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Le vingt-huitième numéro de ”Création Franche”
Le n°28 de la revue Création Franche, qui paraît apparemment deux fois l'an, vient de sortir (numéro de septembre). Au sommaire, toujours une suite d'articles sur des créateurs variés, avec ce principe maintes fois réaffirmé auparavant par le rédacteur en chef Gérard Sendrey (artiste et deus ex machina du musée éponyme de la Création Franche, situé comme on sait au 33, ave du Maréchal de Lattre de Tassigny, 33130 à Bègles ; c'est aussi à cette adresse qu'on peut se procurer la revue (8€ le numéro), voir également ici le site du musée), on ne doit y parler que des vivants... Cependant, cette fois, il y a des petites entorses à la règle (mais elles sont justifiées). On parle dans ce numéro (article de mézigue, Bruno Montpied, un habitué des entorses...!) d'environnements spontanés datant "d'avant le facteur Cheval" (François Michaud, Jean Cacaud, la cave des Mousseaux à Dénezé-sous-Doué, une maison sculptée en Margeride, l'abbé Fouré -pas tout à fait d'avant le facteur Cheval celui-ci, c'était en fait un contemporain de Ferdinand- et surtout d'un certain Louis Licois et de son bas-relief très naïf à Baugé dans le Maine-et-Loire).
Gérard Sendrey lui-même pratique aussi l'entorse à ses propres principes puisqu'il évoque dans ce numéro 28 la mémoire des magnifiques dessins tourmentés de Swen Westerberg, le défunt époux de Claude Brabant de la galerie l'Usine à Paris (qui défend depuis tant d'années la création imaginiste de tous bords). Il faut dire que ce principe ne s'applique pas, me semble-t-il, à des créateurs qui sont passés au milieu de nous furtivement et sans trompettes. La renommée n'a pas eu le temps d'apprendre leur existence que déjà ils s'éclipsaient. Et ils avaient très mal su faire leur propre publicité, ce qui est le péché des péchés au jour d'aujourd'hui... Autant dire que l'époque regorge encore plus que les précédentes de créateurs originaux que l'on n'a pas su remarquer. Swen est incontestablement de ceux-là. Les dessins que publie ce numéro de Création Franche, et qui ont déjà fait l'objet d'un livre édité par Claude Brabant dans le cadre de sa galerie (avec 270 dessins reproduits), datent apparemment des années 60. Moi qui ai fréquenté la galerie dans les années 80, je n'avais pas eu vent de leur existence, les dessins que j'avais alors vus ne m'ayant pas autant intrigué. L'auteur n'avait alors peut-être plus l'envie de les montrer.
Joseph Ryczko, un vieux de la vieille dans ces domaines des arts buissonniers, nous fait découvrir des dessins très ornementaux d'une nouvelle au bataillon, Gabrielle Decarpigny, qui paraît vivre du côté des Pyrénées, dessins fort séduisants si l'on en juge par ceux qui sont reproduits ici.
Trois plumes venues de la Collection d'Art Brut de Lausanne, Sarah Lombardi, Lucienne Peiry et Pascale Marini occupent également le terrain de ce numéro avec des articles sur Rosa Zharkikh, sur les "travaux de dames", les textiles de l'art brut, et sur Donald Mitchell (il m'ennuie un peu celui-ci, déjà aperçu à Montreuil du côté d'ABCD il me semble...). Et que je n'oublie pas de mentionner un article également de Dino Menozzi sur l'artiste Tina San , Menozzi sur qui je reviendrai dans une note suivante de ce blog.
Ce Création Franche est un numéro peut-être un peu plus bref que de coutume mais il contient des textes et des images qui apportent du nouveau et auront peut-être ainsi quelque chance de revenir nous hanter.
27/10/2007 | Lien permanent | Commentaires (3)
Appel du 18 juin: ”Alcheringa” n°4 est paru et ses animateurs viennent en causer à la Halle Saint-Pierre
Alcheringa, j'en ai déjà parlé lors de la parution de son n°3. Il continue de se manifester, puisque son n°4 sort à présent, toujours édité (et maquetté) par Venus d'Ailleurs du côté de Nîmes. Il sera présenté dimanche prochain à l'auditorium de la Halle, à 15h, en présence de Joël Gayraud, Guy Girard, Régis Gayraud et mézigue. Je dois y présenter en effet les articles que j'ai donnés à la revue, l'un sur l'art en commun (il y aura quelques images projetées) et l'autre, plus réduit, consacré à une remarque concernant le catalogue de la récente exposition "Chercher l'or du temps", consacrée au surréalisme, l'art magique et l'art brut, au LaM de Villeneuve-d'Ascq. Ce catalogue contient en effet une prodigieuse découverte due à l'une des conservatrices de ce musée, Jeanne Bathilde-Lacourt, découverte qui regarde les prémisses de la collection d'art brut de Jean Dubuffet. Il me paraissait important de la souligner un peu plus, notamment auprès de lecteurs intéressés par le surréalisme.
Voici le sommaire de la revue:
Numéro 4 - Été 2023
(128 pages ; 22 €)
Dans ce numéro:
Guy Girard, Devant le feu
Joël Gayraud, Métamorphoses de l’alkahest
Sylwia Chrostowska, Tout et son contraire
Jacques Brunius, Le jardin n’a pas de porte
Bruno Montpied, L’art en commun, si peu commun…
Laurens Vancrevel, Will Alexander et l’usage surréaliste du langage
Natan Schäfer, Vers le Phalanstère du Saï
Régis Gayraud, Souvenons-nous de Serge Romoff.
