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09/08/2017

Pierre-Antoine Bosse, poète de l'athlétisme

      Je ne déteste pas suivre les spectacles télévisuels sportifs, n'en déplaise à certains. Et hier soir, j'étais devant la fantastique finale du 800 m des Mondiaux d'athlétisme gagné de façon assez inattendue par cet étonnant athlète nommé Pierre-Ambroise Bosse, dont le nom plaît évidemment aux journalistes toujours prêts aux jeux de mots faciles en rapport avec ce patronyme. Avant la finale, pendant les séries de qualification, il m'avait déjà séduit par ses propos au sujet de sa décision de ne plus mettre au point la moindre tactique avant ses courses. Il est connu par ailleurs pour ses déclarations fantaisistes, souvent marqués par la spontanéité, et un humour naturel, qui ne s'embarrassent généralement pas des rigides codes de bienséance si présents à la télévision. Hier soir, à la faveur de sa victoire étonnante, ce fut un festival.  Il se lança dans le récit d'une anecdote embrouillée d'où il ressortait que la veille de la finale, à minuit, il avait mouillé son lit avec une bouteille d'eau mal fermée. "Vous vous rendez compte, faire une inondation dans son lit, et sans une fille encore...!", déclara-t-il à l'ampoulé Nelson Montfort que quelques minutes  plus tôt il avait commencé par imiter (fort bien). Derrière, on entendit un journaliste pudibond se récrier "Ah, c'est élégant...". Nelson Montfort enchaîna alors, pour tenter d'effacer ce qu'on n'allait pas tarder à qualifier dans les infos pourries de Yahoo comme une "gaffe", et mal lui en prit. Bosse est célèbre parmi les journaleux pour parler de son chat qui se prénomme paraît-il RAB's. Montfort, cherchant à poursuivre sur le sujet, si mignon et cucul, comme on aime en tartiner à la télévision française, demanda à Bosse ce que ça voulait dire ce nom. "Rien A Branler", lui répondit l'athlète. Et pan dans les dents. Ça pouffait et ricanait désormais derrière, en off, les micros étant mal fermés...

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Pierre-Ambroise Bosse au micro de Nelson Montfort, Renaud Lavillenie derrière lui, après la finale du 800m aux mondiaux d'athlétisme à Londres.

 

     Mais, là où à mon avis, il fallait accorder toute notre admiration à Pierre-Antoine Bosse, c'est quand il se lança dans le récit de sa course. Ses adversaires, dont un Polonais au nom a priori imprononçable, Kszczot, que les commentateurs appelaient "Tchott", avaient compris que, face à ce dernier, connu pour sprinter et être imbattable dans les derniers 100 m dès que le train est trop lent, il fallait imposer un train rapide dès le départ. Ce qu'ils firent. Arrive le dernier virage avant la ligne d'arrivée où se dénoue généralement le drame des vainqueurs et des vaincus surprises, Bosse place un démarrage surprenant auquel on ne peut accorder que stupéfaction, car on se dit que, vu ses qualités du moment (il a fait des séries moyennes), ce genre d'initiative ne peut qu'être suicidaire. Il va exploser dans la ligne droite, c'est sûr.... Lui-même raconte cela comme un coup de folie, ou plutôt un coup de poker foudroyant qui s'est imposé à lui, intuition de pur feeling. Il file devant les autres, et ne pense plus, il est dans le "flow", comme disent les escaladeurs à main nue, il n'est plus dans le stade olympique de Londres, il vole, il est en apesanteur, déconnecté de ses jambes qui galopent, indépendantes de lui, et il se dit que les autres vont bien finir par le rattraper, tout en franchissant la ligne d'arrivée dans le brouillard de l'irréalité la plus complète! Mais où sont-ils donc  passés, tous les autres? Kszczot s'est rendu compte trop tard du danger, démarrant de trop loin, il est venu mourir à quelques mètres du Français qui a résisté jusqu'au bout au retour de ses adversaires, porté par un corps que la tête avait oublié, et peut-être ainsi libéré...

    Liberté que Pierre-Antoine Bosse préserva, lâché qu'il était en roue libre, jusque devant les caméras et les micros de la télévision qui étaient à ses pieds. L'occasion était trop belle. Il se déverrouilla et déballa tout ce qui lui passait par la tête, sans censure, avec humour, prodige primesautier. Et ça faisait du bien d'entendre cette parole fraîche et spontanée sur cet écran habitué aux langues de bois des plus constipées usuellement...