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Les ”peintures idiotes” d'Anne Marbrun

    Je ne sais que peu de choses d'Anne Marbrun. Des textes d'elle ont été publiés de ci de là en plaquettes et recueils chez divers petits éditeurs secrets (comme L'Oie de Cravan à Montréal, Wigwam Editions à Rennes, L'Escampette à Chauvigny -où, on l'espère, on n'est pas chauvigniste). Autrefois, aux éditions A la Fée Verte, éphémère maison d'édition de Joël Gayraud, je me souviens qu'il y eut aussi un texte d'Anne Marbrun, La Petite (édité en 1983). Qui est désormais disponible à L'Oie de Cravan. Est-ce la même Anne Marbrun qui a également publié un roman sur la Commune, Le sang des cerises? Il semble que oui.

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     Une courte prose, La souris verte, vient d'être insérée dans le dernier numéro (le 11) des Cahiers de l'Umbo (et non pas de Dumbo, petits plaisantins). Cest du reste l'animateur de cette revue, Jean-Pierre Paraggio, qui vient de m'envoyer des dessins colorés (j'aime le dessin, moins les couleurs) de cette même Anne Marbrun qui paraît-il les présente comme ses "peintures idiotes". Sans doute ne faut-il voir là que le désir de raccrocher le wagon de Rimbaud qui disait aimer, dans un texte célèbre, les peintures dites "idiotes", les enseignes, etc...
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Anne Marbrun, Le chagrin du dromadaire, 2008
     Toujours est-il que comme l'indique Paraggio, jamais en retard d'une métaphore, ces dessins ont effectivement à voir avec l'horizon de ce blog. Aux lecteurs d'en juger. Si ça colle avec leurs propres horizons, territoires, et plus, si affinités...
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Anne Marbrun, Concert marin, 2008

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Muscle carabine, quoique...

    Je reçois tout un tas d'avis venus de tous bords. Aujourd'hui, c'était un petit mot du groupe des United Dead Artists, qui paraît être un foyer de graphistes particulièrement inventifs qui doit avoir des accointances avec l'Arts Factory, du côté de la rue Beaurepaire dans le 4e à Paris, et tout ça... Je regarde généralement leurs cartons d'invitation avec un sentiment mêlé ne me sentant concerné qu'à demi. Je reconnais cependant qu'il y a du beau travail de ce côté-là. Ces graphistes, liés aux grafzines (je suis sûr que ça s'écrit pas comme ça) et autres fanzines sérigraphiés, participent d'une culture populaire graphique contemporaine qui a une tradition derrière elle, des filiations honorables (Crumb, les pochettes de disque, les pin'up sur les camions, les flippers, l'art modeste, etc.), je le reconnais bien volontiers. La créativité se déploie là aussi à l'évidence.

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    Ils sortent le numéro 3 de leur revue joliment appelé Le Muscle Carabine, dont on peut voir la couverture ci-dessus, avec un dessin dû à Stéphane Blanquet (ça fait un peu penser à l'outsider Vonn Ströpp qui a été montré il n'y a pas très longtemps à la Halle Saint-Pierre). Et sur le site des Artistes Morts Unis, on trouve le nom de Chris Hipkiss, souvent exposé et rangé chez les Outsiders anglais, tiens... On découvre aussi les dessins qui personnellement me font hurler de rire du Japonais Harukawa Namio, avec son personnage féminin au popotin absolument hypertrophié, la dimension même du fantasme. Il se glisse dans la perversité japonaise une touche d'humour et de délire loufoque qui me ravit. Pas vous?... L'infortuné placé dessous s'appelait-il Jean Soulacroup (ce qui prouve que, contrairement à ce que j'avançais dans ma note du 4 août 2007, on n'est pas toujours si bien placé en pareille situation)?

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Dessin d'Harukawa Namio, voir le site de United Dead Artists

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20/02/2009 | Lien permanent

Expertise d'Olivier Hervy, morceaux choisis

    Je m'étais promis de remettre des aphorismes d'Olivier Hervy dès que j'aurais mis la main sur la plaquette qui avait été éditée aux éditions Pierre Mainard en décembre 2007. Et puis le temps s'est écoulé, et bien sûr j'ai oublié. Le livret était planqué sous un tas de papiers, à l'occasion de ce petit marathon effectué d'une foulée ramollo, le voilà qu'il a resurgi, comme bois flotté ramené par la marée. Je me fais un petit plaisir, en extraire les aphorismes choisis selon mon goût.

