30/03/2008
La photographie inventive à travers la carte postale de fantaisie, une expo parisienne que vous ne devriez pas manquer
"La photographie timbrée, l'inventivité visuelle de la carte postale photographique, à travers les collections de cartes postales de Gérard Lévy et Peter Weiss", tel est le titre exhaustif de l'exposition consacrée à la carte postale fantaisie au Jeu de Paume site de l'Hôtel de Sully, prévue pour durer du 4 mars au 18 mai 2008 et organisée conjointement avec le Museum Folkwang d'Essen en Allemagne. Le commissaire de l'exposition est Clément Chéroux, qui avait déjà collaboré à des expositions fort curieuses comme Le Troisième Oeil, la photographie et l'occulte, qui s'était tenue en 2004-2005 à la Maison Européenne de la Photographie à peu près dans le même quartier que l'Hôtel de Sully, à Paris (exposition sur la photographie de fantômes, d'esprits ou de matérialisations (ectoplasmes) venues soi-disant de l'au delà...). Il est également l'auteur d'un petit livre paru naguère chez Actes Sud sur la photographie chez Auguste Strindberg.
C'est dire l'intérêt de ce chercheur pour les formes bizarres de la création photographique. Plaçant son travail sur les cartes postales de l'époque 1900 sous les auspices d'une tendance récente de la réflexion sur la photographie qui "consiste à interroger [cette dernière] en fonction de son support de diffusion", Clément Chéroux profite de cette exposition pour montrer les relations très fortes qui unirent les créateurs souvent anonymes des photographies de cartes postales avec différents artistes d'avant-garde, comme les dadaïstes (Hannah Höch) ou les surréalistes, dont Paul Eluard. Le Musée de la Poste, il y a quelques années (en 1992-1993), avait déjà présenté, parmi d'autres collections de cartes postales, celle qu'avait amassées ce dernier entre 1929 et 1932 (voir le catalogue de l'expo "Regards très particuliers sur la carte postale", avec un texte de José Pierre sur la collection Eluard où il rapproche la passion des cartes postales de la recherche du poète qui devait l'amener à son anthologie poétique de 1942 où il mettait en parallèle ce qu'il appelait la "poésie intentionnelle" -la poésie des écrivains- avec la "poésie involontaire" -la poésie populaire ou de ready-made, les littératures orales, etc.).
La carte postale a été le premier support permettant de diffuser en masse la photographie vers un vaste public, il n'est pas étonnant d'apprendre que les surréalistes (notamment Georges Hugnet) songèrent à éditer leurs oeuvres et l'expression de leurs recherches sous forme de série de cartes postales. Ce qui nous enseigne que les surréalistes de l'époque furent soucieux d'organiser la diffusion de leur poétique d'une façon qui permettrait d'atteindre le grand public (sans passer par un diffuseur centralisé qui n'existait pas encore alors et dans une société du spectacle qui n'en était qu'à ses balbutiements).
L'exposition présente un certain nombre de cartes postales dites "fantaisie", genre choisi en raison de l'imagination dont elles faisaient preuve en recourant à de multiples techniques nécessaires pour permettre de tenir en haleine l'intérêt du public (un grand choix de ces dernières est proposé dans le très beau catalogue qu'il ne faut pas manquer d'acquérir). Elles sont regroupées en trois sections: les cartes postales produites par des éditeurs, celles produites par des studios photographiques (par exemple les fameux portraits de groupe dans des décors où les clients passaient la tête, voir la carte avec les têtes d'Eluard et de Breton ci-dessus...), et enfin les cartes produites par des amateurs, encouragés par l'industrie photographique de l'époque qui mettait à leur disposition des papiers au format cartes postales sur lesquels ils pouvaient coller leurs propres réalisations.
C'est ainsi qu'on peut découvrir toutes sortes de récréations visuelles, insolites souvent mais non dénuées parfois de vulgarité, ou d'un certain sentimentalisme, dérivant d'une culture de masse voguant au ras des pâquerettes (la facilité n'étant bien entendu pas toujours absente des goûts populaires, nos médias actuels l'ont compris depuis longtemps en surfant sur les plus petits communs dénominateurs de leurs différents publics). Cette vulgarité prend parfois des aspects humoristiques à interprétation immorale comme dans le cas de ce légume terriblement sexué où passe l'écho de l'esprit carnavalesque et rabelaisien.
