14/04/2020
De quelques durs à cuire
Joseph Donadello, du côté de Saiguèdes en Haute-Garonne – comme m'en a récemment prévenu une association, créée en 2019 par Alain Moreau à Villefranche-sur-Saône, "Art brut en compagnie" ("en" et non pas "et") – est toujours en forme. Une sirène est sortie récemment de ses mains de nonagénaire (il est né en 1927). Plusieurs de ses précédentes statues, cédées à divers collectionneurs, ont dû lui occasionner des vides insupportables dans son jardin de bord de route, et il a dû bien vite reprendre sa truelle et ses moules pour boucher les trous.
Joseph Donadello, Sirène aux poissons, photo Art brut en compagnie, 2020.
La même association poursuit en donnant des nouvelles d'un autre dur à cuire du même genre, que le Covid n'a pas touché : André Robillard (né en 1931, il aura 90 ans l'année prochaine), servi à domicile dans sa maison de l'Hôpital Daumézon du côté de Fleury-les-Aubrais, pour le protéger au mieux. Il dessine, il joue de l'accordéon, et avant midi s'accorde toujours un petit apéro. La vie est belle...
André Robillard dessinant sur son lit, au milieu de ses collections, photo Dominik Fusina, 2016.
D'autres créatifs sont – d'après Alain Moreau toujours – en bonne forme, comme André Pailloux, l'homme aux vire-vents de Vendée dont j'ai parlé à plusieurs reprises (j'ai fait un portrait écrit de lui dans un livre de François Jauvion à paraître bientôt, consacré à des portraits dessinés d'auteurs d'art brut et marginal), ou encore Guy Brunet, et Alain Genty, l'étonnant céramiste que la Fabuloserie a beaucoup aidé à faire connaître.
Alain Genty, une de ses terres vernissées (un dragon), coll. privée, ph. Bruno Montpied, 2013.
Cette association nouvelle, bâtie autour de la collection d'Alain Moreau, a des projets d'animation et d'exposition sur Villefranche, et cherche un lieu pérenne pour abriter son ensemble d'œuvres de 70 créateurs (chiffre actuel). Pour en savoir plus, on peut consulter le dépliant que je donne en lien (PDF), qui expose l'argument de l'association. On se souviendra peut-être que j'ai déjà parlé sur ce blog des entreprises d'Alain Moreau.
Autre créateur, cette fois en Vendée (au Pas Français, à La Flocellière), à donner lui aussi de ses nouvelles, par le truchement d'une messagerie électronique (aide de sa femme), Vivi Fortin, qui s'est constitué un petit musée de statuettes dans son garage et un peu dans son jardin. J'ai parlé de lui naguère. Il m'annonce avoir fait une nouvelle version d'un personnage qu'il m'avait cédé lors de mon passage l'année dernière. Cela s'intitule "Chacun de nous est un livre ouvert". Un homme est assis sa tête au bout des bras, tandis qu'un livre ouvert a pris la place de cette dernière sur son cou... Vivi (VI+VI, soit six + six en chiffres romains, ça donne VIVI) est, comme on le constatera, donc, toujours en pleine forme.
Vivi Fortin, Chacun de nous est un livre ouvert (première version), MAB peint, 19 x 11 x 7 cm, vers 2019 ; ph. et coll. B.M.
Vivi Fortin, deuxième version de Chacun de nous est un livre ouvert, collection de l'artiste, 2020.
00:30 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art naïf, Art populaire contemporain, Photographie, Sirènes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art brut en compagnie, joseph donadello, sirènes, andré robillard, andré pailloux, alain genty, guy brunet, vivi fortin | Imprimer
22/05/2019
Info-Miettes (33)
"Zoographie", sur l'animal dans l'art, à Fontcouverte (Aude)
Jean-Louis Bigou, l'animateur du blog sur "l'Art Improbable dans l'Aude et ses alentours" (voir en particulier sa note de mars dernier sur les poupées de Mme Ska présentes au musée du Jouet à Figueras en Espagne que l'on avait pu admirer pendant une expo sur "les Poupées" à la Halle St-Pierre il y a quelques années), annonce une expo sur un bestiaire illustré par de "l'art brut", art actuel (pour ne pas dire art contemporain?), art ethnique (pour ne pas dire "art primitif"), pour réfléchir sur les rapports entretenus par l'homme avec l'animal, longtemps considéré comme une machine, incapable de sensibilité et de capacités cognitives, voire d'une certaine forme de conscience. Cela dit, miam c'est bon, le cochon.
De l'individualisme dans l'art populaire, un article d'E.Boussuge dans la revue L'Autre Côté
Sommaire du n°4 de la revue L'Autre Côté.
Après de nombreuses péripéties, il est accueilli à La Fabuloserie en 1987 par Alain Bourbonnais, qui en entreprend le patient démontage et transport, avec une équipe de bénévoles. Il décède malheureusement l'année suivante et ne verra pas le résultat de ces efforts. En 1989, reconstruit à l'identique et restauré, le Manège est inauguré dans le parc du musée.
Pour célébrer cette aventure, La Fabuloserie propose une exposition photographique des grands moments de l'épopée et vous invite bien entendu à admirer le manège en activité avec une animation toutes les heures.
Par ailleurs, le spectacle "Petit Pierre", mis en scène et joué par Maud Hufnagel, se déroulera dans la salle polyvalente du village (10€/adulte ou 5€/enfant en sus à régler sur place avec réservation obligatoire par mail à lafemme@loeilabarbe.fr).
Enfin, la collection permanente de plus de 1000 œuvres a fait l'objet d'un nouvel accrochage, avec la mise en avant de superbes dessins de Jaber dans le "Tunnel".
Pour clôturer la journée de façon conviviale, une collation sera offerte aux visiteurs par l'équipe du musée.
Autocar Paris - Dicy |
Samedi 25 mai:
Départ 10h30 Porte d'Orléans (derrière station Total) retour à Paris vers 20h30. Réservation obligatoire sur fabuloserie89@gmail.com
Chèque 30€/personne (trajet+visite)
à l'ordre de: La Fabuloserie
à adresser :52 rue Jacob 75006 Paris |
Si l'on vient par ses propres moyens à l'heure du repas, il faut prévoir son pique-nique (solution de repli à l'abri en cas de mauvais temps). Un autocar depuis Paris est prévu (voir ci-contre), mais je ne sais s'il reste encore des places.
Pascale Roux et Sarah V. chez Alain Dettinger à Lyon
Alain Dettinger est un grand défenseur des artistes féminines, comme on sait. J'ai reçu deux nouveaux cartons illustrant ce fait. L'un reproduit un dessin à l'encre sur carton intitulé "Santa Rata penada" (Sainte rate punie?) de Pascale Roux, faisant partie d'une expo sur le thème de "l'amour à mort", curieuse image semblant représenter une sorte de chauve-souris aux ailes tatouées de silhouettes masculines (d'anciens amants?), des enfants la flanquant de part et d'autre, un autre lui sortant par le bas...
Pascale Roux, Santa Rata Penada, 100 x 70 cm, encre sur carton, 2018.
L'autre, me plaisant davantage, reproduit comme une vulve sublimée par des couleurs vaporeuses, résultant d'un dessin aux crayons de couleur, cependant intitulé "Ventre glacier"... Là, l'expo a deux thèmes: "Vierges ouvrantes" et "traversées". Tout un programme...
Sarah V., Ventre glacier, 34 x 34 cm, crayons de couleur sur papier, 2018.
Du samedi 8 juin au 29 juin 2019, 4 place Gailleton, Lyon 2e ardt, tél 04 72 41 07 80.
Une grande exposition de plasticiens contemporains et singuliers à la Coopérative Collection Cérès Franco à Montolieu, "Croqueurs d'étoiles"
Vue extérieure de la Coopérative Collection Cérès Franco, photo © Jacques-Yves Gucia.
Françoise Monnin, par ailleurs rédactrice en chef de la revue Artension, est commissaire d'exposition à Montolieu (Aude) pour une expo réunissant 86 artistes sur le thème du voyage dans la Lune (nous sommes à 50 ans de l'arrivée de l'homme sur la Lune en 1969 ; une autre expo, très différente, et il faut bien le dire, bien moins vivante, est aussi montée sur le même thème au Gand Palais à Paris), conçu de manière extensive, tourné davantage sur l'évocation imaginaire et métaphorique de l'astre. L'expo est intitulée "Croqueurs d'étoiles". Car l'adage ne le dit-il pas, les artistes ont la tête dans les étoiles...
Il y a à boire et à manger dans ce rassemblement, mais si l'on se fonde sur la mosaïque affichée sur le site web de la Coopérative, l'ensemble reste fort stimulant. Voici un tout petit choix (on se réfère au lien à la ligne précédente pour en découvrir plus) :
Art populaire mexicain, sans titre, bois peint, Collection Cérès Franco.
Mirabelle Dors, Consensus, Plâtre et pâte fixés sur bois, 38 x 45 x 2 cm, 1975, Collection Cérès Franco.
Eli Malvina Heil (il me semble que cet artiste a été montré au Musée de la Création franche de Bègles, me trompé-je?), sans titre, peinture vinylique sur toile, 55 x 73 cm, 1974, Collection Cérès Franco.
Jeannine Mongillat, Sans titre, collage et papier mâché, 24 x 34 x 9cm, 1990, Collection Cérès Franco.
On y aperçoit en particulier un large panorama des nouvelles créations d'André Robillard, qui, à l'évidence, ne sont plus de son seul fait, et bénéficient de l'aide souterraine du collectionneur qui le mécène. Robillard, ce n'est plus de l'art brut, mais une nouvelle forme d'art contemporain ayant couché avec l'art brut, quelque chose d'hybride. Le langage autonome de Robillard se brouille dans ces réalisations un peu trop maîtrisées, je trouve.
André Robillard (et autres?), OVNI Fusée martienne, 15 x 39 cm, 2012, collection particulière.
André Robillard (et autres?), Soucoupe volante, 150 x 350 x 350 cm, feutres sur bois, 2008, collection particulière.
André Robillard (et autres?) et une partie de ses assemblages, 1999-2019, collection particulière photo © FL-Alain Machelidon
"Les Croqueurs d'étoiles", Coopérative collection Cérès Franco, Montolieu, du 20 avril au 3 novembre 2019.
Jano Pesset à l'Atelier-Musée Fernand Michel à Montpellier tout l'été
Paris avait pu admirer certaines de ses oeuvres il n'y a pas si longtemps à la Fabuloserie-Paris. Il y était en compagnie de quelques trop rares oeuvres de son épouse Loli. C'est au tour de Montpellier de pouvoir aller admirer son travail, des assemblages de bois de lierre et de noisetier travaillés et teints où se détachent des personnages drolatiques et des inscriptions diverses, philosophico-anarchisantes, durant tout l'été. A noter la remarquable notice que lui avait consacrée Laurent Danchin, reproduite sur le flyer d'annonce de l'exposition (voir ci-dessous, mais pour le lire mieux voir ici le PDF).
Jano Pesset (né en 1936) incarne un type d'artiste d'origine populaire qui s'est fait artistiquement en solitaire (un prolo self-made man...), ayant rompu avec les formes usuelles dans l'art populaire, et influencé par les cultures véhiculées par les révoltes de mai 68. Il a exposé dès le départ avec la Fabuloserie, dont il est un des artistes emblématiques.