Nos masques africains cachent des têtes de clou.

Les amis d'enfance sont comme les jouets. Vient un moment où il faut s'en séparer.

Ils sont bien nombreux à constater que Paris est désert au mois d'août.

Encore un vieil acteur qui vit avec une très jeune femme. Scénario sans surprise.

Le chat fait sa toilette. Le chien celle des autres.

Cette voiture dans le fossé donne enfin l'impression d'être arrivée.

La voix d'outre-tombe d'Yves Bonnefoy est un peu ridicule tant qu'il est vivant.

Visite du Village d'Artistes où je ne vois que des commerçants.

La tarte. Pour en finir une fois pour toutes avec les pommes.

Ils évoquent avec nostalgie l'époque où Paris était un village, mais ne pensent pas à déménager dans le nôtre.

On construit partout pour que les résistants de demain ne trouvent pas de maquis.

La mer écrit en italique.

Les applaudissements au concert de jazz, lents et tristes aussi.

La scie est la seule qui atteint son but en revenant sans cesse sur ses pas.

Les hommes qui cuisinent en font tout un plat.

"Le voyage! La découverte! L'inconnu!", s'exalte M. de retour du Mexique. Puis il m'offre un sombrero.

Encore une bande dessinée où des rescapés évoluent dans un monde en ruines. L'imaginaire n'a pas survécu.

Os de seiche, feuille d'endive.

La tapisserie a son brouillon au dos.

Oliver Hervy, couverture de son livre Expertise, éd.Pierre Mainard, 2007.jpg

(Aphorismes extraits d'Olivier Hervy, Expertise, Editions Pierre Mainard, 14, place Saint-Nicolas, 47600 Nérac, (7€).) A signaler de nouveaux aphorismes du même auteur parus dans la dernière livraison des Cahiers de l'Umbo n°11, revue concoctée par Jean-Pierre Paraggio du côté d'Annemasse.  

   

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Dictionnaire du Poignard Subtil: Sur cette pierre, je bâtirai...

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  PIERRE:

   "Rien de plus immédiat et de plus autonome dans la plénitude de sa force, rien de plus noble et de plus terrifiant non plus que le majestueux rocher, le bloc de granit audacieusement dressé. Avant tout, la pierre est. Elle reste toujours elle-même et elle subsiste ; et ce qu'il y a de plus important, elle frappe. Avant même de la saisir pour frapper, l'homme se heurte à elle. Pas nécessairement par son corps, mais au moins par son regard. Il constate ainsi sa dureté, sa rudesse, sa puissance. Le rocher lui révèle quelque chose qui transcende la précarité de sa condition humaine: un mode d'être absolu. Sa résistance, son inertie, ses proportions, de même que ses étranges contours ne sont pas humains: ils attestent une présence qui éblouit, terrifie, attire et menace. Dans sa grandeur et sa dureté, dans sa forme ou dans sa couleur, l'homme rencontre une réalité et une force qui appartiennent à un monde autre que le monde profane dont il fait partie."

Mircea Eliade, Traité de l'Histoire des Religions, cité par Gwenc'hlan Le Scouezec et Jean-Robert Masson dans Bretagne Mégalithique, Ed. du Seuil, 1987.

(Inutile d'ajouter qu'à mes yeux, la pierre est bien perceptible ainsi, à l'exception de ces notions "transcendantes" de "mode d'être absolu" et de monde "autre" auxquels appartiendrait la roche et que veut nous refiler subrepticement Eliade . Il me paraîtrait plus exact de dire que l'homme perçoit dans les rochers un mystère qui le dépasse, ce qui n'implique pas qu'on doive en déduire que ce mystère est celui d'une divinité.)

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Cette maison ne craint pas le gros rocher qui paraît la surplomber de façon menaçante, elle l'enlace, telle une moule rivée au bouchot, c'est un rapport profane ici, M.Eliade...
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Ici, le christianisme s'est empressé de coloniser la roche majestueuse d'un "autre" monde, tels les Américains débarquant sur la Lune, se hâtant de ravaler la puissance étrange qui dépasse l'homme en y plantant un ridicule petit bout d'étoffe étoilée... Ou ici, cette affreuse croix ostentatoire.

