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Une sirène d'Armand Goupil
Tenez, voici dans la chaleur de l'été une vue poissonneuse, une sirène en proue de barque, telle que l'a vue en 1955 Armand Goupil. Cela fait partie d'un carnet de croquis, format 31 sur 20 cm, comprenant 43 pages (et donc 43 croquis, tous datés de la même année, qui ont permis à Goupil d'essayer diverses techniques, autres que l'huile, comme les craies, le brou de noix, le fusain, les crayons de couleur, l'encre, la plume...). A rajouter à toutes les sirènes déjà vues sur cette colonne, et en espérant que mes commentateurs férus de Mami Wata ne s'échauffent pas plus que ça dessus...
Armand Goupil, Sirène du 23-IX-55, coll Bruno Montpied
Je renvoie les amateurs, qui voudraient en voir et en savoir plus sur Goupil, à mes articles, « L’œuvre intime d’Armand Goupil, l’inconnu de la Sarthe », paru dans 303, Arts recherches, créations n°119, Nantes, janvier 2012 (illustré de 6 photos), et « Armand Goupil, peintre inconnu, peintre domestique », paru dans Création franche n°29, avril 2008, Bègles. Sur ce blog, on peut également en découvrir passablement en allant vers ce lien.
19/08/2012 | Lien permanent
Les latrines de Chaissac monuments historiques
Il me semble que ce sont les premiers urinoirs classés monuments historiques. Il y avait bien eu le précédent de la "fontaine" de Richard Mutt, alias Marcel Duchamp en 1917 à New York, urinoir décrété objet d'art parce que signé, et refusé à la Société des Artistes Indépendants. Mais depuis... Sans doute quelques excentricités de l'art contemporain singeant ce geste dadaïste duchampien?
Fontaine, R.Mutt (Marcel Duchamp), 1917 ; ici c'est la troisème réplique datant de 1964, figure au MNAM du Centre Georges Pompidou
En tout cas, y avait-il eu classement par les Monuments Historiques de latrines champêtres comme celles que Gaston Chaissac graffita à l'époque où, habitant avec sa femme dans l'école publique de Ste-Florence de l'Oie en Vendée dans les années 50, il s'exerçait à toutes sortes d'expérimentations, avec des enfants du patelin, avec des jets de serpillière mouillée dont il observait et reportait ensuite les empreintes, des interprétations de planches aux contours irréguliers qui devinrent des totems, des collages de morceaux de papier peint, etc.? Je ne crois pas. Mais c'est chose faite désormais. Le losange des Monuments Historiques trône imparablement sur le ciment grisâtre des chiottes sacrées. Je ne sais trop pourquoi j'ai trouvé que les bonshommes dessinés par Chaissac (j'aime surtout le personnage ventripotent ci-dessous) avaient l'air, à mon passage, de vouloir s'excuser devant une telle labélisation.
Les fameux gogues divinisés... Ph. Bruno Montpied, mai 2012
Ce personnage ventripotent m'a tout l'air d'une représentation caricaturale de prêtre (voyez le chapeau), si bien qu'on peut facilement en déduire que placé ainsi sur le mur des latrines, il était destiné par Chaissac à ce que les enfants le souillent sans cesse en effigie... Manière de se venger des avanies infligées par les grenouilles de bénitier du patelin? Ph.BM
Sans compter que l'école de l'autre côté de la petite cour a été métamorphosée dans le même souffle, on y a créé un espace Gaston Chaissac où l'on a scénographié la vie et l'œuvre du grand homme que la mairie, sous l'influence d'une nouvelle génération d'hommes et de femmes plus respectueuse de Chaissac que celle des années 50-60, a reconnu in fine opportunément, oubliant les persécutions et les moqueries des bigots et des péquenauds de Ste-Florence du vivant de Chaissac et de sa femme Camille, institutrice de l'école laïque dans une région où l'on envoyait les gosses en majorité dans les écoles dites "libres". On ne pourra s'empêcher de se dire qu'il est toujours, hélas, plus facile de reconnaître les artistes quand ils sont morts que lorsqu'ils vivent parmi nous.
"L'Espace Gaston Chaissac"... Ph. BM
Si l'on veut retrouver les autres créations de Chaissac, sortant de là, on aura tout intérêt à pousser jusqu'aux Sables d'Olonne où le Musée de l'Abbaye Sainte-Croix a eu la bonne idée de nous sortir pour l'été des pastels de Gaston, technique peu repérée il me semble dans l'œuvre du "Morvandiau en blouse bocquine". Ce musée conserve par ailleurs une documentation (des correspondances) et des oeuvres de l'artiste qui sont de première importance.
Musée de l'Abbaye Sainte-Croix, exposition Gaston Chaissac - Pastels, du 29 avril au 10 novembre 2012.
