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24/01/2010

Du temps où les surréalistes avaient raison...

    Il paraît que cette gente dame au maillot qui laisse rêveur, odalisque pêcheuse et point trop bêcheuse, serait la divine Musidora... Bien aimée des surréalistes, Breton en tête, qui fantasmaient à mort sur ses apparitions, moulée qu'elle était dans un maillot noir des pieds à la tête dans les Vampires de Louis Feuillade (elle jouait le personnage d'Irma Vep, non? Je cite de mémoire, j'ai la flemme d'aller titiller mon Ado Kyrou ou mon wikipéde). Dès qu'elle faisait un mouvement, genre je me baisse pour ramasser mon mouchoir, le maillot se distendait délicieusement, s'éclaircissant, laissant imaginer la peau nue. Et c'est qu'elle était gironde en vampire en collant noir. Au point  qu'on se demande si c'est bien la même sur la carte postale début de siècle que je mets sous vos yeux, récupérée de je ne sais plus quel site. Elle reste cependant charmante à regarder. Je ne me souviens pas avoir vu une légende accompagnant la photo. J'avais seulement tapé Musidora sur mon moteur de recherche, histoire d'avoir des nouvelles de mes fantômes préférés et j'ai débarqué sur cette pêcheuse de crevettes doucement alanguie. Quelque chose me dit cependant que le visage est bien celui de Musidora. Une vampire en gestation?

Musidora_0001-pêcheusedecrevettes.jpg
Musidora, est-ce vous?

23/01/2010

Fantômes d'objets inconnus

    Je me suis enfin promené dans l'espace des collections permanentes au musée du quai Branly, au milieu de ce labyrinthe qui au départ m'indisposait un peu (car on voit plus l'architecture, le décor, que les pièces exposées qui paraissent dévorées par l'écrin qui est censé pourtant les mettre en valeur). Puis, au fur et à mesure de ma progression que j'effectuai au hasard, je m'aperçus que les murs disparaissaient, car la nuit les remplaçait. C'est très nocturne comme ambiance ce musée. Les objets émergent des ténèbres avec une puissance hallucinatoire certaine. Et c'est une bien belle chose que cette nuit que l'on a architecturée. Est-ce pour cette raison que je me mis à photographier les diverses pièces qui m'appelaient avec cette tendance expérimentale - on y permet les prises de vue pourvu qu'il n'y ait pas de flash - qui produisit ce jour-là des spectralisations d'objets qui m'ont tellement plu que je me suis décidé à les mettre en ligne?

Spectralisation-à-chaussett.jpg
Photo Bruno Montpied, 2010

       Chaussettes de l'archiduchesse qui tombent en pluie du fond de la nuit des objets qui chuchotent dans les réserves du musée des mythes...? Et en même temps, architecture de tourelles dans un aperçu - nécessairement fragmentaire - du château infini de Gormenghast (cf. romans du même nom de Mervyn Peake)?

Couv-Gormenghast.jpg

02/08/2009

Vortex envisagé?

Apparition dans le ciel,Saumur, ph.Bruno Montpied, 2009.jpg
Apparition dans le ciel au-dessus de...dans... sur la Loire, Saumur, 2009, photo Bruno Montpied

30/03/2008

La photographie inventive à travers la carte postale de fantaisie, une expo parisienne que vous ne devriez pas manquer

   "La photographie timbrée, l'inventivité visuelle de la carte postale photographique, à travers les collections de cartes postales de Gérard Lévy et Peter Weiss", tel est le titre exhaustif de l'exposition consacrée à la carte postale fantaisie au Jeu de Paume site de l'Hôtel de Sully, prévue pour durer du 4 mars au 18 mai 2008 et organisée conjointement avec le Museum Folkwang d'Essen en Allemagne. Le commissaire de l'exposition est Clément Chéroux, qui avait déjà collaboré à des expositions fort curieuses comme Le Troisième Oeil, la photographie et l'occulte, qui s'était tenue en 2004-2005 à la Maison Européenne de la Photographie à peu près dans le même quartier que l'Hôtel de Sully, à Paris (exposition sur la photographie de fantômes, d'esprits ou de matérialisations (ectoplasmes) venues soi-disant de l'au delà...).  Il est également l'auteur d'un petit livre paru naguère chez Actes Sud sur la photographie chez Auguste Strindberg.

Couverture du catalogue de l'exposition La Photographie Timbrée au Jeu de Paume.jpg

Détail d'une des cartes postales figurant sur le catalogue de La Photographie Timbrée.jpg

    C'est dire l'intérêt de ce chercheur pour les formes bizarres de la création photographique. Plaçant son travail sur les cartes postales de l'époque 1900 sous les auspices d'une tendance récente de la  réflexion sur la photographie qui "consiste à interroger [cette dernière] en fonction de son support de diffusion", Clément Chéroux profite de cette exposition pour montrer les relations très fortes qui unirent les créateurs souvent anonymes des photographies de cartes postales avec différents artistes d'avant-garde, comme les dadaïstes (Hannah Höch) ou les surréalistes, dont Paul Eluard. Le Musée de la Poste, il y a quelques années (en 1992-1993),  avait déjà présenté, parmi d'autres collections de cartes postales, celle qu'avait amassées ce dernier entre 1929 et 1932 (voir le catalogue de l'expo "Regards très particuliers sur la carte postale", avec un texte de José Pierre sur la collection Eluard où il rapproche la passion des cartes postales de la recherche du poète qui devait l'amener à son anthologie poétique de 1942 où il mettait en parallèle ce qu'il appelait la "poésie intentionnelle" -la poésie des écrivains- avec la "poésie involontaire" -la poésie populaire ou de ready-made, les littératures orales, etc.).

