06/05/2013
Iles, je jette mes chaussures par-dessus bord, car je voudrais bien aller jusqu'à vous...
Photo Giorgio Furla, extraite du livre pour la jeunesse de Bruno Munari, De loin on dirait une île, éditions Delphine Montalant, Gand, 2002
Cailloux roses ou translucides, bijoux d’un soir, de l’heure crépusculaire. La main, tentée tant de fois, cède par moments et cueille… Déception immédiate. Il faut les abandonner à leur écrin dans le sable comme du sucre roux, de même que furent répudiés ces brocs de bistrot dont les lettres désignant une marque d’alcool populaire avaient des caractères peints en bleu et saillant en léger relief. Ils avaient une si éclatante évidence qu’on aurait voulu en emporter un peu chez soi. Hélas, on se convainquait dans la minute suivante que, transplantés dans un autre décor rien n’en serait resté, le charme se serait enfui, comme celui d’une fleur coupée ou d’un insecte capturé.
Ces petites pierres composent autant d’îles, autant d’œuvres d’art sous la lumière rasante du soleil au déclin, bleuissant les vagues, dorant la plage. Si profondément mariés à leur situation que la vie prend enfin sa valeur poétique, alors que le reste du temps elle serait plutôt cachée. La voici dévoilée, pleine comme fruit juteux, vie mûrie, enceinte de ses gouttes d’instants précieux.
La plage est un tapis de cendres d’or, pailletée de signes trouvés, adorablement énigmatiques que seule la caméra pourra peut-être installer à tout jamais dans leur beauté vivante et en tant que telle fugace.
(Juillet 1988)
Ce livre publié en 2002, peu connu de Munari, par ailleurs auteur original de la littérature jeunesse, cherche à propager le goût des pierres trouvées en bordure de plage, les comparant à des petites îles, montrant leurs dessins étonnants, révélant le parti qu'on peut en tirer grâce à nos projections imaginatives, en les interprétant, en les peignant, en les assemblant, en les mettant en scène... ; je suis sensible depuis fort longtemps à ce genre de recherche et j'ai donc souhaité aujourd'hui, sous un titre emprunté à un poème de Blaise Cendrars, allier l'évocation de ce livre à un texte que j'avais écrit en 1988 sur une plage du côté de Royan, en marge d'un petit film Super 8 que j'avais intitulé Ecrins de sable, entièrement consacré à la poésie des objets naturels trouvés sur le sable en bord de mer, film resté secret...
12:52 Publié dans Littérature jeunesse, Papillons de l'immédiat, Photographie, Poésie naturelle ou de hasard, paréidolies | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : bruno munari, poésie naturelle, bruno montpied, cinéma amateur, super 8, pierres trouvées, littérature jeunesse, blaise cendrars | Imprimer
Commentaires
Il me souvient, cher Sciapode, d'un fort joli petit texte que vous aviez écrit sur les nuages, il me semble, lors d'une marche dans les Pyrénées que nous avions faite ensemble, il y a fort longtemps (1989) (à ce titre, vous connaissez "Le Nuvolaire" de Fosco Maraini, paru chez Clémence-Hiver il y a une vingtaine d'années? Cela devrait vous plaire). Et votre "Mystères", croyez-vous que nous l'ayons oublié?
Écrit par : Régis Gayraud | 06/05/2013
Répondre à ce commentaireJ'aime beaucoup ce livre très poétique de Munari, entré comme par magie dans ma bibliothèque quelques mois après sa parution. Par la même occasion, il s'en est alors invité chez moi un autre, que je vous recommande, Les Machines de Munari, bel exemple de détournement de l'imagination technicienne à des fins ludiques.
Écrit par : L'aigre de mots | 06/05/2013
Répondre à ce commentairePour infos : Parution aux éditions Scala avril 2013 " L'ermite de Rothéneuf " de Joëlle Jouneau
64 pages richement illustrées (6,50 e)
Écrit par : JEAN GRANIER | 10/05/2013
Répondre à ce commentaireOui, on peu s'attendre ici avec ce bouquin à de la compil pure et simple (...).
[Note de la rédaction du blog: j'ai supprimé le contenu de votre parenthèse dont l'accusation qu'elle renfermait me paraissait de nature diffamatoire ; vous pourriez peut-être attendre de voir le livre avant de lui faire ce procès d'intentions caractérisé...]
Écrit par : Jean Février | 12/05/2013
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