11:30 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art moderne ou contemporain acceptable, Art populaire insolite, Art singulier, Environnements populaires spontanés, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : jean-louis bigou, zoographie, bestiaire dans l'art, emmanuel boussuge, l'autre côté, art populaire individualiste, madame ska, fabuloserie, petit pierre, galerie dettinger, pascale roux, sarah v., art féminin, andré robillard, coopérative collection cérès franco, françoise monnin, croqueurs d'étoiles, jano pesset, atelier-musée fernand michel | Imprimer
23/04/2019
Robillard, une apothéose dans l'art de manipuler un auteur d'art brut, et, accessoirement, l'art brut lui-même
"André Robillard
Le dernier artiste contemporain découvert par Jean Dubuffet. A l’occasion de l’exposition « Jean Dubuffet - un barbare en Europe », organisée par le Mucem et consacrée au fondateur de l’art brut, la Galerie Polysémie présentera une sélection de sculptures et dessins réalisés par André Robillard, génial artiste contemporain.
André Robillard est le dernier membre survivant de la collection originale de Dubuffet et l'un des artistes les plus célèbres de l'univers Art Brut / Outsider. Il est né le 27 octobre 1931 à Gien. Suite à des problèmes de comportement, à l'âge de huit ans il est placé dans une école rattachée à un hôpital psychiatrique et à 19 ans il est hospitalisé. C’est pendant cette période qu’il commence à créer, en utilisant la sculpture et le dessin, pour exprimer son univers intérieur à travers un langage personnel.
Fusils réalisés avec des matériaux de récupération, planètes, satellites, cosmonautes, animaux…. ses thèmes de prédilection sont d’une grande variété. André Robillard nous démontre avec brio que le handicap n’existe pas dans la création plastique."
Belle annonce n'est-il pas? Pleine de bons sentiments, et pétaradante : "génial artiste contemporain"... Déjà, relevons l'apposition maligne "artiste" et "contemporain"... Robillard est ainsi mis dans la même catégorie qu'un Jeff Koons ou d'un Anish Kapoor (voir ci-contre une de ses réalisations à la galerie Kamel Mennour). Après tout, Polysémie en aurait le droit, puisque Françoise Monnin, la grande prêtresse d'Artension, a bien publié récemment des "entretiens" avec l'artiste Robillard, très volontairement placé ainsi au même rayon que les artistes patentés professionnels avec qui des "entretiens" sont pour certains d'entre eux de rigueur (ça fait partie de l'image de marque du monstre sacré). Et puisqu'ici et là, André Robillard est enrôlé dans des shows divers et variés, avec les Endimanchés d'Alexis Forestier pour des pièces de théâtre musical, par exemple, ou des "performances" racontant sa vie, terriblement cadrées, avec Alain Moreau, autre exemple...
Les marchands continuent donc leur entreprise d'absorption de l'art brut qu'ils désirent soluble dans un art contemporain qui a besoin de rafraîchir ses marchandises.
Mais, au delà de ça, qu'est-ce qui se cache derrière tout ce micmac robillardesque ? Sait-on que Robillard est d'abord un type gentil, brave comme pas deux, qui ne ferait pas de mal à une mouche comme on dit (et que je ne qualifierai pas de mon côté "d'handicapé", Mister Polysémie) ? Et qu'à cause – d'autres diront "grâce à" – cela, toutes sortes de manipulateurs en tous genres, depuis des années, lui ont sauté dessus, comme la misère sur le pauvre monde, pour le transformer en une marionnette de l'art dit brut ? Au fond, Robillard ne fut véritablement "brut" qu'au début seulement, dans les années 1960, lorsqu'il fabriqua quelques fusils (assemblés à partir de matériaux divers récupérés de manière à figurer un fusil, de la même manière que les enfants se bricolent des armes de jeu à partir de bricoles recyclées à la va-comme-je-te-pousse), montrés à Dubuffet qui les intégra aussi sec dans sa collection.
Voici un "fusil" d'André Robillard, déjà mis en ligne par moi sur ce blog auparavant ; il date apparemment de l'époque où Robillard se remit à faire des fusils après avoir visité la Collection de Lausanne; il fut acquis par son premier collectionneur à l'Aracine au milieu des années 1980. Sa simplicité touchante, bien éloignée de ses assemblages plus connus, devenus de rigueur auprès des collectionneurs peu regardants, avait quelque chose de rare...
Il arrêta après ces premiers "jets", quelques années. Ce ne fut qu'au début des années 1980 qu'il recommença, après une visite à la Collection de l'Art Brut qui venait d'ouvrir dans son mirifique "Château" de Beaulieu à Lausanne. Déjà, ce "recommencement" avait perdu de son élan originaire, à savoir brut (sans concession au goût du public extérieur), puisqu'il était motivé par la découverte que ses "œuvres" avaient plu, avaient été intégrées à un musée (que l'endroit en question se soit voulu un "anti-musée", je ne pense pas que Robillard s'en soit pénétré particulièrement). Il se remit à produire – cette fois en série – des fusils, devenant presque une usine à lui tout seul. Cette apparente "industrialisation" de ses bricolages ont fini par donner des idées à d'autres, bien moins honnêtes au fur et à mesure que passaient les années. On m'a raconté qu'un aigrefin lui aurait ainsi proposé récemment de dessiner au feutre indélébile sur des abats-jours sphériques en verre blanc. 50€ pour André Robillard, et vendus dix fois plus ensuite par l'aigrefin (c'est tellement gros que cela mériterait confirmation)... Des commanditaires lui ont jeté le grappin dessus. Quand vous allez le voir, il n'y a rien chez lui. Tout est déjà préempté par les commanditaires qui, de plus, sans doute pour le surveiller de près, l'invitent chez eux pour qu'il travaille avec les matériaux qu'ils mettent à sa disposition, crosses toutes calibrées, câbles, scotch, et tutti quanti...
Collection de fusils de Robillard exposés à un moment au LaM de Villeneuve-d'Ascq, ph. Bruno Montpied, 2011.
Des pistolets de Robillard à présent..., ph. Galerie Polysémie.
André est gentil, disais-je, il ne dit pas non. Il y gagne de quoi vivre, il est nourri, blanchi... Il vous rétorquera d'un air désarmant que ses productions actuelles (les fusils sont trop chers? Qu'à cela ne tienne, on lui fait faire des pistolets, moins de matériaux, moins de temps passé à les ficeler et, donc, un prix plus "accessible"...) sont des ouvrages réalisés "en collaboration". Certes... Mais a-t-on encore à faire à un auteur d'art brut? Bien sûr que non! Acheteurs, collectionneurs, ce que l'on vous vend actuellement, c'est tout simplement du sous-Robillard, du simili art brut comme il y a du simili cuir, fruit de petites manipulations lamentables, où tout le monde tripote avec ses mains sales dans la sauce... Mais quand lui flanquera-t-on enfin la paix!
D'autres comme vous ont déjà tenté le coup avec Aloïse dans les années 1960. Elle s'en était laissé mourir, plus difficile qu'André....
Pour vérifier... Exposition à la galerie Polysémie à Marseille, du 25 avril au 25 mai 2019.
23:29 Publié dans Art Brut, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : andré robillard, galerie polysémie, manipulation de l'art brut, art contemporain (de merde), aigrefins | Imprimer
14/08/2018
Au Gai Rossignol, c'est au sous-sol qu'il faut aller (underground, quand tu nous tiens...): la Caverne
Le "Gai rossignol", c'est le nom d'une librairie de soldes et d'occasions qui est rue St-Martin, entre la Tour St-Jacques et le Centre Beaubourg, à Paris. C'est le même emplacement qu'occupait jadis "Mona Lisait"... "Rossignol" est peut-être à entendre aussi, en creux, comme une allusion à l'argot des puciers selon lesquels un rossignol est un objet sans valeur, du moins "sans valeur", tant qu'on n'en a pas décelé l'intérêt caché.
Dans cette librairie, c'est surtout au sous-sol qu'on peut trouver quelques occasions délectables, dont des livres des éditions du Sandre (que l'on ne trouve pas toujours ailleurs dans cet ensemble), ainsi que des raretés bibliophiliques, des photographies originales, des gravures, voire, comme lorsque j'y suis passé récemment, une œuvre d'art brut, un fusil de Robillard (à 1600€ me semble-t-il). Un lieu secret à découvrir donc...
Ph. Bruno Montpied, août 2018.
Et, à signaler, l'inauguration de l'endroit, décalée par rapport à son ouverture...
00:17 Publié dans Art Brut, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés, L'oeil du Sciapode, Littérature | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : gai rossignol, librairies parisiennes, art brut, rossignols, underground, andré robillard, éditions du sandre, bibliophilie, photographies originales, estampes, la caverne | Imprimer
21/09/2016
La fête à Robillard, à Villefranche-sur-Saône
On me disait récemment qu'il y avait deux collectionneurs qui étaient aux petits soins pour André Robillard – l'homme aux fusils faits d'objets Le premier a même été accusé par une certaine rumeur d'infléchir la production de notre héros vers du commercial avec des produits plus accessibles au point de vue de leur valeur monétaire (je pense que c'est à cause des pistolets qui étaient à vendre à l'Outsider art fair de l'année dernière ; c'était bien vu, des pistolets, c'est plus petit, il y a moins de choses à assembler, c'est moins cher...). Les objets fabriqués chez ce collectionneur, sorte de mécène pour un créateur brut en quelque sorte (du coup, le "brut" devient-il moins "brut"?), on les appelle dans un certain milieu non plus des Robillard, mais des Robillux, mot-valise plaisant qui enregistre le nom du dit collectionneur... C'est oublier cependant que Robillard, outre qu'il tire toujours son épingle du jeu, tellement ce qu'il fait reste marqué au coin de sa personnalité irréductible, a toujours été content de recevoir des regards sur son travail, presque dès le départ.
Exposition André Robillard, plus divers événements en parallèle, à Villefranche-sur-Saône
Après sa production initiale de fusils des années 1960, par exemple, il paraît avoir fait une pause, qui s'acheva du jour où il découvrit ces mêmes fusils exposés à la Collection de l'Art Brut de Lausanne. Cela lui donna un coup de fouet, semble-t-il (cela mériterait précision), il se remit de plus belle au travail. De cette seconde époque, témoignerait le "proto-fusil" que j'ai récemment mis en ligne sur ce blog, proto-fusil qui inaugura peut-être sa seconde période de création. L'apparition, puis le développement de la collection de l'Aracine, à partir de 1982, le conforta dans sa création. Et il ne s'arrêta plus. Avec le "premier collectionneur" évoqué plus haut, il semble qu'il se soit tourné davantage vers d'autres réalisations, comme des spoutniks ou des pieuvres en trois dimensions, voire des costumes de cosmonautes. Son activité graphique continuait de se développer en parallèle.
Le deuxième collectionneur dont on me parla récemment, ça doit être Alain Moreau, un admirateur sincère d'André Robillard, qui lui aussi ne résista pas à l'envie de lui proposer de travailler sur un support inédit, des galets en l'occurrence. Je n'en ai en effet jamais vu ailleurs que dans la collection de Moreau. Ce sont de belles pièces, qui font heureusement écho avec d'autres pierres, peintes par toutes sortes d'autres artistes et créateurs (il faudrait faire des livres ou des expos rien que là-dessus).
