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19/10/2022

"Des Pays Habitables", six numéros, et "Alcheringa", trois numéros, des revues amies à la Halle Saint-Pierre

      Cette rencontre (au sommet) de deux revues – auxquelles je participe (pour le n° 5 de Des Pays Habitables, et pour les numéros 2 et 3 d'Alcheringa) – aura lieu samedi 22 octobre prochain, à 15h dans l'auditorium de la Halle Saint-Pierre. Il y aura présentation de sa revue par l'animateur de Des Pays Habitables, Joël Cornuault, avec lecture de quelques textes de James Ensor par Nicolas Eprendre, et présentation de la leur – Alcheringa (Le temps du rêve, en langage aborigène d'Australie) – par trois membres du groupe surréaliste de Paris, Guy Girard, Sylwia Chrostowska et Joël Gayraud. Pour clore la réunion, qui devrait durer environ une heure (et plus si affinités), je serai également présent pour ajouter aux traits d'union entre ces revues cousines, en passant quelques images en rapport avec mes contributions dans les deux publications, contributions ayant bien sûr à voir, me connaissant – et connaissant ce blog –, avec les arts spontanés (bruts, naïfs, populaires). En l'occurrence, il s'agira d'oeuvres réalisées par divers autodidactes, certaines (celles d'Emile Posteaux, sculpteur de bouchons de champagne), datant des années 1930, d'autres plus récentes, plus ou moins en rapport avec des tentations infernales...

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Gabriel Jenny, sans titre (crèche "païenne"), terre cuite vernissée, 43 x 35 cm, années 2000 (?) ; photo et collection Bruno Montpied ; cette photo sera projetée samedi parmi 13 autres ayant un un rapport avec deux de mes articles dans les revues.

 

     Ce sera aussi l'occasion pour les deux revues de proposer à l'achat les derniers numéros parus, le 6 pour Des Pays Habitables et le 3 pour Alcheringa. Les anciens numéros seront églement disponibles bien sûr.

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Des Pays Habitables n°5, couverture et 4e de couv'.

 

     On en saura plus en consultant la newsletter des "événements" à la Halle Saint-Pierre: https://www.hallesaintpierre.org/2022/09/05/lectures/

     Pour se procurer la revue Des Pays Habitables, on peut en savoir plus en allant sur le site web des éditions La Brèche. Ce sera aussi l'occasion de consulter les autres livres toujours séduisants que cette maison édite. A signaler en particulier la réédition par La Brèche du merveilleux Journal de neiges du poète Jean-Pierre Goff (un journal tenu uniquement les jours de neige à Paris) qui n'avait pas été republié depuis 1983 (voir ci-dessous la couverture de l'édition originale de 83 – qui a malheureusement pris un "coup de soleil"–, ainsi que le dessin (fait à la carte à gratter, il me semble) que Jean Benoît avait offert à Le Goff en guise de frontispice).

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La réédition du Journal de neiges de Jean-Pierre Le Goff par La Brèche éditions, 2022.

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L'édition originale aux éditions le Hasard d'être, 1983.

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Dessin en frontispice de l'édition originale de Jean Benoît ; le petit homme moustachu sur le chemin, c'est Le Goff bien sûr.

 

19/09/2022

Une idée pour un autre Salon...

       Je ne suis qu'un écrivain et un artiste, et j'en ai marre de cette Outsider Art Fair qui nous revient depuis dix ans, avec son prix d'entrée pour élite friquée, et sa conception étriquée, parce que strictement mercantile, de la communication autour des arts spontanés et alternatifs.

    En fait, cette Foire disparaîtrait corps et biens, que je n'en souffrirai pas le moins du monde.

  Un Forum basé sur des principes différents, organisé et monté par des Français qui plus est, à un coût moins élevé, pas seulement axé sur le marché de l'art, mais où on inviterait, dans une conception infiniment plus large, des musées, des associations, des ateliers collectifs pour handicapés, des photographes, des architectes alternatifs, des libraires, etc. serait beaucoup plus intéressant à monter.

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Halle Saint-Pierre, 2e étage, exposition "Sous le Vent de l'Art Brut 2", 2014 ; à gauche des oeuvres à moi... ; photo Bruno Montpied.

