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Grandeur et décadence du jardin zoologique de Raymond Guitet

Raymond Guitet, Le Jardin Zoologique à Sauveterre-de-Guyenne, années 70, photo Jacques Verroust.jpg
Photo Jacques Verroust (années 70), extraite des Inspirés du Bord des Routes, 1978 ; à l'époque, ni arbres, ni haies ne cachent les statues du fond, et au pied du singe sur son arbre, on peut encore voir la saynète "T'en fais pas, la Poste marche si mal   

     De tous les sites et environnements imaginés par des autodidactes d'origine populaire, j'ai un faible pour le "jardin zoologique" de Raymond Guitet qui agonise à Sauveterre-de-Guyenne dans ce que l'on appelle l'Entre-Deux-Mers, les "mers" en question étant la Dordogne et la Garonne. Je l'ai visité trois fois. Une première en 1988, une seconde en 1991 et la troisième tout récemment en mai 2008 (je fêtais l'anniversaire de ma première visite faut croire, mais ce fut une triste fête, le jardin est en voie de complet anéantissement).

Raymond Guitet, le jardin zoologique, ph.B.Montpied, 1991 .jpg
Le Jardin zoologique en 1991, la peinture s'efface, les statues résistent vaille que vaille quarante ans après... Photo B. Montpied
Raymond Guitet, statues des Trois Sages et autres, ph.B.Montpied, 1991.jpg
Au premier plan, la saynète des "Trois sages" et leurs conseils gravés sur une pierre à leurs pieds ; à droite, derrière des animaux semés sur un sol couvert de gravier, sous un parasol, la saynète de "Crédit est mort, les mauvais payeurs l'ont tué", ph.B.Montpied, 1991
Raymond Guitet, inscription des conseils des Trois Sages subsistant encore en 2008, ph.B.Montpied.jpg
Seule reste en mai 2008 l'inscription récapitulative aux pieds des "Trois Sages"... sans les Trois Sages désormais envolés...

     En 1988, avec Christine et Jean-Louis Cerisier, aux portes de la bastide de Sauveterre, en demandant  à des personnes assises sur un banc si on était encore loin du jardin, on s'était vu rétorquer que non, mais "c'est qu'il n'y avait plus rien là-bas"... Celle qui nous renseigna s'avèra une proche parente de Guitet (ce dernier étant décédé depuis un petit bout de temps, au moins trente ans). Une fois sur place -le site était à une centaine de mètres-, nous nous avisâmes qu'il y avait encore beaucoup de statues, certes en mauvais état (beaucoup étaient fissurées, avaient perdu leur ciment, montrant les infrastructures en tôle rouillée sur lesquelles l'auteur avait coulé le ciment, certaines statues avaient été enlevées...). Ainsi, il y avait encore quelque chose, et simultanément aux yeux des proches "il n'y avait plus rien". Cela me fit réfléchir. Les créations de Raymond Guitet avaient été associées par cette femme de façon tellement étroite à Guitet de son vivant que celui-ci une fois mort, sa création avait disparu aussi à ses yeux...

Raymond Guitet, un des mauvais payeurs de la saynète Crédit est mort..., ph.B.Montpied, 1991.jpg
Une des statuettes du groupe "Crédit est mort...", ph.B.Montpied, (en1988)

     Ces statues avaient un aspect rugueux, surtout parce qu'à cette époque elles avaient perdu leurs couleurs. Car elles étaient peintes, comme on peut s'en convaincre en regardant les photos, vraisemblablement du début des années 70, de Jacques Verroust, publiées dans son livre de 1978 (écrit avec Jacques Lacarrière) Les Inspirés du Bord des Routes (Le Seuil éditeur). Je fais comme ces auteurs au fait, j'orthographie Guitet avec un "t", comme le créateur lui-même l'orthographiait, il n'est que de lire les panneaux en ciment où il a apposé plusieurs fois son nom (l'orthographe avec deux "t" se trouve notamment dans les livres de Claude Arz sur la "France insolite" par exemple, et dans des ouvrages anglo-saxons qui ont recopié cette graphie à partir de Arz).

     Les statues étaient disposées leur face tournée vers la route, à l'intention des passants sans l'ombre d'un doute, derrière un portique décoré de statuettes où un médaillon en ciment proclamait fièrement "L'an 1950 jardin zoologique de Sauveterre créé par R.Guitet". Au revers, une autre inscription ajoutait cette précision: "à l'âge de 75 ans".Raymond Guitet, inscription donnant sur la route, Le Jardin zoologique..., ph B.Montpied, 1991.jpg Ce portique existe encore aujourd'hui, mais la première inscription a été maladroitement badigeonnée de ciment, et il ne reste plus qu'une statuette pendouillant lamentablement (une sorte de lutin avec un bonnet). 75 ans en 1950, je m'étais dit que Guitet avait donc dû naître vers 1875, ce qui faisait de lui un créateur avec un pied culturel dans le XIXe siècle. On a donné la date de 1956 pour sa disparition (Jean-Louis Lanoux, voir bibliographie à la fin de cette note) , qui a donc suivi de près la réalisation de son jardin, elle-même étalée, finalement, sur un assez court laps de temps. Pour le reste, on ne sait pas grand-chose sur Raymond Guitet. J'ai retrouvé dans mes notes de 1988 qu'il aurait exercé le métier de charron, puis de marchand de fruits. Patrick Riou le signale quant à lui comme "cantonnier", ce qui a été répété ensuite sans confirmation de la véracité du fait...

Raymond Guitet, Son jardin en mai 2008, ph.B.Montpied.jpg

Le jardin zoologique, plus très zoo, plus très logique... ; il reste trois grandes statues lézardées, un ou deux animaux, le portique, mais c'est bien tout... ph.B.Montpied, mai 2008

      Pour faire un peu progresser la bio de ce créateur magnifique mais peu prolixe (on ne connaît de lui que cet unique jardin paysagé de quelques dizaines de mètres carré), je suis allé demander à J-L. Lanoux où il avait trouvé la date de la mort de Guitet. Il a eu la grande amabilité de me communiquer les dates exactes de naissance et de mort: 18 juin 1876-13 janvier 1956, ainsi qu'une copie d'un document intéressant. Il a été en contact avec une habitante de Sauveterre s'intéressant au "cas Guitet". Cette dame avait également ajouté les précisions suivantes: "(...) marié à 22 ans à Marie Barthélémy (27 ans). Profession jardinier. (...) Homme vaillant, a élevé quatre enfants. Il fut adjoint au maire en 1929 et en 1940. Il faisait les marchés, notamment volailles, oies, oeufs. Il avait créé également une petite scierie. Une de ses filles mariée au Maroc l'avait mis en contact avec un exportateur d'agrumes et avec toutes ces activités il avait à ses moments de détente élaboré ce jardin "zoologique" que le temps inexorable a griffé bien sérieusement..." (Extrait d'une lettre de Mme G. à J-L.Lanoux, 17 avril 1990). La mairie actuelle, comme on le voit, aurait pu prendre davantage soin de l'oeuvre d'un des anciens responsables, petite remarque en passant...

