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Sorcière, sorcière, fais gaffe à ton derrière...: MASSIF EXCENTRAL (11)
Sur le bord du chemin un jour de balade dans les monts du Cantal, je vois un bloc sombre qui me fait signe... Et vous? La voyez-vous, qui s'enveloppe dans son ample manteau de ténèbres?
Peut-être que non... La voici rapprochée, avec son chef sommé d'une touffe qui singe une couronne, fétus et brins d'herbe en guise d'émeraudes... Je vois le profil d'une sorcière au menton en galoche, son visage pustuleux tout en grotesques protubérances.
11/10/2007 | Lien permanent
Des Indes à la planète Mars, médium es-tu là?
Est sorti ce mercredi 2 avril un film dit documentaire sur l'expérience médiumnique d'Elise Müller, dite "Hélène Smith", qui dans les dialogues qu'elle avait noués avec le docteur Théodore Flournoy parlait, inspirée par des esprits qui l'occupaient provisoirement, des langues orientales ainsi qu'une langue martienne. Elle était également auteur de splendides vues de paysages étranges, habités par ces esprits qui venaient la visiter et parlaient à travers elle.
On sait qu'André Breton dès 1933, dans son texte sur l'art médiumnique Le message automatique, paru dans la revue Minotaure, avait mis en regard certaines visions d'Hélène Smith avec l'architecture inspirée de l'autodidacte Ferdinand Cheval, réalisée elle en trois dimensions dans la Drôme. L'analogie est en effet patente.
Je n'ai pas encore vu le film, je n'ai lu que le synopsis ultra-succinct que l'on peut trouver sur internet... D'après quelques bribes de critiques journalistiques (qui lui semblent assez favorables), le film (de Christian Merlhiot et Matthieu Orléan) paraît tourné presque entièrement dans un studio d'enregistrement où des acteurs (on annonce Jacques Bonnaffé, Mireille Perrier, Edith Scob...) lisent des morceaux du livre Des Indes à la planète Mars. Le terme de "cérébral" est prononcé ici ou là à son sujet... Que cela ne nous dissuade pas cependant de tenter l'expérience de son visionnage. Y trouvera-t-on d'autres vues de paysages martiens d'Hélène Smith, autres que ceux qui sont sempiternellement reproduits dans les catalogues de l'art brut ?Rien n'est moins sûr...
05/04/2008 | Lien permanent | Commentaires (1)
Une rétrospective Emile Cohl organisée par le Forum des Images à la Cinémathèque Française
Voici une nouvelle digne d'un premier avril, puisque du vendredi 11 au dimanche 13 avril prochain,se tiendra une rétrospective de l'oeuvre cinématographique extraordinairement inspirée et inventive de l'ex-Incohérent, ex-Hydropathe, et merveilleux farceur Emile Cohl, oeuvre élaborée dans les premières années du XXe siècle (nous aurons droit à plusieurs films restaurés).
Portrait d'Emile Cohl, avec les marionnettes de son film Le Tout Petit Faust, extrait de l'article de Pascal Vimenet, dans le n°51 de CinémAction, avril 1989
Cohl est à l'origine absolue du cinéma d'animation et d'un certain cinéma surréaliste rêvé sans que cela lui soit dans ce dernier cas clairement attribué (le surréalisme n'existait pas en 1908!). Pour le programme on se reportera au site du Forum des Images qui présentera cet important événement dans LES LOCAUX DE LA CINEMATHEQUE FRANCAISE (ne pas se tromper), car le Forum est toujours en rénovation (les travaux ont traïné plus longtemps que prévu décidément).
Cohl fait partie de ces pionniers du cinéma qui ont été oubliés après la première Guerre, alors qu'ils avaient inventé tant de nouvelles formes. On attribue généralement, en particulier, à Emile Cohl la création du premier dessin animé français, sinon mondial (il y eut d'autres créateurs à l'étranger, l'Américain James Stuart Blackton ou l'Espagnol Segundo de Chomon, ce dernier étant le premier à utiliser la pâte à modeler en animation). Son titre, révélateur de la fantaisie de son auteur: Fantasmagorie (1908)... Cohl, trop artiste, ne déposa pas de brevets, et après un séjour qu'il fit aux Etats-Unis vers 1912, ayant lancé l'animation aux USA (selon Pascal Vimenet, dans CinémAction, qui reprend une confidence de la fille de Cohl), se fit déposséder très vite de ses inventions...