Autour d’une lettre inédite d’André Breton
ainsi que d’autres articles, poèmes, récits de rêves, notes critiques et images par :
René Alleau, Aurélie Aura, Jean-Marc Baholet, Anny Bonnin, Massimo Borghese, Anithe de Carvalho, Eugenio Castro, Claude-Lucien Cauët, Juliette Cerisier, Sylwia Chrostowska, Darnish, W. A. Davison, Gabriel Derkevorkian, Kathy Fox, Antonella Gandini, Joël Gayraud, Régis Gayraud, Yoan Armand Gil, Guy Girard, Beatriz Hausner, Jindřich Heisler, Alexis Jallez, S. L. Higgins, Marianne van Hirtum, Richard Humphry, Andrew Lass, Michael Löwy, Albert Marenčin, Alice Massénat, Bruno Montpied, Peculiar Mormyrid, Leeza Pye, Pavel Rezniček, Alain Roussel, Bertrand Schmitt, Carlos Schwabe, Petra Simkova, Dan Stanciu, Wedgwood Steventon, Ludovic Tac, Virginia Tentindo, Marina Vicehelm, Sasha Vlad, Susana Wald, Gabriela Žiaková, Michel Zimbacca.
Bruno Montpied et Petra Simkova, "Des êtres se rencontrent et une douce musique s'élève dans leurs cœurs", hommage à Jens-August Schade, 3 x 4 m, peinture industrielle sur toile PVC, 1999.
Des exemplaires de la revue seront bien sûr ensuite disponibles à la vente dans la librairie de la Halle Saint-Pierre.
Signalons aussi par la même occasion la parution d'un autre n°4, de la revue L'Or aux 13 îles (qui devient également un foyer éditorial), qui lui de même qu'Alcheringa est disponible à la vente à la librairie de la HSP (accompagnant, c'est à noter, les trois premiers numéros de la revue, qui contiennent trois articles copieux de moi-même: dans le n°1 (2010), un grand dossier sur les bois sculptés de l'abbé Fouré, où j'avais réédité le Guide du Musée de l'ermite, dans le n°2, une prose poétique sur ma collection illustrée de plusieurs reproductions, Le royaume parallèle, et dans le n°3, un article sur les bouteilles peintes de Louis et Céline Beynet, des autodidactes inconnus et inventifs qui vivaient en Limagne, près d'Issoire).
14/06/2023 | Lien permanent | Commentaires (10)
Václav Levý, un sculpteur instinctif en Bohême
Vaclav Levy, Adam et Eve, sculpture en cire (semble-t-il)
12/07/2007 | Lien permanent | Commentaires (1)
”Trait d'union, les chemins de l'art brut (6)” au Château de Saint-Alban-sur-Limagnole: MASSIF EXCENTRAL (6)
En Margeride, bien perdue dans une région de la Lozère où les loups manquent vraiment dans le paysage tant ils y seraient bien accordés (sans parler de la Bête du Gévaudan), au milieu de ces massifs d'épineux aux verts ténébreux, à la lumière lugubre, une exposition d'art brut, une de plus au Château de St-Alban. Je me souviens d'une autre en effet il y a quelques années, consacrée à une petite partie de la collection ABCD.
C'est qu'ici est née la psychothérapie institutionnelle des psychiatres Bonnafé, Tosquelles, Jean Oury, Roger Gentis, etc... Un mouvement psychiatrique qui voulait soigner aussi bien l'hôpital que les malades qu'il recueillait, en associant, entre autres moyens, ces derniers à la vie de l'hôpital, dans une sorte de participation égale des soignants et des soignés dans l'organisation de la vie quotidienne, ou des fêtes, dans la tenue d'un journal appelé "Trait d'union", d'où le titre de l'exposition ci-dessus nommée, organisée avec la participation du Musée d'Art Moderne de Lille-Métropole, qui a prêté pour l'occasion quelques pièces de la donation de l'Aracine.
C'est ici aussi qu'est né l'art brut, d'une certaine manière, non pas parce qu'Auguste Forestier y avait déjà commencé à faire de l'art brut avant que Dubuffet n'en ait inventé le terme (1945, comme on sait), mais parce que c'est précisément avec des créateurs tels qu'Auguste Forestier que Dubuffet commença véritablement à initier sa recherche, et à commencer ses explorations qui allaient devenir par la suite plus méthodiques et systématiques, notamment avec ses voyages en Suisse. Je l'ai déjà signalé dans un assez long article (Bruno Montpied, D'où vient l'art brut? Esquisses pour une généalogie de l'art brut, dans Ligeia, dossiers sur l'art, n°53-54-55-56, Paris, 2004).
L'art brut, comme on commence à le savoir, n'a pas été inventé par ceux que l'on classe sous ce nom, Auguste Forestier, Wölfli, Müller ne faisaient pas d'art brut. C'est un concept inventé par Dubuffet, non un mouvement. Lorsque François Tosquelles écrit (du moins c'est Mireille Gauzy, dans le catalogue de l'expo, qui lui prête ces mots): "Lorsque je suis arrivé à Saint-Alban en 1940, Forestier avait déjà inventé l'art brut", cette phrase n'a pas de sens et introduit de la confusion. Beaucoup d'auteurs, ensuite rangés dans l'art brut, créèrent bien avant que Dubuffet ne les découvre, comme par exemple Wölfli, ou Forestier. Tosquelles, s'il a dit cette phrase, voulait peut-être assimiler ces créateurs à des artistes en train d'élaborer un mouvement esthétique ou politique, etc. Mais cela ne correspond pas à la vérité de leur démarche. Ces hommes et ces femmes que l'on a rangés dans l'art brut créaient en état d'urgence, sans se préoccuper le moins du monde de confrontation avec le monde de l'art, dont la plupart du temps, ils ne savaient rien.