     "Zoologique", pour qualifier ce "jardin" m'a toujours paru curieux... Guitet avait campé des animaux certes, un singe avec un boulet (disparu), un serpent, un lièvre debout (disparu), un chien (encore en place aujourd'hui), plusieurs oiseaux, des oies, des dindons, des vautours avec leurs nichées (dont un oeuf en train d'éclore dans un des nids ; ces vautours perchés sur des aquariums sans eau où étaient suspendus des poissons sont actuellement absorbés dans les buissons et les arbres qui ont envahi l'arrière du jardin), un ou deux lions (dans la saynète représentant un dompteur de "cirque", saynète elle aussi disparue)... Raymond Guitet, le général Leclerc, ph.B.Montpied, en 1991.jpgMais ce que l'on remarquait avant tout, c'était les statues représentant des êtres humains, personnages célèbres de l'histoire de France, comme le général Leclerc (statue toujours en place), Jeanne d'Arc (en place), le général (sic) De Lattre de Tassigny (en place), des autoportraits (il y en avait deux à deux tailles différentes, statues aujourd'hui toutes les deux disparues...) et des saynètes de type caricatural ("T'en fais pas, la Poste marche si mal", groupe de deux petites statues qui avait déjà disparu avant 1988 ; on connaît leur existence par les photos de Jacques Verroust et de Patrick Riou, elle se situaient aux pieds du singe sur son arbre ) ou illustrant un dicton ("Crédit est mort, les mauvais payeurs l'ont tué", groupe abîmé en 1988, disparu en 2008). Il est probable que Guitet n'avait pas trop fait attention à cette petite contradiction. Mais du coup les braves généraux et la célèbre pucelle se retrouvaient embringués dans une drôle d'Arche de Noé...

     Plusieurs statues pouvaient être identifiées grâce à des inscriptions gravées dans le ciment de socles ou de médaillons placés au sol devant les statues. Une de ces inscriptions que j'ai photographiée déjà bien abîmée en 1988, et qui était alors installée à même le sol au risque d'être recouverte par la végétation, avait été à l'époque des photos de Jacques Verroust dressée contre les jambes de la grande statue représentant Guitet. Voici ce qu'elle disait:

Raymond Guitet, inscription dans le jardin de Sauveterre-de-Guyenne, ph B.Montpied, 1988.jpg

Inscription sur une galette de ciment posée à même le sol (et rehaussée par moi) ; disparue aujourd'hui... Photo B. Montpied, 1988   

     La statue comportait elle-même une inscription à ses pieds qui identifiait Guitet sous les traits de cet homme à gilet et casquette, en sabots, tenant un oiseau sur le poignet: M.Guitet créateur du jardin zoologique de Sauveterre [...]. Ce terme de "créateur" est à souligner. Il est assez rare qu'un de ces créateurs d'environnement spontané qualifie lui-même de façon aussi nette son activité. Le terme d'"artiste", on le voit en tout cas, n'a pas été retenu par l'auteur lui-même (à nos yeux de façon tout à fait pertinente).

     Raymond Guitet, autoportrait à la casquette, ph.B.Montpied, 1991.jpg    Raymond Guitet, socle de l'autoportrait à la casquette vide en mai 2008, ph.B.Montpied.jpg
Deux états différents de la même statue, à gauche en 1991, l'autoportrait de Guitet avec la casquette (brisée), et, à droite, le socle vide en mai 2008, ph.B.M.

     L'autre statue autoportraiturant Guitet le représentait, dans des dimensions nettement plus réduites par rapport aux quatre autres statues placées sur la même ligne au fond du jardin, avec un immense chapeau (peut-être traditionnel?) et des accessoires qui paraissent comme les attributs d'une profession (une corde autour de la taille?). Est-ce une petite roue qu'il porte sur l'épaule gauche (où sur ma photo de 1991, se tient un morceau écroulé du chapeau)? Toutes ces précisions auraient pu être apportées par la moindre recherche d'un érudit régional qui serait allé enquêter auprès de la famille. Il n'est pas dit que cette enquête n'ait pas été menée (comme on le sent dans les recherches de Lanoux qui datent de 1990). Mais pour le moment, nous n'en avons pas entendu parler.

Raymond Guitet, les autoportraits, Jeanne d'Arc, De Lattre, ph.B.Montpied, 1991.jpg
Les deux statues autoprtraits de Guitet, Jeanne d'Arc et De Lattre de Tassigny au fond, ph.B.M., 1991

      Ce jardin était une merveille. Ses statues, son ordonnancement, l'idée de placer en son centre un bassin (quadrilobé, joli mot précis, n'est-ce pas Jean-Louis?) qui était rempli d'eau autrefois (on en voit sur les photos de Jacques Verroust), d'où émergeait l'étrave d'une barque avec un marin juché dessus brandissant une pagaie, et qui comportait, semble-t-il lui aussi une inscription que cite Patrick Riou dans son livre ("15 juin date mémorative") -peut-être un souvenir de combats auxquels Guitet aurait pu participer? Hypothèse que j'aventure... La naïveté de sa conception, de sa facture, naïveté rugueuse et non mièvre... comme je les regrette à présent que tout est parti à vau-l'eau. Son Leclerc qui ressemble encore un peu à un Golem, sa Jeanne d'Arc à quelque solide guerrier africain, et l'air quelque peu éberlué de son De Lattre ne donnent plus qu'un faible écho de ce que l'on ressentait en découvrant ce petit théâtre de verdure avec ses simulacres en plein vent.

Raymond Guitet, Le général Leclerc, ph.B.Montpied, mai 2008.jpg
Le général Leclerc, le haut de son buste au képi brisé, la ruine menaçant... ph.B.M., mai 2008
Raymond Guitet, Jeanne d'Arc, ph.B.Montpied, mai 2008.jpg
Jeanne d'Arc cernée par la végétation, ph.B.M., mai 2008 

     Je l'ai déjà égrenée la liste des statues anéanties, ou volées (ce qui est un des espoirs qui nous restent, que ces statues ressortent un jour sur quelque brocante, et c'est parfois la dernière solution qui reste lorsque toutes les bonnes volontés ont été épuisées pour sauver légalement un site dont les successeurs ne veulent rien faire), mais il faut la redire, en une litanie résignée: plus de singe au boulet et de serpent autour de l'arbre, "Crédit est mort" et bien mort..., plus de marin sur son esquif, où sont passés "les trois sages" qui "voyaient, entendaient tout, mais ne disaient rien" (et dont les conseils auront finalement été bien trop entendus)? Envolés... Plus de cirque miniature, plus de lièvre, plus aucun autoportrait de Raymond Guitet, plus d'animaux, dindons cocasses, vaguement ubuesques. Le terrain bâille à la mort, tout est déséquilbré, infirme, il ne reste plus que l'attente d'un coup de grâce...

