La fête à Robillard, à Villefranche-sur-Saône (21/09/2016)
On me disait récemment qu'il y avait deux collectionneurs qui étaient aux petits soins pour André Robillard – l'homme aux fusils faits d'objets Le premier a même été accusé par une certaine rumeur d'infléchir la production de notre héros vers du commercial avec des produits plus accessibles au point de vue de leur valeur monétaire (je pense que c'est à cause des pistolets qui étaient à vendre à l'Outsider art fair de l'année dernière ; c'était bien vu, des pistolets, c'est plus petit, il y a moins de choses à assembler, c'est moins cher...). Les objets fabriqués chez ce collectionneur, sorte de mécène pour un créateur brut en quelque sorte (du coup, le "brut" devient-il moins "brut"?), on les appelle dans un certain milieu non plus des Robillard, mais des Robillux, mot-valise plaisant qui enregistre le nom du dit collectionneur... C'est oublier cependant que Robillard, outre qu'il tire toujours son épingle du jeu, tellement ce qu'il fait reste marqué au coin de sa personnalité irréductible, a toujours été content de recevoir des regards sur son travail, presque dès le départ.
Exposition André Robillard, plus divers événements en parallèle, à Villefranche-sur-Saône
Après sa production initiale de fusils des années 1960, par exemple, il paraît avoir fait une pause, qui s'acheva du jour où il découvrit ces mêmes fusils exposés à la Collection de l'Art Brut de Lausanne. Cela lui donna un coup de fouet, semble-t-il (cela mériterait précision), il se remit de plus belle au travail. De cette seconde époque, témoignerait le "proto-fusil" que j'ai récemment mis en ligne sur ce blog, proto-fusil qui inaugura peut-être sa seconde période de création. L'apparition, puis le développement de la collection de l'Aracine, à partir de 1982, le conforta dans sa création. Et il ne s'arrêta plus. Avec le "premier collectionneur" évoqué plus haut, il semble qu'il se soit tourné davantage vers d'autres réalisations, comme des spoutniks ou des pieuvres en trois dimensions, voire des costumes de cosmonautes. Son activité graphique continuait de se développer en parallèle.
Le deuxième collectionneur dont on me parla récemment, ça doit être Alain Moreau, un admirateur sincère d'André Robillard, qui lui aussi ne résista pas à l'envie de lui proposer de travailler sur un support inédit, des galets en l'occurrence. Je n'en ai en effet jamais vu ailleurs que dans la collection de Moreau. Ce sont de belles pièces, qui font heureusement écho avec d'autres pierres, peintes par toutes sortes d'autres artistes et créateurs (il faudrait faire des livres ou des expos rien que là-dessus).
Trois galets dessinés par André Robillard, coll. Alain Moreau, ph. Bruno Montpied, 2009
Alain Moreau a décidé de tresser un joli petit collier d'événements autour de Robillard. Voyez plutôt le programme ci-dessous. Le vernissage était lundi 19 septembre pour l'ensemble des manifestations (exposition du 12 septembre au 1er octobre ; spectacle ; rencontre ; projection des films de Philippe Lespinasse et de Claude et Clovis Prévost).
"Découvert par Jean Dubuffet", dit le carton, moi, j'ai tout de même envie de citer d'abord le docteur Paul Renard qui montra initialement les fusils de Robillard à Dubuffet.