On verra que ce cinéaste étonnant a tout de suite mélangé les prises de vues réelles avec les trucages animés, bien avant l'ère moderne (voir le photogramme ci-dessous ; on s'apercevra aussi que les auteurs italiens de la série amusante "La Linea", dans les années 70-80, n'avaient pas oublié Emile Cohl, eux...). Ses histoires sont pleines d'humour et de fraîcheur, son dessin est très proche aussi d'un style enfantin qui peut permettre de l'associer à un cinéma de style naïf, au sens de stylisation que contient ce terme (Pascal Vimenet, historien émérite du cinéma d'animation, a reproduit dans un article du n°51 de la revue CinémAction un flip-book d'Emile Cohl intitulé "Gamineries").
"Que l'on feuillette les notes, entassées au fil des jours, les carnets de travail, ou des documents photographiques représentant Emile Cohl ou bien ceux ayant trait à ses films, à chaque découverte, on est stupéfait de tant d'ingéniosité et de naïveté mêlées" (Pascal Vimenet)
Le graphisme qu'il emploie me fait personnellement penser au dessin sommaire des graffiti populaires tels que Brassaï nous les a conservés à travers ses merveilleuses photos (si bien étudiées et démarquées par Dubuffet dans ses débuts). Il mit en scène également des objets animés (des allumettes par exemple), et des marionnettes (voir son film Le tout petit Faust, de 1910, dont il tient les personnages sur le portrait placé au début de cette note). Son inventivité, son goût de l'expérimentation, le rapprochent véritablement des autodidactes de l'art brut et populaire qui comme on sait lorsqu'ils ont besoin de s'exprimer inventent leurs moyens d'expression et leurs techniques sans passer par des recettes qu'ils n'ont pu apprendre. Les pionniers du cinéma par ce côté technique, cette virginité des territoires qu'ils défrichent, sont très proches parents des autodidactes naïfs ou bruts.
Emile Cohl a recensé lui-même environ 300 courts-métrages créés par lui (comme le rappelle Sophie Le Tetour dans le magnifique catalogue de la rétrospective Du praxinoscope au cellulo, un demi-siècle du cinéma d'animation en France (1892-1948), qui s'est tenue à la Cinémathèque Française en octobre 2007). Avant de se lancer dans le cinéma à plus de cinquante ans, Emile Cohl avait cependant d'abord travaillé comme illustrateur de presse, dessinateur humoristique et caricaturiste pendant de nombreuses années. Un artiste, un inventeur, vous dis-je, auquel il n'est que temps que nous nous initions, un siècle après (cette rétrospective, on l'aura compris, vient évidemment pour le centenaire du premier film d'animation français). Je me suis laissé dire qu'un ouvrage était prévu pour cette année qui rendra toutes ses dimensions à ce créateur hors-normes et génial que fut Emile Cohl.
01/04/2008 | Lien permanent | Commentaires (2)
Galipettes de corbeaux à Mauriac: MASSIF EXCENTRAL (3)
Ne venez pas me dire, on connaît déjà ça, on en a déjà vu... (car il y a des lecteurs blasés, ils se sont manifestés pas plus loin que sur ce blog).
Or donc, voici des corbeaux qualifiés sur les cartes postales vendues du côté du Cantal, non pas de "chers corbeaux délicieux", comme disait Rimbaud, mais de "diableries". Ce qui devait être le terme autochtone pour parler à mots couverts, en pouffant ou tout au contraire d'un ton scandalisé, de ces postures affriolantes, voire "pornographiques" (une pornographie* moyen-âgeuse et ingénue) qui s'affichent depuis quelques siècles sur les corbeaux de l'église de Mauriac. Quid des "corbeaux"? Ce sont, dit le dico d'architecture, des "supports en surplomb accusant une faible saillie par rapport au nu d'un mur"... Saillie, nu du mur, on ne saurait mieux dire entre les lignes... Je parlerai personnellement davantage d'acrobaties aussi vieilles que l'homo sapiens (Pierre Molinier et ses contorsions n'avaient rein inventé). Quoi...? Ah, oui, on me souffle... Ce sont des modillons, pas des corbeaux... Bon, d'accord, M.Boussuge, mais je préfère les corbeaux... C'est plus petit que les modillons, ça saillit moins, mais c'est plus rigolo, corbeaux, pour les acrobaties.