 

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11/11/2007 | Lien permanent

Les Jardins de l'art Brut de Marc Décimo, présentation du livre

J'ai reçu l'annonce ci-dessous ces jours-ci, je répercute... : 
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"R e n c o n t r e   d é b a t
avec  
Marc Décimo
auteur du livre
Les Jardins de l'art brut
(Editions Les Presses du Réel)
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samedi 10 novembre à 15 heures

Auditorium de la Halle Saint-Pierre
Entrée libre
***
     Les Jardins de l'art brut, de Marc Décimo, parution octobre 2007
     Un essai sur la naissance et le devenir de l'art brut, un parcours en images hors des musées.
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    A partir des traditions médicale, littéraire et artistique qui, chacune selon leur point de vue, se préoccupaient de l'"art des fous", émerge la notion d'art "brut", telle que la définit Jean Dubuffet. A savoir, finalement, la possibilité de faire du résolument neuf dans les pratiques artistiques. Et de croiser, chemin faisant, Raymond Queneau, André Breton et... Marcel Duchamp. 
   Si l'art "brut" trouve enfin place dans divers musées du monde et devient populaire, où aujourd'hui fuit cet art ? C'est ce à quoi se propose de répondre ce livre de façons diverses, explorant jardins et visitant le monde.
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   Maître de conférences à l'Université d'Orléans, Marc Décimo est linguiste, sémioticien et historien d'art. Il a publié une vingtaine de livres et de nombreux articles sur la sémiologie du fantastique, l'art brut, les fous littéraires, sur Marcel Duchamp et sur l'histoire et l'épistémologie de la linguistique.
*
(Auditorium Halle Saint Pierre, 2 rue Ronsard, 75018 Paris)  "
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(Les images proviennent toutes du site de l'éditeur Les Presses du Réel)

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18/10/2007 | Lien permanent

Info-miettes (25)

     C'est bientôt l'automne, ma saison préférée, et il pleut des événements plus ou moins bruts: demandez le programme...

    Dans le cadre de la "S" Grand Atelier, structure dans les Ardennes belges (Vielsahm)... pour les créateurs déficients mentaux, on aime à mixer ces derniers avec des auteurs de bande dessinée voire d'autres types d'artistes (il sont, je cite: "pour l’éclatement des catégories artistiques et la valorisation des nouveaux langages issus de la mixité entre artistes outsiders et artistes contemporains":...Ouais, ouais, ouais... Le grand méli-mélo à la mode ces temps-ci où l'art contemporain tente de se faire une perfusion de sang frais)

     Diverses expos, conférences, débats sont annoncés en France, plus ou moins en rapport avec cette "S" Grand Atelier, je ne retiens personnellement que les expos ci-dessous :

1. L’ARMY SECRÈTE
Au sein de l’exposition : Bruno DECHARME, Art Brut/ Collection ABCD
La Maison Rouge, 10 Boulevard de la Bastille, 12ème
Du 18 octobre 2014 au 18 janvier 2015

(Une grande exposition de la collection ABCD? Hmm... Cela devrait être le grand événement de la fin de l'année donc).

2. "Chefs-d'oeuvre", carte blanche à Bruno Decharme en parallèle à l'expo de La Maison Rouge (le titre exact étant "Masterpieces", mais j'ai traduit car j'en ai marre du snobisme qui consiste à se  coucher, en France, devant les clients anglo-saxons en se mettant à parler leur langue). Ce sera du 21 octobre au 29 novembre à la Galerie Christian Berst : 5 Passage des Gravilliers, 3ème, Paris. Avec des œuvres d'Aloïse, Jaime Fernandes, Domsic, Guo Fengyi, Joseph Lambert (peu connu, il me semble), Tichy, Stoffers, Schroder-Sonnenstern, Zemankova, Scottie Wilson, etc... On ne sait pas si parmi ces œuvres certaines seront à vendre, car en définitive on est encore dans une galerie. ABCD se séparerait-elle de certains de ses joyaux?

 

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Un dessin d'Eric Derkenne tel qu'on le voit sur le site web d'ABCD, des faces, ou des bouts de faces agrandies, striées...