C'est donc à Saint-Alban qu'opérait Forestier le sculpteur (qui avait été aussi auparavant un dessinateur, deux beaux dessins sont exposés dans l'expo actuelle de St-Alban ; ces dessins, conservés au départ par le Docteur Maxime Dubuisson, furent ensuite recueillis par son petit-fils le docteur Bonnafé qui en a fait don au Musée de Villeneuve-d'Ascq). C'est là que le découvrit en 1943 Paul Eluard qui fuyait alors Paris avec sa femme Nusch, du fait de son engagement politique avec le Parti Communiste et auparavant avec les surréalistes, desquels il venait justement d'être exclu pour son adhésion au parti stalinien (on sait que certains de ses anciens amis furent inquiétés, comme Desnos, resté lui à Paris bien trop visiblement, et qui fut dénoncé et déporté dans un camp en Tchécoslovaquie où il mourut ; Benjamin Péret fut emprisonné et s'évada, Breton fut inquiété à Marseille lors de la visite de Pétain, etc.).
Eluard a ramené des oeuvres de Forestier à Paris dès 1944, il en fait parvenir à Picasso, à Queneau (le catalogue reproduit un "homme-oiseau" que possédait ce dernier, et qui avait déjà été reproduit dans le livre de Dominique Charnay, Queneau, dessins, gouaches et aquarelles, p.69, Buchet-Chastel, Paris, 2003). Dubuffet qui fait la connaissance d'Eluard en 44 en voit chez lui, à Paris donc tout d'abord. Il existe une correspondance avec Queneau (de mai 45) qui prouve qu'il s'intéresse de près à Forestier dont il ne verra les oeuvres à St-Alban que plus tard, après son premier voyage d'exploration en Suisse (en juillet 45 ; il ira ensuite, au début de septembre, à Rodez chez Ferdière et Artaud, interné à Rodez, puis par la même occasion à St-Alban). On ne sait pas précisément le détail de ces prises de contact de Dubuffet avec l'oeuvre de Forestier, et aussi surtout avec ceux qui la collectionnaient. Et il faut dire que cette exposition rate un peu l'occasion d'apporter justement des éclaircissements sur la question... Il faut fouiller le catalogue (p.120) pour trouver simplement une petite phrase énigmatique de Christophe Boulanger qui nous apprend tout à coup que "Dubuffet [fut] mal reçu à Saint-Alban"... Tiens donc, et pourquoi? Aucune explication supplémentaire ne nous est proposée... Cependant, il est loisible au lecteur d'imaginer que les hommes en présence ne sympathisèrent pas (à l'époque, ni Jean Oury, ni le Dr. Roger Gentis, qui eurent des relations avec Dubuffet par la suite, n'étaient à St-Alban), et que ce fut pour cette raison que Dubuffet attendit assez longtemps pour parler de Forestier dans les fascicules de la compagnie de l'Art Brut, et qu'il ne publia un texte sur lui (avec l'aide d'informations venues de Jean Oury, médiateur plus idoine, et arrivé plus tard à St-Alban, soit en 1947) , qu'en 1966 dans le fascicule n°8 de l'Art Brut. Jean Oury a par ailleurs révélé que c'était lui qui avait donné toutes les sculptures qu'il possédait de Forestier à la Collection de l'Art Brut (en 1948-1949 ; il dit cela page 190 de Création et schizophrénie, éd. Galilée, Paris, 1989).
Sur Forestier, on lira dans le catalogue l'intéressant texte de Savine Faupin, Le voyageur immobile, où entre autres remarques, elle met en parallèle les fugues de Forestier (interné une première fois de 1906 à 1912, puis une seconde de 1914 à sa mort en 1958 à 71 ans) qui aurait pu croiser sur les routes du Massif Central, nous dit-elle, cet autre infatigable marcheur appelé Albert Dadas, dont la vie et les étranges errances ont été récemment remises en lumière dans l'intéressant ouvrage de Ian Hacking, Les Fous Voyageurs, aux éditions Les empécheurs de penser en rond (en 2002). J'ai également remarqué ce cas de mystérieux somnambulisme, assez proche du déplacement en état de rêve éveillé, que j'ai plutôt de mon côté associé aux expériences de dérives surréalistes et situationnistes des années 20 et 50 (cf. L'art Brut, l'utopie situationniste, un parallèle, deuxième version remaniée et en cours de rédaction, faisant suite à la publication en 2000/2001 d'une première version parue en américain dans une revue universitaire du Mississippi).
Il y eut donc comme un différé dans l'histoire de la découverte de Forestier par Dubuffet. Certaines oeuvres présentées à St-Alban m'ont paru moins connues comme ce bateau "Euréka", que j'insère ci-dessus et qui me semble différent de celui que tient le Dr. Tosquelles sur la carte postale d'invitation à l'exposition (reproduit plus haut en vignette). Ce dernier ressemble davantage à celui que j'ai photographié dans la collection du Dr Ferdière en 1990, après le décés de ce dernier (voir ma note sur Les Nefs des fous), il possède simplement un peu plus d'éléments et de superstructures sur le pont (le catalogue en montre un, appelé "Myra" qui est crédité comme ayant appartenu à Ferdière). Il est difficile de s'y retrouver... Un catalogue exhaustif des travaux connus de Forestier se révélerait utile.
L'expo de St-Alban n'est pas très grande. elle mêle de façon assez arbitraire des oeuvres de créateurs ayant vécu dans l'hôpital et qui sont classés dans l'art brut (Aimable Jayet, Benjamin Arneval, Marguerite Sirvins, ou Forestier) à celles d'autres auteurs d'art brut dont le lien avec St-Alban n'existe pas, hormis le fait qu'ils ont vécu dans d'autres asiles (Carlo, André Robillard, l'anonyme de Bonneval). C'est une simple expo d'art brut, voilà tout. Des photos sur l'abbé Fouré voisinent aussi ici avec un barbu Müller, sans trop de liens là non plus avec Saint-Alban. C'est l'occasion pour Alain Bouillet de se fendre dans le catalogue d'un long article sur Fouré où il s'insurge de ce que le propriétaire actuel des Rochers n'ait jamais songé à entourer les sculptures de l'abbé d'une information plus sérieuse à leur sujet.