Rincez-vous donc l'oeil par ces beaux soirs d'été, pas seulement le gosier.
02/08/2007 | Lien permanent | Commentaires (5)
Un musée de l'art médiocre à Dedham, Massachusetts
Dans la problématique de la valeur des oeuvres d'art, on versera au dossier l'existence d'un Musée de l'art médiocre (ou moche, voir dans les commentaires ci-dessous) aux Etats-Unis, le MOBA (museum of bad art). Il m'a été signalé par l'animateur de l'émission de radio Song of praise, Cosmo Helectra. Cela faisait suite à des discussions que nous avions eues au sujet de la vogue qui sévit aux USA autour des collections d'oeuvres trouvées dans les dépôts-ventes et autres brocantes, dans les décharges, dans la rue, etc., oeuvres qui possèdent un aspect bizarre, difficile à classer dans l'une ou l'autre des catégories en usage telles que l'art brut, l'art naïf, l'art populaire. Des oeuvres étranges que le regard hésite à taxer d'idiotie, leurs apparentes maladresses pouvant recéler quelque langage nouveau, pas encore perceptible à notre époque. Des oeuvres inclassables, véritablement inclassables. Cosmo m'a ainsi montré un bouquin édité aux USA, intitulé Thrift store paintings (peintures de dépôts-ventes), qui présentent un certain nombre de ces tableaux effectivement fort insolites, d'un surréalisme involontaire semble-t-il dans certains cas (quoique... Un certain nombre d'entre elles paraissent en même temps mal digérées de ce dernier mouvement, l'inspiration, et la technique, étant le plus souvent défaillantes...).
Je donne ici quelques exemples pris sur internet, venus d'horizons hétéroclites, comme l'image ci-dessous piquée sur un site dédié au ping-pong:
Certains artistes, bien documentés, se sont mis, toujours aux USA, dans l'esprit d'Asger Jorn, à repeindre ou à faire des collages sur les peintures de dépôts-ventes. Que l'on se reporte par exemple à cette artiste contemporaine américaine (née en 1934), Margot Bergman, dont cela paraît être le procédé permanent (de fort beaux résultats). On se souvient que cela n'est pas nouveau, Jorn, dont j'ai déjà parlé sur ce blog, a eu une période où il exécutait des modifications sur des croûtes achetées aux Puces, affirmant par ailleurs admirer la banalité pure de ces tableaux anonymes, y ajoutant sa patte (et sa pâte). La rencontre des deux styles nous a laissé des oeuvres très attachantes. Il apparaît à la lumière du déferlement actuel des modificateurs sur croûtes comme un véritable précurseur.
Cependant, le projet du MOBA paraît quelque peu différent. Sur leur site, ils affirment vouloir donner toute sa place au mauvais art, une place aussi grande que celle accordée à l'art établi comme bon art (leur slogan est "Un art trop mauvais pour être ignoré"). Il entre bien entendu là-dedans une part de provocation et d'humour qui sonne très pataphysique. Leur démarche est quelque peu ambiguë, ne sont-ils pas moqueurs, dépréciatifs sous couvert de reconnaissance du mauvais art? Veulent-ils simplement donner à voir des pièces médiocres pour réenraciner par contraste la valeur des oeuvres traditionnellement établies qu'une certaine relativisation généralisée des valeurs, très contemporaine, menace actuellement, dans notre époque post-avant-gardiste? Des questions sont posées à ce sujet sur le blog des éditions Cynthia 3000 qui sont par ailleurs à l'origine de la CAPUT dont j'ai déjà parlé ici (Collection d'Art Populaire et de l'Underground Tacite, qui se constitue à partir d'oeuvres d'inconnus retrouvées dans les brocantes là aussi), dans une réponse des animateurs du blog à un autre commentaire que votre serviteur leur avait laissé il y a quelque temps.
