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01/03/2012

Le garçon qui a mordu Picasso

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    Ah, ça, me suis-je dit tout de suite, ça, c'est un bon titre, un très bon titre, surtout qu'immédiatement après j'ai vu le nom de l'auteur au bas de la couverture jaune, illustrée d'un dessin d'enfant, Anthony Penrose, oui... Le fils de Roland Penrose et de Lee Miller qui étaient de vrais amis de Picasso, le grand Picasso. C'est une très bonne idée d'éditeur, je trouve de demander à quelqu'un qui a été enfant auprès d'un personnage aussi mythique qu'un Picasso de nous raconter comment il voyait ce dernier, pourvu que ce quelqu'un, parvenu à l'âge adulte, soit encore capable de se remémorer sa vision enfantine d'autrefois... 

    L'album dont je vous parle commence sur le ton espéré: "Quand j'étais petit, je vivais dans une ferme, dans le Sussex, en Angleterre, et j'avais un ami vraiment extraordinaire. Il avait de grands yeux noirs, un large sourire et des mains ahurissantes. J'étais totalement fasciné par ses mains...." Ou bien, un peu plus loin: "Je ne savais parler aucune des langues que parlait Picasso – le français et l'espagnol –, mais ça n'avait aucune espèce d'importance. Nous n'avions pas besoin de ça pour nous amuser. Jouer avec Picasso, c'était quelque chose! Il mettait la pièce sens dessus dessous et adorait mimer des corridas. Sa veste en tweed piquait un peu, mais quelle élégance. En plus, il sentait bon. il sentait l'eau de Cologne et le tabac français." Là, on est dans ce que pourrait penser un enfant, une pensée reconstituée par l'adulte, mais sonnant juste, "enfant". Hélas, dans cet album, cela ne dure pas. Très vite, le didactique, le besoin d'initier le lecteur-enfant à la grandeur de l'artiste dont on veut lui inculquer l'existence revient au galop. Des mots sont alors imprimés en gras et en corps plus gros, comme si on dérapait dans une leçon de vocabulaire. Le texte se met à décrire ce qu'il faut retenir de l'art de Picasso en se mettant à onduler tel un calligramme. On est en train de subir une leçon qui a toutes les chances de faire décrocher le lecteur enfantin. Et puis, on perd progressivement tout le sel de l'idée de départ.

      Pourtant j'y reviens, cette idée initiale, faire raconter à un ancien enfant ses souvenirs avec ses pensées d'alors, liées à son âge, alors qu'il fréquentait une de nos grandes gloires bien embaumée dans le jus de l'Histoire, par la désacralisation que cela opère, le décentrement et le recentrement consécutif en direction de la vérité vivante d'un portrait d'homme, cette idée est une excellente idée, qui méritait mieux en l'occurrence...

 

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