 

   Quel local faudrait-il proposer pour un tel Forum? Eh bien, la Halle Saint-Pierre serait toute indiquée. Qu'elle soit installée au pied de Montmartre, aux lisières de quartiers populaires (la Goutte d'Or notamment), et de quartiers plus chics (la Butte Montmartre), me paraît tout à fait adapté aux substrats culturels des différentes formes d'expression que ce Forum réunirait et présenterait. Disposant d'un auditorium et d'un cafétaria permettant les échanges informels, elle autoriserait dans une seule unité de lieu toutes sortes d'animations, conférences, débats, présentations de films. Le forum pourrait durer une grosse semaine (dix jours), plutôt que les quatre malheureux jours de la Foire d'Art Ousider actuelle. Les prix de location pour les galeries et autres musées et associations concernés (qui tourneraient au fil des éditions) ne seraient pas trop élevés, ce qui éviterait que les prix des oeuvres en vente soient trop élevés, les participants craignant de ne pas rentrer dans leurs frais à la fin du Forum (ce qui est le cas actuellement pour les galeristes qui participent à l'OAF). Les musées, librairies, associations de défense des arts indigènes (entre autres), ateliers pour handicapés, collectionneurs, organisation pour l'auto-construction, etc., qui participeraient pour faire connaître  leurs passions et leurs activités, vendant au passage des catalogues d'expositions, procédant à des échanges divers et variés.

    On aurait davantage affaire en l'occurrence à une réunion ayant pour but la communication et l'échange autour de passions communes ou à découvrir qu'à une vulgaire foire de mercantis, qualification dans laquelle l'OAF est en train de se couler (à tous les sens du terme "couler")...

08/11/2020

L'art abandonné, l'art des trottoirs, à réanimer : une autre exposition

     Il n'y a pas que les galeries, il n'y a pas que les musées pour montrer l'art actuel ou d'hier. A se promener le long des rues, ou sur les trottoirs des Puces et autres brocantes, on s'en convainc aisément pour peu que ses yeux soient convenablement ouverts et dessillés. Certains tableaux, certaines sculptures ou assemblages s'y trouvent rejetés comme les épaves sur les grèves, attendant qu'un regard compatissant ou intrigué vienne les ranimer.

 

Youssef (Aït) Tazarin, ss titre, 35x44,5cm, 1993 (2).jpg

Youssef Ait Tarazin, sans titre, peinture industrielle sur panneau d'Isorel, 35 x 44,5 cm, 1993. Ph. et coll. Bruno Montpied ; Tableau trouvé aux Puces de Vanves ; l'artiste doit être toujours actif du côté d'Essaouira où il fut autrefois présenté, alors qu'il n'avait que 19 ans, à la galerie Frédéric Damgaard. 

 

    C'est un jeu qui me mobilise régulièrement depuis quelques années maintenant. Dans certains cas, après les avoir acquis, la plupart du temps à moindres frais, j'essaye de partager mes découvertes, tentant d'y intéresser un public un peu plus large... J'ai eu l'occasion par exemple de parler plusieurs fois des bouteilles décorées des époux Beynet, encore récemment dans la revue Trakt n°11 (juillet 2020), après en avoir parlé naguère dans la revue L'Or aux 13 îles (n°3, 2014).5-bouteilles,-couples,-malf.jpg Leur découverte avait commencé par une bouteille en forme de ballon de rugby repérée sur un stand de vide-grenier banal en dessous de Besse-en-Chandesse (Puy-de-Dôme). Auparavant, dans la revue Création franche (n°29, avril 2008) et puis encore dans 303, Arts recherches, créations (n°119, janvier 2012) et sur ce blog aussi bien sûr, j'avais également eu l'occasion d'évoquer les peintures intimes de l'ancien instituteur sarthois Armand Goupil, dont la production, restée longtemps au secret d'un cabinet oublié, avait été mise à l'encan dans un déballage marchand du côté du Mans.Corps-nu,-cornue,-8-V-62.jpg J'ai toujours en tête de lui consacrer une petite monographie si je trouve un éditeur suffisamment passionné pour ce faire...

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Couverture de la revue Trakt n°11.