Autre remarque, ce projet de constituer une collection d'art médiocre me fait aussi beaucoup penser au fond à la reprise du projet primitif de l'écrivain Georges Courteline qui au début du XXe siècle collectionnait les peintures d'amateurs en les recouvrant du terme générique de "musée des horreurs" (ce qu'il modifia à la fin de sa vie, lorsqu'il voulut les revendre, en "musée du labeur ingénu"...). Il se livra dans différents articles à une recension de ses trouvailles - de fort belles peintures à la poétique naïveté du reste - qu'il accompagna cependant de commentaires narquois, se gaussant par en dessous des tableaux qu'il avait acquis par esprit de dérision (au début en tout cas). André Breton se moqua à son tour de lui en traitant son état d'esprit de "bon sens éculé", "la croissante misère psychologique "(de Courteline) "cherchant dans les sarcasmes à se libérer de l'éternelle peur d'être dupe" (voir le texte de Breton, Autodidactes dits "Naïfs", dans Le Surréalisme et la peinture).
18/10/2009 | Lien permanent | Commentaires (5)
Art forain à l'Abbaye de Fontevraud
"De la plus grande abbaye d'Europe, de la plus sale prison de France, nous pensons bien à toi, au coeur d'une magnifique collection d'art forain.
A bientôt à la Bastoche, Nini peau de chien."
L'Arche des animaux, l'art forain à l'Abbaye de Fontevraud [d'après la collection Marchal de chevaux de carrousels], exposition du 26 juin au 8 novembre 2009. A noter que cette exposition, bientôt close, faisait partie d'un ensemble plus vaste sur les voyages dans les mondes imaginaires.
02/11/2009 | Lien permanent
Autour de Trouille à L'Isle-Adam
Je m'en voudrais de ne pas vous signaler l'exposition autour de Clovis Trouille qui a débuté le 28 novembre au musée d'art et d'histoire Louis Senlecq de L'Isle-Adam et qui est prévue pour s'achever le 7 mars 2010 (tous renseignements sur le lien précédent, catalogue, conférences de Clovis Prévost, le vice-président de l'Association Clovis Trouille...). Elle s'intitule "Voyants, voyous, voyeurs", ce qui est tout un programme comme on voit... Le vernissage a lieu aujourd'hui à partir de 16 h. C'est annoncé sur un carton aux formes originales en accord avec les goûts du peintre Clovis Trouille (1889-1975), inclassable marginal de l'art moderne que l'on a tendance à rattacher aux surréalistes desquels il fut un temps le compagnon de route (mais dont il se séparait par son goût de "l'élite", et pour les artistes de l'Antiquité tels que Phidias ; il écrivait ainsi en 1961 à Maurice Rapin: "J'ai horreur de l'appellation "populaire", ce mot me fait vomir").
Clovis Trouille, vernissage de l'exposition organisée par Ornella Volta à la Lanterne Magique le 9 novembre 1962, Pablo Volta,tirage argentique original
A noter que l'exposition sera présentée ensuite au musée Rimbaud de Charleville-Mézières du 15 mai au 21 septembre 2010. Puis elle continuera son petit bonhomme de chemin jusqu'au musée du Vieux-Château de Laval du 16 octobre 2010 au 16 janvier 2011 (histoire sans doute de permettre à tous ceux qui prisent en Mayenne une certaine imagerie anticléricale délicieuse et peu montrée dans ces parages de s'en mettre plein les mirettes).
05/12/2009 | Lien permanent | Commentaires (2)
16e festival du film d'art singulier à Nice
C'est reparti demain 31 mai et ce samedi 1er juin à Nice, vendredi après-midi à la bibliothèque Louis Nucéra (les films plus longs, quoique) et à la libraire Masséna (une nouveauté) et le samedi à l'auditorium du MAMAC (les films courts), pour la nouvelle programmation de cinéma documentaire autour des arts spontanés concoctée par Pierre-Jean Wurtz et ses acolytes de l'Association Hors-Champ.
