03/11/2014
Acrobatie en terre cuite
"Objets de curiosité" est un terme qu'emploient certains brocanteurs et antiquaires, notamment ceux qui cherchent encore du côté de l'art populaire. Je vais vous en montrer un exemple, chiné il y a déjà quelque temps par un curieux sur le stand de Daniel Boniteau, émérite broc que l'on retrouve régulièrement au détour de plusieurs foires, comme par exemple celle qui débute ces jours-ci à la Bastille (du 6 au 16 novembre).
Une drôle de pyramide humaine, sans date, sans signature, photo Bruno Montpied
Drôle de pièce n'est-ce pas? En terre vernissée, elle paraît pouvoir servir de pichet, mais à la table de quelque érotomane distingué (ou pas). Son axe —pour le qualifier d'un euphémisme— est en effet creusé, un bec horizontal étant chargé de guider la sortie du liquide versé à l'intérieur par une petite rigole qui porte bien son nom. Ce liquide, jailli de cet axe, prend des allures tout bonnement scabreuses...
Ph. BM
Car, comme on s'en avise à présent que l'objet a été mieux scruté, la tige orange, moucheté comme une robe de léopard, et sur laquelle s'appuient différents corps nus, miniaturisés proportionnellement à la tige-pichet (corps nus parmi lesquels on reconnaît une femme enceinte), cette tige est un phallus fièrement érigé. La femme prégnante voit d'ailleurs ce sexe géant surgir entre ses cuisses, tandis que ses voisins font pour l'un les pieds au "mur", couvert d'une substance blanchâtre laissant peu de doute sur sa provenance (voir image finale en bas de cette note), et pour deux autres une courte échelle plutôt goulue (l'homme placé en dessous d'une femme en est très visiblement émoustillé, voir ci-après, sa tête disparaissant du reste complètement dans l'entrejambe de sa partenaire).
Ph. BM
Un quatrième corps (voir première photo) est vautré au sol, présentant haut son postérieur joufflu. Des petits masques décorent la base, tandis que deux testicules un peu ramollis pendent à l'un de ses côtés, permettant aux jambes de la parturiente de s'y reposer comme sur deux coussins.
Comment classer ce genre d'objet? Est-ce de l'art brut? De l'art pour érotomane? Distraction d'un potier en mal d'amour? De l'art populaire érotique? Peu m'importe au fond, la chose m'amuse et m'intrigue, plus vivante que tous les diagrammes, plans, schémas, cartes météo et autres gribouillages numérotés que l'on cherche à nous fourguer pour de l'art brut chez les marchands et collectionneurs qui font parler d'eux en ce moment.
Un de nos fêtards baignant dans le foutre, à ce qu'il semble bien, ph. BM
00:10 Publié dans Anonymes et inconnus de l'art, Art Brut, Art immédiat, Art populaire insolite | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : pichets insolites, objets érotiques, objets de curiosité, art populaire insolite, terres vernissées, modelages, émaillage, poterie, érotomanie, phallus, femme enceinte, grossesse, foutre, cunilingus | Imprimer
Commentaires
Que voilà un étonnant objet! On s'amuse bien, sur le stand à Boniteau... Du design débonnaire, ou plutôt de l'anti-design. Et qui n'a pas dû être simple à façonner. Curieux, on a moins l'impression d'être devant un objet d'usage quotidien que devant quelque ustensile cultuel.
Écrit par : Atarte | 03/11/2014
Répondre à ce commentaireVoici une carafe propice à contenir un bon vin...
Écrit par : Darnish | 03/11/2014
Répondre à ce commentaireValable aussi pour les Saintes Huiles...
Écrit par : dereliction 63 | 03/11/2014
Répondre à ce commentaireJ'en verrais bien une réplique à taille humaine, en bronze finement patiné, placée sur le parvis de Notre-Dame.
Écrit par : L'aigre de mots | 04/11/2014
Répondre à ce commentaireAbsolument d'accord avec la proposition de l'Aigre, au centre du parvis. Je ne sais pas pourquoi cette maquette de statue me fait d'ailleurs penser au projet d'érection de monument en hommage à la guerre des paysans imaginé en son temps par Dürer et malheureusement jamais réalisé. Même si le rapport est très indirect, on n'oubliera donc pas de déboulonner dans le même temps cette hideuse et très martiale statue équestre de Charlemagne qui est une insulte au bon goût, à commencer par le goût de la liberté. On restituera également la forme vulvaire initiale du portail central, lequel devra rester ouvert jour et nuit, et l'on illuminera très opportunément la façade ainsi que les allées intérieures de l'édifice d'une multitude de lanternes rouges pour inviter le passant à venir s'étendre sur les tapis persans disposés dans la travée centrale, cette disposition étant destinée à permettre à chacun de goûter en toute liberté aux plaisirs de la chair. De jeunes jouvenceaux et jouvencelles ainsi que des vieux barbons et quelques vieilles maquerelles se tiendront à disposition dans les allées latérales pour contribuer, selon le bon vouloir des uns et des autres, à exciter et satisfaire les désirs les plus variés. Ce faisant, ils alimenteront les conversations philosophiques les plus nécessaires à la bonne intelligence du plaisir partagé par des considérations et des réflexions les plus solidement argumentées.
Écrit par : RR | 04/11/2014
Répondre à ce commentaireTiens RR, vous vous mettez à faire du Régis Gayraud, maintenant ?
Écrit par : Belzebuth | 04/11/2014
Répondre à ce commentaireAh, vous me flattez...
Écrit par : RR | 04/11/2014
Répondre à ce commentaireJe ne pense pas que RR ait lieu de se sentir flatté, en tout cas, j'approuve en tout point la proposition de l'Aigre surmontée, si je puis dire, de cette préfiguration déjà avancée. Pour ma part, plutôt que des tapis persans, lesquels grattent nos peaux si fragiles, je préférerais de doux sofas bien enveloppants. Au fond de la ci-devant cathédrale, les obsolètes emblèmes du culte, à savoir les croix, retrouveraient, pour les amateurs, leur fonction sadomasochiste première dans les coins réservés à ces pratiques.
Écrit par : Régis | 04/11/2014
Répondre à ce commentaireÉcrire un commentaire