 

     Je parlerai prochainement, toujours dans la revue Trakt (dans leur n°12 à paraître), si les petits cochons ne la mangent pas, des sept toiles sans châssis que j'ai trouvées en brocante le 15 août dernier alors que c'était le jour le plus creux de l'année à Paris, dues à une peintre argentine, Dominique Dalozo, et peut-être aussi à sa compagne, Yvonne Bilis-Régnier, qui après avoir participé à au moins deux expositions – en elles-mêmes déjà assez confidentielles –, dans les années 1960 et 1970, paraissent avoir renfermé leur art dans un cercle intime où elles développèrent une peinture d'allure symboliste aux limites de l'art naïf, complètement hors du temps, déconnectée des modes et des tendances de notre époque, et qu'elles ne montrèrent apparemment jamais, hormis, brièvement, à l'autrice d'un livre sur les mouvements féministes en art à la fin des années 1990.

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Toile signée au verso Dalozo, huile, 80 x 65cm, sd ; ph et coll. B.M ; on aperçoit en bas à droite une femme assise en train de jouer d'une flûte, ce qui semble avoir pour effet de convoquer le cortège de fantômes aux bures vermiculaires par delà la mer autour d'un immense rocher...

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R. Raha (ou Rosy Russo?), sans titre, crayon sur papier, 29,7 x 21 cm, sd. ; ph. et coll. B.M.

 

     Cependant, ce peut être aussi en galerie que l'on peut trouver des œuvres orphelines de l'identité de leur géniteur ou leur génitrice. J'ai opté récemment pour un dessin signé en bas à droite "R.Raha". Le galeriste (Polysémie), François Vertadier, ne sait pas grand-chose de cet auteur ou cette autrice. Simplement, il délivrait cette information qu'il avait acquis ce dessin parmi une demi douzaine d'autres auprès de la collection de feu Henri Sotta qui lui-même les avait trouvés chez une artiste marseillaise, elle-même aujourd'hui décédée, nommée Rosy Russo (née à Tunis). Pourquoi avoir deux noms d'artiste, si c'est la même dessinatrice?

     J'ai de mon côté  eu l'occasion de tomber récemment sur internet sur une autre artiste dont le nom pourrait coller avec la signature "R. Raha": une certaine Raha Raissnia, iranienne, née en 1968, vivant aujourd'hui à Brooklin dont un commissaire d'exposition (Brett Littman), dans un salon en 2019 voué au dessin sous toutes ses formes (genre D Drawing), décrivait ainsi l'œuvre : "Les dessins de Raha Raissnia se basent sur des images provenant de ses archives personnelles de photographies et de films qu’elle a soit faits elle-même ou trouvés. Intuitivement, plutôt que d’en faire des copies directes, Raissnia rend ces images abstraites en s’appliquant à les photographier et à les dessiner de nombreuses fois jusqu’à ce qu’elles deviennent méconnaissables et que leur signification première en devienne incertaine." Or, les dessins de cette R. Raha exécutés sur des feuilles très fines, avec un crayon ayant profondément métamorphosé, semble-t-il, une image préalable par un besoin d'en extraire une nouvelle image (de la même manière que cette Raissnia), plus visionnaire à vrai dire qu'"abstraite", semblent correspondre à l'évocation de Brett Littman... Simplement, si les dessins de la galerie Polysémie proviennent de cette artiste iranienne, comment sont-ils arrivés chez cette Rosy Russo? Le mystère reste donc entier.

     C'est souvent ce qui arrive, à musarder ainsi du côté des laissés pour compte, des partis sans laisser d'adresse évidente... Pas toujours, cela dit encore, comme dans le cas ci-dessous, une peinture sur papier journal qui m'a, ma foi, aussi tapé dans l'œil encore aux Puces de Vanves.

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Alain Péanne, pigments non identifiés sur fragments déchirés de papier journal, 29,7 x 21 cm, sd ; ph. et coll. B.M.

 

     Cette fois, cet Alain Péanne paraît associable à un artiste actif du côté de Chartres, pratiquant plutôt l'estampe, et ayant fréquenté Chomo et Jean-Luc Parant.

