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12/04/2009

André Robillard parmi nous, et puis Gérard, Lucienne et Roger dans la bibliothèque...

     André Robillard, on peut le toucher, on ne nous l'a pas encore embaumé,André Robillard au musée de la création franche, Bègles, avril 2009, ph.Michel Leroux.jpg enfoui sous un tas de cotes, d'attitudes vitrifiantes marchandes ayant pour inévitables corollaires la réification des artistes et de leur geste vivante.

      C'est un brut de décoffrage tout ce qu'il y a de plus agissant et palpitant. Ceux qui l'approchaient, l'autre week-end à Bègles pour le vernissage de son exposition courant jusqu'au 19 avril prochain, ne savaient pas toujours comment se comporter vis-à-vis de lui. Cela tournait parfois au spectacle du montreur d'ours, sans qu'il y ait pourtant de montreurs en l'occurrence, en tout cas surtout pas les deux animateurs de la compagnie des Endimanchés, Alexis Forestier et Charlotte Ranson qui jouent avec lui la pièce "Tuer la misère",Carton d'invitation au spectacle monté au TNT-manufacture de chaussures à Bordeaux.jpg le soutiennent, créent avec lui (comme me l'a confié Charlotte Ranson entre deux paravents d'exposition, certaines oeuvres présentées sur les scènes de leurs performances à mi chemin du rock alternatif, du théâtre, de la poésie sonore et de l'art brut, ayant été réalisées en commun, ce qui va de pair avec leur création théâtrale actuelle, création elle aussi éminemment collective). On lui demandait l'inévitable couplet à l'harmonica, de psalmodier le langage martien ("chiop, chiop, chiop...")...

       Placé dos à dos avec lui au repas d'après vernissage, je lui demandai, pour changer de ces prestations un peu trop commandées, s'il avait entendu parler d'Hélène Smith qui comme lui prétendait pouvoir parler martien, mieux, pouvait même l'écrire. Je me hasardai à lui suggérer qu'il pourrait  transcrire à sa manière comme la protégée de Théodore Flournoy ce langage qu'il lui était déjà si facile de restituer à coup de chiop-chiop-chiop (c'est ainsi que je le traduis moi-même ce martien robillardisé)...

André Robillard, dessin aux feutres, expo Musée de la Création Franche, avril 2009, ph.B.Montpied.jpg
André Robillard, sur le sol lunaire..., dessin aux feutres, coll. Tuer la Misère-Les Endimanchés, expo Robillard au musée de la création franche, Bègles, avril 2009, ph.B.Montpied

      Il était là, bien campé sur ses deux jambes, les pognes formidables ballantes au bout de bras immenses, septuagénaire encore vivace, avec sa coupe de cheveux de jeune homme, sa tenue sportive (comme s'il venait de quitter son vélo) et sa disponibilité intacte à l'égard du tout venant. De plain pied avec tous ceux qui l'abordaient. Débordant d'énergie, et curieux de ce qui lui arrivait, content de voir toutes ces têtes plus ou moins nouvelles, sa mémoire paraissant assez prodigieuse puisqu'il paraissait reconnaître certains qu'il n'avait pourtant que peu rencontrés jusque là. J'eus ainsi l'illusion qu'il me reconnaissait, alors que je ne lui avais serré qu'une fois la main au Théâtre parisien de la Bastille des mois plus tôt, et encore au milieu d'une foule, et dans la fatigue d'une fin de représentation...

André Robillard, Fusil USA Rapide..., coll B.Chevillon, ph Bruno Montpied, 2009jpg
André Robillard, fusil USA rapide... (le fusil que je trouve ramolli, voir ci-dessous), coll.Bernadette Chevillon et Artimage, ph.B.M., à l'exposition consacrée à Robillard au Musée de la Création Franche, Bègles, avril 2009

     Des dessins étaient exposés, à côté des inévitables fusils dont certains étaient plus originaux que d'autres (deux gros calibres venus de la collection de Frédéric Lux par exemple, ou un comme ramolli par suite d'un traitement dalinien on aurait dit, venant de la collection de Bernadette Chevillon). Michel Boudin m'a confié avoir trouvé une inspiration d'origine populaire à l'un des dessins présentés. Il représente un "renard de la forêt d'Orléans". Michel retrouve dans ses contours la forme de ces hachoirs taillés en forme d'animaux qui ne sont pas rares aux cimaises des antiquaires spécialisés en outils populaires. Est-ce une source d'inspiration du gars André? Pourquoi pas: quand on l'entend souffler dans son harmonica, surgit le plus souvent le fantôme d'une mélodie traditionnelle, répétitive, nouée en boucle obsédante, ce qui lui assure une forme nouvelle. Robillard partage cette façon de jouer de la musique avec Pierre Jaïn, autre sculpteur de l'art brut qui lui aussi recyclait des airs traditionnels quand il s'amusait à faire de la musique.