1204489244.jpg
Le cirque est vide, le spectacle est fini, les fauves ont-ils été lâchés...? Ph.B.M., mai 2008
Tronc de Raymond Guitet, jardin de sauveterre-de-Guyenne, ph B.Montpied, mai 2008.jpg
Le tronc qui est encore aujourd'hui accroché au grillage de la clôture, photo B.Montpied, mai 2008: N'OUBLIE PAS LE CREATEUR...

 

      Bibliographie sur Raymond Guitet:

Jacques Verroust et Jacques Lacarrière, Les Inspirés du Bord des Routes, Le Seuil éditeur, Paris, 1978.

Patrick Riou, Les Jardiniers du Quotidien, ou l'art populaire dans le grand Sud-Ouest,  Patrick Riou, Toulouse, 1984 (vraisemblablement).

Bruno Montpied, Le Ciment des Rêves, une promenade chez quatre créateurs de sites naïfs ou bruts du Sud-Ouest [François Michaud, Gilis, Raymond Guitet et Gabriel Albert], in Plein Chant  n°44, Bassac, printemps 1989. Ce texte est émaillé de petites erreurs que j'ai plaisir à corriger aujourd'hui (attributions de noms erronés aux statues de Guitet, erreur sur le nom de Gabriel Albert, coquilles de l'imprimeur, n'en jetez plus)... Ce texte n'en reste pas moins le premier à parler de Guitet, les deux ouvrages précédents ne montrant que des photos sans apporter beacoupde commentaires. La briéveté de ma visite, ses conditions de clandestinité (nous avions tout de même sauté sans autorisation la petite clôture...), le fait que j'ai surtout photographié à tour de bras et filmé aussi en Super 8 ce jour-là (avec la crainte d'être embêté par les voisins), tout cela est grandement responsable des erreurs d'interprétation. Mes successeurs eurent beau jeu de les rectifier, à partir de ce premier jet. Mais il est vrai aussi que la vérité se construit à plus d'un.

Jean-Louis Lanoux, L'autre vie de Raymond Guitet, Bulletin de l'Association les Amis d'Ozenda n°44, septembre 1991. Dans cet article Jean-Louis concluait en demandant, optimiste comme on le connaît: "Alors, pour Raymond Guitet, une autre vie demain?". On a vu la réponse, hélas.... Cette autre vie risque fort de ne plus exister que dans nos mémoires, photographiques ou autres. Merci en tout cas à J2L qui s'est gentiment fendu pour notre blog de ses informations inédites sur Guitet.

(Il y eut d'autres personnes par la suite qui parlèrent un  peu de Guitet, mais rien de fondamentalement nouveau ne fut apporté, semble-t-il (mais nos lecteurs peuvent très bien nous communiquer d'autres références que nous n'aurions pas vues) ; on se contenta de publier des photos et de recopier platement ce qui avait déjà été écrit (sans citer ses sources bien entendu), je pense notamment au plumitif peu inspiré qui livra un texte sans relief dans Zon'Art n°5, au printemps 2001, "La curieuse zoologie de Raymond Guittet" (sic) )

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Rémy et Bruno virent du côté de la librairie Libralire

     Jeudi 5 mai, retenez cette date si vous n'en avez pas déjà assez de venir rencontrer Remy Ricordeau et moi-même autour du film Bricoleurs de paradis (le Gazouillis des éléphants) et du livre Eloge des jardins anarchiques. Nous ferons une projection au sous-sol de la librairie à partir de 18H30. Puis si les questions fusent, on fera un débat avec le public présent. Petite nouveauté dans le cadre de cette présentation, j'ai installé sur les murs de la librairie une mini expo de quinze photos de sites d'art brut, tirées au format 21 x 29,7 cm. Des affiches de format nettement plus grand complètent l'ensemble, de façon à frapper l'attention des visiteurs de la librairie. L'expo dure jusqu'à fin mai.

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Emile Taugourdeau, 1991, photo Bruno Montpied

       Voici la liste des créateurs dont l'oeuvre ou le portrait s'affichent actuellement sur les murs de la librairie : Fernand Châtelain (2002, avant la restauration du site), Jean Grard, Bohdan Litnianski, Arthur Vanabelle, Pierre Darcel, Alfonso Calleja, Emile Taugourdeau, Raymond Guitet, André Gourlet, René Escaffre, Baptistin Pastouret, M. Clément, Louis Licois, Alexis Le Breton, Bernard Aubert, André Pailloux.

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Bernard Aubert, Maine-et-Loire, 2009, photo BM

La librairie Libralire se situe au 116 de la rue Saint-Maur dans le XIe ardt à Paris. 

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Nouvelle diffusion de ”Bricoleurs de paradis (le gazouillis des éléphants)”

(Une mise à jour a été apportée à cette note primitivement publiée le 19 mars)

    Après France 3 Normandie en janvier qui a diffusé une première fois notre film Bricoleurs de paradis, c'est au tour de France 3 Bretagne et de France 3 Pays de Loire de nous faire un peu de place à nouveau sur vos écrans plats et autres vestiges cathodiques. Ce sera pour le samedi 26 mars à 15h25 sur les deux chaînes. Je me suis laissé dire que les heureux possesseurs d'un bouquet de chaînes contenant tous les FR3 (genre Free) pourront eux aussi voir le film, qu'ils soient à Marseille ou à Lille, voire à Biarritz, Paris, etc.

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Chez M. Roux, tournage des Bricoleurs de paradis, juillet 2010, ph.Bruno Montpied

 

    Et pour ceux qui le rateront et voudront se rattraper, il restera la possibilité de le voir en DVD en acquérant le livre Eloge des Jardins anarchiques, ils auront en outre en bonus divers documents qui ne seront pas diffusés sur les chaînes de FR3, comme une interview de Savine Faupin, deux petits films extraits de mes courts-métrages en super 8 des années 80 à 90 (sur Raymond Guitet et Marcel Landreau), et des fragments d'interview des élus que nous avions interrogés, Remy Ricordeau et moi, sur le site d'André Hardy, que nous fûmes, semble-t-il, donc les derniers à avoir filmé...