29/06/2012 | Lien permanent | Commentaires (2)
Cadavre exquis intercontinental Yohan-Armand Gil-Bruno Montpied-Dan Stanciu-Sasha Vlad
Cela fait déjà quelque temps que je voudrais mettre en ligne le dessin ci-dessous réalisé à huit mains par les 4 auteurs susdits, venus d'horizons et de contrées divers, l'un d'entre eux (Sasha Vlad) vivant par delà l'Océan Atlantique, en Californie, ce qui permet de justifier l'adjectif d'intercontinental pour ce cadavre exquis. Le qualificatif de "cadavre exquis" n'étant pas au demeurant le terme exact, puisque ce dessin a été envoyé à compléter ou à prolonger sans que les parties déjà réalisées soient cachées. Il s'agit plutôt d'un dessin collectif réalisé par le biais de mails avec fichiers numériques (dessins scannés pour être communiqués sans passer par la Poste) et par des techniques plus matérielles aussi bien. C'est ainsi que l'état 1 est une photo numérique de Bruno Montpied imprimée sur papier à Paris, envoyée à Sasha Vlad aux USA. Ce dernier l'a modifiée directement sur le tirage, puis scannée et transmise à Yohan-Armand Gil à Nîmes qui l'a à son tour modifiée après l'avoir imprimée. Il l'a transmise alors à nouveau à BM, et ainsi de suite, ce dernier l'a envoyée à nouveau à Sasha qui l'a enfin envoyée à Dan Stanciu en Roumanie, puis retour au départ. BM a ajouté un troisième grain de sel et continué à faire tourner le projet. Au bout de cette chaîne, il n'y a plus eu cependant qu'un fichier numérique qui peut se décliner potentiellement en d'innombrables tirages, et donc pas d'œuvre unique, en théorie.
Mur à Villefranche-sur-Saône, Photo Bruno Montpied, 2009, état 1 du Cadavre Intercontinental
Etat 4 du Cadavre Intercontinental, modifié d'abord par Sasha, puis par Yohan-Armand Gil (qui l'a notamment retourné pour le continuer), 2009
Etat 5 du Cadavre Intercontinental, modifié par BM, 2009
Etat 6, modification par Sasha Vlad
Etat 7, modification Yohan-Armand Gil, 2009
Etat 8, modification par Dan Stanciu, 2009
J'annonce la fin des couffins et des boîtes à douleur, (titre collectif), état 10 final du Cadavre Intercontinental, Yohan-Armand Gil, Bruno Montpied, Dan Stanciu, Sasha Vlad, 2009
15/08/2012 | Lien permanent | Commentaires (4)
Histoires de voir, à voir...
L'exposition ainsi intitulée à la Fondation Cartier à Paris veut nous entraîner du côté de "l'art naïf", à ce que dit le catalogue ("conçu comme un prolongement de l'exposition"). Après visite de l'expo, j'eus la forte impression que le terme n'avait pas le même sens pour moi que pour les organisateurs de la manifestation – ou, plus exactement, pour les auteurs du catalogue (je pense notamment à son texte liminaire dû à Laymert Garcia Dos Santos). C'est comme si on avait affaire à une conception venue d'ailleurs, d'une région du monde où les mots ont cheminé avec d'autres réseaux de sens (les commissaires de l'expo que je ne connaissais pas comme s'intéressant depuis longtemps aux arts naïfs – mais je suis bien loin d'être informé de tout – sont Hervé Chandès, Leanne Sacramone, assistés de conseillers comme André Magnin – plus connu lui par rapport aux arts populaires africains – ou encore Hervé Perdriolle (l'Inde) et Patrick Vilaire (Haïti)).
Le catalogue avec un dessin d'Isaka sur la couverture (dessinateur Huni Kuï (ou Kaxinawá) d'Amazonie brésilienne)
C'est pourtant bien à un décentrement de perspective que l'on nous invite, sans que cela s'étende a priori à la notion même d'art naïf. On invite avant tout dans le discours de l'exposition tel qu'on le trouve par exemple sur le site de la Fondation à remettre en cause les idées arrêtées professées par les amateurs d'arts savants vis-à-vis des arts pratiqués par des autodidactes naïfs ou "primitifs". Ce qui n'est pas un message absolument nouveau, on en conviendra (même s'il mérite toujours d'être réitéré).
"Art naïf" jusqu'à présent, en France, c'était plutôt réservé à un ensemble de peintures, et de sculptures, exécutées par des autodidactes d'origine populaire (souvent des déracinés) tentant de s'égaler aux plus grands des peintres et qui produisent un art autre cependant, où les éléments représentés sont proportionnés en fonction de la réalité affective, psychologique, sentimentale, etc., que leur accorde l'inconscient de chaque artiste (ce qui conduisit G-H.Luquet au début du XXe siècle à parler pour sa part de "réalisme intellectuel"). Certaines incapacités devant les volumes et la perspective les conduisent bien souvent vers des solutions plastiques inédites qui ravirent par exemple Picasso lorsqu'il découvrit certain tableau de Rousseau, dont les visages peints avec des repentirs lui parurent préfigurer ce qu'il créait lui-même dans sa période dite cubiste. L'art naïf, cela reste figuratif et se référant à la réalité perçue de façon rétinienne. C'est Bauchant, Rousseau, Vivin, Peyronnet, Lagru, Trouillard, Jean-Jean, Préfète Duffaut, Orneore Metelli, Ligabue, Dietrich, Trillhaase, Alfred Wallis, et toutes sortes d'anonymes, les ex-voto aussi...
