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L'idiome du village, une exposition proposée par le musicien Jean-François Vrod
"Inauguration en musique de l'exposition 'L'Idiome du village", art brut, populaire,
avec le Trio la Soustraction des Fleurs
Jean-François Vrod, violon, voix - Frédéric Aurier, violon, voix - Sylvain Lemêtre, zarb, voix - Sam Mary, lumières
11 octobre 2012 à 18h30
Maison des arts plastiques Rosa Bonheur - 94550 Chevilly-Larue
renseignements : 01 56 34 08 37"
Tel est le message quelque peu laconique que l'on trouve sur le site web du violoniste à la fois traditionnel et contemporain Jean-François Vrod (en cliquant sur le lien vous trouverez une bio particulièrement synthétique sur son parcours). J'avais déjà entendu parler d'une exposition organisée à partir de sa collection personnelle de créateurs bruts et populaires, expo qui s'était tenue en banlieue parisienne au sud, je ne me souviens plus de la commune (Les Ulis?), il y a quelques années (2004?). Je l'avais loupée, à mon grand dam. D'autant que j'appréciais le musicien jusque là pour certains de ses enregistrements particulièrement poétiques (notamment un disque de 1996, "Voyage" édité chez le label Auvidis, absolument enchanteur, puis un disque solo édité chez Cinq Planètes). Je suis assez amateur de musiques traditionnelles à mes heures. Apprendre donc que ce musicien a tressé des passerelles entre musiques traditionnelles, improvisation et arts populaires est plutôt captivant.
Extrait (les Miroirs) du Cd "Voyage" (1996) de Jean-François Vrod, C. Declercq, et C. Joris
En fait, il a conçu dès 1999 cette exposition comme une sorte de manifestation en perpétuel chantier, au gré de ses découvertes, sous le titre générique de "L'idiome du village". Voici sur son site ce qu'il en dit: "... le musicien de tradition orale y est envisagé comme membre de la grande famille d'artistes en marge de l'histoire de l'art (Bruts, aliénés, enfants, primitifs contemporains...)."
Jean-François Vrod tenant une statuette en bois de style naïf (auteur anonyme), trouvée sur une brocante en Vendée
Je n'ai pas encore eu l'occasion de voir comment s'articule exactement la musique de Jean-François Vrod avec les objets ou les œuvres exposées par lui. L'exposition d'une centaine de pièces qui se monte à partir du 11 octobre, et qui durera jusqu'au 10 décembre, à la Maison des arts plastiques Rosa Bonheur à Chevilly-Larue tombera donc à point nommé pour vérifier ce détail. A priori seront présentés "pêle-mêle" (ce sont les mots de l'artiste) des bruts (Yvonne Robert par exemple), des populaires et des contemporains du genre marginalisé. Voici les noms que j'ai pu obtenir auprès de Jean-François Vrod: "pas de noms vraiment connus: Slimane Houalli, (sculpture animaliére à base de coquilles d'huitres), André Poirson, sculpteur sur bois ; Yvonne Robert, paysanne-peintre de Vendée; Robert Battefort, dessinateur naïf ; Pierre Diet et Philippe Durand, sculpteurs lozériens, Jeanine Suchet-Roux, peintre; Roland Vincent, sculpteur sur pierre creusois; Joseph Bouton sculpteur du Bourbonnais, Denis Simmonet sculpteur sur bois flottés de L'île de Noirmoutier ; Frédéric Le Junter plasticien et musicien... Hormis Roland Vincent, sculpteur sur pierre et poudre de granit, que j'ai déjà évoqué dans ce blog (et que j'ai exposé moi-même dans un Festival d'Art Singulier à Aubagne en 2006), je ne connais pas grand-monde dans cette liste. Le nom de Jeanine Suchet-Roux me dit quelque chose, elle fut exposée au Printemps des Singuliers voici quelques années à Paris, il s'agit d'une artiste dite singulière et non pas populaire ou naïve. Les amateurs d'art populaire devront se rendre sur place pour y retrouver les leurs...