    Enfin, diverses projections sont en projet ici ou là. La première aura lieu le dimanche 3 avril à l'auditorium de la Halle Saint-Pierre, rue Ronsard dans le XVIIIe ardt de Paris, à 14h30 (merci à Julie Calver qui nous a posé la question en commentaire). Remy et moi, nous présenterons le film, et le livre, que je dédicacerai éventuellement aux personnes intéressées. L'Eloge sera en vente à la librairie de la Halle Saint-Pierre dès la semaine qui vient.

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Les éléphants qui gazouillent, actualités à la Halle St-Pierre et à Nice (Festival du Film d'Art Singulier)

      Cela fait quelque temps que je n'ai pas parlé de ce qui advient autour de mon livre, Le Gazouillis des éléphants, mon inventaire d'environ 300 environnements populaires spontanés français, aux éditions du Sandre. Il est utile peut-être de signaler aux retardataires, qui ne se le seraient pas encore procuré, qu'il est désormais officiellement épuisé, à la fois chez le diffuseur (Harmonia mundi) et chez l'éditeur...

      On peut cependant encore le dénicher chez les quelques libraires qui ont décidé d'en garder des exemplaires en cas de demande de dernière minute. Au premier rang desquels, on peut citer la librairie parisienne de la Halle St-Pierre qui en possède encore une petite vingtaine. Du reste, dans le cadre de la manifestation culturelle "Le Pari des librairies", je serai amené à dédicacer l'ouvrage à la Halle St-Pierre le vendredi 8 juin à 16 heures (ça se passe dans le hall) pour ceux qui voudraient l'acquérir.

      Le livre traîne dans d'autres librairies sans que je sache bien les identifier. On me l'a signalé récemment acheté à Sète, par exemple. J'ai vu un exemplaire qui "résistait" également au bout du rayon "art brut" de la librairie L'Ecume des pages à St-Germain-des-prés. Il est probable que le comptoir de livres de la collection de l'Art Brut à Lausanne en a encore quelques exemplaires...(?) Etc. Si vous en voyez ici ou là, n'hésitez pas à le signaler à mes lecteurs via les commentaires suivant cette note. Cela peut être un agréable jeu de pistes.

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     Une autre occasion se présentera plus tôt, dans une semaine exactement, le 1er juin prochain, à Nice, à la librairie Masséna (55 rue Gioffredo), de 19h à 20h30, pour parler de mon livre et pour le dédicacer également auprès des amateurs. La librairie aura une dizaine d'exemplaires à vendre. Je causerai du livre avec le libraire et l'animateur du festival de cinéma autour des arts singuliers, Pierre-Jean Wurst, qui m'invite à la fois pour cette soirée du 1er, et le lendemain matin aussi, le samedi 2 juin donc, dans l'auditorium du musée d'art moderne et d'art contemporain (MAMAC) de Nice, dans le cadre de l'association Hors-Champ. Entre 10h30 et 12h, je présenterai succinctement en effet quelques films sur des créateurs d'environnements que l'on peut retrouver dans mon Gazouillis, comme François Michaud, Jean-Marie Massou (rencontre de 1987), Raymond Guitet, Marcel Landreau, et Roméo Gérolami. Jugez plutôt du programme de ces festivités (je vous le mets aussi en lien vers un fichier pdf plus lisible):

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Programme du 21e Festival du Film d'Art singulier, juin 2018.

 

     Les trois créateurs, Massou, Guitet et Landreau, figurant à cette projection, furent filmés par moi en format Super 8 (du cinéma amateur, donc – ce qui suffit à me faire qualifier parfois du titre ronflant de "cinéaste", surtout après avoir lu la fiche qui a été consacrée au groupe, plus informel et éphémère qu'autre chose, Zoom back Caméra!, sur Wikipédia, auquel son auteur me fait appartenir d'une manière un peu "romancée"¹ ; voir aussi la fiche qui m'a été plus spécifiquement consacrée). Les deux films sur les deux derniers sont trouvables en DVD dans les bonus du film Bricoleurs de paradis qui fut joint à mon livre Eloge des jardins anarchiques, paru aux éditions L'Insomniaque en 2011. Le petit film sur Massou est désormais une rareté. Il fut tourné en effet en 1987, bien longtemps avant le film d'Antoine Boutet (certes infiniment plus professionnel...), à une époque où Massou, encore vigoureux, grimpait à mains nues aux arbres, ou descendait pareillement dans les excavations qu'il creusait comme une taupe humaine un peu partout sur son terrain lotois. Je l'ai assez peu projeté en public. Les dernières fois, ce fut sans doute d'ailleurs déjà dans ce même festival à Nice (voir le petit dictionnaire Hors-Champ de l'art brut au cinéma aux éditions de l'Antre, livre disponible à l'occasion du festival).

      Sinon, autre petite nouvelle concernant le Gazouillis, le livre a été offert par un de mes lecteurs, Laurent Jacquy (voir le blog Les Beaux dimanches), à un créateur présent dedans, José Leitao (voir sa notice du Gazouillis, trouvable à la région Picardie, département de la Somme). Ce dernier, qui s'était un peu arrêté de sculpter est, paraît-il, reparti de plus belle, encouragé, paraît-il par sa présence dans le livre. En tout cas, j'aime à le croire...

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José Leitao avec le Gazouillis des éléphants, mai 2018, ph. Laurent Jacquy.

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José Leitao, ph. Laurent Jacquy, mai 2018.

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¹ Le groupe "Zoom back, caméra!", que l'auteur de la fiche Wikipédia présente comme ayant eu des activités "entre 1974 et 1984", n'a pas réellement existé, en toute rigueur historique. Nous étions trois amis, qui faisions effectivement diverses expérimentations à cette époque, telles que décrites avec justesse dans la notice, mais sans s'être organisés réellement, formellement, en groupe avec un nom. Le nom de "Zoom back, caméra!" (emprunté je crois à une réplique du film de Jodorowsky, La montagne sacrée, qui nous faisait beaucoup rire, Jacques Burtin et moi)  ne fut proposé, en manière de plaisanterie surtout, comme si nous étions vraiment un groupe, qu'à l'occasion de la projection dans le cadre du salon lettriste Ecritures en 1977 au musée du Luxembourg.le gazouillis des éléphants,environnements populaires spontanés,éditions du sandre,halle saint-pierre,habitants-paysagistes naïfs,art immédiat Et jamais à une autre occasion! Nos expérimentations se passaient le plus souvent à deux, tantôt Jacques Burtin et moi, tantôt Jacques avec Vincent Gille. Les expérimentations à trois (une conversation automatique qui échoua lamentablement, des photographies de situations créées, une peinture collective de tableau, le Triangle) furent rares.