Je ne donne pas tout le programme, on le retrouve sans problème sur le site web de l'Association sus-dite. Je distinguerai seulement quelques films dont l'annonce me dit quelque chose.
Le vendredi, sera projetée par exemple la bande-annonce (3 min seulement, voir ci-dessous, on peut la retrouver sur le site de la maison de production Poekhali) d'un nouveau film de Renée Garaud et Lilian Bathelot, sur l'univers de Guy Brunet qui s'appelle La Fabuleuse Histoire de la Paravision. L'un des auteurs m'a permis de voir la totalité du film qui m'a paru ma foi excellent. Il s'agit de rendre hommage en quelque sorte à Guy Brunet, à la fascination de ce dernier pour le cinéma d'une certaine époque qui semble s'arrêter dans les années 60 de l'autre siècle. On sait que Guy Brunet, je l'ai déjà évoqué dans ce blog, se consacre depuis plusieurs années à créer des décors de cinéma, des affiches, des silhouettes peintes d'acteurs et de producteurs, des dioramas, etc. dans le but de les faire converger dans les films qu'il tourne de façon totalement bricolée dans son antre de Viviez près de Decazeville. Il manipule ainsi ses silhouettes comme des marionnettes, les faisant parler devant sa caméra, faisant toutes les voix, étant tour à tour réalisateur, acteur, scénariste, dialoguiste, producteur, démiurge intégral en somme... Le film a été tourné chez lui (exploit de gymnastique pour le caméraman) et aussi à Villefranche-sur-Saône lors de l'exposition que lui avait montée Alain Moreau récemment. Grâce à ce film on comprend enfin mieux la recherche de Guy Brunet et ce qu'il fait quand il filme. A ma connaissance, c'est la première fois que cela est explicité de façon aussi concrète.
Bande-annonce
Le film Mur murs d'Agnès Varda, projeté aussi ce vendredi (78 min), m'intrigue quelque peu. Le programme (c'est un reproche que l'on peut faire aux programmateurs) ne commente jamais le contenu des films présentés, ce qui rend leur raison d'être programmés dans un festival centré sur l'art dit singulier fort abandonnée aux conjectures de ceux qui ne peuvent aller à Nice. On sait que Varda, en dehors de la problématique générale de ses documentaires souvent liée au hasard objectif, aux coïncidences, s'intéresse à la créativité errante, ce qui l'avait amenée entre autres à faire apparaître Bodhan Litnianski dans son film Les Glaneurs et la Glaneuse.
Vue partielle du "Manège" de Petit-Pierre dans le parc de la Fabuloserie, ph. Bruno Montpied (par courtoisie de la Fabuloserie), 2011
Le vendredi soir à la librairie Masséna sera projeté Le Manège de Petit-Pierre de Philippe Lespinasse. Le programme annonce 15 minutes de projection. C'est en effet le premier court-métrage que l'on relève aussi sur le DVD intitulé Le Manège de Petit-Pierre, quatre petits films de Philippe Lespinasse produit par Lokomotiv Films et sorti en 2012 (dénichable à la Halle St-Pierre et à la Fabuloserie à Dicy dans l'Yonne). Très utile documentaire sur cette réalisation d'un vacher disgracié par la nature, Pierre Avezard, qui prit sa revanche sur la vie en construisant une merveilleuse machinerie de personnages et véhicules automatisés faits de bouts de tôle et de fils de fer qu'il faisait danser pour le plaisir de ses visiteurs à la Fay-aux-Loges dans le Loiret primitivement, avant que, son placement en hospice de personnes âgées ayant été rendu nécessaire, la Fabuloserie, grâce à une chaîne d'entraide due à d'incroyables bénévoles, réussisse à sauver le "Manège" en le remontant dans son parc, et en le faisant même re-fonctionner. Le film de Lespinasse a d'ailleurs ce mérite insigne de donner un visage et une parole à l'ouvrier passionné qui contribua principalement à la renaissance de ce prodige de poésie fragile et d'ingéniosité mécanique. On y retrouve des archives inédites, notamment des bouts de documentaires tournés dans le lieu d'origine du Manège à la Fay-aux-Loges.