3. ÉRIC DERKENNE : CHAMPS DE BATAILLE
Exposition rétrospective
Commissariat : Gustavo Giacosa
Espace abcd, 12 rue Voltaire, 93100 Montreuil
Du 26 octobre au 19 décembre 2014
Vernissage 25 octobre 19heures en partenariat avec l’Outsider Art Fair

Ce que j'ai vu de ce Eric Derkenne ne m'enthousiasme guère. C'est austère, très facile à rapprocher de certaines œuvres exsangues que l'on nous exhibe régulièrement chez nos plasticiens contemporains, un créateur venu d'atelier pour handicapés mentaux semble-t-il, posant une fois de plus la question des influences possibles occultes ou déclarées des artistes qui pilotent ces ateliers...

4. MATCH DE CATCH à VIELSALM / VIVRE à FRAN DISCO

Bandes dessinées, peintures, sculptures et installations, rencontre du créateur trisomique Marcel Schmitz et de l'auteur de BD Thierry Van Hasselt autour d'une cité imaginaire, Fran Disco, créée par Schmitz.
Commissariat : Barnabé Mons et Thierry Van Hasselt
Chez Agnès B., 17 rue Dieu, 10ème
Du 29 octobre au 08 novembre 2014
Vernissage 28 octobre 18 heures

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Coco Fronsac toujours sur la Rive Gauche

    Là, on est plutôt du côté de l'art contemporain franchement assumé. Mais un art contemporain primesautier, poétique, imaginatif, humoresque, pas très éloigné des anciennes œuvres de Prévert, du groupe Panique, de la 'Pataphysique, etc. L'exposition est déjà commencée, et se finira début octobre, comme on le verra en déchiffrant l'affiche ci-dessous.

 

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La Maison de verre, André Breton, initiateur et découvreur

    Au Musée Henri-Martin à Cahors commence ce 20 septembre une exposition consacrée principalement au Breton installé à l'Auberge des Mariniers de St-Cirq-Lapopie, qui cueillait des agates dans le lit du Lot, des racines aux formes suggestives, prenait fait et cause pour le mouvement des Citoyens du Monde de Gary Davis, se passionnait pour les hasards objectifs, autant de points qui seront évoqués dans l'exposition, avec un rassemblement, dit le dossier de presse, d'une impressionnante collection d’œuvres et de documents, dont certains parfaitement inédits, paraît-il. Un catalogue sort à l'égide de l'Atelier André Breton et des Editions de l'Amateur.

la s grand ateleir,art des déficients mentaux,trisomiques,marcel schmitz,mixité outsider et art contemporain,abcd,eric derkenne,gustavo giacosa,la maison rouge,cités imaginaires,galerie agnès b.    "Je n’ai pas connu d’homme qui ait une plus grande capacité d’amour. Un plus grand pouvoir d’aimer la grandeur de la vie et l’on ne comprend rien à ses haines, si l’on ne sait pas qu’il s’agissait pour lui de protéger la qualité même de son amour de la vie, du merveilleux de la vie. Breton aimait comme un cœur qui bat. Il était l’amant de l’amour dans un monde qui croit à la prostitution. C’est là son signe. » (Marcel Duchamp, entretien avec André Parinaud, Arts, 5 octobre – 11 octobre 1966).

 Photographe non identifié, André Breton observant un crapaud, date?

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 Dans la lumière du surréalisme, galerie Les Yeux Fertiles

Les Yeux Fertiles, cette sympathique galerie de la rue de Seine dans le 6e à Paris, a la bonne idée en parallèle de l'expo cadurcienne de montrer un ensemble d’œuvres liées au surréalisme dont ce manuscrit de poème sur bois dû à Breton ("Au Regard des divinités")la s grand ateleir,art des déficients mentaux,trisomiques,marcel schmitz,mixité outsider et art contemporain,abcd,eric derkenne,gustavo giacosa,la maison rouge,cités imaginaires,galerie agnès b. rehaussé par Slavko Kopac que l'on avait déjà vu ici et là (à commencer sur le site web de l'Atelier André Breton). Un beau poème-objet en vérité. Pour les dates, faudra attendre, je ne retrouve plus ce sacré carton d'invitation, et c'est pas le site internet de la galerie qui va nous aider, ils sont toujours en retard d'une annonce d'expo... (Cependant, l'Aigre de Mots a eu l'extrême obligeance de compléter l'info manquante, voir ci-dessous dans les commentaires).