J'ai l'impression que Jean-François Vrod au gré de ses balades et concerts, et autres "conférences musicales" (sur les "êtres fantastiques en Dauphiné" par exemple), glane toutes sortes d'expressions marginales qui l'intriguent, et comme il s'intéresse aussi passablement aux musiques du Massif Central, où il a fait du collectage, peut-être même est-il tombé sur quelques "chapluzaïres" tels que ceux que j'ai évoqués dans cette ancienne note.
Ci-contre, Roland Vincent, sans titre (un tambourinaire?), vers 2005, coll Bruno Montpied
Jean-François Vrod et un petit vélo en bois (à rajouter aux autres vélos populaires mentionnés sur ce blog), lui aussi trouvé sur une brocante en Vendée
23/09/2012 | Lien permanent
L'étrange fontaine de Soleymieux, passons une deuxième couche...
La réaction de Régis Gayraud, surtout son deuxième commentaire à ma note précédente, me conduit à proposer une nouvelle hypothèse.
Le fait est, qu'à ma grande honte (je n'avais pas vérifié), Soleymieux et Saint-Jean-Soleymieux, comme nous le signale Régis, sont bien deux communes distinctes. Cela a une conséquence importante pour mes raisonnements précédents. D'autre part, je reconnais que moi aussi j'étais quelque peu chiffonné devant la carte Cim de St-Jean, montrant la statue avec un casque, statue que je proposais de voir déplacée ensuite plus bas sur la place de Soleymieux, quand je la comparais à la photo de cette dernière place où l'on voit mal la fontaine et surtout le personnage qui la surmonte. Je pensais que cette photo pouvait peut-être dater des mêmes années que la carte Cim parce que j'étais persuadé que la statue du triton provenait de St-Jean, trompé que j'étais par les affirmations de l'instituteur mentionnées dans ma note précédente... Les détails que nous indique Régis sur son ancienneté probable font déduire que la statue qui se trouve dans ces années de début XXe siècle devant le bureau de tabac ne peut être la même que celle qu'on voit, bleutée, sur la carte montrant la fontaine de St-Jean-Soleymieux. Il est possible qu'une confusion se soit opérée dans la mémoire des habitants puisque les légendes des deux fontaines donnent le même château de Chénereilles comme lieu d'origine des statues des deux fontaines.
Je parlais ci-dessus d'une conséquence importante qu'apporte l'information que les deux communes sont distinctes. Le rapport sur la délibération du conseil municipal que j'ai cité dans ma précédente note indique formellement qu'une fontaine surmontée d'un triton a été érigée en 1808 sur la place de Soleymieux (et non de St-Jean). Il est dès lors possible d'imaginer que le triton est resté en place pendant les deux siècles sur la place, et que c'est lui qui, victime d'un dégât à une date indéterminée (probablement après-guerre, et peut-être même dans les années 70, voir les images ci-dessous?), a été "métamorphosé" dans l'état où je l'ai photographié, état étrange, Ô combien... L'autre statue de St-Jean, qui ressemble elle davantage au fameux "soldat romain" (et moins à un triton à dire vrai) proposé par un témoin le jour de notre rencontre de cet été, et qui fait passablement rêver notre ami Régis, cette autre statue est probablement complètement distincte de celle de Soleymieux. L'hypothèse d'un déplacement de statue n'était étayée que par les souvenirs trompeurs de notre ami instituteur, qui n'en était pas tout à fait certain du reste (comme dit Régis, et c'est bien sûr cela qui nous séduit infiniment dans cette petite recherche qui ne se voudrait rationnelle en apparence que pour laisser en sous-main l'imagination se déployer, "ainsi naissent les légendes"...).
J'ai cherché sur la toile d'autres cartes montrant la fontaine de Soleymieux. L'objectif étant d'en trouver une qui montrerait enfin plus exactement l'état antérieur de la fontaine de Soleymieux. Voici quatre images qui font progresser le schmilblic, je trouve.
Une carte aux alentours des années 20 peut-être... On voit la fontaine et son personnage sur la droite...
qui en dépit de son aspect d'amas blanchâtre accentué par la pixélisation ne paraît vraiment pas ressembler à un soldat, mais bien plutôt à une sorte d'animal...
Autre vue de la même place, toujours à Soleymieux, la statue est à droite, même difficulté à la discerner précisément, mais ce ne paraît décidément pas être un soldat...
