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26/11/2022

Dédales, une collection singulière en Limousin au musée Cécile Sabourdy

      Nouvelle exposition au Musée-jardins Cécile Sabourdy à Vicq-sur-Breuilh, au sud de Limoges, la collection de Thierry Coudert, dont un choix est présenté au public à partir du 1er décembre, provient plus précisément de la Corrèze. Brocanteur fureteur, dénicheur de pièces d'art singulier ou populaire, voire brut (Ô le beau dessin en provenance, paraît-il, d'un HP de la région de Metz qui est exposé à Vicq...), souvent énigmatiques, puisque le découvreur n'a pu en recueillir les traces d'origine la plupart du temps, Thierry Coudert a décidé d'offrir aux yeux des curieux l'occasion de développer leur perplexité quant à ces dizaines d'objets orphelins (en apparence).

 

Dessin d'aliéné(e), 120x50cm env (2).jpg

Anonyme, dessin au crayon, peut-être créé par le pensionnaire d'un hôpital psychiatrique de la  région de Metz, semble-t-il, vers 1940 (on aperçoit parmi d'autres inscriptions une croix gammée), coll. Thierry Coudert, ph. Bruno Montpied, 2018.

 

      Têtes gauloises, souvent d'origine incertaine – qui sont là, avant tout parce que leur style a frappé l'œil de Coudert par leur esthétique immédiate, en amont de toute attribution certifiée –, diable en laiton, plombs de Seine du XVIe siècle (vantés par les surréalistes en leur temps), mascaron perdu de chapiteau d'église, bois sculptés divers, objets dont la conception paraît voisine avec celle d'un Chaissac ou d'un Noël Fillaudeau, peintures de singuliers provinciaux, œuvres retrouvées d'artistes connus comme Roland Roure, silex rehaussé de pigments, faisant beaucoup penser aux silex interprétés du sieur Juva à la Collection de l'Art Brut à Lausanne, mais aussi parfois, tout de même, quelques œuvres d'autodidactes exhumés connus: Emile Taugourdeau, Jean Rosset, ou moins connus: Raymond Picard, quelques chefs-d'oeuvre d'art populaire comme cette "tête de déesse de la vigne" ciselé dans une pièce de bois (voir ci-dessous) ou ces deux petits bonshommes (deux soldats coiffés avec des pots de yaourt détournés) d'allure fragile aux mines dépitées (je trouve), tout cela déboule dans le Musée Cécile Sabourdy, comme réchappés d'un anéantissement mystérieux de leurs corpus d'origine. On dirait les enfants perdus d'auteurs anonymes, censurés, ou simplement relégués, revenant sans leur pedigree et leurs papiers d'identité, par le reflux des marées brocanteuses sur trottoirs et bitumes accueillant à la misère de leurs origines sous X.

Déesse de la vigne (selon TC) (2).jpg

Anonyme, "Déesse de la vigne", selon les mots de Thierry Coudert, bois sculpté, 39x35x18cm, coll. Thierry Coudert, ph. B.M., 2018.

Deux soldats, sculptures bois et accessoires (2).jpg

Anonyme, deux soldats (?) et un chien, bois et pot de yaourt peint, 36,5,17x5 cm, sd, coll. Thierry Coudert, ph. B.M., 2018.

Juva (attribution Coudert) 1 (2).jpg

Anonyme, silex peint et interprété en visage, coll. Thierry Coudert, ph. B.M., 2018 ; ce silex peint s'apparente aux silex métamorphosés par Juva, conservés dans les collections d'art brut, mais il est orienté nettement de façon à figurer un visage, ce qui est peu fréquent, me semble-t-il, dans les pierres de Juva ; cela n'en fait pas moins un très joli travail d'interprétation d'une forme naturelle

 

"Dédales, une collection singulière en Limousin", Musée-Jardins Cécile Sabourdy, Vic-sur-Breuilh, du 1er décembre 2022 jusqu'au 30 juin 2023. A signaler une vingtaine d'oeuvres prêtées pour cette exposition par le Musée de la Création Franche de Bègles, actuellement en travaux.

03/11/2018

L'Empire des sens, à la Renaissance, en Quercy

     Au cours d'une conversation récente avec Thierry Coudert, par ailleurs grand connaisseur en art populaire, le sujet de nos palabres a légèrement dévié. Il me fit part de son étonnement à propos d'un bas-relief qu'il avait vu (et photographié) au Château de Montal dans le Quercy.

Bas-relief du château de Montal, Quercy, époque Renaissance.JPG

Bas-relief du Château de Montal ; ph. Th. Coudert.

 

     Une femme nue, échevelée, tient à la main droite un phallus, apparemment sectionné, et, à la main gauche, un coutelas (pas un poignard subtil, je vous prie de le croire). Image frénétique s'il en en est... Qui pourrait se déchiffrer ainsi, s'il se rapporte au commanditaire de l'œuvre (et du château), Jeanne de Balsac, qui venait de perdre son fils aîné dans une bataille pendant une campagne en Italie (en 1523) : désespérée par la mort de son fils chéri, sa mère se lamente de lui avoir donné le jour, en vouant aux gémonies le sexe masculin qui l'avait engrossée (et ne s'étant pas contentée, comme on le voit, de l'avoir "voué aux gémonies"...). Une description publiée sur le site qui délivre une notice historique sur ce château (site des monuments nationaux) paraît accréditer ce déchiffrement : "Le décor des lucarnes est en revanche dédié à l'humaine colère d'une mère désespérée par la mort de son fils : folie furieuse agitant ses grelots, allégories du désespoir accompagnées de la fameuse devise « Plus d'espoir »." Le bas-relief reproduit ci-dessus entretient-il des rapports  étroits avec les décors de ces lucarnes...?

     Cette scène n'est pas sans me faire penser à la séquence du film du réalisateur japonais Nagisa Oshima, L'Empire des sens, où l'on voit une amante poussant la passion amoureuse à un paroxysme effrayant, jusqu'à trancher le sexe de son amant, sexe qu'elle garde contre son cœur, telle une poupée chérie...Un peu trop chérie... Mais que l'on puisse trouver une illustration de ce genre de folie passionnelle dans un château du XVIe siècle en France, n'est-ce pas incroyable?