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Des jardins de fantaisie populaire à Dives-sur-Mer (presque) tout l'été

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      Je continue à présenter Bricoleurs de paradis (cette fois avec son réalisateur Remy Ricordeau), ainsi que mon livre Eloge des Jardins Anarchiques, le 10 juillet prochain à 20h à la Médiathèque Jacques Prévert de Dives-sur-Mer, dans le Calvados, ville où comme on sait se trouve la Maison Bleue d'Euclides da Costa Ferreira.

 

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Euclides da Costa Ferreira, détail au caméléon, dans les décors en mosaïque de "la Maison Bleue" à dives-sur-Mer, ph. Bruno Montpied, 2011 (pas dans l'expo)

       Cependant, il y a un bonus en supplément pour l'occasion, je prête également une petite exposition que j'ai conçue pour cette médiathèque, "Les jardins de fantaisie populaire", exposition prévue pour durer du 11 juillet jusqu'au 1er septembre.Emile-Taugourdeau,-masque-d.jpg Il y aura vingt photos de votre serviteur consacrées à divers sites d'inspirés du bord des routes (vingt sites différents: Châtelain, Litnianski, Jean Grard, Darcel, Taugourdeau, Calleja, Guitet, Gourlet, Escaffre, Pastouret, Clément, Licois, Le Breton, Bernard Aubert, Pailloux, Vanabelle, Jenthon, da Costa Ferreira, l'abbé Fouré, Bernard Roux),Clément,-un-schtroumpf,-boi.jpg plus quelques objets rescapés ou en provenance de divers sites (Taugourdeau, Pailloux, Clément, Céneré Hubert,Cénéré-Hubert,-Sans-titre-(.jpg Paul Waguet, René Jenthon, Donadello) et des affiches (des photos agrandies d'après le livre EJA). On pourra également se procurer  des exemplaires de mon livre en vente sur place (sous l'égide d'une librairie de Caen).Paul-Waguet,-sans-titre,-(r.jpg

 

Verso cart expo Dives.jpg


      Voici le texte qui est prévu pour accompagner l'expo (ici légèrement remanié):

       Le propos de cette petite exposition, montée en prolongement de la présentation le 10 juillet en cette même médiathèque de Dives du film de Remy Ricordeau, Bricoleurs de paradis (Le Gazouillis des éléphants), film inséré dans le livre Eloge des Jardins anarchiques de Bruno Montpied, est d’inviter à une balade et à une prise de conscience face aux créations de plein vent qui sont disséminées discrètement à travers le territoire de la France. Œuvres de gens du commun, le plus souvent commencées à la retraite, comme par un désir de clamer au monde que non, tout n’est pas fini, ces espaces « corrigés » sont variés. On rencontre ainsi des mosaïstes de bouts d’assiette, comme da Costa Ferreira, bien connu à Dives-sur-Mer, des jardins de statues naïves, des accumulations d’objets et de matériaux hétéroclites, des installations en maquettes de tanks, canons, ou monuments du monde entier réassemblés dans un nouvel ordre, des rochers sculptés, des branches interprétées, des arboretums semés de plaisanteries taillées dans le granit, un jardin comme un conte d’Andersen, une forêt de moulinets multicolores, le vélo extraordinaire, sculpture ambulante, de M. Pailloux en Vendée, un habitat troglodytique couvert de bas-reliefs, un autre à thématique mythologique, des jardins « zoologiques », etc.

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Aubade pour taureau (cornemuse, guitare, accordéon) par Alexis Le Breton, ph. BM, 2010 (pas dans l'expo)

         Les ouvriers, les artisans, les paysans s’abandonnent à leur fantaisie, dans un espace intermédiaire entre habitat et route, entre chez eux et chez tous, dans une sollicitation de leur imaginaire qui se déploie à la fois intimement, comme dans les œuvres de l’art brut, et pour être montrée au vu et au su de tous ceux qui passent (sans qu’il soit nécessaire d’entrer). Ils font de l’art, puisqu’ils sculptent, peignent, bâtissent, assemblent, collent, sans être pour autant des artistes (au sens convenu du terme, et notamment marchand). Ils le disent, ils sont avant tout des créateurs modestes, ne voulant pas se distinguer du commun des mortels, ils créent sur place pour se donner des fêtes à eux-mêmes et aux passants, dans une geste gratuite, toute de dépense sans autre contrepartie que la reconnaissance de ceux qui les visitent. Ils ne vendent généralement pas leurs travaux qui font partie de leur vie, ils se sont peut-être assez vendus comme ça durant leur vie de labeur. Ils se donnent le luxe de ne pas se lancer dans un petit commerce sur le tard. Ils ont une galerie en plein vent où il n’y a pas de marchandise (ou alors, très marginalement).

         Ils le savent, c’est le temps de la création qui est le meilleur de la vie.

        Da Costa Ferreira le savait, lui qui n’eut jamais d’autre richesse. Venez voir ses frères et sœurs qui sont plus nombreux que l’on aurait cru.

      Mais il ne faut pas oublier que la majorité de ces sites sont sur des terrains privés pas nécessairement ouverts aux visites. Dans ce domaine, il faudra faire preuve de tact et de respect à l’égard de créateurs atypiques montrant leur art sans inviter nécessairement à l'envahir…

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03/07/2012 | Lien permanent

Recoins n°2, Des fous de Tolbiac à Aubert d'Antignac

    Vient de paraître juste avant la grande migration estivale le n°2 de la revue Recoins qui se consacre, comme il est dit dans son sous-titre, aux arts, belles lettres et rock'n roll. Enfin, pas tout à fait seulement à cela. Cette revue, éditée à Clermont-Ferrand, et qui se qualifie aussi de "revue moderne d'arrière-garde", outre de nombreux articles sur le rock, la publication d'une bande dessinée, quelque détour vers la boxe pratiquée dans les rues du New-York du XIXe siècle, publie cette fois-ci (voir la recension succincte que j'avais déjà faite du n°1 dans mon Billet du Sciapode dans Création Franche n°26) plus d'articles concernant les sujets qui nous sont chers, à savoir le surréalisme, les environnements spontanés de bord des routes, et la littérature tournée vers les moeurs populaires qu'elle soit liée aux plus fous ou aux plus champêtres des figures du peuple.