Carte moderne dentelée (1971), la "bestiole" de la fontaine paraît pourvue d'yeux proéminents, à la différence de l'aspect lissé d'aujourd'hui, sa cuisse gauche est bien dessinée, et à la réflexion ne correspond en rien à la statue de la fontaine de St-Jean... Cependant, il est à noter que l'on n'a toujours pas vu sur ces images quelque chose qui pût ressembler à une queue de poisson...
Une photo (date indéterminée) telle qu'on peut la trouver sur le site de la mairie de Soleymieux ; à noter un aspect lissé de la statue comme si elle était en argile... (Un peu comme mes hypothèses, remodelables à volonté?)
Pour moi, la vérité commence peut-être enfin à se dessiner. La fontaine de Soleymieux était surmontée d'un triton, ce qui est assez banal au fond pour une fontaine, mobilier urbain de transition entre milieu aquatique et milieu terrestre, dont le symbole peut facilement être un homme- poisson. Il y a eu une "restauration" à un moment donné. Qui en fut l'auteur? On peut chercher à le savoir sans pouvoir attirer les foudres sur lui, car contrairement au christ de Mme Gimenez à Borja, la profanation est ici bien moindre. Qui se soucie d'un triton? Du coup, l'insolite de la statue actuelle a plus de chance d'apparaître aux yeux de tous. Quant au soldat romain, cher Régis, on ne sait où il s'en fut, car il est désormais bien absent du socle entrevu à St-Jean.
Triton de Qasr Lybia, époque byzantine (il me semble...)
11/09/2012 | Lien permanent | Commentaires (7)
Katuchevski dans le Marais
A signaler pour ceux qui suivent le feuilleton de la création katuchevskienne...
Expo du jeudi 6 au 29 septembre, Marcel Katuchevski et 3 autres artistes, Galerie Linz, 40 rue Quincampoix, Paris IVe, voir le site www.galerie-linz.com
04/09/2012 | Lien permanent
Villefranche-sur-Saône déroule le tapis rouge pour Guy Brunet
Guy Brunet devant l'entrée de sa maison, où sa fresque sur l'âge d'or d'Hollywood a tendance à se détériorer, juillet 2012, ph. Bruno Montpied
Guy Brunet, c'est cet éternel adolescent, né en 1945 et resté pour la vie ensorcelé par l'âge d'or d'Hollywood (des années 30 aux années 60, les seules décades du cinéma américain qui trouvent grâces à ses yeux d'envoûté des salles obscures). Ayant grandi entre des parents gérants d'un cinéma nommé le Plaza à Cagnac-les-Mines dans le Tarn (entre 1949 et 1963, précise Alain Moreau dans le dépliant qui accompagne l'exposition montée à Villefranche-sur-Saône du 31 octobre au 11 novembre), il n'a en effet jamais pu quitter l'univers irréel et scintillant des écrans.
Exposition Guy Brunet à Villefranche-sur-Saône
Comme un drogué en manque, il lui faut reprendre éternellement sa dose de pellicule, se reprojeter dans ce monde à deux dimensions de belles dames aux chevelures indécoiffables, de séducteurs élégants et irrésistibles, où le savoir-vivre et le langage châtié paraissent innés, où la musique fait vibrer les passions à tout coup, ce monde de dieux et de déesses modernes en somme... Dehors, règnent la poussière, l'aridité, l'abandon et la misère. Le bassin des mines de Decazeville, en décadence depuis longtemps, est morose, et pue la mort. Brunet lui-même, seul de façon infinie, habite dans une bâtisse plus qu'austère, mais qu'importe puisqu'il a rempli l'espace de cet habitat de ses 750 silhouettes en carton peint représentant des comédiens, des producteurs, des metteurs en scène, des musiciens qui lui font escorte et lui tiennent compagnie. Une bien étrange armée en vérité, comme chargée de le défendre, faisant bouclier de leur corps...