De son côté, Madeleine Lommel s'insurge contre l'hypothèse défendue par certains journalistes que l'art brut serait un art "culturel", ce dont elle s'afflige, mais quelques lignes plus bas de son même texte (paru en ouverture du catalogue), elle souligne aussi que les oeuvres d'art brut sont "autant d'invites à ne pas oublier son passé: art populaire, artisanat, travail de la main..." Ce qui est bien dire, me semble-t-il, que l'art brut participe d'un art dont les soubassements culturels sont à rechercher du côté des anciens savoirs artisanaux ou artistiques populaires, non?
15/08/2007 | Lien permanent | Commentaires (1)
Gens ordinaires et univers imaginaires
Le printemps est donc là avec son cortège de projections de docu sur l'art brut et consorts. Hors-Champ à Nice doit être en train de mettre la dernière main à son programme de fin mai début juin au MAMAC de Nice. Peut-être pour nous mettre l'eau à la bouche, voici que son animateur principal, Pierre-Jean Wurst, avec la complicité de Denis Lavaud son homologue parisien féru de cinéma autour des arts populaires, monte à Paris avec un programme de films certes déjà vus ici ou là, mais que les néophytes auront tout intérêt à aller découvrir si ils veulent s'initier de façon vivante et cinétique aux créateurs de l'art brut et apparentés. Demandez donc le dit programme...
Une fois celui-ci placé sous les yeux de tout un chacun, je me permettrai de me fendre de conseils de visionnage pour ceux qui voudraient se faire une culture, ou une anti-culture vite faites en matière de cinéma documentaire sur les arts populaires modernes. Sans aller jusqu'à faire comme les surréalistes qui préconisaient "lisez ceci... et ne lisez pas cela...", ce qui serait d'actualité dans d'autres cas –car tout un chacun a bien le droit d'exprimer ses préférences et ses haines, en dépit de tous les crétins amateurs de nivellement– on peut en l'espèce indiquer quelques pistes qui d'après moi s'annoncent plus originales que d'autres. La programmation est prévue pour deux jours le samedi 26 et le dimanche 27 à la MAISON DES CULTURES DU MONDE (101, bd Raspail dans le VIe ardt, et NON à la Halle St-Pierre... auprès de qui par ailleurs il est prudent de réserver sa place), dans le cadre du toujours passionnant Festival de l'Imaginaire qui se tient depuis des années à Paris, proposant diverses manifestations autour des arts populaires du monde entier (ils ont une antenne, si je puis dire, à Vitré, au Centre Français du Patrimoine Immatériel, où sont montées à la belle saison généralement d'alléchantes expositions, comme par exemple cette année "ANIMAUX TOTÉMIQUES ET DRAGONS PROCESSIONNELS, Le bestiaire fantastique des fêtes méridionales" du 26 avril au 21 septembre).
Animaux (loups?) de procession dans le Midi de la France, image extrait du site du CFPCI
Je ne pense personnellement pas venir le samedi 26, où seuls quelques titres m'intriguent (le samedi matin: Le jardin fantastique de Fiorenzo Pilla de Giuseppe Trudu, en présence du réalisateur ; Driven by vision (Jim Bishop) de Michael McNamara ; et surtout le samedi après-midi Emile Ratier d’Alain Bourbonnais en présence de Caroline Bourbonnais), car malheureusement placés avec d'autres déjà vus dans de précédentes programmations.
Emile Ratier, un de ses assemblages de bois, une grande roue foraine, collection permanente du Musée de la Création Franche, Bègles
En effet, certains autres films comme celui annoncé sur Yvonne Cazier "peintre-médium", s'annoncent, si je me base sur les images d’œuvres récemment reproduites dans le dernier numéro de Création Franche, comme de possibles fausses découvertes. Comme si on s'ingéniait à nous trouver des prolongements spirites à l'heure actuelle, ce qui jusqu'ici n'est pas prouvé, les créateurs (et en l'occurrence plutôt les créatrices) proposés lors d'autres manifestations (Marie Jeanne Gil par exemple ou Henriette Zéphyr) étant assez peu originaux je trouve. Le lecteur cela dit, comme je l'ai déjà dit, se fera bien entendu, à propos d'Yvonne Cazier, son opinion seul à l'aide du programme dans le lien inséré plus haut.
Non, personnellement, je passerai peut-être plutôt le dimanche après-midi, même si je vous conseille de vous débûcher le matin pour aller voir les trois films programmés, l'excellent film de Milka Assaf sur Gugging, et ses créateurs dont plusieurs désormais disparus comme August Walla ou Johan Hauser, et aussi le très poétique documentaire de Vincent Martorana sur Justin de Martigues. L'après-midi, les films sont intéressants aussi. Sont prévus des films de Decharme sur ses chouchous déjà insérés dans son film Rouge Ciel (avec entre autres un sujet sur l'abbé Fouré à propos duquel j'espère qu'il aura fait une mise à jour côté biographie? Parce que son inspiration n'a rien à voir avec une bande de flibustiers du nom de Rothéneuf...), un film de Del Curto et Genoux sur Pya Hug, et un autre sur un créateur asiatique (japonais je crois me souvenir), Macoto Toya –déjà montré par exemple au Lieu Unique à Nantes il y a deux ans– plus le toujours génial film de Michel Ettter, Martial, l'homme-bus, sur une figure de la rue de Lausanne.
Cet après-midi-là, il y a encore un autre film, à se fier à la consonance du patronyme sur un site coréen, Mok Sok Won (ce qui veut dire jardin de bois et de pierres) de Muriel Anssens et Jean-Louis Bartoli. De la poésie naturelle en bord de mer interprétée par un artiste qui hélas plaque un peu trop semble-t-il son idéologie New Age, ce qui plaira certainement à tous nos "artbrutistes" amateurs de contre-culture. Un peu de poudre mystico-dingo faisant toujours bien dans le décor.