         Même chose, voici un autre cas d'artiste contemporain, Pascal Vochelet, dont une œuvre se présenta un jour devant mes yeux encore aux Puces où elle avait atterri sans explication, m'intriguant. Là aussi, on a affaire à un artiste actuel s'entêtant à faire dans les arts plastiques, ou plutôt en l'occurrence, graphiques, non encore contaminé par les arts conceptuels. C'est gentillet, mais curieux, un peu étrange. Cet homme à tête de zèbre (sûrement un drôle de) me faisait de l'œil lui aussi et je l'ai emporté chez moi.

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Pascal Vochelet, sans titre, 32 x 25 cm, vers 2018 ; ph. et coll. B.M.

 

     Mais le clou de mes découvertes, en terme de laissés pour compte, c'est le tableau ci-dessous, trouvé paraît-il dans la rue, par celui qui me l'a généreusement échangé contre un de mes dessins, M. Callu-Mérite. Une peinture véritablement visionnaire, une ville dans une plaine, confectionnée avec de la matière en léger relief grenu, qui n'est pas sans faire songer à ces autres tableaux visionnaires de l'autodidacte brut Marcel Storr, en raison de ses dominantes rousses, une teinte onirique.

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Thierry Sainsaulieu, sans titre,  huile sur toile, 32 x 62 cm, sd (fin XXe siècle?); ph et coll.B.M.

22/03/2020

Créer en intérieur, une enquête

      Nous voici confinés, et pour un bout de temps semble-t-il...

     Je me demandais il y a quelques minutes si cette situation ne serait pas favorable (un mal pour un bien...) à métamorphoser les logements en zones recréées, avec des murs sculptés, incisés,, ou peints à la fresque, couverts de mosaïque ou de fragments d'assiette, voire avec divers éléments incrustés... Si vous avez eu vent de ce genre de décors ces jours-ci, si vous-même vous vous attaquez (il faut être propriétaire des lieux bien entendu), ou si vous vous êtes attaqués, aux murs de votre prison domestique autrefois, n'hésitez pas à m'en faire part, on pourra répercuter par vos images sur ce blog ce que vous m'enverrez. L'adresse mail pour ce faire n'est pas celle que vous donne le lien "me contacter", mais bien celle qui se trouve à la fin de mon "éditorial" du blog, cliquez sur la ligne "A propos" pour la trouver en faisant défiler le texte jusqu'au bout.

      Les prisonniers gravaient des graffiti dans les murs de leurs cellules, qu'avez-vous envie d'infliger à ces nouvelles murailles du confinement?

     Je vous donne ci-dessous un exemple de ce que j'entrevois, en l'occurrence un fragment du décor peint tout à fait ébouriffant qui existait chez Jean-Daniel Allanche à Paris près de la place Saint-Sulpice et tel qu'il a été révélé (et sauvé par dépôt des murs) par son ami Hervé Perdriolle.

DSC_3108 copie (plafond) ph P Schwartz.jpg

Jean-Daniel Allanche, son plafond peint (détail), photo Pierre Schwartz. 

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Vue des moquettes peintes par Jean-Daniel Allanche, 166 x 194,5 cm et 165,5 x194,5 cm, coll. privée.

09/12/2016

L'art clandestin de Pierre Caran

      Est paru en secret l'an dernier un bel ouvrage d'art auto-édité par Mme Thérèse Joly, la compagne de Pierre Caran, un créateur fort original (1940-2008), décédé d'un cancer qu'il avait essayé d'oublier, ou de surmonter, grâce à son activité humoreuse d'artiste recycleur qui se déploya durant les six dernières années de sa vie.

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Pierre Caran, ouvrage édité à l'initiative de Thérèse Joly, novembre 2015 ; en couverture, Totem, peinture à l'eau sur bois et collage, 2004.

 

      Totalement inconnu des amateurs d'art brut, d'art naïf ou singulier, d'art d'autodidactes – ce qu'était en matière artistique Pierre Caran apparemment, qui fit carrière comme médiateur culturel dans la région de Thonon-les-Bains, et donc était largement pourvu en matière de connaissances de toutes sortes – ce poète clandestin réalisa en secret une œuvre des plus attachantes, si l'on s'en rapporte aux nombreuses pièces présentées dans ce livre, variées et surprenantes, manifestant par leurs titres, mais aussi par les matières, couleurs, techniques mises en œuvre, le raffinement culturel de l'auteur, mixé paradoxalement à un dessin archaïsant, aussi stylisé que l'art enfantin, que ne reniait sans doute pas Pierre Caran.