Paul Eluard, André Breton, une inconnue et Valentine Hugo
Photo-carte de studio, extraite du catalogue de l'exposition "La Photographie Timbrée"

    La carte postale a été le premier support permettant de diffuser en masse la photographie vers un vaste public, il n'est pas étonnant d'apprendre que les surréalistes (notamment Georges Hugnet) songèrent à éditer leurs oeuvres et l'expression de leurs recherches sous forme de série de cartes postales. Ce qui nous enseigne que les surréalistes de l'époque furent soucieux d'organiser la diffusion de leur poétique d'une façon qui permettrait d'atteindre le grand public (sans passer par un diffuseur centralisé qui n'existait pas encore alors et dans une société du spectacle qui n'en était qu'à ses balbutiements).

Photographe amateur inconnu, Royaume-Uni, 1909.jpg
Carte de photographe amateur inconnu, Royaume-Uni, 1909, exposition "La Photographie Timbrée" (personnellement, je n'arrive pas à identifier ce que ces individus font là, rassemblés avec ces têtes déformées -à l'exception des deux personnages à gauche au deuxième rang, qui sont peut-être les auteurs de cette farce ; réunion de chasseurs? De sportifs? Quel est l'instrument , ou l'outil, qu'ils tiennent dans leurs mains, mixte d'épuisette, de raquette, et de battoir de cricket...?

    L'exposition présente un certain nombre de cartes postales dites "fantaisie", genre choisi en raison de l'imagination dont elles faisaient preuve en recourant à de multiples techniques nécessaires pour permettre de tenir en haleine l'intérêt du public (un grand choix de ces dernières est proposé dans le très beau catalogue qu'il ne faut pas manquer d'acquérir). Elles sont regroupées en trois sections: les cartes postales produites par des éditeurs, celles produites par des studios photographiques (par exemple les fameux portraits de groupe dans des décors où les clients passaient la tête, voir la carte avec les têtes d'Eluard et de Breton ci-dessus...), et enfin les cartes produites par des amateurs, encouragés par l'industrie photographique de l'époque qui mettait à leur disposition des papiers au format cartes postales sur lesquels ils pouvaient coller leurs propres réalisations.

     C'est ainsi qu'on peut découvrir toutes sortes de récréations visuelles, insolites souvent mais non dénuées parfois de vulgarité, ou d'un certain sentimentalisme, dérivant d'une culture de masse voguant au ras des pâquerettes (la facilité n'étant bien entendu pas toujours absente des goûts populaires, nos médias actuels l'ont compris depuis longtemps en surfant sur les plus petits communs dénominateurs de leurs différents publics). Cette vulgarité prend parfois des aspects humoristiques à interprétation immorale comme dans le cas de ce légume terriblement sexué où passe l'écho de l'esprit carnavalesque et rabelaisien.

        carte italienne, vers 1903, expo la Photographie Timbrée, Jeu de Paume,2008.jpg      Carte éditions A.Chambaud, France, vers 1920.jpg
Deux cartes exposées au Musée du Jeu de Paume 

    On y aime aussi beaucoup les décapitations, le décapité portant son chef sur un plat ou au fond de son panier. Les dédoublements, les permutations entre les sexes, les disproportions, les déformations (bien avant les distorsions d'un Kertesz), les formes grotesques se font nombreuses aussi, parfois en écho à des traditions présentes dans l'imagerie populaire et le folklore depuis bien plus longtemps que l'invention de la photographie. Je pense à cet ensemble de trois cartes postales illustrant à l'évidence le thème du "Monde à l'envers" que les anciennes gravures sur bois avaient déjà passablement mis à l'honneur dans les siècles précédents, ou bien à ces cartes esthétiques traitant des proverbes ou des expressions populaires, relatives au "panier percé", aux "poires", au "rasoir", aux cornes (de cocus), etc.

Cartes postales années1900, expo La Photographie timbrée, Jeu de Paume, 2008.jpg

     Les photomontages y règnent en maîtres, bien avant John Heartfield et les dadaïstes ou surréalistes, prophétisant avant la date les inondations de Paris en 1910 et créant par des rapprochements hétéroclites (la mer aux pieds de la Tour Eiffel) une poésie du détournement et de l'utopie urbaine qui précède d'un demi-siècle les embellissements surréalistes ou situationnistes de Paris (par exemple).

Carte vers 1920, expo la Photographie timbrée, Jeu de Paume, 2008.jpg
Editeur inconnu, vers 1920, exposition La Photographie timbrée, Jeu de Paume 
carte postale anglaise, J.M.Flagg, 1913.jpg
Carte postale anglaise, 1913, illustration de J.M.Flagg, extrait du livre L'Oeil s'amuse, Illusions d'optique, rébus, images cachées...de Julian Rothenstein et Mel Gooding aux éditions Autrement, 1999