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   Au chapitre du surréalisme, Anna Pravdova nous donne une présentation instructive de Tita, jeune surréaliste tchèque qui a fait partie du groupe surréaliste de La Main à Plume, groupe de jeunes gens qui eurent à coeur de poursuivre vaille que vaille l'activité surréaliste dans la France occupée, pendant que leurs aînés, plus connus, avaient fui ou se cachaient, poursuivis ou menacés qu'ils étaient par le régime vichyste. Ces jeunes gens commencent désormais à mieux émerger de l'ombre où on les a longtemps tenus. A noter qu'un n° spécial de la revue Supérieur Inconnu, dirigée par Sarane Alexandrian et Marc Kober, et publiée tout récemment (printemps-été 2008, n° consacré à "la vie rêvée"), évoque elle aussi un autre membre de La Main à Plume, Marc Patin, en publiant deux récits de rêve avec leur analyse par l'auteur. Marc Patin, dont Tita illustra de dessins deux plaquettes de poèmes. Anna Pravdova nous révèle dans cet article la fin exacte de la jeune peintre juive qui fut arrêtée durant la tristement célèbre rafle du Vél d'Hiv, et déportée à Auschwitz via le camp de transit de Drancy.

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Une danseuse solitaire dans une guinguette de Champigny-sur-Marne, vue par B.Montpied en 1989 (pour s'associer avec l'évocation ci-dessous ; photo non éditée dans Recoins)

   "Quatre fous de Tolbiac", tel est le titre d'un texte absolument remarquable (et je vous prie de croire que ce n'est pas parce qu'il s'agit là d'un vieil ami que je dis cela) de Régis Gayraud sur des souvenirs (en réalité, plus que cela) relatifs à des figures de la rue parfaitement saisissantes, et angoissantes pour certaines d'entre elles. Il s'agit là, pour reprendre un terme cher à Mac Orlan et à Robert Giraud de pur fantastique social. Ecrit dans un style dépouillé (bien éloigné du style des années 80, que l'auteur qualifie lui-même de "maniéré", tout en phrases longues, et bourré d'excès divers, que je connais bien pour en avoir publié dans ma revuette La Chambre Rouge, vers 1984, quelques morceaux choisis, comme Faire chou blanc, plaquette tirée à part...), nous faisons connaissance avec quatre figures inoubliablement campées par Régis. Elles entrent de plein droit dans une longue tradition d'évocation littéraire des figures de la rue, qui nous est personnellement très chère.  Cela faisait fort longtemps que Régis Gayraud n'avait pas repris la plume de façon plus directement créative et surtout de façon publique. On le connaît en effet davantage comme traducteur de russe et essayiste, spécialiste du poète-éditeur Iliazd (comme le commentaire qu'il nous a laissé récemment le laisse deviner). On ignore -et c'est très dommageable- qu'il est un écrivain de première force, à la personnalité hors-norme et baroque, pourvue d'un humour parfois féroce...  Ce texte à lui seul vaut l'achat de ce n°2 de Recoins.

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La maison de François Aubert à Antignac, avec l'entrée du musée minéralogique derrière la porte à tête de mort, photo B.Montpied, 2003 (reproduite dans Recoins

     Un autre texte vaut cependant également le détour, l'évocation documentée et fouillée par Emmanuel Boussuge (par ailleurs directeur de la publication) de la vie et de l'oeuvre du maçon créateur d'environnement spontané François Aubert à Antignac, dans le Cantal (agrémentée de quelques-unes de nos photos faites en accompagnant Emmanuel sur les lieux). Cette mini monographie, s'appuyant sur des souvenirs et des documents confiés par la fille de François Aubert, ainsi que des témoignages d'une érudite locale, Odette Lapeyre, restitue assez bien le cas Aubert. Ce dernier a laissé derrière lui une maison décorée de bric et de broc, avec des animaux en ciment armé de style naïf, un musée minéralogique (point commun avec le facteur Cheval qui comme on sait avait donné pour vocation à son Palais Idéal, dans les débuts, d'abriter un musée de pierres trouvées), une architecture employant des matériaux jurant les uns avec les autres, mariant l'intention farceuse au goût du désordre provocateur. Maison à vendre aujourd'hui et en péril (les statues ont été aujourd'hui cependant mises en lieu sûr, suivant la solution du "déplacement" -chère à Patricia Allio, voir le cas de Jean Grard- et sage décision si l'on se réfère à d'autres sites, comme ceux de Gabriel Albert en Charente, de Raymond Guitet en Gironde ou encore d'Emile Taugourdeau dans la Sarthe). Nous reviendrons personnellement, avec notre propre vision, sur le site de François Aubert à une autre occasion. Je renvoie pour l'heur les lecteurs à ce n°2 de Recoins décidément fort riche.

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La maison de François Aubert, vue de la route, côté droit ; photo B.Montpied, 2003 (inédite)

Coordonnées pour acquérir la revue:

Sur Paris, on est sûr d'en trouver quelques exemplaires à la librairie incontournable de la Halle Saint-Pierre, rue Ronsard, 18e arrondissement. Sinon on la commande à Recoins, 13, rue Bergier, 63000, Clermont-Ferrand. (Contact e-mail: revuerecoins@yahoo.fr). Prix au numéro: 6€, abonnement 4 numéros: 20€ (+ toujours le "formidable cadeau"...).

   

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André Bindler, un sauvetage remarquable

 

    J'avais remarqué à la parution du Guide de la France Insolite de Claude Arz (1ère édition, 1990, le site disparut à la seconde édition) un très étonnant site accumulatif à Sickert en Alsace dû à un ouvrier-paysan (tisserand, puis régleur de machines dans l'industrie textile) appelé André Bindler. C'était du reste un des rares lieux cités dans le bouquin qui fût quelque chose d'inédit, le reste étant une habile compilation de découvertes faites par d'autres chercheurs mélangées à des évocations de sites mystico-baba-new age à la mords-moi-l'noeud...

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    Une association "Traces+Signes Sundgau", animée entre autres par Jean-Claude Altoe et aidée par Bernard Chevassu (très grand défenseur de nombreux sites et environnements situés dans l'est de la France, quand est-ce qu'il réunira en un seul livre tous ses articles sur la question?), avait déjà exposé Bindler à l'occasion de l'exposition "Art autre, autre art" en 1982 à Altkirch (une maquette de bateau assez "brute"). Mais c'était à peu près tout, à ma connaissance bien sûr (si l'on excepte bien sûr les articles de presse régionale qui sont légions sur ces environnements et autres créations d'autodidactes).