André Pailloux quelques vire-vent... Ph BM 2010
Autre film de Lespinasse présenté, André Pailloux, les vire-vents, annoncé de 15 min. Je le verrais bien comme un hommage au film que nous avons coécrit, Remy Ricordeau et moi (Bricoleurs de Paradis, le Gazouillis des Eléphants, 2011) il y a deux ans, dans lequel André Pailloux faisait un numéro qui n'a semble-t-il pas laissé le public indifférent, et parmi les spectateurs, particulièrement Philippe Lespinasse qui n'a pas traîné pour filer dare-dare en Vendée faire à son tour un brin de causette avec notre Pailloux virevoltant. Je n'ai pas encore eu le privilège de voir l'opus lespinassien, mais je peux tout de même faire remarquer au réalisateur qui apparemment n'a pas bien lu mon ouvrage sur les "Jardins Anarchiques" (chapitre "André Pailloux est très mobile") que "vire-vent" au pluriel ne prend toujours pas de "S", comme il est indiqué dans le programme du festival (la faute a été laissée dans le titre du film ? J'espère que non, c'est nos amis canadiens qui seront mécontents, eux qui emploient plus ce mot que nous qui n'avons que nos bonnes vieilles girouettes à fourguer à la place).
Un autre film de Philippe Lespinasse sur un dessinateur de machines à coudre (Ezechiel Messou) présenté par Lucienne Peiry comme une nouvelle découverte d'art brut ne m'intrigue par contre que modérément, vu que les reproductions que j'ai vues sur le site de la Collection de l'Art Brut (une sorte de journal de bord de Mme Peiry) ne m'ont pas passablement enthousiasmé. Il faut dire que je commence à en avoir un peu marre de tous ces dessinateurs qu'on nous présente comme bruts parce qu'ils alignent en rangs d'oignon et sur des étages des cortèges de bidules, machines à coudre, trains, rapaces, fers à repasser et j'en passe et repasse... Oui à Massou, non à Messou.
Je ne dirai rien du film Yvonne Robert, une femme qui vient de l’ombre de Mario del Curto et Bastien Genoux, (28’), parce que je viens d'acheter le DVD où il figure à côté de Henriette Zéphir, le souffle des esprits des mêmes, et parce que j'en ferais bien la critique, moi qui aime beaucoup les Robert. J'en profite pour dire que l'on devrait faire un film ensemble M.Genoux et moi, rien que pour le plaisir de marier ses genoux et mon pied (c'est comme avec la galerie Soulié à Paris).
Yvonne Robert, La chatte à Hortense s'appele Vanille, 2007, ph et coll. BM
Que dire d'autre de ce programme en salade niçoise? Je suis un peu intrigué aussi par l'annonce: "Les cahiers de la vis (extrait) de Christine Thépenier (10’), En présence de la réalisatrice". Cahiers de la "vis"? Ou de la "vie"? Parce que des cahiers consacrés à une vis, à part un reportage sur le bricolage façon Leroy et Merlin, je ne vois pas...
Ah si, Laurent Danchin va présenter un nouveau médium. Histoire que le XXIe siècle soit bien spirituel (ou ne soit pas). Un peu de poudre mystique, ça fait toujours bien dans le décor de l'art brut vu par notre spécialiste incontournable.
Guy Brunet à l'Hôtel Impérial à Nice durant le 15e festival Hors-Champ, s'essayant dans un rôle d'assassin psychopathe (arme du crime un vase de fleurs) sur la personne du photographe, ph.BM, 2012
30/05/2013 | Lien permanent | Commentaires (8)
Jean-Louis Cerisier à la chasse aux muralistes de campagne
C'est un peu tardif si vous aviez l'opportunité d'aller aujourd'hui au musée d'art naïf et d'art singulier de Laval, mais ce ne l'est pas du point de vue de la stricte information.
