06/09/2016
Tours de force
Qui n'a jamais reçu d'un correspondant à la belle âme une de ces cartes de vœux où s'étale un tableau dont la légende vous dit qu'il est l'œuvre d'un artiste handicapé « peignant avec le pied », si ce n'est « avec la bouche » ? Il y a quelques dizaines d'années, on recevait régulièrement dans les boîtes à lettres parisiennes des prospectus vantant des expositions de telles œuvres. Une édition s'est même spécialisée dans la reproduction des travaux de ces peintres du pied ou de la bouche, paraplégiques, tétraplégiques, manchots ou hommes troncs.
Un portrait de Louis J. C. Ducornet par un certain (ça ne s'invente pas, sur notre blog...) Robillard
Mais savez-vous que ces peintres ont un devancier qui, s'il n'est plus très célèbre, a été fort apprécié en son temps ? Louis Joseph César Ducornet (1806-1856) était né sans bras. Il était né aussi sans fémurs et n'avait que quatre orteils à chaque pied. Avec ces moignons de pieds, il réalisait en peinture de véritables tours de force, comme on peut en juger en regardant ses tableaux de paysages ou ses études de nus, exposés notamment au Musée de Lille. On dit qu'il se déplaçait accroché au dos de son père, il recevait étendu sur un édredon, mais cela ne l'empêcha pas d'être apprécié à la cour de Louis XVIII, qui le pensionna, ni d'avoir de nombreuses commandes.
Il eut aussi plusieurs élèves, et l'un d'entre eux se nommait... Auguste Allongé (1833-1898). On ignore quel membre il utilisait pour peindre.
Régis Gayraud
L.J.C. Ducornet, Etude de tête de jeune homme