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La galerie Polysémie, une actualité fertile

      Cette galerie marseillaise a en effet une activité plutôt débordante ces temps-ci, en rapport avec la rentrée bien sûr. Si je ne partageais pas leurs goûts pour certains des artistes exposés jusqu'ici (par exemple Jean-Pierre Nadau), j'ai été intrigué et séduit par les informations reçues de leur part récemment. J'ai déjà évoqué (le 2 août dernier) l'expo de Solange Knopf qui va bientôt s'ouvrir à Paris dans une galerie louée pour l'occasion (la galerie B&B,  6 bis rue des Récollets, 10e ardt, du 30 septembre au 6 octobre). Elle y sera accompagnée des Staelens, de Gérard Nicollet et de Huston Ripley. Mais la galerie ne s'arrête pas là. Elle annonce des présentations de travaux africains singuliers ou bruts dans ses locaux marseillais (titre de l'expo: "African outsiders", du 16 octobre au 20 novembre) dont Frédéric Bruly Bouabré (récemment disparu) et Franck Lundangi (ancien champion de football). La galerie sera également présente au Salon d'Art Alternatif (Outsider Art Fair, en langage marchand) qui se tiendra une fois de plus à l'Hôtel super chic "Le A" du 23 au 26 octobre. On devrait y voir entre autres des œuvres de Philippe Azéma et d'Evelyne Postic.

 

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Philippe Azéma, œuvre présentée actuellement dans l'exposition de la Halle St-Pierre, "Sous le vent de l'art brut 2, la collection De Stadshof"

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Et c'est reparti pour la Biennale de l'Art Partagé

        On en est à la 5ème et ce sera du 18 octobre au 16 novembre. A Rives en Isère dans le parc de l'Orgère à la Salle François Mitterrand, et toujours organisée par l'association Œil-Art de Jean-Louis Faravel. Il y a beaucoup d'artistes invités, et comme c'est l'usage avec l'art partagé (très partagé en l'espèce, vu le nombre d'invités), le récepteur béotien, qui trouve dans sa boîte aux lettres une invitation pour le vernissage (qui aura lieu le samedi 18 octobre à partir de 18h30), ce béotien aura du mal à savoir comment départager (faut croire qu'existe aussi l'art départagé...) le bon grain de l'ivraie. Sur les 70 (environ) artistes présents, je n'en retiens pour l'instant qu'un seul dont j'aurais été bien curieux de découvrir les œuvres, Gilles Manero, bien trop rare dans notre région parisienne, surtout si il a décidé d'exposer des dessins (ce que je préfère à ses sculptures, je dois dire). Ah si quelques autres aussi, Fatimazara Khoubba, Caroline Dahyot, Jacqueline Vizcaïno, Yves Jules, Alexis Lippstreu, Jean Aihade (un "singulier" africain découvert par le galeriste Alain Dettinger si je ne m'abuse), Virginie Chomette... Comme le signale Jean-Louis Faravel dans le commentaire ci-dessous, on peut se faire une idée de chaque exposant en cliquant sur le site web dont j'ai mis le lien ci-dessus (Œil-art).

 

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Gilles Manero, petit dessin au crayon, 2001, coll. BM

 

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La vie dans un tonneau

      J'aime bien ce conte du tonneau magique que racontait à l'occasion ce grand diseur qu'est Michel Hindenoch. Lorsqu'on laissait tomber quelque objet que ce soit à l'intérieur, cette chose s'y multipliait jusqu'à ras bord pour le bonheur, ou le malheur, de celui qui l'y avait jeté...

     Ici, essayons plutôt le bonheur (quoique... Voir Garou plus bas...).

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Joseph "Pépé" Vignes, sans titre, crayons de couleur et graphite sur papier, 24 x 32 cm, 1976, coll. et ph. Bruno Montpied

     J'ai mis en ligne, je crois, au moins une fois déjà, ce dessin aux crayons de couleur de Pépé Vignes montrant un tonneau figuré à la fois de face et de profil, ressemblant à un chalet suisse. Tonneau (foudre plutôt) qui repose sur un accordéon, comme me l'a signalé autrefois monsieur de Belvert à la suite de ma première note sur ce dessin.