On y aime aussi beaucoup les décapitations, le décapité portant son chef sur un plat ou au fond de son panier. Les dédoublements, les permutations entre les sexes, les disproportions, les déformations (bien avant les distorsions d'un Kertesz), les formes grotesques se font nombreuses aussi, parfois en écho à des traditions présentes dans l'imagerie populaire et le folklore depuis bien plus longtemps que l'invention de la photographie. Je pense à cet ensemble de trois cartes postales illustrant à l'évidence le thème du "Monde à l'envers" que les anciennes gravures sur bois avaient déjà passablement mis à l'honneur dans les siècles précédents, ou bien à ces cartes esthétiques traitant des proverbes ou des expressions populaires, relatives au "panier percé", aux "poires", au "rasoir", aux cornes (de cocus), etc.
Les photomontages y règnent en maîtres, bien avant John Heartfield et les dadaïstes ou surréalistes, prophétisant avant la date les inondations de Paris en 1910 et créant par des rapprochements hétéroclites (la mer aux pieds de la Tour Eiffel) une poésie du détournement et de l'utopie urbaine qui précède d'un demi-siècle les embellissements surréalistes ou situationnistes de Paris (par exemple).
21:00 Publié dans Art immédiat, Art populaire insolite, Images cachées, images délirantes?, Paris populaire ou insolite, Photographie, Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies, Surréalisme | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : photographie insolite, cartes postales fantaisie, hôtel de sully, la photographie timbrée, clément chéroux, poésie naturelle, andré breton | Imprimer
Commentaires
Bravo, cher LPS pour toutes ces riches notes... Trop de retard dans mes programmes ne me permet pas actuellement de marcher l'amble avec vous ou Miss A.
Le printemps est bien arrivé, mais le cœur n'y est pas encore.
Cordialement.
M.V.
Passez le bonjour aussi à votre pote, l'homme au B .b !
Écrit par : Le Pilote de Belvert | 30/03/2008
Répondre à ce commentaireOh, monsieur le pilote, les feuilles sont déjà dépliées à Paris, la verdure travaille dessous la neige fondue, il est temps de repartir bientôt sur les routes... avec bob, obviously.
Et que devient le jardin de Maître Gabriel, après une année supplémentaire d'usure, de crevasses, de gel, j'en passe et des pires...? La bureaucratie continue-t-elle son oeuvre de mort?
Le Poignard continue de lire Belvert, même si pour le moment il n'y trouve que peu de miel pour sa paroisse.
Cordialement de la part du sciapode et de l'homme au b.b.
Écrit par : Le sciapode | 31/03/2008
Répondre à ce commentaireAlors changez ou de paroisse ! ou de Kuré ! cher BOBo... Vous me paraissez bien difficile, il y a des premiers, deuxième, troisième, et par récurrence nième degré de lecture... Je ne fais pas un blog uniquement pour un claudicant à pied unique, ni pour une Miss vénitienne, voyons. C'est une centaine de visiteurs uniques par jour qui viennent prendre le fraîs au jardin de Belvert. Mais que voulez-vous, avec la Dame des lieux malade, la Mère de la Dame malade en Hôpital et un pilote qui a du plomb dans l'aile, ne me demandez pas l'impossible... Et puis dans votre genre sciapodique vous êtes inégalable, ce que je mesure à la toise du punching d'Ani...
Je vous lis, mais vous, vous naviguez au-dessus des cirrus, tandis que moi, bouseux-plouc, je dois gérer une armada folkloriquement enracinée... celle-là même qui produit les œuvres populaires que vous chérissez tant. Bref.
Je vais auprès de ma malade.
Ah oui, le JdG ? la situation étant devenue absconse, et les bureaucratismes en jeu jouant sur le très long terme vous n'êtes pas au bout de vos spéculations qui n'égaleront jamais en suppositions les réalités que mézigue doit porter dans sa hotte... percée.