"Rendez-vous singulier" ce dimanche à 16h donc, pour assister à une conférence de Jean-Louis Cerisier, peintre singulier et naïf lavallois dont j'ai déjà eu maintes fois l'occasion de parler ici.
En parallèle de son travail de création, nous dit le laïus du musée, "il s’est intéressé dans les années 1900-2000 [sic] aux créations populaires dont est parsemé le territoire : fresques de village, œuvres dans les écoles, cafés décorés, art éphémère, se livrant à une véritable enquête en Mayenne et dans les Pays de la Loire à la recherche de ces créations insolites. Il livre aujourd’hui un aperçu du résultat de ses recherches. Une occasion unique de (re)découvrir le territoire à travers le regard de ses artistes anonymes". Il a d'ailleurs déjà donné l'occasion aux amateurs de se rendre compte de cette création, ici qualifiée un peu vite, il me semble, de "populaire" (ce qui l'assimile de fait à d'autres formes de création populaire comme l'art rustique, ou les environnements spontanés dont je parle souvent et introduit donc une certaine confusion dans l'esprit du public), dans la revue 303 (ancien rédacteur en chef Jacques Cailleteau), voir le n° 43 ( sur le peintre Beyel, un vrai naïf pour le coup, article intitulé "Origné ignoré, sur les traces du peintre Beyel", 1994), le n°57 (article "Mondes insolites et travaux artistiques: la Mayenne à l'œuvre", 1998) et le n°58 ("Mondes insolites et travaux artistiques: la Mayenne à l'oeuvre, seconde partie").
Peinture murale de Beyel (1926) dans le café-tabac,alimentation d'Origné (Mayenne), ph. B. Renoux, extraite du n°43 de 303, 1993 ; ce peintre nomade et solitaire peignait, paraît-il en échange du gîte et du couvert
Il compilait à cette occasion peintres naïfs locaux inconnus, auteurs de fresques dans des cafés (Beyel, André Thureau), créateur autodidacte d'un environnement brut (Céneré Hubert), peintres fresquistes régionaux au métier affirmé mais aux sujets un peu insolites (Tribus), fresquistes du dimanche aux limites de la peinture de croûte (Olivacce ; par ailleurs je sais Cerisier amateur de peintres inconnus de dépôts-vente comme un certain A.Labarde qui l'intrigue, à la limite de la peinture kitsch), créateur singulier célèbre (Robert Tatin), et peintre intellectuel mystique adepte de muralisme atypique (Xavier de Langlais). Nul doute cependant que dans ses recherches menées sans trop de discrimination (le tri viendra-t-il plus tard?), Jean-Louis prend tout ce qui vient, dans la mesure où la peinture de campagne l'interpelle, l'intrigue, et peut-être aussi lui rappelle quelqu'un qui ne serait pas si éloigné que cela de ses propres démarche et thématique personnelles... Voir par exemple la fresque ci-dessous qui ne va pas sans évoquer certaines de ses peintures.
Jean-Louis Cerisier, façade à Nozay, Loire-Atlantique
Jean-Louis Cerisier, Le port, 33 x 25 cm, 2010
C'est cependant une excellente idée de sa part de se livrer à cet inventaire – parallèle au mien plus axé sur les créations en plein air d'autodidactes d'origine strictement populaire, non professionnels de l'art – des fresquistes et peintres régionaux dont les décorations sont perdues dans les campagnes de Mayenne et au delà (on pourrait les étendre à toute la France). On obtiendra sans doute à la fin un panorama de la création décorative provinciale qui irait du naïf absolu à l'intellectuel primitivisant, en passant par les artistes publicitaires semi amateurs et les peintres du dimanche imitant de loin les peintres d'église, en les mixant avec les artistes singuliers contre-culturels et alternatifs, quelque créateur brut étant admis au banquet pour que le panel soit complet, dans le désir de Jean-Louis Cerisier tout de même (c'est le sentiment que j'ai) de rassembler toutes ces créations sous la seule bannière de l'art. Ce qui à mon humble avis représente une position restrictive qui ne tient pas compte de l'explosion des barrières socialement admises générée par la reconnaissance des créateurs bruts, œuvrant hors système traditionnel des beaux-arts justement (j'y assimile ici les créateurs d'environnements spontanés). C'est la position seulement réformiste de Jean-Louis Cerisier vis-à-vis de l'art que je pointe là, que je distingue d'une position plus révolutionnaire sur laquelle je campe personnellement.