André Robillard dessin aux feutres, expo musée de la création franche, avril 2009, ph.B.Montpied.jpg
André Robillard, Renard de la forêt d'Orléans..., dessin aux feutres, exposition robillard, Musée de la Création franche, ph B.M., 2009

       Preuve une fois de plus que la culture populaire est le substrat qui sous-tend pas mal de créations dites "brutes". Depuis la salle,  j'ai essayé de l'insérer à l'intérieur de la causerie où, le samedi 4 avril à la bibliothèque jouxtant le musée de la création franche, conférençaient Gérard Sendrey, Lucienne Peiry et Roger Cardinal. Le public intervint un peu durant cette causerie qui réunissait ces trois personnages fort contrastés. Qu'en ai-je retenu? Une phrase de Sendrey le rimbaldien, la création travaille toujours à partir de l'inconnu, jamais du connu. Lucienne Peiry insista sur l'art des enfants qu'elle n'a pas envie de tacler comme Dubuffet l'a fait (j'avoue être moi plutôt de l'avis de Dubuffet qui reprochait aux enfants leur besoin de singer la réalité, leur conformisme ; mais s'ils le font, c'est aussi sans doute par suite de la pression énorme qu'exercent les adultes sur eux à ce sujet). Roger Cardinal trouvait qu'art brut et art savant peuvent rester chacun de leur côté, c'est quelquefois pas plus mal. A un autre moment, il répéta aussi cette évidence que le poète est toujours en avance sur l'homme de science.

Roger-Cardinal braqué par Robillard, ph.Bruno Montpied et Roger Cardinal, Bègles,2009.jpg
Roger Cardinal braqué par Robillard (idée de la photo, Roger Cardinal), ph.B.M., avril 2009

        Bref, on échangea gentiment mais exclusivement sur le thème de l'art brut, personne n'ayant remarqué que le sujet initial de la causerie qui devait aborder la question de la nouveauté de la création après l'art brut  (titre original: "De l'Art Brut à l'Outsider Art et à la Création Franche, héritage et novation") avait été purement et simplement évacué... Ni Sendrey, ni Cardinal ne voulant par égard pour la conservatrice de la Collection de l'art brut signifier que la notion d'art brut aurait pu être aujourd'hui dépassée. Ou tout simplement, parce que ces protagonistes avaient conclu implicitement à la cohabitation simultanée de leurs trois "labels" (création franche pour Sendrey, art brut pour Peiry, outsider art pour Cardinal), sans possibilité de friction entre eux.

Sendrey-Peiry-Cardinal-Bèg-.jpg
Les trois causeurs, Gérard Sendrey, Lucienne Peiry, Roger Cardinal, Bègles, 4 avril 2009, ph.B.M.
          CD Tuer la Misère, André Robillard et les Endimanchés, 2008.jpg   Tuer la misère, verso du CD.jpg
CD de performances musicales et sonores par André Robillard (qui a fait de nombreuses illustrations pour la jaquette et les pages intérieures du livret) et le groupe des Endimanchés (Alexis Forestier, Charlotte Ranson, Antonin Rayon,etc.), éditions Opaque, enregistré en nov-déc 2008. 

     

Commentaires

Superbe photo des " trois causeurs ", aussi forte qu'une oeuvre...

Écrit par : fd | 14/04/2009

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Excellente photographie des 3 causeurs qui résume à elle seule les relations de cohabitation entre leurs 3 "concepts". Très bien vu.

Écrit par : GiMa | 14/04/2009

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je ne me lasse pas du puit d'informations de votre site

Écrit par : erasme | 25/10/2010

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bonjour
ci joint un lien sur un film que j'ai realisé avec andre robillard le mois dernier

http://www.youtube.com/watch?v=IrOomSYirCg

amicalement
jo pinto maia

Écrit par : pinto maia | 03/11/2010

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"L'art bascule la misère!"
Merci, Monsieur Robillard.

Écrit par : Régis Gayraud | 03/11/2010

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Marrant ce genre de film M. Pinto Maia, de l'art brut express...

Écrit par : Le sciapode | 03/11/2010

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