Trois galets dessinés par André Robillard, coll. Alain Moreau, ph. Bruno Montpied, 2009
Alain Moreau a décidé de tresser un joli petit collier d'événements autour de Robillard. Voyez plutôt le programme ci-dessous. Le vernissage était lundi 19 septembre pour l'ensemble des manifestations (exposition du 12 septembre au 1er octobre ; spectacle ; rencontre ; projection des films de Philippe Lespinasse et de Claude et Clovis Prévost).
"Découvert par Jean Dubuffet", dit le carton, moi, j'ai tout de même envie de citer d'abord le docteur Paul Renard qui montra initialement les fusils de Robillard à Dubuffet.
J'ai rencontré André Robillard avec des amis récemment. On l'a invité à casser une graine avec nous dans un de ses bistrots du coin favoris. Un de ses fusils, paré d'une splendide plaque de pub pour le Ricard, trônait d'ailleurs en majesté au-dessus du bar. Je me suis laissé aller moi aussi à l'influencer, à lui passer commande de quelque chose. Cela a été sans doute proportionné à la valeur monétaire de notre "mécénat" (un menu ouvrier...). Je lui ai fait remarquer qu'à ma connaissance il n'avait jamais représenté de Martien. Pourtant, ce n'est pas la première fois qu'on l'entend parler martien. Philippe Lespinasse dans son film lui en parle à un moment (film André et les Martiens). Hélène Smith, elle, qui recopiait des éléments de langue martienne, a eu l'audace d'en dessiner quelques spécimens (voir ci-contre l'étrange personnage semblable à un berger, avec une face fort large, une magnifique jupe à bretelles et de solides sandales). Mais André Robillard? Eh bien, il eut la gentillesse de m'en dessiner un sur un coin de notre nappe taché par la sauce des andouillettes qu'on venait d'engloutir. Voici, ci-dessous, en exclusivité mondiale, le résultat de cette remémoration graphique robillardesque.
André Robillard, dit "le Marsien", Bonjour MARSIEN, dessin au marqueur sur nappe en papier, 2016, coll. B.M.
00:54 Publié dans Art Brut, Art immédiat | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : andré robillard, art brut, fusils détournés, alain moreau, théâtre de villefranche-sur-saône, marsiens, robillux | Imprimer
28/04/2016
André Robillard, un proto fusil?
Il y a quelques jours, j'ai publié une photo en faible résolution d'un fusil apparemment primitif d'André Robillard. Il paraissait pouvoir se dater des années 1980, dates auxquelles son propriétaire (qui s'en est désormais défait, inutile d'écrire...) l'avait acquis dans les locaux de l'Aracine à Neuilly-sur-Marne (ouverts en 1984). On sait cependant que Robillard a commencé plus tôt ses pétoires symboliques, connues pour leurs agrégations d'accessoires multiples et variés. Et, à contempler l'engin –dont je produis ci-dessous une image, un peu meilleure j'espère, accompagnée des inscriptions qui se trouvent par dessous–, on peut légitimement se demander s'il ne faut pas le considérer comme un prototype, ou mieux, un proto-fusil... Un squelette, une matrice avant le développement ultérieur, rendu aujourd'hui un peu trop systématique du fait d'une demande des collectionneurs? Celui qui le possède aujourd'hui aurait en ce cas une pièce assez historique, dans la perspective de l'œuvre robillardesque...
André Robillard, fusil "le serpent indien", années 1980? Ou plus ancien?, coll. privée, ph. Bruno Montpied
André Robillard, inscriptions en dessous du fusil, la signature de l'auteur et le titre, "le serpent indien", ph. B.M., 2016
00:41 Publié dans Art Brut | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : andré robillard, art brut, proto fusil, matrices, prototypes, fusils symboliques, aracine | Imprimer
27/04/2016
"André et les Martiens" de Philippe Lespinasse, quelques remarques
Couverture du DVD du film de Philippe Lespinasse, 2016
Les créateurs réunis par Philippe Lespinasse dans un montage d'environ 66 minutes sous le titre André et les Martiens ont un point commun, celui de vouloir rassembler des éléments épars, disjoints, hétéroclites en un tout homogène qui tient avant tout par l'emploi de fils, de liens, de ligatures ceinturant les dits éléments : André Robillard, choisi lui-même au départ par le réalisateur-monteur pour lier les diverses séquences consacrées aux autres créateurs, et être un fil rouge durant toute la durée du film, attache ses tubes, ses crosses, ses patins à glace et autres objets de récupération de gros rubans de fort adhésif chargés d'aider à donner forme à ses fusils inoffensifs. Judith Scott embobine des objets de hasard d'un embrouillamini de fils de toutes les couleurs où elle ajoute des nœuds, créant des sortes de chrysalides sans identité reconnaissable. Richard Greaves au Québec parle des cordes qui tiennent ses cabanes en un savant équilibre déséquilibré. André Pailloux (déjà vu dans Bricoleurs de paradis et repéré dans Eloge des jardins anarchiques ; mais je dois dire que la séquence où il apparaît dans le film de Lespinasse n'apporte pas grand-chose de plus par rapport à ces deux références) laisse manipuler son vélo avec grandes précautions, car ça n'est pas seulement un vélo, mais un jardin sur roues, tissé de colifichets en tous genres, comme une toile d'araignée de bibelots en plastique qui aurait été destinée à partir sur les routes, "quand il n'y a pas de vent", dixit Pailloux. Et ce jardin sur roues, double de son jardin hérissé de vire-vent, il y tient, Pailloux, c'est son double aussi bien, on ne lui arrachera pas comme cela. Seul de tous peut-être, Paul Amar n'utilise pas le fil. Car lui recourt à la colle pour assembler en théâtres rutilants de couleurs –c'est le moins qu'on puisse dire– des milliers de coquillages qu'il usine, adapte, associe, agrège, faisant entrer de gré ou de force ces éléments disparates dans son imaginaire unifiant.
Judith Scott, œuvre exposée à l'exposition Sur le fil à Wazemmes
Paul Amar, œuvre présente dans la Collection de l'Art brut, Lausanne, ph. Bruno Montpied, 2011
Si tous ces créateurs présents dans le film de Lespinasse –comme ce dernier les présenta au cours d'une récente avant-première organisée par l'ambassade de Suisse à Paris– peuvent être vus comme des "libertaires" réinventant leur monde, ils sont avant tout à mes yeux des individus viscéralement liés à des objets ou des architectures transitionnels qui leur servent à se redresser en dépit du désordre ambiant, en remettant de l'unité dans un monde en miettes.
Richard Greaves, ses anciennes réalisations au Canada, ph. site bootlace and lightning
Par ailleurs, au cours de la même soirée d'avant-première, notre réalisateur tint à établir sa ligne directrice en matière d'éthique documentaire. Il trouve, ce fut son mot ce soir-là, "autoritaires", les films qui comportent des commentaires de leurs réalisateurs. Il préfère, comme l'écrasante majorité des réalisateurs actuels, laisser parler "librement" ses personnages, des créateurs par ailleurs tous classés par lui (peut-être un peu approximativement) dans "l'art brut". Cela traduirait sa volonté de laisser libre la parole... Je ne suis pas d'accord avec cela. Un réalisateur qui donne un avis par commentaire sur ce qu'il filme nous impose-t-il vraiment son interprétation? Le spectateur n'aurait-il donc plus de sens critique, ficelé qu'il serait aux propos qui lui seraient comme injectés de force? Ce serait se représenter le spectateur comme un consommateur hébété, pieds et poings liés devant l'écran. Ce dernier sait faire la part des choses, et même, lorsqu'il n'y a pas de vision subjective affirmée à l'écran, il sait reconnaître, derrière les montages, un choix, celui des séquences conservées parmi les dizaines d'heures de rushes tournées en amont, ou celui des réparties des auteurs interviewés, toutes choses qui distillent de manière masquée le point de vue du réalisateur du film. Celui-ci peut-il en conséquence nous faire croire plus longtemps à sa retraite devant la personne qu'il souhaite nous présenter comme étant affranchi de son regard? Que nenni.
Cela dit, ce ne fut qu'un mot lâché par Lespinasse au hasard d'une diatribe improvisée à la fin de la projection de son film. Parmi les réalisateurs de docs sur les créateurs populaires autodidactes, il n'est pas de ceux qui font particulièrement le choix de s'effacer. Dans ce dernier opus, André et les Martiens, qui reste un film empreint de légèreté et fort agréable à suivre, il ne craint pas de se faire filmer avec Judith Scott qui lui pince tendrement le quart de brie, avec envie sans doute de voir si elle pourrait se l'annexer pour l'embobiner lui aussi...
Le film sortira sur les écrans le 18 mai. Un DVD a été édité. Petit extrait ci-dessous:
00:48 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Cinéma et arts (notamment populaires), Environnements populaires spontanés, Environnements singuliers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : andré et les martiens, andré robillard, judith scott, richard greaves, andré pailloux, philippe lespinasse, cinéma documentaire et commentaires, fils, ligatures | Imprimer
14/04/2016
Du temps où Robillard faisait des fusils sans qu'on lui demande...
André Robillard, un fusil des années 1980, coll. privée, Paris ; son propriétaire souhaite s'en défaire, écrire au Poignard Subtil...
Je vous parle d'un temps où il n'y avait aucune pression acheteuse autour d'André Robillard. Ce qui ne veut pas dire, comme l'insinuent depuis quelques mois certains plumitifs qui roulent pour les galeries et les spécialistes qui voudraient confisquer l'art brut à leur usage exclusif (silence, on spécule), que c'était au temps "héroïque" où une poignée de mordus "se gardait l'art brut pour eux" (ils projettent, ces plumitifs: qui juge les autres, se juge, comme disait Gérard Lebovici). Non, simplement, la plupart se foutaient de l'art brut, et les "mordus" avaient beau faire ce qu'ils pouvaient pour en parler aux amateurs d'art, ces derniers faisaient la sourde oreille. Faut croire que le temps des cotes en hausse n'était pas encore venu leur déboucher les trompes d'Eustache.
Vers 1985, l'Aracine balbutiait en son Château-Guérin, on était encore loin du LaM et de son musée-casbah. Sa papesse, Madeleine Lommel, remerciait ses sujets en leur octroyant parfois royalement quelque don, quand elle pouvait repousser telle ou telle œuvre qu'elle ne jugeait pas idoine pour sa collection. Parfois, elle demandait quelques francs. C'est ainsi qu'un de ceux qui tournaient dans cet hôtel de Neuilly-sur-Marne reçut un jour le fusil robillardesque ci-dessus exhibé. Plutôt sommaire, non? André Robillard, notre nouveau chevalier des arts et lettres, ne s'était ce jour-là pas trop encombré de scotch et autres boîtes de pilchards démantibulées. Assez enfantin, avec deux serpents qui chevauchent un seul bout de bois sobrement peinturluré. Combien ça peut valoir aujourd'hui un truc aussi direct? Et vous imaginez qu'on le reproduise lui aussi en monument bis de 4 mètres de haut?