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Le site de la maison d'André Bindler, dite du "musée de la Doller", l'entrée du "musée" se distingue en haut à gauche surmontée d'un arceau (photo 1991, publiée sur le site de Marc Grodwohl). A gauche encore le pignon dont on voit l'agrandissement plus bas dans cette note (photo sur la couverture de "Tours et détours à l'Ecomusée d'Alsace")

   L'environnement créé par Bindler (né dans les années 20) est tout à fait remarquable. Fait d'une accumulations d'objets installés sur les murs de sa ferme et de statues d'hommes ou d'animaux souvent peints en bleu (de style plus naïf que brut, le cerf y étant un motif récurrent), de décorations peintes au pochoir sur les murs,  il est principalement consacré à l'évocation de son pays et de ses habitants, qualifiés sous le terme générique du "Sickertois". C'est le premier thème, car secondairement il a aussi chanté les louanges de certains grands hommes en les statufiant naïvement, notamment les officiers rendus célèbres par la libération de la France (Leclerc, De Lattre de Tassigny, De Gaulle..., les mêmes qu'on retrouve dans le site de statues naïves dues à Raymond Guitet à Sauveterre-de-Guyenne, réalisé plus tôt, juste après la Seconde Guerre, alors que le site de Bindler a été créé de 1979 à 1992).

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André Bindler, galerie des Grands hommes, Ecomusée d'Alsace (photo publiée sur le site de Marc Grodwohl)

    Il s'est aussi livré à des facéties (des statues de"buveurs de bière", censées caricaturer gentiment les Allemands avec qui les Alsaciens entretiennent des rapports ambivalents). Il s'intéressait aussi à des sujets plus exotiques, de même qu'il éprouvait un véritable amour pour la nature (nombreuses statues animalières). Son environnement était qualifié par lui de "musée de la Doller", du nom de la vallée où il vivait. Doit-on entendre aussi par en dessous "musée de la douleur"...?  Je me hâte de préciser que rien ne paraît  le confirmer dans les sujets traités.

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André Bindler devant le groupe des "Buveurs de bière", avant le transfert de l'environnement, 1991, document Marc Grodwohl

   Il a renversé de façon amusante un certain ordre muséographique en exposant dans des galeries couvertes des éléments naturels (souches, branches tordues, racines...) qu'il a interprétés, alors que ces éléments proviennent du monde extérieur, perpétuellement à l'air libre, alors qu'il laissait ses statues et certaines de ses maquettes (Notre-Dame-de-Paris, Tour Eiffel, décidément très à l'honneur chez les créateurs populaires d'environnements) dehors, à la merci du climat. A propos de maquettes, il en a confectionné plusieurs, une vingtaine de maisons de son village, plusieurs églises, qu'il exposait dans une galerie décorée de masques grotesques (Voir ci-dessous, photo site Marc Grodwohl)

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   Et ce qu'il y a de formidable avec cet environnement, c'est le sauvetage auquel il a donné lieu. Sauvetage n'est peut-être pas  le mot adapté du reste, car le site n'était pas encore en péril lorsqu'il fut transféré  avec l'accord de son auteur par des bénévoles sous la direction du passionné Marc Grodwohl, directeur et fondateur depuis des années de l'Ecomusée d'Alsace à Unguersheim (il ouvrit en 1984) sur le site de l'Ecomusée (le site fut remonté dans une disposition équivalente et restauré respectueusement avec la supervision et l'accord d'André Bindler). Il faut dire que cet Ecomusée est un projet merveilleux, ayant déjà sauvé entre autres objets, monuments et architectures rurales, par exemple le célèbre carrousel-salon Demeyer à la façade sculptée par Gustave Bayol, connu pour ses petits cochons et chevaux de manége forain. Ce n'est pas un écomusée comme les autres, car il est bien plus ouvert sur l'ensemble des aspects de la créativité populaire, ne se limitant pas aux seuls outils ou objets rustiques par exemple.

   Le récit du transfert, l'analyse du site avaient déjà fait l'objet d'une petite brochure vendue sur place.3c0a028129ccee1f8b7d0a8c86e5fca7.jpg Depuis que M.Marc Grodwohl a malheureusement été licencié de la direction de l'Ecomusée l'année dernière, il a créé un site, auquel nous renvoyons vivement les lecteurs de ce blog (il est tout à fait passionnant à lire, je pense que Belvert en aura peut-être déjà entendu parler...), et où l'on retrouve ces textes, enrichis de nombreuses mises à jour (ainsi que de nombreuses autres photos). A noter également que Marc Grodwohl tente une enrichissante confrontation avec un autre site, canadien, celui de Georges Racicot, qu'il associe nommément à "l'art indiscipliné" québécois (une connection s'est donc faite entre Marc Grodwohl et la Société des Arts Indisciplinés? On aimerait  des commentaires là-dessus). En parcourant le site de Marc Grodwohl, on découvre que comme par hasard il fait aussi référence à la collection Humbert (ainsi qu'à la Société des Arts Indisciplinés), références donc communes avec Le Poignard Subtil.

    Donc, il est prouvé qu'en France, pourvu qu'un terreau culturel existe, favorable à l'art populaire sous toutes ses formes (car trop d'amateurs d'arts et de traditions populaires  restent hermétiques à l'art brut et aux habitants-paysagistes qu'il regarde avec condescendance), des entreprises de sauvegarde patrimoniale sont possibles, sans atermoiements inutiles pour cause de difficultés bureaucratiques ou financières (je pense à ces imbroglios, ces stagnations qu'on constate du côté des communes propriétaires des sites dans leurs rapports avec les Monuments Historiques). La passion bénévole soulève les montagnes bien souvent. On l'a déjà constaté à la Fabuloserie par exemple, avec le sauvetage du merveilleux Manège en fils de fer et tôles de Pierre Avezard.

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Georges Racicot, détail de son site (montré dans l'article de Marc Grodwohl)
  

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05/07/2007 | Lien permanent

Causerie pour situer François Michaud parmi les autres environnements spontanés

    "François Michaud, première trace des environnements spontanés populaires. Sa proximité avec les autres créateurs autodidactes de son temps, et ses successeurs au XXe siècle. L'environnement spontané, un art de l'immédiat à part entière, illustré par de nombreux exemples choisis en France", tels sont le titre et les sous-titres de la causerie que je vais être amené à faire à la Maison de la Pierre, à Masgot même, dans la Creuse, berceau de l'oeuvre de ce tailleur de pierre, créateur du plus ancien des environnements spontanés qui nous aient été conservés en France, puisque commencé dans les années 1850-1860 et achevé sans doute avec la mort de son auteur en 1890 (il était né en 1810, ce qui en fait un phénomène de longévité en ce XIXe siècle impitoyable pour les gens de peu). Cela aura lieu le samedi 9 mai prochain à 20h30.

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Masgot, c'est sur la commune de Fransèches, entre Aubusson et Le Moutier-d'Ahun dans la Creuse...