Acteurs ? Réalisateurs? Producteurs américains? Les figurines en carton peint de Guy Brunet à son domicile, juillet 2001, ph BM
Au coeur de son royaume obscur, brille perpétuellement l'écran de ses rêves cinématographiques. Il a réalisé avec un amateurisme poignant, depuis le début des années 2000, dans son studio-bureau, minuscule unité de création enserrée de toutes parts par des monceaux de documents divers, une douzaine de documentaires et de films historiques (dont le dernier, qui veut évoquer "Le monde magique des frères Lumière", sera projeté à Villefranche dans le cadre de l'exposition, "en avant-première" – à signaler tout de même qu'un long extrait avait été projeté en juin dernier au dernier festival autour des Art Singuliers par l'association Hors-Champ à Nice, en présence du reste de Guy Brunet, qui s'y est déjà rendu plusieurs fois).
Dans le studio de cinéma où Guy Brunet crée ses films... 2012, ph.BM
Ses figurines en carton, ses décors aussi, ses affiches (il en a réalisé des dizaines et des dizaines, déjà plusieurs fois exposées, notamment au Musée International des Arts Modestes de Sète) sont réalisés avant tout dans l'orbite de création de ses films. Il écrit des scénarii depuis l'âge de 16 ans, au même âge où il a commencé à faire des affiches (il confie même avoir commencé à dessiner des affiches dès l'âge de 7 ans). Primitives affiches dont le style fort sommaire et très enfantin est fort éloigné de la maîtrise qu'il atteignit par la suite dans ses réinterprétations des modèles d'affiches originales, comme on s'en convaincra avec ces deux exemples d'affiches de jeunesse que je donne ci-dessous, et qui me paraissent bien inédits (probablement réalisées aux alentours de ses 7 ans?). A comparer avec une troisème affiche plus récente.
Guy Brunet, "Attilus chef des Carthaginois", affiche de jeunesse (d'un film imaginaire inventé pour les besoins de l'affiche par Brunet), vers 1952? ; Coll. BM
Guy Brunet, "Laurel et Hardy, fameux soldats" (là aussi, titre d'un film imaginaire selon moi), vers 1952? ; Coll. BM
Guy Brunet, affiche exposée au Musée International d'Art Naïf de Nice dans le cadre des rencontres autour de l'Art singulier de l'Association Hors-Champ en 2005
Toutes ces créations doivent donc converger vers le but principal de Guy, dresser une sorte de couronne de fleurs de pellicule cinématographique, une véritable guirlande de documentaires célébrant le septième art où il s'est définitivement réfugié, et particulièrement le cinéma américain. Comme il le dit dans l'interview que j'ai réalisée en sa compagnie à son domicile l'été dernier, tout cela est fait pour "les générations futures, les adultes et les jeunes". On reconnaîtra aisément qu'il s'agit là d'une oeuvre des plus atypiques. Qu'on la range dans l'art modeste ou dans l'art brut est une (gentille) querelle qui paraît un peu dérisoire à côté de cette originalité à nulle autre pareille.
Guy Brunet et son ami Burt Lancaster, 2012, ph. BM
Exposition Guy Brunet, Affiches, films, silhouettes de vedettes de films, fresques et éléments de décors, logos de firmes cinématographiques (300 œuvres exposées ; commissaire d'exposition Alain Moreau), dans la salle des Échevins de Villefranche-sur-Saône (69), du 31 octobre au 11 novembre 2012.Entrée libre. Lu-Sa, 14h-19h. Di, 11h-17h.
Une rencontre avec Guy Brunet, animée par Clovis Prévost (photographe, cinéaste, auteur qui prépare actuellement un film sur Guy Brunet), aura lieu samedi 3 novembre à 11h, dans la salle des Échevins. Elle sera suivie d'une visite de l'exposition et d'un verre de l'amitié.
25/10/2012 | Lien permanent
Merveille de l'art naïf anonyme, un dessin d'un(e?) certain J.A.B.
