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14/05/2016

Le système m'a tué

alimamy-jangue, yeah the system bit me down, 49x38cm, coll JC Millet.jpg

Yea the system bit me down ("Oui, le système m'a détruit"?), peinture sur contreplaqué, 49x38 cm, sans date, par un certain Alimamy Jangue, coll. J-C. Millet

 

     La peinture ci-dessus est encore un de ces mystères tels que les brocantes et autres vide-greniers nous en fournissent régulièrement. Ici, en l'occurrence, le mystère est venu entre les mains d'un de mes lecteurs, M. Millet, que ce blog a déjà mentionné à l'occasion d'un soi-disant dessin séditieux à thème bonapartiste délirant. Comme on peut s'en rendre compte, il s'agit du portrait d'un personnage passablement prostré, aux pieds duquel sont semés les débris d'expédients divers, bouteilles et flacons  d'alcool, de nombreux joints, un gros domino (symbole de jeu d'argent?), un paquet de tabac. M. Millet relève que les inscriptions à droite de l'image, "dem oof me bata, dem oof me fela", sonnent comme les vers d'une chanson, dont il ne reconnaît  cependant pas la langue.

     En ce qui me concerne, j'aurais tendance à penser, comme lui, que ce tableau curieux et atypique provient d'Afrique de l'Ouest, d'un pays anglophone peut-être (Nigéria? Ghana?), et que ses textes sont de l'anglais déformé, peut-être mâtiné de termes africains... L'hypothèse qu'il illustre une chanson connue en Afrique est plausible et envisageable. Son personnage a la peau brune en tout cas. Mais l'on pourrait aussi penser à la peinture accusatrice d'un immigré d'origine africaine, exécutée en Europe par quelqu'un qui ferait l'amer constat de son rejet par ce qu'il avait pris illusoirement au départ pour un pays hospitalier. On pense aussi aux peintures à contenu engagé, de propagande, de peintres congolais, comme Cheri Samba par exemple. Le nom inscrit au bas du tableau, "Alimamy Jangue", peut indiquer qu'il s'agit d'un individu parlant le soninké, "Alimamy" voulant dire "imam" dans la langue de ce peuple qui s'est répandu dans plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest, dont le Mali, la Mauritanie, et la Gambie, seul pays anglophone parmi ceux où le peuple soninké est présent.

    Peut-être que mes lecteurs auront d'autres lumières à nous communiquer sur cette peinture?

Commentaires

"Oop" ça sonne flamand, néerlandais. Avec un H (hoop) ça veut dire espérer. Et "espérer", ça pourrait avoir quelque chose à voir avec cette image. Du coup, je me dis que Alimamy Jangue pourrait être Sud Africain.
Et puis la formule "dem oop me bata dem oop me fela" ça sonne un peu argot. Un peu comme ces chanteurs de dancehall jamaïcains qui disent "da" au lieu de "that", tic de langage qui s'est exporté dans le monde anglo-saxon.

Écrit par : Darnish | 15/05/2016

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Ouais, mais mon cher Dard-nichon, c'est plutôt "oof" qu'il nous faut lire dans ce tableau. Le "f" final paraît bien avéré, vu que sa boucle n'est pas close comme ce devrait l'être dans un "p".

Par contre, la mention que vous faites de la Jamaïque fait écho à une hypothèse que j'avais gardée pour moi. Cette inscription, les joints au sol aussi, cela me faisait un peu penser à l'univers du reggae, la mystique en moins (comme dit le Frelu... Un monsieur que vous connaissez bien).

Écrit par : Le sciapode | 16/05/2016

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Oui, je confirme, ayant l'original devant moi, Il s'agit bien de OOF :"dem oof me bata, dem oof me fela"

Sinon un petit détail qui peut avoir son importance. Le paquet de cigarettes porte par trois fois la mention "TABACA". "TABAC", "TOBACCA", TABACCO", "TOBACCO" existent mais jamais "TABACA". ...mais comme il existe une faute d'orthographe à "BIT" (au lieu de "BEAT ME DOWN"), ce détail n'a peut être pas d'importance pour déterminer la nationalité de ce peintre...

Quoi qu'il en soit merci à tous !

Écrit par : J.-C. Millet | 16/05/2016

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En cherchant sur internet, on trouve sur un site web que "tabaca" (au Mexique?) est synonyme de marijuana. Il semble que dans d'autres contrées (Brésil ou Portugal?) cela désigne le sexe féminin... Le mystère s'épaissit...

Écrit par : Le sciapode | 16/05/2016

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Fela, ça fait penser au chanteur nigérian Fela.

Sinon, l’ambiance dépressive du tableau me fait penser à un petit tableau naÏf que j’ai acquis aux Puces de Clermont il y a un an ou deux, qui représente un prisonnier à Fresnes pendant l’occupation. Même tristesse. Il faudrait un jour que je soumette une note à son sujet à mon cher Sciapode, s’il accepte...