23:45 Publié dans Art Brut, Art immédiat | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : andré robillard, l'aracine, serpents, fusil-jouet, madeleine lommel, spéculation, château-guérin | Imprimer
29/10/2015
Radio-Libertaire rencontre la Petite Brute
Cela fait longtemps que je n'avais pas pondu une petite note sur ce blog. C'est qu'il y avait de l'occupation ces temps derniers. Une foire d'art brut avec beaucoup "d'apparentés", dits aussi "outsiders", où moi et mon autre auteur de livres pour la Petite Brute, présentions et dédicacions nos ouvrages respectifs, "Visionnaires de Taïwan" (Remy Ricordeau) et "Andrée Acézat, oublier le passé" sur le seuil de l'espace "hors-les-murs" de la Halle St-Pierre. Pour ceux qui s'en inquiéteraient cela s'est passé gentiment. Quelques aficionados étaient au rendez-vous, ayant bravement franchi les cerbères qui réclamaient l'habituel droit de péage exorbitant (15€ ; les visiteurs de la FIAC, non VIP, payaient eux au même moment 35€, m'a-t-on dit... Autant dire que les gueux n'étaient pas invités à ces réjouissances ; du reste les prix, à l'Outsider Art Fair - je n'ose évoquer ceux de la FIAC -, dépassaient toutes les possibilités des bourses plates. Paraît que des Robillard - un peu clinquants, un peu trop bien ficelés dans le genre "brut" - s'envolaient pour aller atterrir chez James Brett (surnommé méchamment par certains habitués de la foire "le prédateur") pour 15 000 €... C'est vrai cette rumeur? Et Robillard dans tout ça?
J'y reviendrai... Ou non. Tous mes efforts se tournent en ce moment vers la Petite Brute. On (moi et Ricordeau) va (allons) demain matin (jeudi 29 octobre à 11h ; l'émission sera ensuite podcastable et téléchargeable à cette adresse, mais attention... elle dure deux heures et nous n'intervenons qu'à partir du début de la deuxième heure) sur Radio Libertaire (la radio sans dieu ni maître et sans publicité) dans l'émission "Chroniques Hebdo" de Gérard Jan pour en causer. Si vous lisez cette note avant cette échéance, précipitez-vous... Et si vous n'avez rien de mieux à faire bien sûr. C'est seulement dans quelques heures. Sinon, ça peut se réécouter, même de loin je pense, grâce à la magie d'internet.
Deuxième titre de la collection La Petite Brute, avec en annexes des témoignages de Jean Corrèze et d'Alain Garret, une lettre de Gérard Sendrey... 76 pages, 52 illustrations, 15€...
J'y pense, mon petit livre sur Andrée Acézat n'est pas encore en librairie, hormis à celle de la Halle St-Pierre qui en possède déjà quelques exemplaires de retour de la foire d'art brut (avec beaucoup d'apparentés). La mise en place en librairie (par le diffuseur Les Belles Lettres) est prévue pour la mi novembre. Qu'on se le dise...
Andrée Acézat, tableau au titre et aux dimensions non renseignés, 1999 (exposition "Comédies humaines" au Forum des arts et de la culture à Talence en 2010)
00:03 Publié dans Art immédiat, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : la petite brute, andrée acézat, bruno montpied, outsider art fair, andré robillard, radio-libertaire | Imprimer
17/10/2015
Du côté du cinéma documentaire, un nouveau film de Philippe Lespinasse
André et les Martiens, ça s'appelle, ce nouvel opus lespinassien. Le réalisateur a réuni cinq créateurs (et non pas "artistes" ; comme dit Pailloux dans la bande-annonce du film, on n'aime pas trop le terme appliqué à ces auteurs inspirés, hors système des Beaux-Arts, n'ayant à la limite besoin d'aucun public), Paul Amar, confectionneur d'univers en boîte hantés par de multicolores coquillages que Philippe Lespinasse a été l'un des tout premiers à défendre, Richard Greaves, faiseur canadien de cabanes voulues et construites extraordinairement bancales aujourd'hui détruites, André Robillard, et ses fusils, et ses Martiens, et ses "renards de la forêt d'Orléans", et ses Spoutniks, Judith Scott qui s'immergeait dans des cocons plus gros qu'elle, tout embrouillés des fils de son âme aux chemins labyrinthiques et enfin André Pailloux et ses vire-vent, son vélo étourdissant que Remy Ricordeau et moi-même avions présenté primitivement (2011) dans le film Bricoleurs de paradis.
Ces créateurs sont réunis par la magie d'un regard amical passablement ébaubi devant les audaces de ses personnages, à tel point qu'on peut se demander, lorsqu'on n'a pas encore vu le film, si les "Martiens" dont il est question dans le titre du film ce ne serait pas aussi les quatre autres créateurs rencontrés dans le documentaire.
20:16 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Cinéma et arts (notamment populaires), Environnements populaires spontanés | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : philippe lespinasse, cinéma et art brut, environnements spontanés, andré robillard, paul amar, coquillages et mosaïque, andré pailloux, judith scott, richard greaves, architecture singulière, bricoleurs de paradis | Imprimer
07/01/2014
Deux expos d'art brut français, André Robillard, Jean Smilowski
Jean Smilowski
"L'association La Poterne a le plaisir de vous convier au vernissage de l'exposition "Infiniment Jean Smilowski" (du 18 janvier au 8 juin 2014) organisée par le Musée d'Ethnologie régionale de Béthune et la Ville de Béthune avec le concours de l'association La Poterne, qui se tiendra le vendredi 17 janvier, 18 heures, à la Chapelle Saint-Pry, rue Saint-Pry à Béthune." Tel est le message reçu récemment dans ma boîte à mails et dont je pense nécessaire de vous faire profiter si vous croisez dans les parages de Béthune. On ne découvre jamais mieux l'œuvre conservée de Smilowski, l'homme qui habitait un ranch souterrain près des fortifications de Vauban dans le Vieux-Lille, qu'à travers les présentations qu'en fait régulièrement l'association La Poterne, animée entre autres par Bénédicte Lefebvre, fidèle depuis des années à la mémoire de cet original Inspiré du Nord.
A noter qu'au vernissage, sera servi un cocktail préparé "par les élèves du Lycée Hôtelier Marguerite Yourcenar de Beuvry" (dixit le carton d'invitation). Il faut dire que Beuvry est un nom particulièrement prédestinant pour des personnes en charge de fabriquer des cocktails… Isn't it?
André Robillard est exposé au musée des Beaux-Arts d'Orléans
Autre exposition d'art brut français (moi qui en réclamais, je suis servi, quoique pas à la Halle Saint-Pierre et en ordre dispersé en province), dépêchez-vous de vous rendre à Orléans car il ne reste que quelques semaines de janvier pour vous rendre compte de ce qui a été montré du travail à multiples orientations d'André Robillard, qui aura 83 ans cette année, au musée des Beaux-Arts d'Orléans (du 24 octobre 2013 au 26 janvier 2014).
Couverture du catalogue de l'exposition du musée des Bx-Arts d'Orléans
Un fort joli catalogue est paru à cette occasion (ne coûtant que 10€, une autre façon de tuer la misère), avec des textes de Savine Faupin, de Jean Delaunay, des propos de Robillard retranscrits par Alexis Forestier, l'homme avec qui Robillard a beaucoup tourné dans les spectacles musico-théâtraux "Tuer la Misère" et "Changer la vie". Jean Delaunay est directeur des soins au centre hospitalier Georges Daumézon, centre où fut autrefois, dans les années 60 et après, hospitalisé Robillard, dès l'âge de 9 ans, par son père qui ne pouvait pas s'en occuper en raison d'une certaine violence et d'une trop grande "nervosité" (attitudes qui disparurent avec le temps et le recours à la créativité, qui fut encouragée, dès qu'elle fut reconnue, par les soignants de l'hôpital dont les Dr Renard Gentis). Son père était un garde-chasse, ce qui n'est pas étranger à la confection obsessionnelle par son fils André de toute une série de fusils bricolés à partir de matériaux de récupération, fusils qui ont fini par faire sa gloire dans le monde des amateurs d'art brut, et pas étranger non plus à sa grande fascination pour les animaux en tous genres.
Le monument au fusil d'André Robillard devant le centre Georges Daumézon ; André Robillard pose sans doute avec le responsable de l'entreprise qui a fabriqué le fusil (avec des tubes en acier inoxydable achetés directement en magasin, et non pas récupérés, pérennité du monument oblige, ce qui peut paraître contradictoire avec le côté très souvent éphémère de nombreuses réalisations brutes), ph. Frédéric Lux, 2013
Cette gloire, comme on sait lui a attiré l'intérêt du monde du théâtre (la compagnie d'Alexis Forestier et Charlotte Ranson, les Endimanchés) qui lui a proposé maintes collaborations sur scène. Récemment a été créé aussi devant le centre Daumézon d'Orléans un monumental fusil fabriqué par une entreprise avec, finalement, la collaboration de Robillard qui a surligné divers éléments dont la crosse (vernie, mais combien de temps durera ce monument, même si est annoncée une maintenance sous la supervision de la DRAC locale?). Comme l'écrit Savine Faupin dans le catalogue, tout va bien tant qu'on respecte la liberté de créer de Robillard, mais est-on bien sûr qu'on l'a respectée dans le cadre de ce fusil gigantesque dressé sous le ciel, dont il ne paraît pas que l'initiative revienne totalement au départ à André Robillard (et au fait, a-t-il touché le moindre kopeck sur cette commande?).
Ph. Frédéric Lux, 2013
Le catalogue présente les œuvres de Robillard telles qu'on les connaît depuis les années 80 (l'expo s'est faite avec des prêts du LaM qui possède des œuvres grâce à la donation de l'Association L'Aracine), du coup, comme la collection de l'art brut, qui possède des œuvres plus anciennes (puisque Robillard a commencé dans les années 50), n'a pas participé à cette expo, le public peut croire que Robillard a commencé dans ces années 80 (années de début de la collection de l'Aracine), ce qui est erroné. Le catalogue les présente dans leur chronologie, facile à reconstituer puisque Robillard appose scrupuleusement les dates de création sur toutes ses œuvres, qui sont loin de se limiter à des fusils en trois dimensions. On peut essayer de voir si son inspiration faiblit au fur et à mesure du temps (il avoue en aparté en avoir un peu marre de faire des fusils...!). Personnellement, je trouve d'ailleurs qu'il est bien meilleur dans ses expériences graphiques, dans ses paysages de la Lune où marchent Aldrin et Armstrong, comme on pourra s'en convaincre ci-dessous:
André Robillard, La Conquête de l'espace, coll. Frédéric Lux
Diverses œuvres d'André Robillard agencées par Frédéric Lux
10:32 Publié dans Art Brut | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : l'association la poterne, bénédicte lefebvre, jean smilowski, andré robillard, jean delaunay, tuer la misère, changer la vie, centre hospitalier georges daumézon, savine faupin, lam de villeneuve d'ascq, frédéric lux, monument robillard | Imprimer
12/05/2013
André Robillard parle... dans un livre de Christian Jamet
J'ai évoqué il n'y a pas très longtemps le monument qu'on s'apprête à ériger du côté d'Orléans d'après un "fusil" d'André Robillard. Le hasard (?) veut que soit paru en mars dernier un ouvrage de Christian Jamet intitulé André Robillard, l'art brut pour tuer la misère chez Corsaire éditions, maison à orientation régionaliste établie dans la même ville du Loiret.