Écrit par : Le Pilote de Belvert | 31/03/2008
Répondre à ce commentaireC'est parce que je suis réaliste que je demande l'impossible (ici, un petit hommage aux 40 ans de mai 68, ça fait pas mal dans le décor du printemps).
Quant à votre "centaine de visiteurs uniques", j'ai l'impression que tout le monde l'a, cette fameuse "centaine", moi, j'approche en moyenne les 150. Na, na, nère...
Bons voeux de rétablissement à la co-pilote, cela dit. Je retourne à mes cirrus (avant qu'arrive la cirrhose?).
Écrit par : Le sciapode | 01/04/2008
Répondre à ce commentaire150 ! whaou ! avez-vous pris en compte les fois où vous y allez vous-même, chenapan ?
En tout cas mille bravos. Avec Animula et votre LPS, vous êtes l'honneur des blogs"art brut". Je vous félicite tous deux. C'est un plaisir de vous lire et l'un et l'autre; et votre émulation fait plaisir à voir...
Moi, je suis en période d'étiage pour les raisons ci-dessus exposées.Pour le JDG, je vous narrerai, mais seulementr de vive voix ! C'est too much !
Écrit par : Le Pilote de Belvert | 02/04/2008
Répondre à ce commentaireJ'ai compté que depuis hier j'ai dû aller sur le LPS une quinzaine de fois. Donc, une fois enlevé lui-même et ses groupies...
RG
Écrit par : régis gayraud | 02/04/2008
Répondre à ce commentaireJe vous l'avais dit ! Tiens la preuve est là ! Ne la lâchez pas cher H.o.B.
Comme Ani, vous êtes monovalents, mais moi, hélas, je suis polyvalent, alors je n'ai pas de groupies comme vous, mais des censeurs, comme vous envers moi !..
C'est dur.
Écrit par : Le Pilote de Belvert | 02/04/2008
Répondre à ce commentaireAh là, là, là, ce que nos proches amis peuvent être parfois mauvaise langue et jaloux, c'est pas croyable...
Alors, je donne des précisions, je fais dans la transparence, je communique, comme disent les escrocs, et vous balance mes chiffres de statistiques, tels que Hautetfort (tout un programme ce nom, hein, Régis...?) les transmet à chaque administrateur de blog qui se respecte.
En mars, d'après eux, j'ai eu dans tout le mois 5210 visites, dont moi et mes groupies comme dirait le Régisson, vous allez voir combien ça fait une fois que je vous aurai dit que là-dessus je peux compter 4155 visiteurs "uniques", c'est-à-dire autant d'adresses d'ordinateurs uniques, de n° d'IP uniques. Si je fais une soustraction, pour le mois, cela donne 1065 visiteurs multiples sur les 5210, le cinquième en gros (c'était plus proche du quart en février).
En moyenne, cela donne 134 visiteurs uniques par jour (168 visiteurs non eunuques, euh... non uniques).
Depuis la création du blog (juin 2007), les chiffres suivent une évolution ascendante. Je ne sais pas quand cela s'arrêtera (ici, je repeigne la mèche inexistante sur mon front, avec détachement et un air supérieur)...
Alors, les mauvaises langues, vous les remettez dans votre poche ou vous les avalez?
Écrit par : Le sciapode | 03/04/2008
Répondre à ce commentaireBravo Bruno 8 Vravo LPS 8 Vous êtes vraiment un "bon public !" Vous ne marchez pas, vous courez. Attention de ne pas perdre votre BOob. Bien sûr vous méritez pleinement ce taux de chalandise et ça me fait très plaisir, puisque je me souviens, vous n'osiez pas vous lancer dans l'aventure, et maintenant c'est l'aventure qui vous dévore tout cru...
Bon j'arrête là cette partie de ping-pong. Je m'attendais à un smash et prendre la balle dans l'œil. Que nenni.
Passez un bon W.-E. Moi je vais dorloter la co-p. bien malheureuse en son état passager.
Plan amistosament vostre !
Écrit par : Le Pilote de Belvert | 03/04/2008
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