Vidéo disponible sur le site de la fondation Cartier
Les créateurs, venus d'un peu partout (l'Amérique du Sud, l'Amérique Centrale, l'Afrique, l'Inde, l'Asie), à la fondation Cartier, dans une expo qui au fond semble faire un lointain écho à cette autre manifestation plus ancienne de 1989, Les Magiciens de la Terre,¹ ne me paraissent pas relever de cette définition traditionnelle de l'art naïf (à part peut-être le mièvre Hans Scherfig, ou l'intriguante céramiste brésilienne Isabel Mendes Da Cunha). On nous propose là plutôt des formes d'expression cherchant, sous des dehors archaïsants, ou s'efforçant de l'être, une forme d'immédiateté hésitant entre stylisation, décoratif et art pauvre. Le tout me laissant l'impression d'une recherche à la fois cultivée et de style enfantin, préférant parfois les formes sommaires aux limites du dégrossi (José Bezerra), recherche et parcours présentés dans une atmosphère douce et colorée comme du papier à bonbons (la muséographie d'Alessandro Mendini n'y étant pas pour rien, ses œuvres personnelles – que font-elles là? – étant par ailleurs particulièrement fades).
Exposition Histoires de Voir, image extraite du site de la Fondation Cartier
On a du mal à identifier ce qui appartient aux créateurs présentés et ce qui relève de la muséographie. Sont également mêlées les unes aux autres des expressions simples et des expressions fouillées (parmi ces dernières, citons les filets de pêche de l'Indien Jivy Soma Mashe qui parvient à des compositions complexes, tombant là aussi dans le décoratif, à l'aide d'éléments géométriques basiques comme le triangle, le rond et le carré ; les céramiques de la famille Ortiz au Mexique ; les drapeaux vaudou d'artistes haïtiens choisis en fonction de leur dimension à la fois stylisée, en apparence archaïque et encore décorative, alors qu'il en existe d'autres en Haïti bien plus figuratifs et narratifs dans ces mêmes supports). Ces expressions fouillées, voire complexes, sont là pour démontrer, semble-t-il, que l'art naïf et populaire n'est pas synonyme de simplet, ce que tout bon connaisseur du champ sait depuis longtemps. Mais la complexité proposée dévie trop souvent du côté d'un décoratif stylisé propre à séduire les designers contemporains. Tout cela est un peu trop raffiné, trop propret, il manque une certaine âpreté, une certaine rugosité.
Jean-Baptiste Jean Joseph, Pieuvre, 2001, drapeau en paillettes brodées sur tissu, 108x105,4 cm
Il y a du déchet aussi dans cette sélection: pourquoi avoir sélectionné par exemple le Scherfig déjà cité, et Mamadou Cissé, avec ses villes imaginaires ennuyeuses parce que sérielles et répétitives comme des circuits imprimés, pâle copie de Bodys Isek Kingelez (révélé en Europe voici prés de 25 ans dans les Magiciens de la Terre là encore), voire proche du Français récemment exposé au Pavillon Carré de Baudouin à Paris, Marcel Storr? Pourquoi avoir choisi aussi cet artiste japonais, Tadanori Yokoo (ci-dessous un portrait de Loti truffé de cigarettes), qui ouvre le bal au rez-de-chaussée de la Fondation avec des pochades d'étudiant, des Douanier Rousseau parodiés, qui intéressent surtout les enfants amateurs du jeu des 7 erreurs)?
On se sert aussi de la caution de Mme Nina Krstic, "directrice du musée des arts naïfs et marginaux" de Jagodina en Serbie, pour nous faire avaler la pilule de l'art naïf qu'on veut ici nous vendre, alors que les connaisseurs ont depuis longtemps la conviction que ce dernier musée rassemble des autodidactes en tous genres, la plupart très artistes bien plus que véritablement "naïfs" (comme c'est souvent le cas dans les pays slaves, où la confusion art populaire/art brut/art naïf/art singulier/art contemporain règne en maître). L'artiste qu'elle nous présente, Dragiša Stanisavljevic, "qui fait partie d'une famille d'artistes renommés du XXe siècle", comme elle dit, attire l'attention dans le catalogue et moins de visu dans l'expo, pratiquant une sculpture fort stylisée tendant au signe pur tant il cherche à réduire le nombre de ses lignes structurantes, mais on est là dans une recherche de simplicité qui laisse indifférent par manque d'émotion peut-être.
Ciça, exposée dans Histoires de Voir, encore une nouvelle façon de faire les visages...
Par ailleurs certaines oeuvres également présentes dans cette expo fourre-tout sont en réalité des récits ou des représentations mythiques (exemple des dessins yanomanis fort passionnants comme ceux de Taniki par exemple), comme on les connaît chez les Aborigènes australiens, ou chez certains Amérindiens, ou Inuits (cela aussi est à rapprocher des Magiciens de la Terre où je me souviens que l'on pouvait voir, à la Grande Halle de la Villette, l'expo étant distribuée sur deux espaces, Beaubourg et La Villette, des dessins mnémotechniques supports de récits chamaniques). Cela fait un certain temps que les spécialistes ont repéré de ces images qui servent de support à des visions chamaniques, cosmologiques, étiologiques (les peintures indiennes en rouleaux verticaux comme supports de contes), voire médicinales (je pense aux rouleaux-remèdes éthiopiens qui avaient été montrés à l'expo Le roi Salomon et les maîtres du regard, Art et Médecine en Ethiopie, au regretté musée des Art Africains et Océaniens de la Porte Dorée).