Disponible dans toutes les bonnes librairies comme on dit et d'abord, à Paris, à la librairie de la Halle Saint-Pierre
Un avertissement ouvre le livre: "Les propos d'André Robillard rapportés dans cet ouvrage ont été retranscrits tels qu'ils ont été entendus afin de ne pas altérer la nature de l'expression, exigence indispensable à la vérité d'un autoportrait. Quant aux photos qui accompagnent le texte, elles correspondent, pour la plupart, à des instantanés et n'ont d'autre ambition que de montrer l'artiste dans l'étonnante fantaisie d'un univers dont il est inséparable. Qu'André Robillard soit ici chaleureusement remercié de son accueil et de sa coopération". Comme on le voit, ces lignes prenent valeur de programme. Les intentions se veulent respectueuses du personnage. Seuls pourraient être disputés deux termes, "autoportrait" et "artiste".
Un fusil d'André Robillard, coll. Alain Garret
Si l'auteur du livre est avant tout Christian Jamet qui mène l'entretien, intitulé "André Robillard par lui-même" (qu'il introduit par une présentation de son cru), et qui le fait suivre d'un chapitre où il explique plutôt de façon rigoureuse le concept d'art brut de Jean Dubuffet, on ne peut tout à fait parler ici d'un "autoportrait", qui supposerait que celui qui s'autoportraiture est seul initiateur du projet. Or, on est venu chercher Robillard pour l'aider à se peindre, au moyen d'une interview, de reproductions de ses dessins, de ses assemblages, de photos de son cadre de vie, de divers documents. Cela est fait avec un respect indéniable, mais il reste qu'il y a cependant eu nécessité de la présence d'un médiateur. Ce qui fait une différence avec les "artistes" patentés qui peuvent se passer de tierces personnes pour faire leur promotion.
Autre pétoire du sieur Robillard, coll. Alain Garret.
Ceci m'amène à critiquer une fois de plus l'usage du mot "artiste" appliqué à ce genre de créateur. Certes, Robillard lui-même emploie le terme en se l'appliquant, dans son savoureux langage. Il le fait un peu à la manière d'Arthur Vanabelle, cet autre créateur, paysan en l'occurrence, qui répond à mes questions dans le film Bricoleurs de Paradis (le Gazouillis des Eléphants) qu'il est un "artiste", "qu'on est tous des artistes...", et même qu'il fait "de l'art brut"... Il dit cela parce qu'on le lui a seriné de partout autour de lui ces dernières années. Le département d'art brut du LaM dans ce même Nord a envoyé des émissaires relever les plans de son installation, ses canons, son tank... Il se saisit du terme comme s'il le recyclait, à la façon du recyclage des matériaux divers qu'il a toujours récupérés durant sa vie pour ses assemblages. Les hommes du peuple se foutent pas mal des questions de copyright, ils "empruntent" et absorbent, digèrent le tout et vous le restituent à leur sauce... C'est classique quand on étudie un tant soit peu les créateurs populaires des bords de routes et les "bruts". Robillard ne déroge pas à la lettre. Avec le matraquage actuel du terme "artiste" à propos des auteurs d'art brut, comment voudriez-vous que Dédé (pour les intimes, dont je ne suis pas cela dit) puisse y déroger? D'autant que le mot désigne aussi, à côté d'un rôle et d'une fonction sociale particuliers, quelque peu séparés du reste de la population (sorte de caste plus ou moins d'élite, ou tout au contraire maudite, en tout cas séparée), l'action de créer quelque chose de beau ou d'expressif, d'émouvant.
En l'espèce, je reste attaché pour désigner ces personnages aux caractères bien trempés aux termes "d'auteurs" ou de "créateurs" d'art brut. Ne pas le faire est à mes yeux diffuser un écran de fumée confusionniste intéressé à occulter la dimension révolutionnaire qui est faite dans l'usage de la production de cet art, se passant du statut d'artiste.
Ces réserves une fois faites, je ne saurais trop encourager mes lecteurs à se procurer le livre d'entretien de Christian Jamet qui dans un espace resserré (le livre se lit dans un souffle) parvient à dresser un portrait vivant d'André Robillard, créateur ô combien atypique en dépit des sauces diverses avec lesquelles on tente de l'accommoder depuis quelques années, surnageant toujours avec brio de cette cuisine!
Photogramme du film de Claude et Clovis Prévost Visites à André Robillard, 2007
13:50 Publié dans Art Brut, Art immédiat | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : andré robillard, christian jamet, corsaire éditions, art brut, art immédiat, fleury-les-aubrais | Imprimer
01/05/2013
L'art brut manipulé, le soi-disant monument d'André Robillard
On sait que depuis un bon moment le sculpteur-assembleur-dessinateur André Robillard classé dans l'art brut participe avec bonne volonté à des expériences théâtrales et musicales qui l'ont embringué dans des spectacles où, en définitive, il apparaît comme un faire-valoir pour des artistes et comédiens qui sans lui auraient certainement moins fait parler d'eux (la compagnie les Endimanchés).
Cela semble avoir donné des idées à d'autres, en l'occurrence au Centre Hospitalier Daumézon (où fut hospitalisé et où travailla Robillard près d'Orléans), à la DRAC et au FRAC Centre qui lancent un appel au public pour trouver le financement de ce qu'ils appellent improprement "une œuvre monumentale d'art brut d'André Robillard". "Improprement", dis-je, car Robillard ne participera nullement à l'érection de ce monument, qui affectera plutôt d'être une copie monumentale d'un de ses célèbres fusils (si l'informateur qui m'a indiqué cette opération s'avère bien informé...). Ce sont des techniciens spécialisés dans la construction de ces monuments qui devraient s'en charger... J'entends même dire par ce même informateur qu'un des responsables de l'opération aurait confié: "André pourrait se blesser" (sous-entendu, en faisant ce monument...).
Je diffuse ici l'annonce de la souscription par souci d'information objective, chacun se déterminera comme il l'entend ; en ce qui me concerne pas question d'aider à un tel projet
Alors, faut-il "donner pour l'art brut", comme le proclame le laïus du papillon ci-dessus ("papillon" c'est aussi joli, sinon plus, que "flyer", vous ne trouvez pas?), ou plutôt donner pour l'art contemporain de commande (qui se fait payer 60 000 €, y en aura peut-être des miettes pour Robillard, faut espérer...?)? On peut après tout considérer le projet comme un monument d'hommage à André Robillard, mais certainement pas comme la "première commande publique d'une œuvre monumentale d'art brut" comme il est dit dans le premier laïus ci-dessus.
André Robillard, une collection de fusils accrochés dans le département d'art brut au LaM de Villeneuve d'Ascq, ph. Bruno Montpied, avril 2011
Le problème est que le propos reste singulièrement confus. Car pour qu'il y ait véritablement un monument d'art brut, il ne faudrait déjà pas qu'il y ait une COMMANDE à la base. J'ai presque envie de fredonner du Brassens, "la bandaison, Papa, ça ne se commande pas...". L'art brut ne naît pas dans les lits qu'on prépare pour lui. C'est un peu du chiendent, l'art brut. Alors que penser de tout cela? N'est-ce pas une énième tentative de rabattre le couvercle de l'art contemporain que d'aucuns veulent à tout prix mixer avec l'art brut en lui faisant porter les mêmes chapeaux, les mêmes couvercles? C'est ce que je crois.
C'est commode, avec Robillard qui est un brave type qui consent à tout, on peut tout lui faire valider. L'art brut plus généralement c'est même le terreau idéal, l'argile que l'on peut remodeler à volonté. On peut tout leur faire faire. Il paraît aussi que dernièrement, d'après les modèles de Robillard on aurait diffusé des fusils, dans son style tout en assemblages, en kit, oui vous avez bien lu, en kit – j'espère que c'est seulement une rumeur ou un bobard mal intentionné! – avec ce kit, l'acheteur pouvait se reconstituer, à la manière de, un fusil entièrement made by Robillard, avec les boîtes de conserves, l'adhésif de couleur, des bouts de tuyau, les crosses toutes découpées selon le même calibrage, tout le toutim robillardesque. Je rêve...
15/01/2012
Info-Miettes (14)
Pascal Tassini au Madmusée de Liège
Pascal Tassini quand on voit ça, le truc emberlificoté ci-dessous, on se dit, ah, on tient une Judith Scott made in Europe. Car, objet textile non identifié (OTNI qui mal y pense bien sûr), le parallèle paraît s'imposer, du moins si l'on s'en tient à cette boule bleue effilochée. Or, ce créateur ne s'en tient pas là. il semble que son œuvre majeure soit plutôt une sorte de construction, une "cabane", toujours textile, qualifiée par les rédacteurs du dossier de presse de l'expo de "phénoménale installation à l'aspect organique et tentaculaire", installation qui se développe dans les locaux du Créahm, également installé à Liège (le Madmusée, "émanation" du Créahm, est quant à lui hébergé provisoirement au musée du Grand Curtius en attendant un espace plus adapté à ses collections présentées comme importantes –je n'ai pas encore eu l'occasion d'aller vérifier, cependant l'expo montée il y a peu à Paris à la Maison des Métallos invitait à le penser). Pascal Tassini réalise aussi des coiffes et des tenues de noces plutôt inventives. Une expo se tient actuellement pour en apprendre davantage.
Expo Pascal Tassini au Madmusée jusqu'au 25 février, un catalogue monographique étant édité à cette occasion. Egalement l'exposition parallèle "Indifférence", qui concerne la collection du Madmusée présentée au Grand Curtius, et qui durera jusqu'au 6 mai.
La cabane de Pascal Tassini
Gérard Sendrey à Langon (Aquitaine)
De son côté Gérard ne chôme pas. Après une expo à Bayonne (que j'ai annoncée il n'y a pas si longtemps) le voici qui remonte près de son cher Bordeaux qu'il n'aimerait guère quitter à ce que sussure la rumeur. Cela se passe à Langon, dont monsieur le maire s'appelle Vérité. Un politicien appelé à ne jamais mentir, ça ne doit pas être facile tous les jours.
Expo du 12 janvier au 25 février, Salle George Sand au Centre Culturel des Carmes, 8, place des Carmes, 05 56 63 14 45. (Ci-contre "Profil" de 1994 par Gérard Sendrey)
André Robillard à Lyon, toujours par monts et par vaux
On m'annonce une nouvelle exposition d'André Robillard avec des fusils et des dessins à la MAPRA à Lyon, dans le cadre de la Biennale "Musiques en scène" du 2 au 17 mars (où dans le programme parmi des dizaines de compositeurs type Boulez ou Steve Reich on retrouve le nom de notre amateur d'accordéon et de poésie sonore bruts).
Expo du 28 février au 17 mars à la MAPRA de Lyon. Petit-déjeuner André Robillard et Alain Moreau (directeur du théâtre de Villefranche-sur-Saône) le samedi 3 mars à 10h30 au Théâtre Les Ateliers à Lyon.
André Robillard, DAFRIQUE UN ELEPhant, coll.Bruno Montpied
Et Guy Brunet dans tout ça?