rue Pépé Vignes.jpg     Cette rencontre de piano à bretelles avec un tonneau résume en grande partie la vie de l'auteur du dessin, Pépé Vignes, que l'on n'a pas oublié dans sa bonne ville d'Elne (Catalogne française) puisqu'une rue porte son nom, comme nous l'a signalé naguère un commentateur de la note citée ci-dessus signant "Illibérien" (habitant d'Elne ; voir sa photo ci-contre). Joseph Vignes, fils et frère de tonneliers, lorsqu'il était enfant, dormait, contraint et forcé, dans un des tonneaux de l'entreprise familiale. Et l'accordéon était l'instrument favori de Vignes, dont il jouait pour animer nombre de fêtes et de bals dans sa région, en dépit des imbéciles qui se moquaient de lui en raison de sa simplicité ("Illibérien" - qui signe aussi, dans les courriels que j'ai échangés avec lui, "Jean de la Lune" - dit qu'il était "retardé ; un Espagnol aurait dit qu'il lui manquait un quart d'heure..."). Photo ci-contre: Pépé Vignes par Mario Del Curto (très myope, Vignes dessinait au ras de sa feuille... Peut-on être plus immédiat que cela en matière de dessin?tonneaux,habitats dans des tonneaux,architecture insolite,abris insolites,foudre,tonnellerie,joseph pépé vignes,art brut,rue pépé vignes,accordéon

     Voici quelques souvenirs de Jean de la Lune, l'Illibérien qui connut Pépé Vignes en 1960 (Vignes avait alors 40 ans, et notre Illibérien en avait 16):

     "Je vais vous dire qui était Pépé. Fils de tonneliers auvergnats installés à Elne, avenue du Général de Gaulle, Jo est  le mal-aimé de la famille.  Il n'a pas toute sa tête, il  ne fait rien, ne sert  à rien (c’est un peu un être inutile). Les Vignes,  c'est une famille nombreuse. Ils vivent non pas dans une maison, mais dans une sorte de hangar qui fonctionne comme un tout, atelier ou maison. Le papa  tient la tonnellerie avec un des fils. Il y aussi  deux  filles. Jo est l'aîné, il est né en 1920 − lorsque j'ai bien connu Jo, j'étais adolescent − lui avait 40 ans et moi 16 [nous sommes alors, donc, en 1960]. Dans tous les bals où Jo allait, il y avait ces imbéciles qui lui empoisonnaient la vie  − lui ne disait jamais rien, il était gentil. Des fois, il venait au bal avec son accordéon et en bon fils d 'Auvergnat, il aimait la bourrée. Les malfaisants lui faisaient jouer de l'accordéon et danser la bourrée à n'en plus finir. Mais comprenez qu'à la fin, ça devenait lassant de se retrouver avec la même bande de lourdauds qui empoisonnaient ce brave garçon. Pour ce qui est du tonneau dans la cour − je revois leur image encore en vous écrivant (c'est le chemin de l'école, je les voyais quatre fois par jour) − il y avait cinq ou six énormes tonneaux  −des foudres  énormes− et dans l'un d’eux, Jo dormait. C'était sa chambre à coucher ! Hiver comme été ce brave Jo dormait là ! Vous comprendrez maintenant que le dessin de son chalet prenne la forme d'un tonneau." (Jean de la Lune) 

     Cela m'est revenu lorsque j'ai eu envie de rassembler pour les besoins de la note présente quelques images ayant pour point commun le tonneau vu comme un habitat (si l'on peut dire cela pour le cas qui suit immédiatement).

    La seconde occurrence où figure un tonneau, elle aussi a déjà fait l'objet d'une note précédemment. Mais, dans une autre note qui se veut rassemblement et anthologie d'habitats-tonneaux, cela prend un sens élargi.

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Tombe de Léonce Chabernaud, Rochechouart, photo (carte postale) Jacques Thibault

     Pour ceux qui n'auraient pas lu les commentaires croisés de "l'Aigre de mots" et de "Pierre-Jean", publiés à la suite de la note donnée en lien ci-dessus, cette tombe représente le wagon-foudre d'un négociant en vins, anticlérical au point d'avoir voulu se faire enterrer sous un symbole qui moquerait les bigots de tous poils dans sa région et au-delà. Et il faut dire que cette sépulture de ce point de vue ne manqua pas sa cible... De plus, elle appelle par analogie d'autres coutumes funéraires pratiquées dans des cultures a priori bien éloignées des nôtres, comme cette coutume au Ghana dans l'ethnie Ga qui consiste à fabriquer des cercueils en forme d'objets ou d'animaux ayant eu un rapport avec la vie du défunt. J'en ai également déjà parlé.