Signalons aussi la présence d'un sculpteur d'origine incontestablement populaire, brésilien, Nino, surnom de Joao Cosmo Félix Dos Santos, dont les animaux ultra stylisés, à peine dégagés du bois informe dont ils furent tirés, retiennent l'attention du visiteur au sous-sol de l'expo, je pense à un éléphant notamment, tellement réduit à sa plus simple expression qu'il finit par ressembler à une espèce de molaire. On est là avec lui aux confins de l'art brut et de l'art populaire. A noter que des bustes de lui font également partie de la collection d'art brut ABCD à Montreuil.
Bustes de Nino (Dos Santos) sur le site d'ABCD ; non exposés à la Fondation Cartier
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1. Une autre exposition qui se tint au Grand Palais à Paris, Brésil, Arts populaires, en 1987, paraît être aussi une source de cette expo à la Fondation Cartier. Y étaient notamment présents Nino et Ciça (dont un masque servait d'illustration au catalogue édité dans la revue L'Internationale de l'Imaginaire, n°8-9, printemps 1987).
L'exposition dure jusqu'au 21 octobre
02/09/2012 | Lien permanent | Commentaires (2)
Hommage à Cecilia Gimenez, rénovatrice et profanatrice, massacrée par les journalistes
Cecilia Gimenez, dame d'un âge avancé, à Borja en Espagne, repeignait depuis quelque temps, "restaurait", disent les média, un portrait du Christ datant du XIXe siècle, au reste assez banal, un Ecce Homo signé d'un certain Elias Garcia Martinez. Et voila-t-y pas que des bonnes âmes érudites de la région, probablement plutôt du genre bigot, s'émeuvent de ses exploits de peintre amateur devant ce que les media appellent un "massacre" de l'œuvre originale, pourtant vulgaire saint-sulpicerie ne pouvant causer le moindre début d'émotion chez un sincère amateur d'art. Mme Gimenez a en effet, tel Mr.Bean dans le premier long-métrage qui fut consacré à ses tribulations au cinéma (il modifiait en éternuant dessus puis en tentant de réparer son dégât, une toile célèbre de Whistler, je crois...), passablement modifié un portrait du Christ, réalisant involontairement un portrait assez singulier auquel l'œil s'attache en dépit des commentaires goguenards et crétins des journalistes (il ne faut pas se fier à la qualité médiocre – voulue? – de la reproduction ci-dessous, à la télévision on voit mieux l'image de Cécilia Gimenez).
A droite la nouvelle oeuvre brute, plus frappante que l'original je trouve, due à Cecilia Gimenez
"Grossier dessin d'enfant", dit le commentaire journalistique dans la vidéo ci-dessus (plutôt moins agressive que d'autres de ses confrères)... Et pan sur les dessins d'enfant!
Méconnaissable est le crapaud de Nazareth désormais... Mais pour combien de temps encore? Tous les journaux, le web, la télévision ont fait des choux gras de l'information, tombant à matraques raccourcies sur la pauvre octogénaire dont on apprend depuis quelques heures qu'elle est alitée, "victime de crises d'angoisse". Un beau résultat pour ces "grands professionnels de l'information"! Et bien sûr, on cherche à ricaner, à se gausser, à faire rire de cette dame, comme si on voulait, ce faisant, se décharger de la colère devant le constat de ce qui ressemble en fait ici à une profanation de l'icône christique, qui doit rester tabou, inviolable, immuable surtout. On veut que soit effacé le plus vite possible cet odieux saccage (avec l'octogénaire en prime?).
Cependant une pétition circule déjà pour tenter de sauver l'oeuvre – car c'en est une – que je trouve pour ma part plus brute ou populaire qu'expressionniste, comme elle est qualifiée dans cette pétition. Courage Cecilia, relevez-vous, vous n'êtes pas seule, il n'y a pas que des détracteurs, ailleurs on vous admire!
Cecila Gimenez
25/08/2012 | Lien permanent | Commentaires (66)
Bruno Montpied au musée d'art naïf et d'art singulier de Laval
Rendez-vous pour une présentation d'Eloge des Jardins anarchiques, le livre de votre serviteur, et une projection de Bricoleurs de Paradis, le film de Remy Ricordeau co-écrit avec BM, au musée du Vieux-Château à Laval mardi 6 novembre à 20h. Un débat est prévu au programme... A bientôt donc.