J.A.B, Liria (un prénom? Le nom d'une ville espagnole?... Mystère, mystère...), crayon sur papier, 42 x 30 cm, 1922, coll. Bruno Montpied
L'art naïf n'a plus le vent en poupe, paraît-il. Le goût nous en serait passé, répète-t-on à l'envi. L'art brut est passé par là, bien sûr, avec les oukases des Dubuffet et des Thévoz, à qui toutes sortes de nouveaux fans ont emboîté le pas comme un seul homme. Du coup, conséquence sympathique en dépit de son aspect paradoxal, la foule des emboîteurs de pas ne fraye plus par ces chemins, et surout pas du côté des Naïfs anonymes. Ils sont légion ces derniers. On ne sait rien d'eux, ils débarquent sur les brocantes et les vide-greniers sans autre lettre de créance que leur bonne mine, leur mine étrange qui leur fait comme un bouclier quasi surnaturel. C'est leur apparence seule qui les défend du vandalisme, de l'anéantissement. Preuve que l'anonymat n'est point si rédhibitoire... Et qu'au contraire, il accompagne presque à coup sûr une valeur intrinséque, qui se passe de tout qu'en dira-t-on, de toute rumeur ou réputation flatteuses. C'est ce que j'aime en lui, dans ces tableautins sans pedigree qui circulent entre collectionneurs, tous comme membres d'une société secrète d'admirateurs des beautés silencieuses de l'ombre.
On n'en parle pas assez de ces anonymes insolites, à la figuration onirique ou merveilleuse, parfois aussi adeptes d'une inquiétante étrangeté. Regardez la petite fille ci-dessus. Elle m'a regardé dans les yeux et je n'ai pu faire autrement que de l'acquérir, sans discuter. Elle serait peut-être d'origine espagnole, selon les mots du marchand qui la présentait sur son stand à la dernière Foire de la Bastille à Paris. Elle tient peut-être avant tout par sa robe, immense, à la géométrie rigoureuse, dessinée avec soin et méticulosité dirait-on presque. La moue aux coins des lèvres également nous retient. Le nœud au sommet de sa tête. Ses bottines petites et pointues, ses bras dissymétriques, et ce ballon au bout de son bras, protégé dans un filet comme une résille. En 1922, en Espagne, les filles jouaient donc aussi au ballon.
Simplement dessinée au bout d'un crayon au tracé poudreux, on eût pu la croire d'une éphémère existence, mais elle a résisté jusqu'ici au temps, mirage solide. Elle est d'une présence indiscutable, et j'oserais même dire qu'elle se pose là. Sans doute avant tout par la jeunesse de sa présence, captée peut-être plus aisément en raison de la jeunesse – peut-être! – de celui (ou de celle?) qui a signé au bas de l'oeuvre, modestement, de ses simples initiales, J.A.B., et dont l'histoire n'a pas retenu d'autre trace (si?)...
18/11/2012 | Lien permanent
Arnaud Mahuas, dit ”Darnish”, colleur et architecte d'images
On parle d'art nahuatl mais on ne parle pas d'art mahuas. Et pourtant la tribu existe, résumée à un seul individu, le surnommé Darnish, actif dans le secret d'une grande ville du Far West breton, j'ai nommé Rennes. Ce drôle de Peau-Rouge, natif de Vannes en 1973, ayant grandi à Sainte-Anne-d'Auray dans le Morbihan, travaille bien caché de la circulation, loin des FRAC et autres autoroutes de l'art contemporain, porté par un goût de créer qui visiblement l'occupe comme nous habite le principe germinatif responsable de la pousse de nos cheveux ou de nos ongles. Cela sort de lui comme l'eau du robinet qu'il a choisi depuis l'âge de 12 ans de laisser ouvert.
Collages, architectures miniatures et légères faites d'assemblages de minuscules baguettes de bois récupérées, ruines et brisures d'images logées au fond de bouteilles tels des ex-voto profanes, lavis visionnaires où des silhouettes infimes, collées dans un coin, donnent aux étendues d'encre, abstraites en apparence, la force de s'imposer du seul fait de ces présences dans un coin de la feuille comme des paysages concrets tout au contraire, disques de bois aux compositions savantes, très constructivistes russes du début du siècle précédent, des gravures enfin, ultra stylisées, bricolées dans sa cuisine puis pressées en atelier, tout cela est charrié par Darnish avec un égal bonheur.
