09/07/2008
René-François Gregogna, l'Anartiste
Je parlais de classiques de l'art singulier dans ma note récente sur "l'été des expositions". On pourrait aussi parler de ses"ancêtres", si le terme n'avait pas quelque chose de légèrement offensant.
Bien sûr on connaît Chaissac, qui avec son "art rustique moderne" n'était pas loin des créateurs que l'on peut regrouper sous l'étiquette singulière. Il y a eu aussi Michel Macréau, étonnant peintre en marge du monde des arts, en dépit d'un talent indéniable qui aurait dû lui ouvrir les portes des galeries, des institutions muséales de son vivant, et le faire exposer davantage sur un plan international. Ce dernier fut actif des années 60 aux années 90, et fut certes associé à la Figuration Narrative, déclaré également précurseur dans les années 60 de la peinture de graffiti (il est proche cousin d'un Basquiat), mais son parcours marginal dans l'art contemporain le fait aussi rapprocher de certains grands individualistes que l'on classe faute de mieux du côté des "singuliers". Créateurs dénommés ainsi après l'exposition des Singuliers de l'Art (1978) au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris. L'expression, on le sait, au départ cherchait à englober aussi bien les environnementalistes que les bruts, ou les créateurs contemporains indépendants et semi-professionnels. Avec le temps, les festivals d'art singulier fleurissant dans les petites villes, le terme en est venu à désigner essentiellement les créateurs contemporains marginaux recourant à des techniques artistiques d'autodidactes, s'exprimant dans un langage primitivisant ou imaginiste. Le mot peut ainsi devenir plus ou moins synonyme de "création franche" ou de "neuve invention" (les cas-limites aux portes de l'art brut).
Parmi ces Singuliers, il existe un autre précurseur, René-François Gregogna, actif à Sète, Frontignan et Pézenas depuis quatre décennies. Un peu comme Jean-Joseph Sanfourche dans le Limousin, Jacques Reumeau dans la Mayenne, ou encore Elie-Séraphin Mangaud en Vendée (un ami de Chaissac celui-ci, et bien méconnu),etc... (Il doit y avoir des créateurs indépendants et inclassables dans toutes les régions). Né en 1926, résistant pendant la guerre, ayant été profondément marqué par le sculpteur naïf/brut ardéchois Alphonse Gurlhie (dont Jacques Brunius paraît faire mention dans son film de 1939 Violons d'Ingres), alors qu'il n'avait que huit ans, auteur de diverses expériences artistiques dès 1958 dans la région sétoise (mais aussi un temps en Touraine et en Allemagne, entre 1978 et 1983), souvent accompagnées de scandales et de vandalisme (il est fort connu pour avoir peint en 1978 et 1979 les rochers de deux digues situées à Sète et à Frontignan sur plus de 2000 m2, digues qui toutes deux se trouvèrent détruites), Grégogna est un personnage attachant, aux allures de dandy méridional, un créateur inégal et inventif en même temps, qui ne suit que son désir, et son inspiration... Seules comptent la liberté, la poésie, la surprise et la satisfaction de l'artiste. Son oeuvre réside aussi dans sa conduite de vie. Sa biographie (que l'on peut trouver sur le site de l'atelier photographique de Didier Leclerc où l'on trouve d'excellentes photos comme celle que j'insère ici) et le film qu'Anne Desanlis (qui a aussi collaboré au film Le Dernier des Immobiles, consacré au poète Matthieu Messagier) a réalisé sur lui le montrent avec éclat.
Grégogna a probablement exercé en outre une influence non négligable sur les tenants de la Figuration Libre notamment à travers les frères Di Rosa, dont l'un deux, Hervé, a créé en sus de son oeuvre un Musée international des Arts Modestes, installé à Sète, dont les conceptions ont des relations avec l'esprit primesautier d'un Gregogna justement. L'actualité permet de se faire une idée de l'oeuvre de Grégogna puisqu'il expose à deux adresses cet été. La Maison des métiers d'art de Pézenas expose les "laines de l'anartiste" du 28 juin au 30 septembre 2008 (tél: 04 67 98 16 12), des oeuvres textiles donc (l'artiste a fortement tendance à pratiquer toutes sortes de techniques par ce goût de l'expérimentation qui est un autre masque de son goût pour les diverses situations de la vie). Dans le cadre de la manifestation FiestaSète, se tient également une expo Grégogna, "Tout vient à point, à qui sait m'attendre". Vernissage le 11 juillet. Du 11 juillet au 30 sepembre 2008, Espace Félix, 2, quai Général Durand, Sète (04 67 74 48 44 et http://www.fiestasete.com/, site où il faut précisément chercher ce texte sur Gregogna).
08:00 Publié dans Art singulier | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : gregogna, anne desanlis, art singulier, gurlhie, fiestasète | Imprimer