Eh bien, ce dernier exposera à Villefranche-sur-Saône dans le cadre du "festival de cinéma francophone en Beaujolais", à la fin de l'année. On me signale qu'il y aura des silhouettes (de producteurs, vedettes d'Hollywood comme les affectionne Guy Brunet comme on sait), des affiches de films (la plupart américains comme de juste ; "copies" modifiées involontairement par l'auteur) et ses films bricolés à la maison, comme ceux où il se rêve en speaker de documentaires cinéphiliques. C'est le même Alain Moreau qui sera le conseiller artistique de cette manifestation prévue pour novembre 2012 seulement.
Actualité du Musée de la Création Franche
A Bègles, va bientôt s'achever une exposition Emilie Henry que je n'ai pas eu le temps de signaler ici, bien que j'en apprécie les oeuvres, très proches, dans la technique des encres, des pratiques tachistes, rorschachiennes, voire hugoliennes qui sont autant de pratiques divinatoires ou simplement génératrices d'imaginaires latents (cela dit, Emilie Henry réalise aussi désormais des collages au milieu de ses encres). Cette expo est prévue pour se terminer le 22 janvier, dans une semaine donc, pressez-vous les retardataires (175 dessins vous y attendent).
Par ailleurs, à signaler la parution à la fin de l'année dernière du n°35 de la persévérante revue Création Franche dont Gérard Sendrey vient d'annoncer qu'il se retirait du poste de rédacteur en chef, pour se limiter de façon intermittente à des collaborations ponctuelles. J'ai été invité à participer à ce numéro où je propose un article pour découvrir le foyer d'arts plastiques de La Passerelle à Cherbourg (La Passerelle: comme un vol d'étourneaux dans le paysage créatif), foyer par ailleurs déjà évoqué sur ce blog. Le sommaire est à lire ici (à noter qu'on trouve dedans un article de présentation de Pascal Tassini par Teresa Maranzano, et un texte de Deborah Couette, du CRAB, sur Alexis Lippstreu où elle analyse la démarche imitatrice-recréante d'Alexis Lippstreu, analyse qui ne peut que me ravir puisque je l'ai déjà précédée sur la question dans le texte de mon allocution sur les rapports entre arts populaires et art brut dans le cadre du séminaire de Barbara Safarova au Collège International de Philosophie).
Yann, sans titre, (créé dans l'atelier de La Passerelle), 50x70 cm, février2011, coll BM
A Lausanne, Sarah Lombardi aux commandes et Lucienne Peiry appelée à de plus hautes responsabilités
A la Collection de l'Art Brut, il y a du mouvement, et je n'y comprends pas grand-chose... Bon, OK, que Sarah Lombardi devienne directrice par intérim pendant un an, ça je vois de quoi il s'agit (ou à peu prés...). Mais Lucienne Peiry qui devient dans le même temps "attachée culturelle-directrice de la recherche et des relations internationales" en poste auprés de la municipalité de Lausanne, ça, je patauge quelque peu sur le sens de cette fonction, en franc béotien que je suis. (ci-contre portrait de Sarah Lombardi, photo Magali Konig, Coll. de l'Art Brut)
Guo Fengyi et Gregory Blackstock à Lausanne
Pendant ce temps dans les locaux de la Collection de l'Art Brut se poursuivent deux expos également intéressantes, Guo Fengyi d'une part (18 nov 2011-29 avril 2012) et Gregory Blackstock (30 septembre 2011-19 février 2012). Les deux sont également au sommaire du dernier fascicule de la Collection, le n°23, paru tout récemment, Guo Fengyi décrite et analysée par Lucienne Peiry et Gregory Blackstock par Philippe Lespinasse, le même Lespinasse qui a réalisé avec Andress Alvarez un duo de courts-métrages sur ces créateurs, réuni en un seul DVD. Philippe Lespinasse a le chic d'évoquer des créateurs d'art brut de façon sensible, condensée, dans une durée de film adaptée à une première prise de contact, telle qu'on l'expérimente dans les auditoriums de musée.
Si Gregory Blackstock se présente a priori plutôt comme une sorte de naïf encyclopédiste amateur de planches sérielles aux thématiques variées (gratte-ciels, accordéons, corbeaux aux plumages pas toujours réalistes, scarabées, fouets, chaussures, bombardiers...), Guo Fengyi (1942-2010) paraît de son côté avoir commencé son œuvre (qui n'en était pas une au début) dans le but de se soigner avant toute chose. "Elle cherche à soulager ses souffrances dues à des crises d'arthrite aiguë", nous dit le dossier de presse de l'expo. Par la suite, c'est par un esprit d'aventure et d'exploration d'une forme de savoir inconnu qu'elle systémisa sa production. Elle se mit à dessiner à un moment sur des rouleaux de papier fin fabriqué à partir de fibres végétales. Dessinant de façon tout à fait automatique –elle le dit très clairement dans le film de Lespinasse– dans les deux sens du rouleau, elle assimile le surgissement graphique qui s'opère sous ses doigts à la germination des arbres, sans repentir possible.
Ces rouleaux de dessin à visée thérapeutique peuvent faire songer par analogie aux rouleaux magiques éthiopiens tels qu'ils avaient été présentés par exemple dans l'ex-Musée des Arts Africains et Océaniens à Paris en 1992-1993. Ces rouleaux, portés à la ceinture par ceux qu'ils étaient destinés à protéger, de la taille d'un homme, étaient des talismans. Guo Fengyi ne se fabriquait-elle pas pour elle seule ses propres talismans? Un peu comme la Madame C. dont nous visitons la maison décorée de dentelles de plâtre dans notre film Bricoleurs de paradis, à Remy Ricordeau et à moi, et qui luttait durant ses nuits blanches de souffrance en sculptant contre son cancer.
Illustrations: Ci-dessus, Guo Gengyi, Le Mont Putuo, 1993, encre sur papier, 153,5x52 cm, ph: Caroline Smyrliadis, Coll. de l'Art Brut, Lausanne. Et en dessous, "Ange gardien", rouleau protecteur en parchemin, XIXe siècle, H: 44 cm, L:23,5, ancienne coll; du MAAO.
18:36 Publié dans Art Brut, Art immédiat, Art populaire contemporain, Art singulier, Confrontations | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pascal tassini, madmusée, handicapés mentaux, créahm, gérard sendrey, émilie henry, andré robillard, guy brunet, alain moreau, théâtre de villefranche, création franche, art singulier, la passerelle, lucienne peiry, sarah lombardi, guo fengyi, gregory blackstock, philippe lespinasse, rouleaux magiques éthiopiens | Imprimer
07/11/2010
Musique d'outre-normes, suite
Ajoutons quelques codicilles à ma note précédente sur les musiques dites ailleurs "outsider", et suite à l'intervention d'un sagace commentateur nommé Psalphon (pas d'araignée au psalphon, j'espère), peut-être venu de Belgique, et qui renvoyait par lien à une publicité pour un CD édité par Art en Marges sur les "musics in margin" (musiques en marge, quoi ; volume 2), notamment au joliment nommé Normand L'amour, Québécois passablement illuminé, et assez inattendu comme chanteur-parleur d'un certain âge. Voir cette vidéo (entre autres), particulièrement originale, par le langage semble-t-il proche du yaourt, voire entièrement réductible à lui, qu'il développe.
Et puis, essayons de donner quelques exemples de la musique d'André Robillard à l'ami Régis, pour ne plus le laisser dans les affres de l'ignorance. Voici un extrait d'un CD à l'assez vilaine jaquette (encore un sévice de J-P. Nadau) intitulé "Rythmé brut, raw music", édité à la fin des années 1990 je pense par In-Poly-Sons (1, route St-Urbain, 54110 Rosières-Aux-Salines ; encore disponible peut-être chez le disquaire Bimbo Tower, passage St-Antoine, dans le 11e ardt à Paris). Ce morceau présente l'avantage de rassembler plusieurs échantillons des talents musicaux et sonores variés de Robillard, puisqu'il y joue de l'accordéon, use de percussions les doigts passés dans des cartouches, et s'exprime aussi dans la poésie sonore qui fait sa marque.
23:34 Publié dans Art Brut, Musiques d'outre-normes | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : andré robillard, musiques outsiders, normand l'amour, poésie sonore, art et marges | Imprimer
11/05/2010
De l'art déchiré à Rouen
Voici qu'une nouvelle édition du festival Art et Déchirure s'annonce du 19 au 30 mai à Rouen. Je n'y suis jusqu'à présent jamais allé, question de décalages, de disponibilités. Car question sources de découvertes, je crois qu'on peut avoir là-bas des surprises, la quête des organisateurs (Joël Delaunay entre autres) étant d'aller plutôt du côté de l'inconnu pour y chercher du nouveau, en évitant la redite. C'est un festival consacré à diverses formes d'expression, il y a des expositions d'arts plastiques - ce qui m'intéresse avant tout - mais aussi de la danse, du théâtre (cette année, entre autres spectacles, j'ai noté qu'une actrice jouait l'histoire de Petit-Pierre sur scène), etc. Il faut aller butiner sur le blog du festival et de l'association, où chacun trouvera son miel dans le programme qui s'y trouve détaillé.
J'ai fait mon propre "marché" en consultant ce programme, et j'ai retenu, du côté des classiques de l'art singulier, ou en passe de le devenir, l'expo Marie-Rose Lortet (à Petit Quevilly), celle de Joël Lorand (pas forcément une nouveauté, là, mais on a plaisir à suivre son cheminement d'année en année), celle d'Alain Lacoste (qui a au même moment une rétrospective à Laval à l'Espace SCOMAM, du 10 avril au 4 juillet), ou du côté de l'art brut André Robillard dont on paraît exposer les fusils et autres créations faites en marge du spectacle Tuer la Misère .
Et puis du côté des créateurs moins connus, et nouveaux au bataillon, j'ai été intrigué par un portrait de femme imaginaire dû à Martine Mangard, un dessin de Catherine Ursin aussi (merci à elle pour nous avoir transmis l'info du festival), et plus encore par une oeuvre de Caroline Dahyot que présente sur le blog du festival le chercheur et collectionneur Alain Bouillet. Ce dernier, dont j'aurai bientôt l'occasion de citer une autre intervention prochaine, présente également, dans le cadre de ce festival, de l'art brut polonais, duquel il avait déjà eu l'occasion de parler dans le n° 31 de Création Franche (sept 2009).
20:13 Publié dans Art Brut, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : art brut polonais, art et déchirure, caroline dahyot, alain bouillet, art singulier, petit-pierre, alain lacoste, andré robillard | Imprimer
13/05/2009
André Robillard continue la tournée
André Robibi, comme l'appellent certains décidément très familiers, continue à faire son cabotin. Cette fois il est, toujours en compagnie de ses amis les Endimanchés (Forestier, Ranson and co), au Théâtre de l'Echangeur, à Bagnolet, autant dire qu'il revient tout prés de Paris dans sa course sans fin pour Tuer la misère... Ce sera du 25 mai au 5 juin prochains.
M.François Legrand, du théâtre en question, propose, c'est vraiment gentil de sa part, le prix à tarif réduit de 7 euros pour tous ceux qui oseront sussurer devant la caisse du théâtre où se produisent André Robillard et ses amis qu'ils sont des lecteurs du Poignard Subtil. Si,si, puisque je vous le dis... ça, c'est vraiment tuer la misère tant morale que matérielle...
Veuillez noter que comme récemment à Bègles il y aura une exposition des oeuvres de Robillard en parallèle dans le théâtre. C'est pas au Théâtre de la Bastille qu'ils auraient eu cette idée-là...