Le livre et, ci-dessous, une galette du DVD à laquelle vous avez échappé (malheureusement, parce qu'elle était bien adéquate avec les moulinets de monsieur Pailloux, tournant même plus vite que tout ce que les vents de Vendée auraient pu lui proposer)
30/10/2012 | Lien permanent | Commentaires (1)
Le nouveau catalogue de la Collection de l'Art Brut
En attendant que la municipalité de Lausanne se déniche un(e) nouveau(elle) directeur(trice) pour la collection de l'Art Brut, les responsables précédent (Lucienne Peiry) et actuel (Sarah Lombardi) s'affairent et publient par exemple ce nouveau catalogue de la Collection dont la couverture est aux couleurs de la magnifique Laure Pigeon (qui dessinait avec de l'encre et... une plume – par prédestination sans doute?).
Mais – et ici je formule une critique de fanatique de la dite collection – on aurait pu attendre, puisque l'on nous parle d'un "catalogue", enfin le catalogue raisonné exhaustif de la Collection avec tous ses créateurs, mis à jour... Une sorte de pavé sur papier bible dans le genre de la collection Bouquins chez Albin Michel, sans nécessairement beaucoup d'images (ou alors sous forme de vignettes), histoire que le public des mordus se fasse une idée du vaste et éclectique panorama de l'art brut tel qu'amassé depuis les années 40 jusqu'à aujourd'hui (je le verrai bien comme un annuaire!). Au lieu de ça, on a droit ici, une fois de plus à un échantillonnage de ce que l'on pourrait trouver dans le Château de Beaulieu si l'on voulait faire un petit détour par la jolie Suisse, sans savoir que les réserves de ce musée extraordinaire abritent en fait bien d'autres trésors.
Johann Hauser, sans titre, 1969, mine de plomb, craie grasse et crayon de couleur sur papier, 40 x 30 cm, Photo : Claude Bornand, Collection de l’Art Brut, Lausanne
J'écris "une fois de plus" parce que l'on avait déjà vu paraître en 2001 un ouvrage de nature voisine, signé par Michel Thévoz, à l'enseigne des Musées Suisses, qui comprenait une sélection de 36 créateurs de la collection, livre qui prenait l'allure d'une esquisse de catalogue de la collection (et qui est, dit le site web de la collection, désormais épuisé ; voir ci-contre). Dans le catalogue récemment publié, une cinquantaine de créateurs ont droit à des notices et quelques images (magnifiquement imprimées, dois-je le souligner). On nous y annonce que la Collection possède environ 60 000 œuvres désormais. Mais je le répète (j'aime ressasser), on aimerait voir tous les autres. Pour y arriver, à moins de collectionner les livres sur la collection depuis des décennies, comme s'y emploient quelques vieux de la vieille campant sur leurs trésors (il y a notamment les 22 fascicules que la Compagnie, puis la Collection de l'Art Brut, ont édités depuis les années 60 jusqu'à aujourd'hui), on se prend à rêver d'une numérisation de toutes les notices sur les créateurs avec des images de toutes leurs oeuvres... Vaste programme!
Catalogue de l'exposition de 1967 au Musée des Arts Décoratifs
Il me semble que c'est le quatrième catalogue dans l'histoire de la Collection, après celui de 1967 (qui était le catalogue de l'exposition au Musée des Arts Décoratifs de Paris, la collection provenant à l'époque de la Compagnie de l'Art Brut située rue de Vaugirard, dans le même bâtiment qui abrite aujourd'hui la Fondation Dubuffet ; il y avait selon Michel Thévoz 700 œuvres de présentées dans cette expo, en provenance de 75 auteurs). Le deuxième catalogue, dont la maquette copiait celle du catalogue des arts décoratifs, parut quatre ans plus tard en 1971 à l'égide, pour le coup, de la Collection de l'Art Brut qui venait d'être donnée à Lausanne. Ce catalogue-là recensait, toujours selon Thévoz, "4104 œuvres de 133 auteurs" (en 1975, un an avant l'ouverture de la Collection au public, il précise que la donation était passée à "quelques 5000 œuvres"). Lucienne Peiry, dans l'ouvrage très bien documenté qu'elle a consacrée à l'art brut en 1997 (chez Flammarion), signale que la collection d'art brut comprenait en 1996, soit vingt-et-un ans plus tard, environ 15 000 pièces, tandis que la collection Neuve Invention – les cas-limites de l'art brut – en rassemblait environ 5000 (entre parenthèses, on aimerait bien savoir ce que devient cette collection Neuve Invention dite autrefois "collection annexe"; a-t-on annexée l'annexe?).
Aloïse Corbaz, Napoléon, 1943, crayon de couleur sur papier, 58 x 45 cm, photo : Arnaud Conne, Collection de l’Art Brut, Lausanne
On peut se demander à combien d'auteurs on en est arrivé aujourd'hui (je ne trouve pas dans le nouveau catalogue de chiffre à ce sujet), étant donné le fantastique accroissement du nombre d'œuvres depuis 1971 (de 5000, il y a quarante ans, puis de 15 000 il y a seize ans, on est passé, accroissement conséquent tout de même, à 60 000 ce qui paraît prouver une accélération des acquisitions rassemblées à Lausanne sous le vocable d'art brut ; la prospection internationalisée n'y étant sans doute pas pour rien). Le public qui découvre l'art brut aujourd'hui – et il n'y a pas de doute qu'il est en train de s'accroître avec l'extension du marché autour de l'art brut et l'écho que lui accordent simultanément les média – ne se doute pas de l'incroyable variété des créations conservées dans ce temple d'Ali Baba qu'est la Collection de l'Art Brut à Lausanne. Le catalogue qui vient de paraître, malgré son élégance et sa qualité d'impression inégalable (Skira + Flammarion + Collection de l'Art Brut...), est bien loin de le renseigner à ce sujet.