J'ai rencontré André Robillard avec des amis récemment. On l'a invité à casser une graine avec nous dans un de ses bistrots du coin favoris. Un de ses fusils, paré d'une splendide plaque de pub pour le Ricard, trônait d'ailleurs en majesté au-dessus du bar. Je me suis laissé aller moi aussi à l'influencer, à lui passer commande de quelque chose. Cela a été sans doute proportionné à la valeur monétaire de notre "mécénat" (un menu ouvrier...). Je lui ai fait remarquer qu'à ma connaissance il n'avait jamais représenté de Martien. Pourtant, ce n'est pas la première fois qu'on l'entend parler martien. Philippe Lespinasse dans son film lui en parle à un moment (film André et les Martiens). Hélène Smith, elle, qui recopiait des éléments de langue martienne, a eu l'audace d'en dessiner quelques spécimens (voir ci-contre l'étrange personnage semblable à un berger, avec une face fort large, une magnifique jupe à bretelles et de solides sandales). Mais André Robillard? Eh bien, il eut la gentillesse de m'en dessiner un sur un coin de notre nappe taché par la sauce des andouillettes qu'on venait d'engloutir. Voici, ci-dessous, en exclusivité mondiale, le résultat de cette remémoration graphique robillardesque.
André Robillard, dit "le Marsien", Bonjour MARSIEN, dessin au marqueur sur nappe en papier, 2016, coll. B.M.
00:54 | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : andré robillard, art brut, fusils détournés, alain moreau, théâtre de villefranche-sur-saône, marsiens, robillux | Imprimer
Commentaires
Extraordinaire ce dessin ! Vous lui avez offert le repas, j'espère, à défaut de lui acheter le restaurant pour le prix de sa signature manquante.
Écrit par : RR | 21/09/2016
Jolie œuvrette. Je ne comprends pas; Moi, je la vois, la signature. « André le Marsien », c’est écrit à droite et même souligné d’un trait volontaire.
Écrit par : Isabelle Molitor | 21/09/2016
Je l'indique dans la légende de l'illustration du reste, Isabelle M., l'auteur est "André", dit "le Marsien". Cela a dû dérouter notre RR, trop pressé de faire son parallèle avec les légendes relatives à Picasso.
C'est d'ailleurs assez marrant la jonction que Robillard opère entre lui et les Martiens... En "rencontrant" ces derniers, il nous parle du rapport qu'il entretient avec sa part martienne, sa dimension extra-terrestre, son statut "pas comme les autres". C'est d'un dialogue avec sa différence qu'il nous parle. Différence qui, selon les gens qu'il rencontre, peut être perçue tantôt étonnante, tantôt stigmatisante. Exactement comme dans le rapport que le cinéma de science-fiction diffuse quant aux "Martiens", tantôt vus genre "Rencontres du Troisième type", avec un contact ouvert et positif, tantôt genre "Mars attacks" avec des extra-terrestres super agressifs...
Écrit par : Le sciapode | 21/09/2016
D’ailleurs, Robillard devient peu à peu une star. Encore un lien avec Mars
Écrit par : Bousquetou | 21/09/2016
Vous aussi, Bousquetou, vous avez comme Zébulon, l'humour ravageur.
Quant à devenir une star, pour Robillard, ça reste tout de même très relatif. Ce serait plutôt d'anti-star qu'il faudrait parler...
Côté vannes désopilantes, vu la tonicité de notre papy brut de la forêt d'Orléans, on devrait dire aussi : "Un coup de Mars, et ça repart..." C'est encore plus nul, n'est-ce pas?
Écrit par : Le sciapode | 21/09/2016
Cette histoire de Robillard qui deviendrait une "star"... J'y reviens. On essaye de l'enrôler dans l'art et le théâtre, là où poussent les vedettes justement (ça ne sert pas qu'à ça, mais un peu quand même). Mais lui, ça ne lui tourne absolument pas la tête. il reste droit dans ses bottes, égal à lui-même. Il fait attention à contenter ceux qui l'enrôlent (ça lui rapporte toutes sortes de bienfaits il est vrai), et il reste tel qu'en lui-même, protégé sans doute par la cuirasse de sa simplicité. Hommage aux simples, alors!
Écrit par : Le sciapode | 21/09/2016
Donc, l’andouillette, ça conserve! Ne changez surtout pas de régime alimentaire, M. le Sciapode!
Écrit par : Bousquetou | 28/09/2016