19/04/2014 | Lien permanent
Des jardins de fantaisie populaire à Dives-sur-Mer (presque) tout l'été
Je continue à présenter Bricoleurs de paradis (cette fois avec son réalisateur Remy Ricordeau), ainsi que mon livre Eloge des Jardins Anarchiques, le 10 juillet prochain à 20h à la Médiathèque Jacques Prévert de Dives-sur-Mer, dans le Calvados, ville où comme on sait se trouve la Maison Bleue d'Euclides da Costa Ferreira.
Euclides da Costa Ferreira, détail au caméléon, dans les décors en mosaïque de "la Maison Bleue" à dives-sur-Mer, ph. Bruno Montpied, 2011 (pas dans l'expo)
Cependant, il y a un bonus en supplément pour l'occasion, je prête également une petite exposition que j'ai conçue pour cette médiathèque, "Les jardins de fantaisie populaire", exposition prévue pour durer du 11 juillet jusqu'au 1er septembre. Il y aura vingt photos de votre serviteur consacrées à divers sites d'inspirés du bord des routes (vingt sites différents: Châtelain, Litnianski, Jean Grard, Darcel, Taugourdeau, Calleja, Guitet, Gourlet, Escaffre, Pastouret, Clément, Licois, Le Breton, Bernard Aubert, Pailloux, Vanabelle, Jenthon, da Costa Ferreira, l'abbé Fouré, Bernard Roux), plus quelques objets rescapés ou en provenance de divers sites (Taugourdeau, Pailloux, Clément, Céneré Hubert, Paul Waguet, René Jenthon, Donadello) et des affiches (des photos agrandies d'après le livre EJA). On pourra également se procurer des exemplaires de mon livre en vente sur place (sous l'égide d'une librairie de Caen).
Voici le texte qui est prévu pour accompagner l'expo (ici légèrement remanié):
Le propos de cette petite exposition, montée en prolongement de la présentation le 10 juillet en cette même médiathèque de Dives du film de Remy Ricordeau, Bricoleurs de paradis (Le Gazouillis des éléphants), film inséré dans le livre Eloge des Jardins anarchiques de Bruno Montpied, est d’inviter à une balade et à une prise de conscience face aux créations de plein vent qui sont disséminées discrètement à travers le territoire de la France. Œuvres de gens du commun, le plus souvent commencées à la retraite, comme par un désir de clamer au monde que non, tout n’est pas fini, ces espaces « corrigés » sont variés. On rencontre ainsi des mosaïstes de bouts d’assiette, comme da Costa Ferreira, bien connu à Dives-sur-Mer, des jardins de statues naïves, des accumulations d’objets et de matériaux hétéroclites, des installations en maquettes de tanks, canons, ou monuments du monde entier réassemblés dans un nouvel ordre, des rochers sculptés, des branches interprétées, des arboretums semés de plaisanteries taillées dans le granit, un jardin comme un conte d’Andersen, une forêt de moulinets multicolores, le vélo extraordinaire, sculpture ambulante, de M. Pailloux en Vendée, un habitat troglodytique couvert de bas-reliefs, un autre à thématique mythologique, des jardins « zoologiques », etc.
Aubade pour taureau (cornemuse, guitare, accordéon) par Alexis Le Breton, ph. BM, 2010 (pas dans l'expo)
Les ouvriers, les artisans, les paysans s’abandonnent à leur fantaisie, dans un espace intermédiaire entre habitat et route, entre chez eux et chez tous, dans une sollicitation de leur imaginaire qui se déploie à la fois intimement, comme dans les œuvres de l’art brut, et pour être montrée au vu et au su de tous ceux qui passent (sans qu’il soit nécessaire d’entrer). Ils font de l’art, puisqu’ils sculptent, peignent, bâtissent, assemblent, collent, sans être pour autant des artistes (au sens convenu du terme, et notamment marchand). Ils le disent, ils sont avant tout des créateurs modestes, ne voulant pas se distinguer du commun des mortels, ils créent sur place pour se donner des fêtes à eux-mêmes et aux passants, dans une geste gratuite, toute de dépense sans autre contrepartie que la reconnaissance de ceux qui les visitent. Ils ne vendent généralement pas leurs travaux qui font partie de leur vie, ils se sont peut-être assez vendus comme ça durant leur vie de labeur. Ils se donnent le luxe de ne pas se lancer dans un petit commerce sur le tard. Ils ont une galerie en plein vent où il n’y a pas de marchandise (ou alors, très marginalement).
Ils le savent, c’est le temps de la création qui est le meilleur de la vie.
Da Costa Ferreira le savait, lui qui n’eut jamais d’autre richesse. Venez voir ses frères et sœurs qui sont plus nombreux que l’on aurait cru.
Mais il ne faut pas oublier que la majorité de ces sites sont sur des terrains privés pas nécessairement ouverts aux visites. Dans ce domaine, il faudra faire preuve de tact et de respect à l’égard de créateurs atypiques montrant leur art sans inviter nécessairement à l'envahir…
03/07/2012 | Lien permanent
Une collection d'art immédiat dans ”L'Or aux 13 îles” n°2, et un vernissage le 6 novembre prochain
L'Or aux 13 îles, je vous en ai déjà parlé lorsqu'était sorti en janvier 2010 son n°1 qui concernait grandement les passionnés d'art populaire brut et des environnements spontanés parce qu'y était inséré un dossier volumineux sur le musée disparu de l'abbé Fouré consacré à ses bois sculptés à Rothéneuf (ce fut l'occasion surtout de republier un document rare, le Guide de ce petit Musée étonnant, guide paru en 1919 ; par la même occasion, nous commémorâmes ainsi -les premiers!- le centième anniversaire de la disparition de l'abbé, mort en 1910).