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Extrait de Massif Central magazine, années 1990

     Revenons à nos tonneaux, cela dit. Non loin de l'Auvergne, dans le Velay, au sein d'une forêt entourant le magique lac du Bouchet, cachant la bouche d'un volcan, vivait autrefois un certain Pierre Brun, dit communément "Garou", homme à tout faire dans cette campagne du Bouchet-Saint-Nicolas. Pauvre d'entre les pauvres, il habitait un tonneau transformé en abri, avec un toit de zinc, une porte et une fenêtre, foudre de "500 hectolitres" que lui avait cédé par troc son marchand de vins favori du Bouchet. Il y survivait tant bien que mal, creusant les trous des morts au cimetière communal, éclusant pas mal de chopines. Il habitait ainsi le logement idoine, étant donné son occupation favorite... Un hasard pathétique voulut qu'en 1971, il termine sa vie en se noyant dans le lac voisin, buvant plus d'eau qu'il n'en avait jamais absorbé sa vie durant. S'il a disparu, il semble bien qu'en revanche son foudre soit toujours debout, abri de fortune pour les promeneurs de passage.

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L'abri de Garou, encore debout dans les années 1990... Photo Luc Olivier, Massif Central magazine

 

     L'idée d'un habitat conçu à partir d'un tonneau, même si elle renvoie souvent au mythe du célèbre Diogène, n'a pas eu à ma connaissance (qui reste tout de même fort limitée en ce domaine) d'applications nombreuses à notre époque si l'on excepte des applications d'ordre publicitaire. Voici deux exemples au moins, relevés en France. L'un, repéré en 2010 à Batz-sur-Mer, montre un stand de vente de vins de Bordeaux, logiquement installé dans un foudre.

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Batz-sur-Mer, ph. Bruno Montpied, 2010

    Le second a été rencontré ces jours-ci par notre correspondant spécial à Clermont-Ferrand, Régis Gayraud, sur la place de Jaude. Là encore, on a affaire à un marchand de vins, mais cette fois son stand est à "roulettes".

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Cette camionnette originale est un vestige de la caravane publicitaire du Tour de France 1952, ph. Régis Gayraud, 2016

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Voici la camionnette originale parée aux couleurs de Byrrh... 

      Alors, certes, certains esprits chagrins pourraient nous rétorquer que ce ne sont là que constructions au service du commerce, mais nous pourrons toujours leur répondre qu'en dépit de cela, continue de passer un message poétique, exploité à des fins de négoce bien sûr, mais toujours présent, concrètement prouvé. 

 

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Un message d'Agnès et Sophie Bourbonnais

 Voici un mois, le 10 août, que notre mère, Caroline Bourbonnais, nous a quittés dans sa quatre-vingt-onzième année, sans souffrance, dans sa maison de Dicy, entourée de ses proches. Nous tenons à remercier très chaleureusement tous ceux qui nous ont témoigné leur sympathie.

        Souvenons-nous du parcours de Caroline et d’Alain qui se marièrent en 1955. Caroline, après l’avoir soutenu dans ses projets d’architecture, l’accompagna dans l’aventure de l’Atelier Jacob, galerie d’art hors-les-normes à Paris de 1972 à 1983. A la fermeture de celle-ci, ils créèrent ensemble le musée de La Fabuloserie à Dicy dans l’Yonne.

Tous ceux qui ont connu nos parents se souviennent que cette aventure était en permanence partagée par toute la « tribu Bourbonnais », comme l’ont nommée Jean Dubuffet et Michel Ragon: visites chez les créateurs, montage des expositions à l’Atelier Jacob, participation active à la fabrication des Turbulents et aux films, à l’impression des gravures, sauvetage du Manège de Petit Pierre…

Au décès d’Alain en 1988, notre mère a pris la direction du musée familial et c’est tout naturellement que nous avons mis nos compétences respectives et celles de nos conjoints au service de La Fabuloserie pour la gestion des travaux, la participation à la conception et à la réalisation des quatre ouvrages édités par La Fabuloserie et par Albin Michel et, depuis quelques années, pour la gestion du personnel et des finances.