Sans titre, paysage avec couple, collage et lavis, vers 2012, 44 x 30 cm
Sans titre, collages et bois insérés dans une bouteille, env. 15 cm, vers 2011
Sans titre, collage et bois dans une bouteille, env. 10 cm, vers 2012
Sans titre, deux autres bouteilles... env 20 cm
Il y a du Schwitters aussi dans ce Darnish, surtout dans ses bouteilles (anciens échos des bouteilles où les marins glissaient des bateaux, du reste Darnish a aussi fait des bateaux, mais dans son système cela devient des bateaux-visages de femmes) où il insère des ruines, ou des amas de débris frêles qui me font penser aux "misérables petits tas de secrets" que cachent paraît-il les hommes (qui a écrit cela? Je sens que l'Aigre de Meaux va nous le rappeler...). C'est comme si on avait mis le Merzbau en bouteille.
Sans titre, une des pièces de la série des bateaux à visage, env. 40 cm de long, vers 2011 ?
Mais ces récipients ne peuvent à eux seuls permettre une telle contention, Darnish dresse vers le ciel ce qu'il fait de meilleur à mon goût, des architectures fragiles où des images, empruntées aux chefs-d'œuvre de l'histoire de l'art comme aux icônes du cinéma dont il est tout autant féru, se retrouvent mêlées dans ces tours de Babel mémorielles où elles prennent figure de kaléidoscopes de souvenirs en miettes échafaudées en désespoir de cause vers les nuages...
Des galeries et autres espaces d'exposition vouées à la promotion de ce qui se fait de mieux dans la création contemporaine feraient bien de s'intéresser d'un peu plus prés à ce jeune homme très sincèrement inspiré. Non?
09/11/2012 | Lien permanent | Commentaires (4)
Couleau subtil
Il n'y a pas grand chose à dire du sieur Couleau que Gilles Manero et Anne Billon ont découvert récemment sur une brocante de l'Entre-Deux-Mers... On ne sait pas ce qu'il faisait dans la vie, juste qu'il lui est arrivé de tailler le bois d'une manière qui pourrait le faire classer dans un art populaire moderne. A quelle époque? Au XXe siècle sûrement peut-être dans les années 60-70, parce qu'il a représenté un De Gaulle (que j'aimerais bien voir, Gilles et Anne sont arrivés trop tard, donc, si l'acheteur lit internet, qu'il nous le dise...), mais bien entendu c'est une hypothèse assez aventurée.
Couleau, Philippe le Hardi, h. 30 cm env., bois sculpté, coll. Bruno Montpied, ph. Gilles Manero
Il aimait les sujets historiques en tout cas, comme on le voit avec le roi ci-dessus, qu'une inscription à moitié effacée sous la statuette désigne au crayon comme "Philippe le Hardi" (c'est Anne qui l'a vue, félicitations). Il y eut deux Philippe Le Hardi dont l'un au XIVe siècle fut duc de Bourgogne, peut-être plus célèbre que l'autre (l'autre vécut au XIIIe, fut roi de France sous le nom de Philippe III et se fit connaître pour avoir cédé l'Agenais au Roi d'Angleterre de l'époque, ce qui le désigne peut-être comme celui que Couleau a représenté, car ce dernier paraît originaire de la région de Marmande, après avoir vécu à Bergerac aussi). Notre hardi qui porte couronne (ce qui renforce peut-être l'hypothèse qu'il s'agit du roi du XIIIe siècle que du duc de Bourgogne) tenait peut-ête un sceptre à la main droite, mais il en a été visiblement dépossédé dans la suite des temps... Jolie tête en tout cas, bien enfantine, stylisée d'une manière qui lui confère une sorte de signature à la longue attachante.
Couleau, Vierge à l'enfant, bois sculpté, coll Manero/Billon, ph. GM
Couleau, gaveuse d'oie (semble-t-il, à moins qu'elle ne se cramponne à sa bouteille), coll. Manero/Billon, ph.GM
On retrouve la même expression aux limites de l'archaïsme des têtes de marionnettes sur les autres statuettes chinées par Manero et Billon. Que l'on ait affaire à une Madone à l'enfant Jésus ou à une gaveuse d'oie. C'est une bien belle sauvegarde qu'ont opérée là Anne et Gilles en tout cas. Si des lecteurs reconnaissent l'auteur ou ont des informations à nous communiquer, qu'ils ne se gênent surtout pas, nous sommes preneurs. A la poursuite de Couleau...
