28/07/2007
Introduction à l'art immédiat en Massif Central: MASSIF EXCENTRAL (1)
La première note que j'ai écrite sur ce blog début juin concernait la Suisse et plus particulièrement la région d'Appenzell-Toggenburg que domine la montagne magique du Säntis.
Pôle magnétique que cette montagne semble-t-il irradiant l'inspiration vers ses "Sylvester klaüse", hommes sauvages errant dans la neige en quête d'offrandes humaines, épouvantails ambulants dont l'épouvantail en fer blanc du Magicien d'Oz est comme un écho amoindri... Déchaînant les muses, également, des peintres-paysans bien connus dans ces régions...
Or, il m'est apparu, après un tout récent voyage dans le Cantal, appelé là-bas par un ami dont j'avais fait la connaissance grâce à la lecture (qu'il avait faite avec beaucoup d'années de décalage) d'une plaquette éditée par moi à compte d'auteur en 1993 (son titre: Tour de France de quelques bricoles poétiques (inédites) en plein air, édition conjointe Gazogène/L'Art Immédiat), que nous avions ici aussi, en France, un massif -eh oui pas seulement une montagne- qui pourrait bien être un autre pôle magnétique d'inspiration, de par ses forces souterraines latentes, la chaîne des puys, le Massif Central et ses anciennes traces de volcanisme.
Les exemples de créations populaires sont ici légion que l'on songe aux mystérieux Barbus Müller (à l'origine de l'Art Brut), ou à d'autres sculpteurs sur lave comme Joseph Barbiero, au peintre classé dans l'Art Brut Jean Tourlonias (résidant à Cébazat), ou à cet autre peintre naïf bagnard, originaire de Clermont-Ferrand, Pierre Huguet, décorateur d'une église à Iracoubo en Guyane, à ce dessinateur étonnant de Toulon-sur-Allier nommé Alphonse Courson (révélé dans le recueil de textes divers rassemblés par Pascal Sigoda sous le titre L'Auvergne insolite), ou à l'imagier Pierrot Cassan à Mauriac dans le Cantal, ou encore à ces nombreux décors sculptés qui parsèment le Massif ici ou là, par exemple dans le Cantal, le Puy-de-Dôme, ou le Velay. On y trouve en nombre des croix de chemin d'un archaïsme et d'une ingénuité époustouflants, calvaires en étroite réduction des célèbres calvaires de Bretagne. Les Inspirés du Bord des Routes, si l'on n'a pas encore trouvé de sites d'une grande ampleur, sont aussi présents dans le Massif Central, à commencer par le plus ancien des environnements français en plein air, celui de François Michaud dans la Creuse, près du Plateau de Millevaches (voir ma note du 10 juin). Mais il y en a d'autres, dénichés parfois par moi (comme Michaël G. à St-Flour que je fis connaître à Emmanuel Boussuge qui l'a cité dans le n°1 de sa revue Recoins), parfois par d'autres comme Nicolas Galaud qui signala l'environnement de René Delrieu à Ally dans le Cantal.
Dans le Cantal, Emmanuel Boussuge, depuis quelque temps donc, sérieusement mordu par la passion de l'art populaire insolite en Auvergne, s'est mis à prospecter furieusement chaque arpent du Cantal oriental (encore l'oriental, comme pour la Suisse...!). Il est en passe de devenir le pape du linteau naïf. Pas une croix de chemin qu'il ne connaisse avec leurs différents éclairages de la journée... sans compter qu'il se trouve également le découvreur d'un certain nombre de créateurs non repérés jusqu'à présent (créateurs d'environnements, ou artistes populaires).
N'oublions pas que c'est aussi dans le Massif Central que commença l'aventure de l'Art Brut avec l'existence au sein de l'hôpital psychiatrique de Saint-Alban-sur-Limagnole en Margeride du sculpteur extraordinaire Auguste Forestier, dont la découverte par Dubuffet (en 1944) est antérieure aux découvertes qu'il fit par la suite en Suisse. Une exposition cet été, organisée par le Musée d'art moderne de Villeneuve-d'Ascq, se charge de le rappeler à nouveau.
Je me propose donc dans les semaines qui viennent de revenir plus en détail sur ces différents sujets.
Mais pourquoi "Massif Excentral", me direz-vous avant que je passe à la prochaine note ? C'est qu'il m'est aussi apparu (que d'apparitions en douze jours...) que ce Massif devenait de moins en moins central, ou du moins que ce centre, on le contournait, on l'oubliait, on le méprisait peut-être même, et que donc il devenait de plus excentré... De là, ce jeu de mots d'ex-central qui n'est guère malin, j'en conviens, mais qui constitue tout de même un titre acceptable... Ce Massif, arraché à sa condition qui aurait dû être centripète, abrite peut-être de ce fait tout ce qui compte aujourd'hui parmi les inspirés et les excentriques authentiques, bref dans la création la plus purement immédiate (c'est aussi dans le Massif Central, près du Velay, que s'abrita près de vingt ans le théoricien situationniste Guy Debord...).
Une autre question subsidiaire... Pourquoi, alors qu'au pied du Säntis en Suisse, dans un pays idolâtrant ses ruminants, s'est développé l'art de la poya, peinture des montées aux alpages exposée sur les pignons, sur les étables, comme si cette peinture était faite pour les vaches elles-mêmes, pourquoi la même chose ne s'est pas produite dans le Massif Central? Une peinture pour les vaches, je ne sais (hormis les premiers peintres naïfs anglais) que Dubuffet pour l'avoir tentée (sûrement influencé par l'art des poyas suisse, dans ce pays qu'il aimait particulièrement). Mais j'aurai cependant l'occasion d'évoquer l'art pour les pigeons voyageurs des pigeonniers de Limagne...!
23:25 Publié dans Art immédiat | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Barbu Müller, Cassan, Art Immédiat, linteaux, Tourlonias, André Vers | Imprimer