13/10/2024
Après le Pont Travesti, le Galion évanoui...
Je continue à vous parler des lieux poétiques que l'on fait disparaître sans coup férir...
Il y a pas mal d'années (40 ans?), je me souviens d'avoir découvert un peu par hasard un restaurant au décor poétique, sa thématique étant incontestablement maritime. Il s'appelait, me semble-t-il, le Galion, et tout dans sa décoration était en rapport avec ce type de navire. Il y avait des gros filins et cordages en guise de rampes, des sortes de hublots donnant sur la mer (en photo), des ancres peut-être, des voiles, des tentures. Le patron n'était pas pour autant un pirate et il n'y avait pas de malle au trésor cachée dans un coin, même si mon imagination a tendance à en rajouter pour combler les trous dans mon souvenir incertain du lieu.
J'aime toujours ce genre d'endroits, comme le bistrot A l'Éléphant qui se trouvait Boulevard Beaumarchais, non loin de la Bastille, dont le décor était aussi assez obsessionnel, systématiquement en rapport avec le pachyderme (appliques en forme d'éléphant, photos d'éléphants, éléphants sculptés en frise au-dessus du bar – l'ai-je rêvé ? –, éléphants minuscules sur les serviettes?, etc.). Je ne sais ce qui avait motivé les propriétaires, un mixte de la légende (ou de la véridique anecdote?) de l'éléphant s'étant échappé d'un cirque (le Cirque d'Hiver tout proche?) et de l'éléphant ayant autrefois existé, en plâtre, éphémère, sur la place également toute proche de la Bastille, ce même éléphant à l'abri duquel Gavroche se cache dans les Misérables de Victor Hugo... Il a été effacé en tout cas, lui aussi.
Ces lieux à thème décoratif poétique ont tendance décidément à disparaître, emportés par un asséchement imaginatif caractérisé propre aux nouveaux commerçants dont les mentalités volent au ras des pâquerettes. Le Galion, qu'en reste-t-il aujourd'hui? Rien du tout. Un restaurant turc a pris sa place et je gage qu'on y rêve beaucoup moins... C'était rue du Faubourg Saint-Denis, dans le 10e arrondissement...
Le Galion était à l'emplacement de l'actuel Grill Istanbul, sur la gauche de la photo (sous la flèche), tout près de la Gare de l'Est. Photo Bruno Montpied, octobre 2024.
18:27 Publié dans Art immédiat, Paris populaire ou insolite, Questionnements, Surréalisme | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : le galion, restaurants parisiens aux décors poétiques, obsessionnalité, éléphants, thème maritime, a l'éléphant, boulevard beaumarchais, bastille, cirque, évasion d'animaux, décors poétiques, imagination en berne | Imprimer
Commentaires
Oui, cette uniformisation est bien une des raisons qui se conjuguent pour inciter à quitter cette ville que nous aimions tant.
A mon sens la dernière douce folie qui ait été construite à Paris - qui s'en souvient? - était le phare de la rue Castagnary, accroché à son rocher d'opérette, édifié il n'y a pas si longtemps, à peine vingt-cinq ans, et qui faisait comme un amer indiquant le terme du voyage pour tous les trains venant de Bretagne. Ce fut comme un ultime sursaut de l'esprit fantasque, envoyant un message de soutien à la vénérable grosse bouteille de la rue Moufle, de l'autre côté de Paris. Las! Il a été vite détruit, puni de son outrecuidance tout comme cette dernière.
Écrit par : Régis Gayraud | 14/10/2024
Répondre à ce commentaireAh oui, vous faites bien de rappeler ce phare (vous avez vu que j'avais mis en lien dans ma note ci-dessus votre ancienne note sur le café La Cigale qui disparut à côté de la Fourmi rue du Louvre?) Il me semble l'avoir photographié ce phare qui m'étonnait moi aussi. Je vais chercher dans mes archives...
Écrit par : Le sciapode | 14/10/2024
Pour info:
Ce mardi 15 octobre, à L'hôtel des ventes SADDE, de Grenoble, est proposé un beau B.M. au prix de 20€...
Bien à vous
Écrit par : jean | 14/10/2024
Répondre à ce commentaireVous parlez d'une ancienne peinture à moi (Bruno Montpied, affichée dans cette vente sous le lot 221)? Effectivement, cet "Accident" qui est proposé en vente, en ligne, à Grenoble, au prix dérisoire de 20€ (qui montre à quel point je n'ai pas de cote), alors qu'il avait été acheté par son collectionneur au moins dix fois plus, est une oeuvre que je n'avais point perçue dans le catalogue de la vente (où, entre parenthèses, d'autres créateurs ont eu encore moins de chances que moi d'être identifiés correctement, mais que font les "experts", je vous le demande?). Merci du signalement, je découvre par la même occasion que l'acheteur de cette peinture (sur papier de moulin) s'appelle Henri Viau, ce qui m'avait été caché jusqu'ici. L'œuvre avait été exposée à Rives (Isère) dans une sélection que j'avais chroniquée en 2009 sur ce blog (voir http://lepoignardsubtil.hautetfort.com/archive/2009/08/29/rives-du-dessin.html ).
Écrit par : Le sciapode | 15/10/2024
Banalisation et sa dictature ...Toutes les villes se ressemblent par leur uniformité.
Quel avenir pour la fantaisie?
Écrit par : Eduenne | 20/10/2024
Répondre à ce commentaireCette banalisation, comme vous dites, je trouve qu'il serait plus exact d'y reconnaître la dictature de l'argent et du profit. "Profite!", cette injonction idiote répétée partout, par la vox mediatica ou la vox populi, est révélatrice de cette dictature qui conquiert les esprits. La poésie, la fantaisie (là, je vous rejoins), la convivialité intellectuelle, la pensée, la culture, tout cela est taxé de prise de tête, vaine agitation. Les villes ne sont plus que des centres commerciaux, labyrinthes où les repères ont été gommés pour plus sûrement nous donner l'envie de nous jeter dans les boutiques et les délices de la consommation.
Écrit par : Le sciapode | 20/10/2024
Et avec les caméras intelligentes et à reconnaissance faciale, ce sera encore mieux.
Écrit par : Oswald Pannoyeau | 20/10/2024
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