A. Labarde, sans titre, sans date, coll. Jean-Louis Cerisier, ph. Bruno Montpied, 2009 ; on est ici à la limite de ce que les Américains appellent le Bad Art, tandis qu'en Europe, on parlerait plutôt de peintures de croûte, du type de celles qui végétent au fond des dépôts-vente (Labarde a d'ailleurs été repêché par Cerisier dans ces bric-à-brac), certaines oeuvres recélant cela dit un charme indéfinissable, aux limites du naïf, du raté, et de l'incongru...
14/04/2013 | Lien permanent | Commentaires (4)
Exposition Cerisier-Montpied à Carquefou, aux Renaudières
Nous voici Jean-Louis Cerisier et moi à nouveau réunis¹, cette fois aux Renaudières, cet espace culturel que la municipalité de Carquefou (ville située dans la grande périphérie de Nantes), sous la direction de Chantal Giteau, voue généreusement depuis plusieurs années, entre autres, à la découverte de divers artistes de la mouvance dite "singulière". L'exposition qui commence le 14 novembre prochain est prévue pour se clore le 13 décembre.
Bruno Montpied, Nid de nuit, 32 x 25 cm, 2004
Nous présentons chacun une quarantaine d'œuvres dans l'espace de trois salles dont la dernière tentera de faire cohabiter nos deux systèmes de représentation. Si Cerisier pour sa part montre des œuvres qui furent choisies par Chantal Giteau dans une de ses récentes périodes où le thème dominant est la "maison" (voir ci-contre La fugue, huile sur toile, 38 x 46 cm, 2015) je présente de mon côté des œuvres de petit format (la plus grande fait 30 x 43 cm ), réalisées pour la plupart d'entre elles selon une technique qui mixe l'encre, la mine de plomb, des solutions acryliques, des crayons de couleur et autres marqueurs. Deux œuvres ont été le fruit d'un travail à deux, tantôt avec Sasha Vlad en Californie (nous avons travaillé par échange postal de la même œuvre, un collage proposé par lui et interprété graphiquement par moi, ; voir ci-dessous), tantôt avec Petra Simkova (Chansons d'ivrognes, œuvre réalisée en simultané). Quatre autres œuvres font partie des "modifications" que j'exécute régulièrement depuis des années en repeignant ou en redessinant par-dessus des reproductions photographiques de cartes postales, magazines, gravures, etc. Plusieurs autres œuvres que j'exposerai à Carquefou ont été précédemment montrées cet été dans la Creuse à la Maison du Tailleu. Il y a bien sûr aussi plusieurs autres nouveaux venus.
Bruno Montpied et Sasha Vlad, Le Monument et son gardien effaré, 30 x 23 cm, technique mixte sur papier, 2010
Bruno Montpied, Le message, gravure modifiée à l'encre, au stylo et aux crayons de couleur, 29 x 20 cm, 2010
Un petit catalogue d'une trentaine de pages, avec neuf reproductions pour chaque artiste, a été prévu par les Renaudières pour être diffusé le jour du vernissage (semble-t-il). Ce sera aussi l'occasion pour moi de vendre quelques exemplaires de mon récent livre "Andrée Acézat, oublier le passé", ainsi que des exemplaires de l'autre titre paru dans la collection La Petite Brute, "Visionnaires de Taïwan" de Remy Ricordeau. Bienvenue à tous ceux qui pourront se retrouver par là-bas, près de Nantes.
Bruno Montpied, La Grande Dame et l'homme qui a perdu la tête, encre, mine de plomb, lavis et marqueurs sur carton d'emballage alimentaire, diamètre 19 cm, 2015
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¹ La première fois, Cerisier et moi fûmes réunis par Pascal Rigeade à Bègles au musée de la Création franche en février-mars 2011.
05/11/2015 | Lien permanent