20/10/2012 | Lien permanent | Commentaires (1)
Collectionneurs de merveilleux nuages
En anglais, ils intitulent l'exposition "Collectors of skies". C'est la Galerie Andrew Edlin à New-York qui monte cela avec la complicité de Barbara Safarova et de Valérie Rousseau qui ont été pour l'occasion intronisées commissaires. C'est commencé depuis le 13 septembre et ça se termine le 3 novembre. Je sais, c'est pas la porte à côté, New-York, et j'imagine que mes lecteurs ne faisant pas partie de la Jet Set de l'art brut qui quadrille le blog, euh, non, le globe... en quête d'art brut dans tous les pays, resteront légèrement dubitatifs devant une telle adresse. Mais s'ils s'intéressent un tant soit peu à la poésie, aux nuages, à l'histoire et à la préhistoire de l'art brut, ils devront tout de même tendre une oreille attentive.
Le dessin de ce carton est d'Achilles G. Rizzoli (1936)
L'affiche du carton d'invitation électronique égrène des noms connus et beaucoup d'autres moins connus. Ne sommes-nous qu'en pays de bruts? Ce n'est pas sûr. Il semble que la galerie Andrew Edlin ait pris pour habitude d'engendrer des confrontations entre artistes contemporains inspirés (par exemple ici une "harpe de nuages" de Nicolas Reeves qui nous dit le carton d'invitation convertit "en temps réel la structure des nuages en séquences musicales", wow!) et créateurs de l'art brut. Guo Fengyi (voir ci-contre une reproduction venue d'une œuvre exposée à la galerie Christian Berst en son temps), Charles Dellschau, Henry Darger, Janko Domsic, Zdenek Kosek et Victor Hugo ne sont pas complètement inconnus des amateurs d'art brut. C'est qu'ils ont eu affaire avec les esprits et le hasard objectif des nuages et autres intersignes climatologiques (je pense à Kosek notamment, dont les théories liées aux réseaux de coïncidences si elles sont captivantes ne me font pas oublier que les documents et les diagrammes qu'ils nous livrent à l'appui ne sont pas bien folichons). Palmerino Sorgente est une trouvaille de la Société des Arts Indisciplinés (inactive désormais?) de la Québécoise Valérie Rousseau, devenue une familière de la grosse pomme entre-temps. Les autres noms ne me disent personnellement rien. A part, à part... Clémentine Ripoche bien sûr.
Sur cette dernière, on ne dispose vraiment que de très peu d'informations. Et pourtant... Dans l'histoire de l'art brut, elle représente le premier cas de création plastique venue d'ailleurs que rencontra Dubuffet bien avant l'art brut (des nuages en l'occurrence que l'intéressée interprétait, apparemment de façon visionnaire, dans un cahier de dessins, d'après ce que l'on en sait par les historiens de Dubuffet, et par l'autobiographie de ce dernier, rédigée "au pas de course", peu de temps avant qu'il décide d'abréger ses jours). La grande information nouvelle est qu'une correspondance entre Clémentine Ripoche et Dubuffet restée inédite à la Collection de l'Art Brut à Lausanne a été confiée pour l'occasion aux commissaires de l'exposition new-yorkaise. C'est un élément à verser au dossier Ripoche, en attendant que réapparaisse un jour (fort hypothétique hélas!) le fameux cahier dont Michel Thévoz a signalé (dans le catalogue de l'exposition à Lausanne du Nouveau Monde) qu'il n'avait pas été conservé par Dubuffet (sans doute parce qu'il le rendit à son auteur comme les lettres en témoignent – j'ai en effet pu par une faveur spéciale d'une des deux commissaires les consulter ; Clémentine tenait à ses dessins avec un acharnement compréhensible, mais cela fut peut-être cause simultanément de leur disparition ultérieure). Cela se passait en 1923, et montre bien que l'intérêt de Dubuffet pour ce qu'il allait appeler l'art brut à partir de 1945 avait commencé de germer dans ces années d'apprentissage de l'entre deux guerres.
Voici le passage où Dubuffet évoque la découverte de la visionnaire: "Je dus faire à vingt-deux ans (de fort mauvais gré) mon service militaire. Dans une forme privilégiée car après quelques mois d'exercice dans un fort je me vis affecté à Paris même, à l'Office météorologique (...). Ma prestation de soldat – fort peu militaire – comporta un moment de faire des relevés d'appareils enregistreurs fixés à tous les niveaux de la tour Eiffel et pour cela monter quotidiennement et par mauvais temps l'hiver des escaliers à claire-voie extrêmement hauts. J'eus aussi à répertorier des photographies de nuages parmi lesquelles je trouvai une pièce qui excita très vivement mon intérêt. C'était un cahier émanant d'une personne habitant un faubourg de Paris et relatant, illustrée de dessins, des observations du ciel. Celles-ci ne présentaient pas des nuages mais des défilés de chars et toutes sortes de cortèges et scènes dramatiques. Je fis plusieurs visites à cette visionnaire dont l'égarement tourna vite en totale démence." (Biographie au pas de course, pp 468-469, 1985 dans Prospectus et tous écrits suivants, T.IV).