23:27 Publié dans Art Brut | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : andré robillard, théâtre de l'échangeur, les endimanchés, tuer la misère, art brut | Imprimer
15/04/2009
Claude, Clovis Prévost, Chomo, André Robillard...
Oyez, oyez, oyez... Pour ceux qui aimeraient voir en vrai sur grand écran les films de Claude et Clovis Prévost sur Chomo et André Robillard (quelle actualité pour ce dernier...), il faudra aller le 24 avril au cinéma Utopia de St-Ouen-L'Aumône. Deux films sur Chomo (qui fera l'objet d'une exposition aux alentours de l'automne - à partir du 10 septembre exactement - à la Halle Saint-Pierre, l'avez-vous noté sur leur site?) et un sur André Robillard, dont j'ai déjà mis sur ce blog quelques images en ligne. Il paraît que le cinéma est tout proche de la gare. Cette programmation va de pair avec une exposition intitulée "L'Art à la Marge" où l'on retrouve Michel Nedjar, Francis Marshall et plusieurs créateurs venus apparemment d'Art en Marge et autres ateliers d'art pour personnes atteintes de divers handicaps et incapacités (la Pommeraie entre autres), mais aussi des artistes contemporains moins connus que les deux ci-dessus cités et sans rapport avec l'art brut apparemment...
12/04/2009
André Robillard parmi nous, et puis Gérard, Lucienne et Roger dans la bibliothèque...
André Robillard, on peut le toucher, on ne nous l'a pas encore embaumé, enfoui sous un tas de cotes, d'attitudes vitrifiantes marchandes ayant pour inévitables corollaires la réification des artistes et de leur geste vivante.
C'est un brut de décoffrage tout ce qu'il y a de plus agissant et palpitant. Ceux qui l'approchaient, l'autre week-end à Bègles pour le vernissage de son exposition courant jusqu'au 19 avril prochain, ne savaient pas toujours comment se comporter vis-à-vis de lui. Cela tournait parfois au spectacle du montreur d'ours, sans qu'il y ait pourtant de montreurs en l'occurrence, en tout cas surtout pas les deux animateurs de la compagnie des Endimanchés, Alexis Forestier et Charlotte Ranson qui jouent avec lui la pièce "Tuer la misère", le soutiennent, créent avec lui (comme me l'a confié Charlotte Ranson entre deux paravents d'exposition, certaines oeuvres présentées sur les scènes de leurs performances à mi chemin du rock alternatif, du théâtre, de la poésie sonore et de l'art brut, ayant été réalisées en commun, ce qui va de pair avec leur création théâtrale actuelle, création elle aussi éminemment collective). On lui demandait l'inévitable couplet à l'harmonica, de psalmodier le langage martien ("chiop, chiop, chiop...")...
Placé dos à dos avec lui au repas d'après vernissage, je lui demandai, pour changer de ces prestations un peu trop commandées, s'il avait entendu parler d'Hélène Smith qui comme lui prétendait pouvoir parler martien, mieux, pouvait même l'écrire. Je me hasardai à lui suggérer qu'il pourrait transcrire à sa manière comme la protégée de Théodore Flournoy ce langage qu'il lui était déjà si facile de restituer à coup de chiop-chiop-chiop (c'est ainsi que je le traduis moi-même ce martien robillardisé)...
Il était là, bien campé sur ses deux jambes, les pognes formidables ballantes au bout de bras immenses, septuagénaire encore vivace, avec sa coupe de cheveux de jeune homme, sa tenue sportive (comme s'il venait de quitter son vélo) et sa disponibilité intacte à l'égard du tout venant. De plain pied avec tous ceux qui l'abordaient. Débordant d'énergie, et curieux de ce qui lui arrivait, content de voir toutes ces têtes plus ou moins nouvelles, sa mémoire paraissant assez prodigieuse puisqu'il paraissait reconnaître certains qu'il n'avait pourtant que peu rencontrés jusque là. J'eus ainsi l'illusion qu'il me reconnaissait, alors que je ne lui avais serré qu'une fois la main au Théâtre parisien de la Bastille des mois plus tôt, et encore au milieu d'une foule, et dans la fatigue d'une fin de représentation...
Des dessins étaient exposés, à côté des inévitables fusils dont certains étaient plus originaux que d'autres (deux gros calibres venus de la collection de Frédéric Lux par exemple, ou un comme ramolli par suite d'un traitement dalinien on aurait dit, venant de la collection de Bernadette Chevillon). Michel Boudin m'a confié avoir trouvé une inspiration d'origine populaire à l'un des dessins présentés. Il représente un "renard de la forêt d'Orléans". Michel retrouve dans ses contours la forme de ces hachoirs taillés en forme d'animaux qui ne sont pas rares aux cimaises des antiquaires spécialisés en outils populaires. Est-ce une source d'inspiration du gars André? Pourquoi pas: quand on l'entend souffler dans son harmonica, surgit le plus souvent le fantôme d'une mélodie traditionnelle, répétitive, nouée en boucle obsédante, ce qui lui assure une forme nouvelle. Robillard partage cette façon de jouer de la musique avec Pierre Jaïn, autre sculpteur de l'art brut qui lui aussi recyclait des airs traditionnels quand il s'amusait à faire de la musique.
Preuve une fois de plus que la culture populaire est le substrat qui sous-tend pas mal de créations dites "brutes". Depuis la salle, j'ai essayé de l'insérer à l'intérieur de la causerie où, le samedi 4 avril à la bibliothèque jouxtant le musée de la création franche, conférençaient Gérard Sendrey, Lucienne Peiry et Roger Cardinal. Le public intervint un peu durant cette causerie qui réunissait ces trois personnages fort contrastés. Qu'en ai-je retenu? Une phrase de Sendrey le rimbaldien, la création travaille toujours à partir de l'inconnu, jamais du connu. Lucienne Peiry insista sur l'art des enfants qu'elle n'a pas envie de tacler comme Dubuffet l'a fait (j'avoue être moi plutôt de l'avis de Dubuffet qui reprochait aux enfants leur besoin de singer la réalité, leur conformisme ; mais s'ils le font, c'est aussi sans doute par suite de la pression énorme qu'exercent les adultes sur eux à ce sujet). Roger Cardinal trouvait qu'art brut et art savant peuvent rester chacun de leur côté, c'est quelquefois pas plus mal. A un autre moment, il répéta aussi cette évidence que le poète est toujours en avance sur l'homme de science.
Bref, on échangea gentiment mais exclusivement sur le thème de l'art brut, personne n'ayant remarqué que le sujet initial de la causerie qui devait aborder la question de la nouveauté de la création après l'art brut (titre original: "De l'Art Brut à l'Outsider Art et à la Création Franche, héritage et novation") avait été purement et simplement évacué... Ni Sendrey, ni Cardinal ne voulant par égard pour la conservatrice de la Collection de l'art brut signifier que la notion d'art brut aurait pu être aujourd'hui dépassée. Ou tout simplement, parce que ces protagonistes avaient conclu implicitement à la cohabitation simultanée de leurs trois "labels" (création franche pour Sendrey, art brut pour Peiry, outsider art pour Cardinal), sans possibilité de friction entre eux.
22:04 Publié dans Art Brut | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : andré robillard, musée de la création franche, roger cardinal, art brut, endimanchés | Imprimer
30/03/2009
Fusils chinois rapide 6h46 et chasseurs bombardiers du rêve noir, André Robillard
Du 28 mars au 19 avril, les sculptures d'assemblage et les dessins d'André Robillard viennent faire un tour plus conséquent que dans le passé (voir la présentation de la collection Eternod-Mermod) au musée de la création dite franche, à Bègles. Un vernissage, pardon l'inauguration, aura lieu le vendredi 3 avril, un peu confidentiel comme voudrait peut-être le suggérer ce terme d'inauguration placé là pas au hasard...
Cela a lieu en parallèle avec une autre série de représentations du spectacle Tuer la misère (voir ma note du 3 juin 2008 ) qui se tiendra à Bordeaux (au "TNT Manufacture de Chaussures", tél: 05 56 85 82 81, représentations les 7, 8 et 9 avril). Ce sera l'occasion de constater comment évolue le travail de Robillard, sur lequel j'ai entendu ces jours-ci de nombreuses rumeurs, sur des collectionneurs qui rafleraient son travail, sur une certaine excitation bref qui l'entourerait, lui dont la réputation de créateur de l'art brut ferait tourner la tête à nombre de rapaces...
Les performers du spectacle, Charlotte Ranson et Alexis Forestier, demandent régulièrement à Robillard de décorer de ses oeuvres les scènes où ils jouent, où il clame ses diatribes en langages martien ou allemand guttural burlesque. Sont-ce ces oeuvres-là aussi qui seront présentes? Peu d'oeuvres proviendront de la collection permanente du musée en tout cas (une ou deux ?). Quelques collectionneurs, dont Frédéric Lux, déjà cité ici, ou Michel Leroux, ont prêté des éléments de leurs trésors. Reste à savoir s'il n'y a pas au fil du temps (André Robillard crée ses fusils et autres depuis les années 60), comme dans le cas d'autres créateurs qui n'arrivent pas toujours à faire face à la demande trop pressante des "clients", une dévitalisation et une tendance à l'inachèvement embryonnaire des oeuvres de la part de cet étonnant créateur qui reste une véritable force de la nature (toujours solide malgré ses soixante-dix ans dépassés).
02:14 Publié dans Art Brut | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : art brut, andré robillard, création franche, tuer la misère | Imprimer
24/01/2009
Création Franche n°30
Les animateurs de Création Franche ont loupé le virage de 2008 à 2009 et font paraître leur deuxième numéro annuel sur l'année suivante, ce qui va encore fait crier certains à la confusion sur le rythme de parution de cette revue à laquelle je reste fidèle par delà le temps...
Mais baste! Peu importe le rythme de parution, l'essentiel est que la publication continue à se maintenir en dépit des inévitables difficultés financières qui guettent toujours ce genre d'initiatives. Nous arrivons désormais au n°30, en cette année de vingtième anniversaire du Site (c'est peut-être la passion des chiffres ronds qui a fait décaler la parution du n°30, du reste?).
Qui l'eut cru lorsque l'on vit paraître en 1990 le premier numéro de cet organe émanant du Site, devenu depuis le Musée, de la Création Franche...?
Je profite de cette note pour un faire un petit retour et une mise au point d'ordre historique.
Les deux premiers numéros de Création Franche étaient du point de vue de leurs maquettes tout simplement calamiteux, le contenu restant de son côté bien timide. La direction en avait été confiée à messieurs Lanoux et Maurice. On vit à cette occasion ce qu'ils étaient capables de mettre en chantier. Je fus fort marri d'avoir été mis à l'écart du projet alors que depuis plusieurs années, j'essayais de lancer l'idée d'une revue qui traiterait de l'ensemble du champ des arts populaires. On me trouvait trop remuant, "sans humour" (dixit Sendrey dans ses Histoires de Création Franche, éd. de l'Authenticiste, 1998), et peut-être aussi trop fidèle à l'esprit surréaliste ("Bruno Montpied se veut sans complaisance, sans concessions; voue une vénération absolue à André Breton...", Gérard Sendrey, même source).