Voici que paraît son n°2 (cliquez sur ce lien et vous obtiendrez le formulaire de commande du numéro, voire des deux numéros), cette fois dominé par un thème "L'homme hanté par l'animal". Jean-Christophe Belotti est toujours aux commandes du navire, Vincent Lefèvre est toujours le maquettiste, élément important qui assure à la revue sa belle et élégante livrée. Le sommaire est varié, après une introduction de Belotti sur le pourquoi du comment du thème choisi, qu'il a illustrée de fort charmantes cibles foraines tchécoslovaques, on découvre les magnifiques photographies d'oiseaux naturalisés de Pierre Bérenger qu'il fit à la fin des années 1960 dans les locaux alors désaffectés du Museum d'Histoire Naturelle, avant que ce dernier lieu ne soit restauré et transformé en Grande Galerie de l'Evolution (comme le rappelle François-René Simon dans son texte de présentation). Suivent divers textes de Vincent Bounoure, Anne Fourreau et Jean-Yves Bériou. Je m'arrête plus particulièrement sur les dessins d'une certaine Mélanie Delattre-Vogt.
Puis suit un grand dossier sur Pierre Peuchmaurd, poète estimable disparu tout récemment (comme dans le n°1 était inséré un dossier sur Jean Terrossian). Les poèmes nombreux sélectionnés par Belotti dans l'œuvre de Peuchmaurd ont tous un lien avec l'animal.
Des poèmes inédits de Guy Cabanel sont flanqués d'aquarelles d'Aloys Zötl, extraites du livre de Victor Francés récemment paru aux éditions Langlaude (Contrées d'Aloys Zötl, à un prix défiant toute concurrence grâce à des Chinois sous-payés), cet obscur teinturier autrichien qui se passionna de 1831 à 1887 pour des animaux qu'il dessinait plus réels qu'en vérité, les plaçant dans des décors naturels peu réalistes mais somptueusement veloutés et d'une puissance de suggestion sur l'imagination à nulle autre pareille.
Ce numéro 2 est aussi pour moi l'occasion d'entrouvrir une porte sur une collection "d'art immédiat" dans le texte de 40 pages que j'ai intitulé Le Royaume parallèle. Dérivant derrière cette porte, j'invite le lecteur à découvrir des créateurs aussi variés que Guy Girard, Marilena Pelosi, Gérald Stehr, Armand Goupil, le sergent Louis Mathieu, le peintre naïf Louis Roy, le "patenteux" québécois Charles Lacombe, Christine Séfolosha, divers pratiquants de l'atelier pour handicapés mentaux de la Passerelle (l'atelier animé par Romuald Reutimann à Cherbourg), des objets d'art populaire anonyme, des collages d'un "anonyme américain" (que j'ai identifié depuis peu grâce à l'amabilité de Frédéric Lux comme étant de l'autodidacte américain Javier Mayoral, voir le blog de Laurent Jacquy Les Beaux Dimanches qui y parle d'un blog tenu par ce créateur, appelé Locus Solus 1 où Mayoral parle de ses créations très diverses, ex-voto décalés, catcheurs, phénomènes à la Barnum ; le monsieur en question paraît beaucoup jouer de la distanciation tout en restant friand d'ingénuité: curieux!), un jeu de massacre forain, une poupée rescapée de tribulations dans des greniers oubliés, Jean Estaque, Serge Paillard, l'inévitable et mirifique Joël Lorand, Jean-Louis Cerisier, soit autant de figures ou de sujets que les lecteurs fidèles et attentifs du Poignard reconnaîtront sans coup férir comme rôdeurs dans ces parages...
A noter que je viendrai à l'auditorium de la Halle Saint-Pierre à 15h le dimanche 6 novembre (dans une semaine donc) en compagnie de Jean-Christophe Belotti qui dédicacera ce numéro tandis que je proposerai aux personnes présentes une dérive en une centaine d'images sur cette collection d'art immédiat (cela ne se limitera pas, étant donné le nombre, aux images présentes dans la revue). A bientôt donc.
Les illustrations qui accompagnent cette note sont, pour ce qui concerne les dernières des pages extraites de la revue.
30/10/2011 | Lien permanent | Commentaires (11)
L'éternel retour de Jacques Brunius
Jacques Brunius fut un homme lié au surréalisme jusqu'à sa mort (1967), survenue au moment du vernissage d'une exposition collective surréaliste en Angleterre, pays où il s'était installé durant la Seconde Guerre Mondiale, et où il avait exercé au nom de la résistance aux Nazis la fonction de speaker à la radio (peut-être que certains des célèbres messages codés envoyés aux résistants de l'autre côté de la Manche ont été prononcés par lui). Il fut poète, collagiste, comédien, cinéaste, homme de radio, critique de cinéma. Il a exercé une influence considérable sur diverses personnalités du surréalisme, a aidé à découvrir toutes sortes de créateurs cinématographiques ou littéraires (il fut en effet aussi traducteur). Ce fut un "génial touche-à-tout", comme l'écrivit André Breton, avec qui Brunius resta ami jusqu'au bout. Un créatif qui fut aussi plus passionné de l'action créative que de la publicité à donner à cette action. Les rares exégètes (Lucien Logette, Jean-Pierre Pagliano) qui se sont penchés sur son cas ont eu bien du mal à retrouver des archives qui pourraient aider à reconstituer son parcours complet dans les diverses formes d'action artistico-littéraire où il s'exerça.
Jacques Brunius (en haut de l'escalier), André Delons, Colette Brunius, photo Denise Bellon, 1936 ; extraite du catalogue "Avec le facteur Cheval", Musée de la Poste
Il m'intéresse moi aussi depuis plusieurs années. J'ai eu l'occasion de revenir sur son rôle précurseur dans la découverte des créateurs autodidactes populaires dans les années 20-30 bien avant que Dubuffet n'arrive avec son "art brut". On commence à savoir en particulier qu'il fut l'auteur du merveilleux Violons d'Ingres (1939), où l'on voit entre autres des images du Palais Idéal, des rochers de l'abbé Fouré, ou de l'atelier du douanier Rousseau, et qui a été réédité en bonus dans le DVD "Mon frère Jacques", excellent documentaire de Pierre Prévert sur Jacques.