Charles Méryon, Le Ministère de la Marine, eau-forte, 1865, 168 x 148 mm
Ces dessins de "défilés de chars et de toutes sortes de cortèges" m'évoquent irrésistiblement les cieux chargés eux aussi de chars fantastiques qu'on peut voir dans les gravures de Charles Méryon, qui fut l'illustrateur de Baudelaire.
On regrette vraiment intensément que ces visions de Mme Ripoche n'aient pas réapparu, et l'on se prend à rêver à ce que disait un jour Maugri, à savoir que les dessins s'ils sont forts peuvent se défendre seuls au delà de la mort de leur auteur, et se conserver par charme et ensorcèlement. Reviendront-ils donc un jour ces chars et ces cortèges pris dans les nuées de 1920, c'est la grâce que nous attendons...?
08/10/2012 | Lien permanent
Info-Miettes (19)
Cela faisait longtemps que je n'avais pas rassemblé quelques infos-miettes, mais la rentrée bat son plein dirait-on, et les expos et autres manifestations se pressent au portillon. Alors je m'y résouds, ce qui est aussi une manière d'expédier les informations en question sans trop m'appesantir.
Carol Bailly à Lausanne, Galerie du Marché
(Avec une mise à jour concernant la note ci-après, que je date du 23 novembre)
"Carol BAILLY, Œuvres récentes, du 4 octobre au 3 novembre, vernissage en présence de Mme Bailly le samedi 6 octobre de 10h à 15h" (il doit y avoir un repas à des horaires pareils). Tel est le message qui a claqué devant mes yeux ébaubis ce soir, en provenance de la galerie lausannoise du Marché tenue par Jean-David Mermod. J'avais récemment bien apprécié les dessins d'après des vedettes pop (dont la mirobolante Amy Winehouse pour qui je dois avouer un faible, ou Audrey Hepburn – voir ci-contre) qui avaient été montrés au Musée de la Création Franche. On retrouve la même qualité dans les visuels que m'a adressés la galerie, avec cependant une question qui me tarabuste un peu devant deux d'entre eux, peints sur carton.
Carol Bailly, Vanessa Paradis, 50 x 75 cm, Galerie du Marché
CB, Resting, 50 x 70 cm, Galerie du Marché
N'y aurait-il pas eu une petite influence, justement en rapport avec ce qui se montre de temps à autre à Bègles à la Création Franche, du travail d'un autre "singulier", Pierre Albasser? On sait que celui-ci s'est donné pour cahier des charges la contrainte librement consentie de n'employer comme support de ses vertiges graphiques que des cartons d'emballage alimentaire. Dans les cartons peints de Carol Bailly ci-dessus, les contours tout en découpures et en évidements paraissent indiquer des supports en relation assez similaire avec ceux du sieur Albasser. Halluciné-je?
Eh bien oui, j'hallucinais... La créatrice a protesté, à juste raison, il n'y a pas eu influence, seulement concomittance. Carol Bailly utilise ce genre de support alimentaire, mon cher Watson, depuis des lustres, et sans connaître Albasser (là, c'est dommage). Et c'est vrai qu'après tout, dessiner ou peindre sur cartons d'emballage, ça n'est pas si nouveau que ça, comme je feignais de le croire dans mon paragraphe précédent. Moi aussi, je dessine là-dessus de temps à autre (en ce moment, ç'est les dessous de crêpes). Pas de quoi se crêper le chignon en somme. Et tout ça, c'était surtout histoire de faire parler de l'ami Albasser...
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Claudine Goux, Raak, Gérard Sendrey dans une nouvelle galerie lyonnaise dédiée (semble-t-il ) à la création franche et autres singuliers), Le Coeur au Ventre
Gérard Sendrey, dans sa correspondance circulaire, se montre ravi qu'une nouvelle galerie se propose en la bonne ville de Lyon de faire connaître la création franche qui se trouve représentée en l'occurrence par lui, Goux et Raak.
On leur souhaite bonne chance bien évidemment, en espérant que le public lyonnais leur réservera bon accueil, en dépit des goûts affichés régulièrement par ce dernier de façon un peu trop chauvine pour les artistes du cru. A Lyon, on se croit souvent seul à créer (mais n'est-ce pas un phénomène que l'on retrouve dans de nombreuses régions? Je ne l'ai cependant jamais ressenti en région bordelaise par exemple, et encore moins à Paris).
Galerie Le Coeur au Ventre animée par Marion Hanna (ex-animatrice de la galerie Lucrèce à Paris), 27, rue Tramassac, 69005 Lyon, tél: 06 86 10 36 70, du jeu au sam de 14h à 19h.
