Et ça continue à sortir, les Barbus Müller.... (03/05/2023)
Le 16 mai prochain, aura lieu à Drouot une mise aux enchères dans le cadre de la maison de ventes De Baecque et associés. C'est de l'art populaire, envisagé dans sa dimension de curiosité. Plusieurs pièces ont été par le passé présentées aux Rencontres d'art de Montauban qui étaient organisées par le collectionneur, critique d'art et artiste surréalisant Paul Duchein, par ailleurs grand rédacteur de la revue Le Pharmacien de France où il passait de nombreux billets sur des sujets liés à la singularité spontanée présente dans les arts populaires, naïfs ou bruts. Quelque chose me dit – ce n'est absolument pas spécifié par la maison de ventes, je m'empresse de le souligner – que beaucoup des objets proposés en vente, sinon tous, ce 16 mai prochain, pourraient bien venir de la collection de ce monsieur Paul Duchein qui a toujours été très éclectique dans ses admirations et ses passions, créant en parallèle tout un ensemble de boîtes à coloration onirique, dans un style surréaliste un peu trop marqué. Mais ce n'est que mon opinion, le collectionneur qui est derrière la vente restant secret. Cependant, en comparant les pièces du catalogue de la vente avec les pièces que publia Paul Duchein dans son livre La France des Arts populaires chez Privat en 2005, on s'en assure davantage...
Dans la panoplie des pièces présentées, on retrouve (une fois de plus) une sculpture qui à l'évidence peut faire partie du corpus des Barbus Müller, cette série de sculptures en granit ou en roche volcanique, qui représentent la plupart du temps des têtes aux caractéristiques stylistiques semblables, grosse bouche, nez en goutte, yeux proéminents, un air un peu éberlué, voire halluciné, hypnotique, souvent hiératique.
Ce Barbu Müller, en vente à Drouot le 16 mai 2023, figurait dans le livre de Paul Duchein (voir dans l'illustration précédente sa reproduction, ne serait-ce que sur la couverture du livre) ; ce n'est donc pas totalement un inédit.
J'ai démontré dans divers articles et essais que plusieurs des pièces que l'on range dans ce corpus qui est à l'origine de la collection d'art brut de Jean Dubuffet (c'est lui qui a forgé le terme de Barbus Müller, sans rien savoir en 1946 de leur auteur) proviennent d'un paysan auvergnat, ex-soldat, Antoine Rabany, dit "le Zouave" (1844-1919). Actuellement, je dénombre onze sculptures provenant assurément de son jardin ou de son atelier à Chambon-sur-Lac (Puy-de-Dôme). Ces dernières devraient, sur les cartels des collections ou des musées qui les détiennent, indiquer qu'elles sont d'"Antoine Rabany, dit le Zouave, sculpteur de Barbus Müller". Toutes les autres – non encore certifiées par moi comme provenant du jardin du sieur Rabany – peuvent être marquées "attribuées à Antoine Rabany". C'est l'étiquette qu'a choisie avec raison l'experte de cette vente, Martine Houzé, pour la sculpture de cette vente prochaine chez De Baecque. Donc, ci-dessus on n'a qu'un Barbu Müller, peut-être venant de chez Rabany, mais sans certitude absolue...
Cela ne veut pas dire cependant de façon absolue que tous les Barbus Müller, ou prétendus tels, proviennent bien de chez Rabany... Plusieurs de ceux qui font partie du corpus, ce dernier étant disséminé dans plusieurs collections publiques ou privées, sont parfois fort hétérogènes, comme par exemple celui qui a été exposé l'année dernière chez Ritsch-Fisch à l'OAF. Même s'il provenait de l'ancienne collection de l'Art Brut qui avait été déposée un temps chez Alfonso Ossorio durant une dizaine d'année aux USA (Dubuffet l'aurait laissé à Ossorio quand il a rapatrié vers 1962 sa collection en France en prétendant qu'il s'agissait d'un "Barbu Müller": une sorte de blague, je pense, ou une attribution à la louche plus ou moins mystificatrice de la part de Dubuffet...), il n'a que fort peu de rapports avec les autres Barbus Müller:
Deux faces de la même pièce, ex-collection ABCD, en vente à un moment dans la galerie Ritsch-Fisch, un "Barbu" douteux, ressemblant plus à un galet gravé du catalan français Jean Pous, lui aussi classé dans l'art brut.
En tout cas, on constatera que depuis mon élucidation du nom de l'auteur d'une partie des Barbus Müller, diverses pièces sortent régulièrement dans les ventes, les prix qu'elles atteignent (les deux dernières chacune aux environs de 100 000€) n'étant évidemment pas étrangères au désir de les vendre... Petit à petit, les contours du corpus Barbus Müller/Rabany s'acheminent vers la plus complète des résolutions.
16:26 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : antoine rabany, barbus müller, de baecque, ventes aux enchères, drouot, martine houzé, art brut, jean dubuffet, ritsch-fisch, paul duchein, arts populaires, curiosité | Imprimer
Commentaires
Belle sculpture ce supposé Rabany...
Écrit par : Darnish | 03/05/2023
Des nouvelles de la vente? Vous y êtes allé?
Écrit par : Darnish | 19/05/2023
Oui, oui, j'y suis passé. Le Barbu en a rabattu, côté prix, environ 37 000 €. Prix pour un Barbu Müller considéré comme mineur? Ou bien considéré comme pas officiellement de Rabany? En tout cas, le fait qu'il provienne d'une collection d'un grand connaisseur en matière de curiosités populaires et singulières, dont le nom n'avait pas été rendu public, n'a pas non plus fait grimper les prix. Tant mieux pour les collectionneurs à petit budget dans mon genre.
J'ai bien l'impression que le BM est cela dit parti une fois de plus à l'étranger. Personne en France ne paraît soucieux de garder dans nos contrées l'art brut populaire qui fait pourtant partie du patrimoine de proximité. Pour un musée, il me semble qu'une préemption aurait pu s'imposer...
Écrit par : Le sciapode | 19/05/2023
Ah, étonnant en effet…Il y a maintenant les Barbus et les Barbus certifiés Rabany si je comprends bien…
Ps: quand vous dîtes BM, on pourrait comprendre Bruno Montpied…
Écrit par : Darnish | 19/05/2023
Ouais, pour BM, on me l'a déjà dit... cela a pu jouer sans doute dans mon intérêt pour les Barbus Müller. Le narcissisme n'étant jamais très loin...
Écrit par : Le sciapode | 19/05/2023