Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

18/05/2008

Alberto Sani, sculpteur "naturel", génie de "la mémoire inconsciente", artiste spontané...

     Un camarade, Joël Gayraud, m'a signalé récemment l'existence d'un numéro de la revue assez luxueuse FMR (Franco Maria Ricci), le n°100, d'octobre-novembre 2002, qui contient un mini dossier sur un bûcheron sculpteur nommé Alberto Sani (textes de Massimo Lippi, Albert Lassueur, Dario Neri et Bernard Berenson, photographies de Massimo Listri). Je ne le connaissais pas, et je parie que l'on doit être assez nombreux dans ce cas en France tout au moins. Ce qui justifie que je renvoie les quelques lecteurs de ce blog à ce numéro de revue actuellement soldé (voir par exemple à la librairie "Culture" rue Pavée à Paris).

N°100 de la revue FMR.jpg

      Bernard Berenson, grand historien d'art et collectionneur de Primitifs italiens et de peintures de la Renaissance, a écrit qu'Alberto Sani lui faisait penser à la sculpture qui ornait les sarcophages paléo-chrétiens, à l'époque de l'art romain tardif. Il a souligné ainsi que d'autres, le peintre, éditeur et industriel Dario Neri par exemple qui employa, hébergea et mit Sani et sa famille à l'abri du besoin, à quel point ce sculpteur véritablement autodidacte ne paraissait s'intéresser à personne dans l'histoire de l'art. Isolé en son temps (prenant ses sujets dans sa mémoire, et utilisant peut-être une mémoire inconsciente qui stocke à la vitesse de l'éclair les moindres vues, même fugitives), sculpteur ayant une technique sommaire assez équivalente finalement à celle des sculpteurs de l'Antiquité tardive (et aussi équivalente à celle de tous les autodidactes du monde se trouvant dans le même état d'esprit de spontanéité, et face à des matériaux similaires), Sani a obtenu des résultats d'art stylisé (ce que j'appelle art naïf sans y mettre aucune condescendance, mais au contraire avec grand respect) similaires à ceux des artistes de l'époque romaine tardive (ou à ceux des créateurs du meilleur art populaire universel).

Alberto Sani, Les vendanges, photo Massimo Listri, n°100 de la revue FMR.jpg
Alberto Sani, Les vendanges, photo Massimo Listri, n°100 de la revue FMR

     Particulièrement intéressante est de ce point de vue la remarque de Bernard Berenson: "Avant que l'art n'ait été canonisé par les Egyptiens, puis intellectualisé par les Grecs et enfin rendu académique par ces mêmes Grecs sous la domination romaine, les créations de l'art visuel se ressemblaient partout à travers le monde." On pourrait comparer cette remarque avec ce que l'on ressent face au meilleur des arts populaires où qu'il se trouve sur la planète... Un Naïf ou un Brut européens, un Naïf ou un Brut asiatique, africain, américain, ne sont-ils pas tous aussi proches les uns des autres que ces créateurs d'avant les Egyptiens et les Grecs ne l'étaient entre eux? Comme si après l'histoire de l'art savant, était venue une période de l'art où ont disparu à nouveau la cérébralité et l'intellectualisme trop sophistiqué... "Après" l'histoire, ou bien n'est-ce pas plutôt que l'ancien art d'avant les Egyptiens n'a jamais cessé de cheminer parallèlement à l'art savant, et que ce dernier, se délitant à présent, le laisse revenir sur le devant de la scène?  

Alberto Sani, Les Chaufourniers, 1942, photo Massimo Listri, n°100 de la revue FMR.jpg
Alberto Sani, Les Chaufourniers, 1942, bas-relief en tuf de Pienza, 47x40x8cm, photo Massimo Listri, FMR n°100

     Né en 1897 et mort en 1964, Alberto Sani, originaire de la région de Sienne en Italie, travailla d'abord naturellement le bois qu'il avait en abondance grâce à son métier, jusqu'à ce que son mécène et ami Dario Neri lui propose de la pierre (du tuf) et du marbre. Ses oeuvres sont conservées  à la Galleria d'Arte Moderna du palais Pitti de Florence, dans les musées du Vatican ainsi que dans des établissements américains. Des collectionneurs privés en possèdent également (les images que je mets ici proviennent de ces collections non nommées dans la revue FMR).