Couleau, femme (?) au tablier, tentant de lancer la mode des uniques poches gigantesques triangulaires, coll Manero/Billon, ph.GM
11/11/2012 | Lien permanent
Postérité des environnements (7): Gabriel Albert sous cloche?
Transmis par Patrick Métais, un article de Sud-Ouest m'apprend que le jardin de Gabriel Albert a reçu la visite de l'ineffable Ségolène Royal, la présidente du conseil régional de Poitou-Charentes, qui a fait part de son désir de valoriser et préserver le site et que sa région soit maître d'œuvre de ce point de vue. Il semblerait, à lire cet article, que l'Etat, via la DRAC, et la Région travailleraient sur un projet de valorisation culturelle et scientifique du jardin. On souhaiterait ainsi créer sur place un centre d'interprétation et un atelier de restauration des statues. Ces dernières sont on le sait passablement abîmées, tandis que plusieurs ont disparu, victimes de voleurs.
Le jardin de Gabriel Albert (que l'on voit coiffé d'une casquette au fond devant le moulin), avec Christine Bruces-Cerisier, Anita Albert, Jean-Louis Cerisier, le jour où nous visitâmes les Albert en 1988, ph. Bruno Montpied
Il paraît que l'on songe même à mettre l'ensemble du site dans une serre... Alors Gabriel, bientôt comme le fromage, sous cloche? Cela illustre bien les conséquences de la reprise en main d'un site d'art populaire par une instance conservatrice. Avec la perspective de le faire entrer dans la postérité et de l'installer dans une certaine pérennité, le site se métamorphose en autre chose, de plus pétrifié. Un comble pour un jardin de statues en ciment armé... Du coup, par contraste avec ce qui risque d'advenir quand on l'aura réifié sous un dôme (comme chez Euclides da Costa Ferreira), ce ciment reviendra dans nos souvenirs, à l'époque où son auteur était encore vivant, moins solide, presque palpitant.
Mais l'on dira bien sûr, en chœur, "c'est mieux que rien..." Ah, mais je m'interroge décidément sur ce "rien". Pas sûr, pas sûr... Mais, bon, on pourrait dire aussi, un jardin, ça peut se mettre sous serre, argument habile...
La Maison Bleue d'Euclides da Costa Ferreira à Dives-sur-Mer, vue de la rue, état en juillet 2012 (le site fut recouvert d'un dôme en urgence, avec les moyens du bord, dans l'idée de le mettre hors d'eau, mais la situation perdure... Peut-être faut-il voir dans ce sarcophage plus ou moins translucide comme la métaphore d'une chrysalide dans laquelle une mue s'opère, prélude à l'essor d'un futur nouveau papillon?), ph BM
17/11/2012 | Lien permanent | Commentaires (1)
Revue d'Olivier Hervy, avec un frontispice de Jean-Pierre Paraggio, une brassée d'aphorismes
Edité en hors-série dans la "collection de l'Umbo", en marge de la revuette L'Impromptu dont le n° 5 vient de sortir parallèlement (les deux publications disponibles chez Jean-Pierre Paraggio, 23, rue des Princes – y en a qui savent se dénicher des adresses pour chevilles enflées... – 31500 Toulouse, ou jeanpierreparaggio@yahoo.fr), voici une nouvelle brassée d'aphorismes d'Olivier Hervy dont j'ai déjà eu l'occasion par le passé de dire tout le bien que j'en pense, publiée sous le titre de Revue. Quelques exemples ci-dessous...
L'établi est un bureau qui n'a pas fait d'études.
L'entreprise Kodak qui est menacée de faillite risque de disparaître, comme pour parfaire son travail sur le souvenir.
Le saut de l'ange est la lettrine de la nage.
«Des ongles longs et vernis comme les siens elle doit passer des heures à les entretenir», me dit-elle admirative. Et les miens! Ils se rongent tout seuls?
Le marteau-piqueur est l'un des rares outils qui semble furieux. D'où son efficacité.
Etc...
01/08/2012 | Lien permanent
Dans la clameur des invectives...
18/08/2012 | Lien permanent | Commentaires (1)