver avaient tendance à perturber passablement leur appréhension par les visiteurs du hameau. Mais il m'a semblé qu'elles présentent désormais un aspect quelque peu usé, presque raboté, les détails d'expression ayant tendance à avoir été gommés... J'espère qu'il n'y a pas eu trop de zèle à vouloir les remettre comme à l'état neuf...
J'ajoute que je n'ai été pour rien dans le commentaire de ce second film.
10:40 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : vidéoguide nouvelle-aquitaine, françois michaud, antojne paucard, daniel delprzato, pierre-marie capy, masgot, saint-salvadour, juliette chalard-deschamps, arnaud deplagne, drone, cinéma et arts populaires, poésie prolétarienne, voyage en urss, conservation des environnements spontanés, résistance aux allemands | Imprimer
Commentaires
Joli petit film où les oeuvres rutilent sous le soleil.
A 7:27, "Que la République était belle sous l'Empire" me paraît assez simple à comprendre. Sous l'Empire on rêvait de la République et elle paraissait belle, mais quand elle est arrivée, après la chute de Napoléon III, ce fut la IIIe République de MM. Thiers, Mac Mahon et consorts, et elle n'était pas plus folichonne que le régime qu'on venait de quitter. Quant à la proclamation sur la sépulture, elle s'applique aussi à l'œuvre du créateur (sculpteur) qui utilise le matériau brut de la pierre. Tout cela me paraît fort cohérent et non contradictoire.
Écrit par : Régis Gayraud | 06/04/2023
Je suis tout à fait d'accord avec votre interprétation de l'inscription sur la République. C'est bien cela que veut dire Paucard.
En revanche, vous tirez de l'inscription sur le devant de la tombe de la famille Paucard, "Si la matière est une erreur, il a son but le Créateur", (surmontée par une autre: "Courbe la tête, Ô Vanité") une interprétation qui lui donne d'après moi un sens qui renverse ce qu'a voulu dire explicitement Paucard, qui était devenu très spiritualiste sur ses vieux jours, à ce qu'il m'a semblé lorsque j'ai visité le site en 2011. Notez bien la majuscule à Créateur qui désigne à l'évidence Dieu. La matière comme "erreur", c'est une réfutation du matérialisme, selon moi, le but du Créateur selon Paucard étant de rabattre la vanité de l'homme et de s'occuper de son âme, qui se détache du corps selon le christianisme, au moment de la mort, symbolisée ici par un portail tracé sous l'inscription. Dieu a créé l'être humain dans une chair qui se corrompt pour que ce dernier ne cherche pas à rivaliser avec lui, qui est éternel (que la vanité de l'être de chair courbe ainsi la tête devant la constatation de sa finitude!). Magnanime, le Créateur lui a réservé tout de même une âme qui peut lui permettre de venir auprès des anges s'il suit un chemin de vertu anti matérialiste...
Écrit par : Le sciapode | 06/04/2023
Vous avez à l'évidence raison au sujet de cette inscription sur sa tombe. J'ignorais l'évolution de Paucard. En tout cas, les deux sites sont admirables (et le village de Masgot sous le soleil ressemble à un petit paradis, je peux en témoigner).
Écrit par : Régis Gayraud | 07/04/2023
Même sans le soleil, ce hameau reste une merveille, juste un peu plus mélancolique comme peuvent l'être certains lieux sous la grisaille. J'ai toujours trouvé ce hameau - il me semble que Jacques Meunier dans son texte de "Flâner en France", où j'avais découvert l'existence de l'œuvre de François Michaud vers 1990, le restitue dans son évocation du site) - comme une île au milieu de la campagne forestière de ce coin de Creuse, une île intemporelle, parfaite dans son genre, avec ses maisons aux murs impeccablement taillés, et ses statues ultra ingénues.
Écrit par : Le sciapode | 08/04/2023
Mais, ceci dit, comme le dit le maire Capy, on peut interpréter cette inscription de la tombe "d'une façon ou d'une autre". Il ne parle pas de "contradiction" à proprement dire à ce moment du film.
Écrit par : Le sciapode | 06/04/2023