C'est peut-être à Brunius que l'on doit la reconnaissance par les milieux intellectuels (surréalistes en tête) du Palais Idéal du modeste facteur Ferdinand Cheval (j'écris "peut-être" car je suis plus prudent que Jean-Pierre Pagliano qui affirme sans ambages - notamment dans le livret du DVD "Mon frère Jacques" - que c'est Brunius qui a fait découvrir le Palais aux surréalistes ; nous n'avons pas de preuves écrites de ce fait à ma connaissance, et cela reste une supposition, plausible, mais une supposition quand même).
Voici qu'après l'exposition intitulée "Avec le facteur Cheval", qui s'était tenue en 2007 au Musée de la Poste (voir ici la note assez longue que je lui avais consacrée en son temps), on annonce (merci à Roberta Trapani de me les avoir signalées) deux journées de "films, rencontres et visite" intitulées "Jacques-Bernard Brunius et le facteur Cheval". Elles sont prévues pour le vendredi 15 et le samedi 16 cotobre dans la ville de Valence dans la salle du Lux (scène nationale). Demandez, en cliquant sur ces mots qui suivent: le programme... La manifestation est organisée conjointement par le Palais Idéal de Hauterives et Eric Le Roy, chef du service valorisation et enrichissement des Archives Françaises du Film/CNC, ce dernier monsieur étant aussi l'agent du fonds Denise Bellon, cette photographe connue qui photographia le Palais Idéal dans les années 30 pour Jacques Brunius (elle était sa belle-soeur), ce dernier ayant aussi réalisé des photos du Palais dans le but entre autres de faire un livre chez José Corti, projet qui n'alla pas jusqu'au bout.
Jacques Brunius, croqué par Maurice Henry, dessin reproduit dans le livre de Jean-Pierre Pagliano, Brunius (toujours disponible aux éditions L'âge d'Homme)
Ces journées vont être l'occasion pour ceux qui pourront s'y déplacer de voir en particulier quelques films rares de Brunius, comme, en plus de Violons d'Ingres, Autour d'une évasion (ce court-métrage de 1931, où apparaît le bagnard anarchiste Dieudonné, a été restauré récemment par les Archives Françaises du Film ; Jean-Pierre Pagliano a signalé que le film avait été fait à partir d'éléments ramenés de Guyane par un certain "marquis de Silvagni" et Isabelle Marinone de son côté, dans la revue Réfractions n°11 (2003), a précisé que Brunius avait en fait repris un scénario de Jean Vigo qui s'intéressait beaucoup à ce Dieudonné que l'on avait accusé de faire partie de la Bande à Bonnot). On pourra également voir Sources noires (un "documentaire artistique" de 1937 au commentaire signé Robert Desnos) ou encore Records 37. Une rencontre est prévue avec Eric Le Roy, Christophe Bonin, Lucien Logette et Jean-Pierre Pagliano.
A gauche le Brunius par J-P. Pagliano ; à droite le livre de Brunius "En marge du cinéma français" (1954) réédité à l'Age d'Homme en 1987, dans une présentation annotée et commentée par le même Pagliano
Sur Jacques Brunius, voir aussi Bruno Montpied, « Violons d’Ingres, un film de Jacques Bernard Brunius », Création franche n°25, Bègles, automne 2005.
10/10/2010 | Lien permanent
”Bricoleurs de Paradis”, le film où gazouillent les éléphants
Rabat du livre L'Eloge des Jardins Anarchiques de Bruno Montpied (à paraître en mars aux Editions de l'Insomniaque), évoquant le film Bricoleurs de Paradis (le Gazouillis des Eléphants) dont le DVD sera joint au livre
Alors, c'est parti pour le passage prochain en télévision du film de Remy Ricordeau, co-écrit avec votre serviteur, Bruno Montpied. Cela s'appelle "Bricoleurs de Paradis", c'est produit par la maison Temps Noir, et cela sera visible pour les habitants de Normandie, le samedi 15 janvier à 15h30. De quoi est-ce que cela parle? Des environnement spontanés, des habitants-paysagistes, de l'art brut, des inspirés du bord des routes, des outsiders... Un des personnages du film, et pas l'un des moindres tant est peu commune sa réalisation dans le lopin de terre qui s'étend entre la rue et sa maison en Vendée, répond à ces appellations qui le dépassent: et si je n'étais qu'un original?
André Pailloux, un détail de son site, une des découvertes inédites du film (et du livre L'Eloge des Jardins Anarchiques), photo Bruno Montpied, 2010
C'est l'homme du peu commun qui s'exprime ainsi, et peut-être le mot même "d'exprimer" est de trop. Car, au fur et à mesure du tournage et de la réalisation de notre projet, ce qui finit par revenir comme un leitmotiv fut que les inhabituels créateurs que nous visitions à travers la France (du Nord à la Normandie, des Pays de Loire à la Bretagne) avait décidément du mal à trouver des mots pour décrire leur travail, à répondre à nos questions qui les dérangeaient, et qui les déstabilisaient souvent (parfois à cause de leur âge aussi). On venait taper dans la fourmilière de leur inspiration, on ne les avait pas prévenus, ils n'étaient pas prêts, certains - comme Arthur Vanabelle - avaient entendu d'autres intervieweurs leur parler "d'art brut", alors ils nous resservaient la soupe, ils croyaient nous donner ce qu'ils pensaient que nous voulions entendre...