       Je donne à la suite le plan que j'ai rédigé pour l'association des Maçons de la Creuse, animée notamment par Roland Nicoux, afin qu'on se fasse une petite idée de la tournure de cette conférence (que devraient accompagner pas moins de 190 photos... Mais j'ai sans doute compté trop large!):

François Michaud

Premier d'une tradition de créateurs autodidactes d'environnements en plein air 

         Il s'agit de resituer le décor du village de Masgot du tailleur de pierre François Michaud dans le contexte général des environnements populaires spontanés qui ont fleuri en France depuis deux siècles au moins. Ces créateurs d'environnements sont parfois aussi appelés « Inspirés du bord des routes », « bâtisseurs de l'imaginaire », ou encore « habitants-paysagistes ». L'environnement de Michaud, avec ses statues exposées sur les clôtures autour de ses maisons, est actuellement le plus ancien de ce type à avoir été conservé en France.

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Cave sculptée de Dénezé-sous-Doué (Maine-et-Loire), XVIe ou XVIIe siècle

         La causerie, constamment illustrée d'images numérisées (190 au total) s'attachera d'abord à présenter les environnements ou les sculptures populaires qui ont été repérés avant la période où fut décoré Masgot, grottes sculptées, croix de chemin, chapelle naïve d'un sculpteur solitaire prés de Gap, linteaux rustiques, bas-relief, sculptures par d'autres tailleurs de pierre et hommes du peuple, etc...

          Nous glisserons ensuite vers la présentation de quelques œuvres de Michaud histoire de se les remettre dans l'œil avant de montrer un ensemble aussi vaste et varié que possible d'autres pièces créées dans des jardins d'inspirés et d'originaux en tous genres. Dans un premier temps, la causerie se focalisera sur des thématiques, les « Barbus Müller », ou le thème de la sirène par exemple, présente dans l'œuvre de Michaud et souvent traitée dans plusieurs autres environnements apparus au XXe siècle (chez Fernand Châtelain dans la Sarthe, Hippolyte Massé aux Sables d'Olonne, René Escaffre dans le Lauragais, Martial Besse dans le Tarn-et-Garonne, René Jenthon dans l'Allier, Alfonso Calleja sur le bassin d'Arcachon, ou Remy Callot dans le Nord).

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Sirène de Martial Besse à Bournel (Lot-et-Garonne), ph.Bruno Montpied, 1991 (le site a aujourd'hui disparu)

         Napoléon est un autre thème très présent à Masgot, il rejoint la légende napoléonienne telle que l'ont illustrée de nombreux sculpteurs populaires, anonymes ou non, au XIXe siècle (comme le sabotier Jean Molette dans le Rhône par exemple). Cette façon d'afficher ses admirations pour des personnalités célèbres en sculptant leurs effigies dans le décor de sa vie quotidienne se rencontre chez nombre de créateurs d'environnements, et ce de tous temps (voir les environnements de Gabriel Albert en Charente, Emile Taugourdeau dans la Sarthe, Raymond Guitet dans l'Entre-Deux-Mers). Il est à noter que de nombreux sculpteurs autodidactes ont aussi taillé des monuments aux morts, de façon naïve, comme Michaud lorsqu'on lui passa commande d'un buste de Marianne pour la mairie de Fransèches. Une sélection de quelques monuments aux morts naïfs sera ainsi présentée.

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Monument aux morts dû à Claude Morillon, tailleur de pierre, à Vallenay (Cher), ph.B.M., 1998

          Une petite parenthèse sera ouverte pour présenter également les sites naïfs ou bruts réalisés par des ecclésiastiques excentriques, contemporains de François Michaud, comme l'abbé Fouré dans l'Ille-et-Vilaine, ou l'abbé Paysant dans l'Orne. On les rapprochera de l'humble mystique que fut Raymond Isidore, dit Picassiette, au siècle suivant.

         Le Palais Idéal de Ferdinand Cheval dans la Drôme sera l'occasion de montrer que les autodidactes inspirés ont su aussi s'attaquer à des projets plus nettement architecturaux. S'inspirant parfois les uns des autres, comme dans le cas de Charles Billy dans le Rhône qui, inspiré par le facteur Cheval, dressa autour de sa villa un vaste collage de maquettes en pierre imitant des bâtiments célèbres du monde entier. L'architecture excentrique populaire peut parfois revêtir des aspects tour à tour muséaux (exemple du Castel Maraîchin à Croix-de-Vie en Vendée avec ses moulages à vocation pédagogique et encyclopédique, ou la maison de François Aubert dans le Cantal avec son musée minéralogique), ludiques (Camille Jamain en Touraine, ou Ludovic Montégudet dans la Creuse, créateurs de parcs de loisirs bricolés naïvement avec attractions faites main), parfois farceurs (Alphonse Gurlhie en Ardèche).

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L'Etang Fleuri réalisé par Ludovic Montégudet à Lépinas dans la Creuse, carte postale de 1969

         Parmi les créateurs d'environnements, la causerie a choisi de se concentrer sur les créateurs de statues puisque Michaud en a lui-même réalisé un certain nombre. Ces hommes simples rassemblent sur des terrains plantés d'arbres et de fleurs, dans une scénographie étudiée, pêle-mêle, hommes célèbres ou personnifications de métiers, comme chez André Hardy dans l'Orne, Charles Pecqueur ou Léon Evangélaire dans le Nord, Marcel Debord dans le Périgord.

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Léon Evangélaire à Pont-à-Vendin, Pas-de-Calais, ph.B.M., 2008

         Puis la causerie se déplacera insensiblement vers des environnements aux styles plus caractérisables dans le sens de ce que l'on appelle l'art brut, permettant au public de se faire une idée des distinctions possibles entre ces catégories aux limites poreuses que sont l'art naïf, l'art populaire et l'art brut. On verra ainsi des pièces venues des sites d'André Morvan dans le Morbihan (souches d'arbres et branches assemblées de manière anthropomorphe dans un style arcimboldesque), Jean Grard et ses manèges, statues et maquettes colorées et enfantines en Bretagne, Arthur Vanabelle dans le Nord avec ses canons et ses chars construits avec des matériaux recyclés afin semble-t-il d'exorciser le souvenir de la guerre vécue lorsqu'il était enfant, les statues de silex collés de Marcel Landreau à Mantes dans les Yvelines, le jardin de déchets accumulés de Bohdan Litnianski dans l'Aisne, le jardin aux girouettes et vire-vents de Monsieur P. en Vendée, le jardin du forgeron Maurice Guillet faisant de l'art moderne en autodidacte, ambition originale, ou encore le jardin de bidules emberlificotés d'Yves Floch en Normandie. Pour finir, seront présentées quelques sculptures d'Auguste Forestier qui en dépit du fait qu'elles sont rangées usuellement dans le corpus de l'art brut présentent de forts rapports de cousinage avec l'art populaire.

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Saynète sculptée par Jean Grard à Baguer-Pican, Ille-et-Vilaine, ph.B.Montpied, 2001

     

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28/04/2009 | Lien permanent

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