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Pierre Caran, L'enfant, collage et assemblage d'éléments divers sur racine, peinture à l'eau, 2006. 

 

     Cette œuvre fut produite dans l'intimité, seulement connue d'un cercle de proches, dont deux d'entre eux, fort célèbres, Valère Novarina et Michel Butor ont donné des textes pour les besoins de l'ouvrage, la biographie du créateur et la description de l'œuvre étant pour leur part confiées à Emmanuel Boussuge, que les lecteurs de ce blog connaissent quelque peu. Même le livre aurait pu ne pas dépasser le cercle des proches, si Thérèse Joly n'avait pas eu l'heureuse idée d'en déposer quelques exemplaires¹ à la librairie de la Halle St-Pierre, où son animateur, Pascal Hecker, me le fit voir (une petite exposition, peut-être pas très "lisible", se tenait sur les murs de la librairie au même moment). Toutefois, on peut noter une unique exposition organisée après sa disparition, à la Chapelle Saint-Bon, à Thonon en 2009.

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Pierre Caran, Hommage à Valère Novarina, peinture à l'eau sur bois et pierre, 2006.

 

      L'œuvre comprend beaucoup d'assemblages, de galets, pierres, ou bois trouvés dans sa région, près du lac Léman², qu'il laissait tels quels, ou bien sur lesquels il intervenait, les repeignant selon les cas plus ou moins intégralement, les mettant en scène (c'était un homme qui aimait le théâtre et le cinéma), les associant parfois à des références littéraires (car il était aussi féru de littérature), les mêlant à d'autres matières réemployées. Il ne se contentait pas de ces interprétations sur objets naturels,pierre caran,thérèse joly,emmanuel boussuge,art clandestin,art d'autodidactes cultivés,art singulier,art récup',valère novarina,michel butor il peignit et dessina aussi (voir ci-contre son Autoportrait, de 2005), écrivit divers textes, toujours dans le même bref laps de temps  durant lequel la maladie lui mit le grappin dessus. Plusieurs de ces œuvres sont des évocations de scènes liées à sa maladie et aux traitements. Ce qui me frappe dans cette production, outre le raffinement dont il faisait preuve, c'est qu'il ne s'abandonne jamais à la facilité, comme tant d'autres artistes dits "singuliers" peuvent au contraire s'y vautrer. Ces derniers se contentent généralement de rapprochements évidents (produisant à la pelle des "Têtes à Toto", à l'aide par exemple de deux enjoliveurs et d'un peigne). Chez Caran, nulle paresse, un souffle poétique, greffée sur un vécu et une souffrance – jamais complaisamment mise en avant –, se déploie authentiquement.

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Pierre Caran, L'enfer sur terre, peinture à l'eau sur toile, 70x60cm, 2008 ; terrible peinture à mon avis.

 

      Emmanuel Boussuge, dans sa contribution, se demande où le situer : art brut? Art singulier?... Peut-être que pour ce genre de créateurs cultivés, autodidacte en matière artistique, on pourrait créer une nouvelle étiquette: l'Art clandestin? Il ne serait pas seul sous cette appellation, les jardins secrets d'écrivains par exemple étant légion (exemples, ceux de Victor Hugo, August Strindberg, Marguerite Burnat-Provins, etc.)...

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Pierre Caran, Reflets dans l'eau, peinture à l'eau sur papier, galets collés, 40x50cm, 2007.

 

      J'incite fortement mes lecteurs à acquérir cet ouvrage, histoire de distinguer un peu mieux où se situe aujourd'hui le véritable génie "singulier".

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¹ On peut toujours les y trouver, et sinon, on peut commander l'ouvrage (35€, port compris) à Mme Thérèse Joly en écrivant à joly.photos@free.fr , ou aux Editions des Amis de Pierre Caran, 4 avenue du général de Gaulle, 74200 Thonon-les-Bains.

² Thonon-les-Bains, rappelons-le, est située juste en face de Lausanne, de l'autre côté du lac Léman. Ville où s'abrite la Collection de l'Art Brut... On ne sait si Pierre Caran eut l'occasion d'aller visiter ce mirifique endroit, où il aurait trouvé de nombreux cousins par l'esprit, sinon par le style et la technique, de son art...