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A Lyon, il y a aussi et toujours, pour notre plus grand bonheur, la Galerie Dettinger-Mayer
Alain Dettinger, fin connaisseur de la nature lyonnaise quant à lui, loin des modes, loin de tout conformisme, continue de creuser son sillon personnel qui fait de lui un galeriste unique, ce qui est bien trop rare, hélas. Il vient de m'envoyer sans plus d'explication, comme à son habitude, un carton de ses deux prochaines expositions simultanées qui intriguent elles aussi: Dimitri et Lynette Ricker. Qui sont-ils? A vérifier sur place sans doute. Quelque chose me dit, et j'espère ne faire aucune gaffe, qu'Alain Dettinger s'est tourné en l'espèce vers des créateurs un peu plus bruts qu'à l'accoutumée...
Dernière minute: un honorable correspondant bordelais me signale que ces deux créateurs proviennent des recherches de Jean-Louis Faravel qui les exposent dans ses biennales de Rives (en Isère). Ce dernier a en effet un certain flair, voire un flair certain pour dégoter ce genre de créateurs venus des foyers d'art pour handicapés.
Dimitri
Lynette Ricker
Expositions du 28 septembre au 27 octobre, à la galerie, 4, place Gailleton, 69002, Lyon. Pour plus de renseignements, voir le site de la galerie.
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Sophie Gaucher fait parler d'elle
Grosse actualité en cet automne et cette fin d'année pour la dessinatrice Sophie Gaucher que je m'étais amusé à vous faire découvrir récemment en candidat mystère. Il faut se rendre sur son site web fort complet et intriguant je trouve: http://monfournissoir.free.fr/monfournissoir/index.html
Sophie Gaucher, sculpture...
Elle m'a signalé certains de ses travaux fort intéressants, qui ne se limitent pas au dessin et de loin.
Collage et dessin
Et le dessin seul qui continue... Toujours aussi captivant
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Une journée à Nantes consacrée à François Tosquelles, précurseur de la psychothérapie institutionnelle
C'est pour le 20 octobre cette journée, pour tous ceux qui voudraient en apprendre un peu plus long sur ce psychiatre venu de Catalogne espagnole en fuyant les franquistes en 36, connaissance du Dr Ferdière, qui s'installa à l'hôpital de St-Alban-sur-Limagnole en Margeride. Il fut à l'origine du mouvement psychiatrique émancipateur appelé par Georges Daumézon, par la suite (comme me l'a signalé Jacques Canselier à qui je dois l'information), "psychothérapie institutionnelle" qui visait à rendre leur dignité aux malades enfouis dans le carcan hospitalier (à ce que j'ai cru comprendre), en leur confiant des moyens de reprendre pied dans la société, en les laissant notamment libres de s'adonner aux occupations qui leur plaisaient comme la création artistique. St-Alban eut comme pensionnaires comme on sait le sculpteur-assembleur et dessinateur Auguste Forestier, ainsi que Clément, celui qui sculpta les parois de bois de sa cellule avec un bout de cuillère en métal, deux personnages assez célèbres dans le corpus de l'art brut.
Cette journée de rencontre intitulée "François Tosquelles ou la décence ordinaire" comporte un programme où l'on pourra écouter parmi d'autres, Jean Oury, Elsie Le Coguic, et Jacques Vallet (ancien directeur de la revue "Le fou parle"). Pour en savoir plus, on clique ici.
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Des bâtisseurs de Babel à Rome
Roberta Trapani nous informe qu'elle sera commissaire d'exposition pour un parcours photographique présentant trois "costruttori di babele", Bonaria Manca, Luigi Lineri et Giovanni Cammarata, et ce au musée Billoti à Rome. Les photographes étant Alberto Ferrero, Rodolfo Hernandez et Salvatore Bongiorno.
Bonaria Manca et ses costumes excentriques, ph Mario Del Curto (à l'expo "Des Rives", déc. 2011/janvier 2012 à Gènes, organisée par Gustavo Giacosa)
Comme je l'ai déjà signalé ici, on doit ce terme de "Bâtisseurs de Babel" à Gabriele Mina, anthropologue auteur d'un livre éponyme qui souhaite en matière d'environnements italiens mettre avant tout l'accent sur leur dimension d'utopie. Lineri amasse et assemble des galets qu'il glane dans le lit de la rivière Adige, les classant en fonction de leurs formes ("des angles droits, des bétails, des poissons, des agneaux, des phallus, des femmes enceintes, des oeufs cosmiques"). Cammarata (1914-2002) avait créé quant à lui un environnement sculptural et architectural à la périphérie de Messine en Sicile qui était tout à fait étonnant. Il fut presque entièrement détruit pour qu'on puisse bâtir à la place... un centre commercial. Bonaria Manca, paysanne sarde, décore depuis 1997 l'intérieur de sa maison de grandes fresques évoquant ses souvenirs de sa vie rurale en Sardaigne et aussi des figures imaginaires représentant des esprits liés à sa mythologie personnelle.
Giovanni Cammarata, un de ses pachydermes, photo Florent Naulin/Teresa Maranzano, extr du livre d'Eva Di Stefano, Irregolari, art brut e outsider art in Sicilia, Kalós, Palerme, 2008 ; (encore un éléphant qui gazouille...)