"...l'idée d'une revue est venue se nicher au Site de la Création Franche. Des contacts que j'avais avec lui, Jean-Louis Lanoux m'apparaissait comme un homme censé [sic], raisonnable, bien posé dans la vie, avec une bonne connaissance du milieu sur lequel nous étions branchés. Je le voyais très bien remplir le rôle du rédacteur en chef ; et je le lui dis. Il ne pensa pas que j'avais tort et me le fit savoir. Mais il exprimait une crainte. L'éventuelle présence de Bruno Montpied dans le comité de rédaction lui semblait représenter un grave danger pour la cohérence et l'efficacité de l'entreprise (...) Jean-Louis considérait que Bruno ne pouvait s'inscrire raisonnablement dans un projet sans essayer d'en bousculer les données"... (Gérard Sendrey, même source, p.46). Bousculer les données, quel beau projet pourtant... C'est sans doute ce qui manqua dès le départ à cette revue comme on le voit à lire les propos de Sendrey. On me proposait d'écrire dans la revue mais il fallait accepter de passer sous les ordres d'un directeur qui craignait donc les "bousculeurs de données"... Je refusai (ce qu'a oublié de préciser Sendrey dans son livre, préférant me présenter comme un opportuniste qui aurait accepté sa mise à l'écart de peur de perdre l'occasion de placer sa prose).
Dès le troisième numéro, où Lanoux n'était plus directeur (c'était le rôle qui lui avait été finalement imparti, tandis que Jean-François Maurice était le rédacteur en chef) et où Gérard Sendrey, le véritable initiateur de toute l'affaire en réalité, qui avait voulu rester en retrait tel le Vieux de la Montagne (comme il se rêve souvent), reprit la direction des opérations, les choses commencèrent à s'améliorer, petit à petit. Les collaborateurs se retrouvèrent sous la direction de Gérard Sendrey (au reste assez débonnaire) sur un pied d'égalité, ce qui me poussa à proposer alors, et alors seulement, ma participation. Les collaborations diverses et variées que je fus amené à produire dans la suite des numéros montrèrent je crois que le soupçon que j'aurais représenté "un grave danger pour la cohérence et l'efficacité de l'entreprise" était parfaitement infondée.
Jean-Louis Lanoux introduisit une secrétaire de rédaction que Gérard Sendrey nomme "Aline" dans son livre qui se rendit coupable, aux dires de Sendrey, de ce qu'on pourrait qualifier comme des abus de pouvoirs... ("...elle corrigeait les textes, mettait un mot de son choix à la place d'un autre voulu par le rédacteur, tronquait des phrases, changeait des sous-titres, en modifiant le sens...", Gérard Sendrey, même source, p.51-52). Sendrey proposa dés lors à Lanoux d'abandonner le poste sacro-saint de directeur de la publication... Se fermait une période où finalement beaucoup de bruit avait été fait pour pas grand-chose.
La revue a, depuis ses débuts balbutiants, changé plusieurs fois de look, comme perpétuellement insatisfaite de ses atours (et de ses atouts?). J'avoue préférer sa dernière parure, mise en place depuis le n°26, avec son dos carré qui lui donne une allure plus professionnelle. Mais la période où son titre était composé avec des caractères contenant des fragments d'oeuvres "franches", du n°12 au n°17, me séduit aussi assez du point de vue de cet effet de maquette. Son contenu ne me plaît pas toujours, mais ce n'est pas mon entreprise, et je n'y suis qu'invité. Quand on regarde dans le rétroviseur, on s'aperçoit que s'il y a bien du déchet, il y a aussi un certain nombre de papiers fort instructifs sur toutes sortes de créateurs (la revue ne s'est jamais départie de son côté catalogue de notices, en dépit de tentatives trop rares d'insérer des "news" sur des actualités non liées directement au musée de la Création Franche -mes "Billets du sciapode" par exemple, dont le principe ne fut que peu repris par d'autres dans la revue). Avec le temps, on s'aperçoit que cette publication, jamais diffusée en librairie, mais seulement au Musée et sur abonnement, aura été utile pour l'information rare qu'on peut y trouver.
Dans le dernier numéro qui paraît donc ces jours-ci, on trouve en particulier un fort intéressant article de Paul Duchein sur des dessins retrouvés de Charles Paris, cet ancien chauffeur de maître qui à partir de 1958 (si l'on suit le catalogue de l'exposition de l'Art Brut au Musée des Arts Décoratifs en 1967) se mit à dessiner sur des pierres ou des coupes de bois d'olivier (voir également le livre de Michel Thévoz, L'Art Brut, de 1975, p.73). Comme le signale Duchein, la Collection de l'Art Brut et ses différents animateurs ne parlent pas du fait que cet auteur dessinait aussi. Les quelques dessins reproduits dans la revue sont de ce point de vue une première. On sent que leur auteur prisait particulièrement les images médiévales, ou de fantasy montrant le diable, ou une iconographie en rapport avec les lutins (un "personnage" de lui évoque les gremlins du cinéaste Joe Dante - qui, lui-même, soit dit entre parenthèses, serait allé les pêcher du côté de Roald Dahl...), tout en amplifiant cette imagerie d'une façon très personnelle beaucoup plus visionnaire.
A noter également un article enthousiaste de Michel Leroux sur André Robillard, qu'il a l'habitude d'aller visiter à son domicile près d'Orléans, et un entretien de Pascal Rigeade avec Charlotte Ranson et Alexis Forestier qui sont les maîtres d'oeuvre de la pièce "performance" Tuer la Misère à laquelle Robillard participe sur scène (voir ma note du 3 juin 2008). La pièce continue de tourner. En ce mois de janvier elle est présentée à Lyon au théâtre des Subsistances, puis ira ensuite les 7, 8 et 9 avril à Bordeaux au "TNT Manufacture de chaussures". Pour l'occasion, du 28 mars au 19 avril, une exposition consacrée à Robillard se tiendra au Musée de la Création Franche.
Pour tous contacts, voir www.musee-creationfranche.com. Adresse: 58, avenue du maréchal de Lattre de Tassigny, 33130 Bègles. Tél: 05 56 85 81 73 ou 05 56 49 34 72.
(Nota-bene :CETTE NOTE EST UNE VERSION REMANIEE, DIFFERENTE DE LA VERSION INITIALEMENT MISE EN LIGNE ; remaniement intervenu le 17 février 09; les deux commentaires qui l'avaient accompagnée avant cette date ne s'appliquant plus, étant donné le remaniement des termes, ont été supprimés)
15:37 Publié dans Art Brut, Art singulier | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : charles paris, jean branciard, andré robillard, tuer la misère, création franche, art brut | Imprimer
03/06/2008
André Robillard fait du théâtre
Etonnante nouvelle que vient de me couler l'amie Frédérique M. (avertie elle-même par Clovis Prévost qui depuis quelque temps "suit" André Robillard) dans le creux du portable, forme moderne de bouche à oreille, j'apprends qu'André Robillard fait du théâtre à présent... Il va participer au spectacle d'Alexis Forestier, "Tuer la misère" au Théâtre de la Bastille, mercredi 4 juin à 20h30 en compagnie d'Alexis Forestier, Emma Juliard, Charlotte Ranson, et Antonin Rayon. Si vous ne me croyez pas, regardez vite la rubrique Tous les programmes sur le site du théâtre... Je sais pas vous, mais moi, qui n'aime pas trop le théâtre généralement, je vais faire un accroc à mes habitudes. On n'est plus dans l'adaptation de quelque chose de l'art brut au théâtre, là... Il se passe autre chose.
Les organisateurs de cette pièce -c'était en germe dans le spectacle de Sylvie Reteuna et de Bruno Decharme aux Rencontres de la Villette (voir note du 28 mars 2008), puisque les acteurs déambulaient parmi des oeuvres d'art brut de la collection ABCD- les organisateurs du spectacle ici mentionné ont cette fois fait monter un créateur de l'art brut directement sur scène.
*******************************************************************************************************
Jeudi 5 juin
Retour sur la soirée du 4 au Théâtre de la Bastille. "Tuer la misère" a finalement bien tenu la promesse de son titre. Si l'on entend misère par misère morale et intellectuelle. Et cela surtout grâce à l'incroyable énergie inspirée d'André Robillard incarnée sur scène par des sketchs, des danses, des performances vocales (j'aime particulièrement quand il parle dans un allemand de nazi bouffon, ou bien en langue martienne, talent qu'il partage avec Hélène Smith qui l'écrivait, elle... ), certes incrustés dans une mise en scène, et téléguidés, accompagnés par les autres comédiens de la compagnie. Robillard collabore avec eux -c'était évident pour le public- dans un esprit de camaraderie sans chichis, qui n'aliénait pas l'énergie propre à ce curieux visionnaire, mixte de prolo et de pythie... Et je me suis dit que d'ailleurs, cette énergie robillardienne a sans doute besoin de ce cadre et de ces contraintes, de ces régles de mise en scène pour avoir le tremplin réactif nécessaire à l'essor de ses récréations.
Le plateau était semé d'oeuvres de Robillard sur bois (faites exprès pour le spectacle), ainsi que des fusils, un balai, de divers objets (des cages avec ses perruches qui ne peuvent guère rester à la maison sans lui, paraît-il). Spectacle qui a commencé à La Roche-sur-Yon, puis s'est déplacé à La Fonderie au Mans avant de s'arrimer au théâtre de la Bastille à Paris. A la fin, Alexis Forestier invita du reste le public à monter sur scène afin de mieux s'approcher de ces oeuvres (déambulation peut-être inspirée du concept de spectacle récent d'ABCD aux Rencontres de la Villette?).
Les jeunes gens qui entourent Robillard ne le vampirisent pas, ne se servent pas de lui, comme on pourrait être tenté de l'interpréter dans un premier temps (surtout au début du spectacle qui, hier soir, avait du mal à "décoller" dans sa première moitié). Robillard est au coeur d'une représentation qui ne cache pas ses ficelles, ses rouages, ses réglages. Le bricolage est une donnée importante en l'occurrence. Il était juste qu'il soit représenté lui aussi sur scène. Robillard a une énergie créatrice (à 76 ans...) et une inventivité, une fantaisie rugueuse qui contamine ces jeunes gens, et les stimule. Cette émulation amène progressivement la pièce à tourbillonner de façon bouffone et poétique, d'une façon qui finit par nous enchanter et peut-être aussi par nous contaminer à notre tour, nous autres simples spectateurs...
Une dernière remarque. Robillard, on le sait grâce au texte merveilleux de Roger Gentis, paru dans le fascicule 11 de la Collection de l'Art Brut en 1982, avait un père garde-forestier à côté duquel il allait à la chasse en forêt d'Orléans. C'est un médecin appelé Renard qui a fait connaître ses oeuvres à la Collection d'Art Brut... Lorsqu'il est allé visiter la fameuse Collection à Lausanne, Gentis rapporte que Robillard s'était en particulier arrêté sur les sculptures d'Auguste Forestier exposées à côté des siennes. La série continue: pourquoi s'étonner qu'il ait participé à une telle expérience théâtrale, dés lors qu'elle était animée par, entre autres maîtres d'oeuvre, un certain Alexis Forestier...?
01:57 Publié dans Art Brut | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : andré robillard, théâtre de la bastille, alexis forestier, charlotte ranson | Imprimer