Écrit par : Régis Gayraud | 16/05/2016

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Mais oui, soumettez, très cher, soumettez... La photo, je la vois, toujours au fond de son dossier, je ne sais plus où... Mais je la retrouverai...

Écrit par : Le sciapode | 16/05/2016

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Une petite peinture d'un homme se souvenant de son emprisonnement à Fresnes sous l'Occupation... Retrouvée... Disponible pour votre note à venir, mon cher Régis.
Elle ne me paraît pas empreinte de tristesse à vrai dire. La situation décrite n'est pas drôle, certes, mais la peinture en question, que je mettrai en ligne dès que vous m'en ferez signe, ne sue pas la tristesse et la désespérance comme dans le cas de notre prostré ci-dessus (anti-autoportrait au sens où l'individu cache son visage). Par contre, le style en est assez proche, c'est vrai. Et puis surtout, c'est de la peinture qui raconte, qui témoigne, dans les deux cas. A suivre bientôt, donc.

Écrit par : Le sciapode | 16/05/2016

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"Dem" pourrait vouloir dire "them" (comme "da" pour "that" en argot), "oof" pour "of" c'est à dire "hors" ou quelque chose dans le genre et puis "me" pour moi. Ca ferait "ils m'ont mis dehors", "ils m'ont exclu"...Par contre Fela et Bata, je ne vois pas...Un truc du genre "père, mère"..."frère, soeur"...

Écrit par : Darnish | 17/05/2016

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Dans cette chanson de Fela Kuti (je persiste), il y a un mélange d’anglais et de yorouba où l’on retrouve des bouts de morphèmes à première vue assez voisins...

Écrit par : Régis Gayraud | 17/05/2016

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Ah visiblement, il est devenu impossible d’envoyer un commentaire contenant un lien... Il s’agit de « Beasts of no-nation » de Fela, donc.

Écrit par : Régis Gayraud | 17/05/2016

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Et « bata », si j’en crois ce que je vois sur Internet, en yorouba d’aujourd’hui, signifierait « chaussures », à cause de la marque bien connue. "Dem oof me bâta » = « ils m’ont piqué mes pompes »?

Écrit par : Régis Gayraud | 17/05/2016

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Donc, j’opte pour du pidgin nigérian. Reste à rencontrer un Nigérian pour vérifier. A quand un voyage à Lagos payé par le Sciapode à tous les fans du Poignard?

Écrit par : Régis Gayraud | 17/05/2016

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La chanson en question:
http://www.karaoketexty.cz/texty-pisni/fela-kuti/beasts-of-no-nation-435402

Écrit par : Régis Gayraud | 18/05/2016

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Fela, ça me rappellera toujours un après midi de septembre ensoleillé à Rennes, avec un pote, au volant de la 4L de mon père...Il y a 23 ans...C'était le moment des rattrapages de la fac et j'avais eu le droit d'emprunter la voiture pour ramener tout mon bazar à Rennes...Et même si la voiture n'était pas un bolide, son ronronnement, Féla à fond les ballons dans un magnéto-cassette à pile, l'insouciance de nos 20 ans, l'été indien, on était les rois du bitume, nous prenant pour Dean Moriarty et Jack Kerouac en route vers la liberté.

Écrit par : Darnish | 18/05/2016

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Bravo, chapeau bas !

C'est bien du Pidgin Nigerian. Si on consulte les dictionnaires en lignes, "DEM" est bien "THEM" mais aussi "THEY", "ME" correspond à "MOI", "OOF" correspond à l'idée d' "ENLEVER", "DE PRENDRE", ""BATA", effectivement "CHAUSSURES".

Donc "ils m'ont piqué mes chaussures", comme vous l'avez si bien indiqué.

On ne trouve pas le mot "FELA" et pour cause car je pense qu'il désigne tout simplement le chanteur et activiste politique "FELA" qui a été emprisonné et torturé durant la dictature militaire du général Bihari !

FELA était activiste politique, défenseur du petit peuple et des opprimés. Il est donc logique de penser que ce peintre énonce, plongé en plein désespoir :

"ils m'ont pris mes chaussures"
"Ils m'ont pris Fela" !

Datation donc , début des années 80 ? (1984, emprisonné officiellement pour traffic de devises)

Écrit par : J.-C. Millet | 18/05/2016

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Ca me fait penser aussi à John Lee Hooker "no food on my table no shoes on my feet".

Écrit par : Darnish | 18/05/2016

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Régis Gayraud avait donc eu le premier une très bonne intuition en mentionnant Fela kuti !

Écrit par : J.-C. Millet | 18/05/2016

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