L'équipe du film Bricoleurs de Paradis chezArthur Vanabelle; Remy Ricordeau, Stéphane Kayler, Pierre Maïllis-Laval, ph. BM, juin 2010
Ce film est ainsi, il y eut un projet (cela fait plus de deux ans qu'il a été projeté, c'est incroyable comme c'est long la réalisation de quelque projet que ce soit), on sentait bien que cela pourrait ressembler à une sorte d'enquête à travers le territoire français, comme un road-movie, disait Remy depuis le début, lui qui avait été passablement impressionné au début par les Glaneurs et la Glaneuse d'Agnès Varda (où l'on aperçoit un des sites que l'on retrouve dans notre film, celui de Bohdan Litnianski). Une enquête non pas policière mais plutôt une quête. Sur ces créateurs des bas-côtés, à tous les sens du terme, qui dressent sous le ciel de nos paysages uniformisés, leurs splendides lubies expressives, naïves ou brutes, faites avec "deux fois rien" (Arthur Vanabelle), des mosaïques, des statues, des empilements de matériaux de rebut, des reproductions de canons anti-aériens, des rochers sculptés, des moulinets multicolores, la quête, en cherchant à capturer quelque chose de la poésie spontanée, évanescente, de ces inspirations fantasques, débusqua sans crier gare de nouveaux environnements inconnus de très belles apparence et qualité. Le film permet ainsi de découvrir au moins trois sites nouveaux de première importance jamais vus au cinéma (et ailleurs): ceux d'André Pailloux, d'Alexis Le Breton (la seigneurie de la Mare au Poivre, dont j'ai déjà parlé ici), et la maison extraordinairement décorée d'une dentelle de plâtre et papier mâché de Madame C.
Aux rochers sculptés de Rothéneuf sculptés voici cent ans par l'abbé Fouré
Est-ce de l'art? La question voletait sans cesse au-dessus de nos têtes.Bien sûr, répondit Savine Faupin dans l'interview que je fis d'elle dans le chantier du LaM en juin 2010 (on trouvera cette interview dans les bonus du DVD du film, voir une prochaine information à ce sujet sur ce blog), c'est de l'art, quoique modeste. Vanabelle, qui est très sollicité par les gens d'association et de musée qui voudraient préserver ce qui peut l'être de son environnement étonnant et mémorable, dit "on est tous un artiste, non?" (il sait prendre la casaque qu'on lui tend...). Pierre Darcel en Bretagne dit que ce qu'il fait est plus vivant que ce que l'on trouve dans les musées (Vanabelle aussi dit cela, Picasso c'est pas si fameux...). André Gourlet dans le Morbihan se verrait bien dans un musée, pourquoi pas, mais André Pailloux, lui, trouverait que c'est bien de l'orgueil que de parler d'oeuvre à son sujet... On dirait bien que nos héros oscillent entre modestie et ambition démesurée parfois. Mais on pense finalement, et on le dit en conclusion du film, que si ces messieurs n'arrivent pas tout à fait à se situer face à ce monde de l'art (qui n'a au fond vraiment rien à voir avec cette création immédiate), c'est qu'ils vont bien plus loin, dans un monde où la séparation entre art et vie quotidienne n'existe plus. Un monde où l'on parvient parfois à entendre, comme dans la Seigneurie de la Mare au Poivre d'Alexis Le Breton (Morbihan), "gazouiller les éléphants"...
André Hardy, éléphant dans son jardin à Saint-Quentin-les-Chardonnets (propriété privée), ph. Remy Ricordeau, 2008
Le documentaire Bricoleurs de Paradis sera diffusé a priori surtout sur FR3 régions (Normandie, Pays de Loire, Bretagne, peut-être Nord), mais aussi sur la chaîne Planète. Il sera également présenté le dimanche 3 avril 2011, à 14h, dans l'auditorium de la Halle Saint-Pierre, rue Ronsard dans le XVIIIe ardt à Paris.
07/01/2011 | Lien permanent | Commentaires (4)
Info-Miettes (4)
JOEL LORAND chez ROBERT TATIN
"Des personnages floricoles à la symbolique du bouclier", tel est le titre de la future exposition de Joël Lorand au musée Robert Tatin du 27 juin prochain au 31 décembre (pour donner des idées d'étrennes sans doute aux Mayennais). Ce qu'il y a de bien avec cet artiste, c'est que comme il expose beaucoup, l'amateur de son travail peut suivre les développements les plus récents de l'oeuvre sans problème, quasiment en temps et en heure... Rendez-vous avec les dernières étapes où le thème du bouclier semble devenir plus prégnant donc. Mais que l'on se rassure, on devrait retrouver encore les personnages un peu gores, un peu larvaires, croisés avec des tubercules, écorchés hurleurs qu'affectionne Joël. Et ce raffinement quasi persan dans la sinuosité et le rendu des matières. Salle "La Grange", Musée Robert Tatin, La Frénouse, Mayenne, Cossé-Le-Vivien, T: 02 43 98 80 89. Vernissage le 27 juin à 10h30.
DES NOUVELLES DES PREVOST
Clovis Prévost expose ses photographies de Gaudi depuis le 8 mai au Château de Trévarez dans le Finistère, mais vous aurez le temps d'aller les voir jusqu'au 4 octobre. C'est un travail déjà ancien, mais des photographies parfaitement inspirées. L'expo propose en sus un documentaire sur la Casa Milà et des commentaires de Dali.
Il semble que les Prévost aient pu remettre la main sur les bobines du film qu'ils avaient entamé en compagnie de Chomo et qui ont disparu par la suite. On sait qu'une exposition Chomo est prévue pour septembre à la Halle St-Pierre. Ils préparent donc actuellement leur participation à cette expo par le biais de ce film inachevé ("Le Débarquement spirituel") et des photographies du tournage (qui s'étendit de 1989 à 1992). Chomo, ça n'est pas exactement ma tasse de thé, mais je passe l'info à ceux qui sont plus motivés que moi. J'ai toujours refusé de me "décrotter" de ma culture comme le conseillait Chomo lorsque moi aussi je m'en fus le visiter au début des années 80.
Enfin, les Prévost participent à l'exposition Claude Roffat à l'Abbaye d'Auberive cet été avec des photos consacrées à Ferdinand Cheval, Raymond Isidore, Robert Garcet et l'abbé Fouré.
14/06/2009 | Lien permanent