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30/10/2008

Ruzena, les encres de l'autre monde

   Vendredi 31 octobre, rendez-vous au vernissage d'une nouvelle exposition de Ruzena à la galerie Dettinger-Mayer (la première avait eu lieu en 2005, et j'exposais en sa compagnie ; celle-ci est prévue pour durer jusqu'au 29 novembre 2008). On pourra continuer de pénétrer plus avant dans son monde étrange, proche d'une certaine fantasy graphique qui se nourrit aux meilleurs sources des imagiers raffinés, du type Beardsley, Arthur Rackham et autres Edmond Dulac, sans qu'on veuille non plus réduire Ruzena à aucun de ces auteurs, tant elle a su dresser un univers désormais bien personnel, avec ses racines, son tronc et ses branches qui ne cessent de se ramifier en de multiples directions.

Ruzena,La Haine des Autres, 2008 photo Bruno Montpied, 2008.jpg
Ruzena, La Haine des autres, avril-mai 2008, ph.B.Montpied, 2008

     La métaphore de l'arbre ou de la forêt vient rapidement sous la plume lorsqu'on veut évoquer l'imaginaire graphique de Ruzena, tant l'élément végétal est présent dans ces compositions, indépendant des figures humaines, ou parfois fusionnant avec ces dernières. Cet imaginaire est féru de métamorphoses en vérité.Ruzena,photographie ancienne modifiée, ph.B.Montpied, 2008.jpg Souvent tenté par la cruauté et la torture mais surtout empreint d'un humour noir que l'auteur paraît priser avec gourmandise. Elle aime à jouer avec certaines conventions morales. Les bébés sont en danger chez Ruzena, à moins que ce ne soit que l'image du bébé dans nos sociétés qui soit ainsi visée, en raison des ruissellements de mièvrerie et d'idéalisme béat qui lui sont invariablement attachés...Ruzena, photographie ancienne modifiée, 2002, ph.B.Montpied, 2008.jpg Est-ce qu'on peut voir dans ces images d'enfants tarabustés par les homuncules de Ruzena un petit souvenir des Vivian Girls de Henry Darger?

     Apparues ces derniers temps (je lui ai rendu visite dans son atelier récemment, en juillet de cette année), des branches épaisses et ténébreuses, me faisant songer à des cuisses, des fibres musculaires, ou des fuseaux gainés dans des collants noirs, se mettent à serpenter, comme sur l'image qui sert pour le carton d'invitation à l'exposition (ou le dessin ci-dessus intitulé La Haine des autres). Nouveauté qui n'aura peut-être qu'un temps, tant l'auteur paraît avant tout éprise des surprises suivantes que lui apporte son art (elle paraît affamée d'expérimentations nouvelles). J'aime ainsi particulièrement, à la suite d'une autre de ses périodes, des fantômes blanchâtres qui viennent en arrière-plan caresser ou frôler des figures situées au premier plan, peut-être désireux de leur poser des questions qui paraissent les tourmenter secrètement.

Ruzena,dessin sans titre, ph.B.Montpied, 2008.jpg
Ruzena, dessin sans titre, ph B.M., 2008
     Je donne ci-dessous le texte que j'avais écrit pour Ruzena sur le carton de l'exposition la concernant en 2005 chez Dettinger (nous avions écrit mutuellement l'un à propos de l'autre sur nos cartons respectifs):

      "LES BELLES AU BOIS MORDANT

      Où sommes-nous? En forêt? Mais dans une forêt d'enfer où des êtres non nés sont pendus, ficelés, indolents. Hésitant entre l'humain et l'hybride. Irrésolus, ils patientent en attendant d'exister tout à fait. Comme des mouches dans la toile d'araignée de l'Oubli. Derrière eux - futur ou passé? - ce qu'ils n'ont pu choisir d'être : des spectres pâles à la lisière du néant dérivent, les yeux vides, l'air de noyés. C'est le maquis où le végétal le dispute à l'animal, où l'on étouffe. Pourtant tout est normal, terriblement normal, jamais on ne se révoltera.

Ruzena,sans titre, ph.B.Montpied, 2008.jpg
Ruzena, dessin sans titre, ph.B.M., 2008

      Au coeur de cette jungle serpentine sans haut ni bas, sans autre lueur qu'une brume sépia, mauve, verdâtre ou pourpre, observons le muet appel d'avortons qui, si l'on consent à ne plus les garotter, tendent des bras plaintifs vers leurs mères. Celles-ci s'absentent, leurs corps changeant, tantôt branches, tantôt vagues pythons femelles guettés par la morsure des lianes dragonnes.

      Les spectres blêmes gardent cette lente chorégraphie asphyxiée aux promesses d'exsangue éternité."

      (B.M. 2005) 

 

Ruzena,image du carton de l'expo à la Galerie Dettinger-Mayer en novembre 2008.jpg
Ruzena, image du carton d'invitation à l'exposition de novembre 2008

Galerie Dettinger-Mayer, 4, place Gailleton, 69002, Lyon. Tél: 04 72 41 07 80 ; www.galerie-dettinger-mayer.com ; ouvert du mardi au samedi de 15h à 19h30, le matin sur rendez-vous.

Commentaires

Je suis charmée en découvrant ces dessins de Ruzena. Stupéfaite par ce que peuvent dégager ces oeuvres: le mystère, l'imagination, le rêve, l'évasion.
J'aime les regarder, me plonger dedans comme je plongerais dans un autre monde, une évasion de mon esprit vers une direction inconnue qui me pousse à aller voir !
Beaucoup de précision, d'esthétisme où se mêlent une certaine froideur, obscurité..
Quand j'observe ces dessins, c'est comme si mon corps se décollait du sol et que je rejoignais doucement ces personnages, je flotte avec eux, je me lie à eux, je me plonge dans un imaginaire, dans mon imaginaire, et là, c'est une évasion superbe.
Je prends beaucoup de plaisir à regarder de tels dessins. Merci .
Merci aussi à Mr Montpied pour ce site merveilleux et très intéressant, très original..

Écrit par : capucine | 23/11/2008

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