Ainsi, nous avons déjà imaginé l’hommage que nous souhaitons rendre à notre mère, dont la motivation pour la mise en valeur de la collection est notoirement reconnue, ainsi que son énergie à développer le rayonnement national et international de La Fabuloserie.

Cet hommage prendra la forme, à la saison prochaine, d’une exposition, dans une pièce entière du musée, consacrée à ses découvertes et ses apports à la collection, sans oublier les créateurs avec lesquels elle avait tissé des liens d’amitié. Nous espérons que tous ceux, fort nombreux, qui nous ont fait part, depuis le 10 août, de leur admiration et de leur affection pour Caroline se feront un plaisir de nous accompagner dans cet hommage. A la saison prochaine donc à Dicy.

        Agnès et Sophie Bourbonnais

 

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Joseph Laporte, un jeune tambour qui revenait de guerre...

      L'histoire de l'art naïf, minuscule branche de l'histoire de l'art pour l'art, ne retient pour son panégyrique perpétuel des grands hommes, à ses origines, que le fameux douanier Henri Rousseau. Au Poignard Subtil, je fais depuis un certain temps ma propre histoire de l'art qui n'a rien à voir avec celle de l'art pour l'art. Et je ne cesse de rencontrer des créateurs ayant pratiqué la peinture, l'architecture, la sculpture, la musique, etc., en soi, intimement, au coeur de la vie quotidienne. C'est ainsi que j'en viens de fil en aiguille à confectionner une histoire de l'art parallèle, celle de l'art immédiat, (celle de l'art de tous pour tous)...
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Joseph Laporte, Adieu Pays, adieu parents, j'espère ne pas vous revoir de longtemps; je pars sans effets, sans regrets et sans argent, n'ayant pas encore atteint mes treize ans..., dessin extrait de Mon Voyage en Egypte et en Syrie, autoportrait de l'auteur qui ouvre son récit.
     Au menu, ces derniers jours, une nouvelle révélation, venue d'il y a deux cents ans, rien que ça... Un soldat, un jeune tambour, parti à treize ans de Grenoble (où il naquit en 1780), pour rejoindre les rangs de l'armée de Bonaparte, et qui en fit partie neuf années durant (de 1793 à 1802) , pendant lesquelles il participa comme musicien aux campagnes d'Italie, puis comme sous-officier aux campagnes d'Egypte et de Syrie, gardant de cette dernière aventure un récit manuscrit, enrichi d'une trentaine de dessins naïfs magnifiques qui, déjà du seul point de vue de l'histoire, constituent en soi un fait rare (comme Jean Tulard le souligne, ce jeune soldat anticipait sur la photographie).
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Joseph Laporte, Bonaparte, monté sur son dromadaire, (...) arrivant aux portes de Gaza...
    Son nom, à ce qu'a reconstitué un expert en autographes, M.Jacques Arnna, est Joseph Laporte (il fut cymbalier plus que "tambour" à dire vrai, mais c'est joli, "tambour", et puis ça permet des calembours faciles: Laporte à tambour...). Le manuscrit, qui appartint à la collection de Dina Vierny (autre experte, cette fois en art naïf, entre autres, cf. ses Bauchant, Peyronnet, Vivin et autres Bombois conservés au musée Maillol à Paris), a été vendue en 1996 à Paris et a fini par atterrir dans la prestigieuse collection de livres de la fondation Martin Bodmer, présidée aujourd'hui par M.Jean Bonna, à Genève.
    Le titre de ce manuscrit illustré? Mon Voyage en Egypte et en Syrie. Il vient de paraître en fac-similé, édité conjointement par les Presses Universitaires de France et la Fondation Martin Bodmer (en novembre 2007).
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Editions Presses Universitaires de France et Fondation Martin Bodmer, dans toutes les bonnes librairies, 25€...
    Un journaliste du Point, François Dufay, dans un article récemment consacré à la parution de ce manuscrit (cf Le Point n°1835, du 15 novembre 2007), ainsi qu'à cette fondation Martin Bodmer dresse une énumération saisissante des trésors renfermés dans ce vénérable musée de l'écrit: 
    "C'est Osiris en personne, représenté sur un rouleau du « Livre des morts » égyptien, qui vous accueille au seuil de ce paradis ombreux. En suspension dans les vitrines blindées, les codex et autres in-folio semblent voler dans une nuit artificielle. Dans ce sanctuaire n'entra jamais nulle oeuvre de second plan, aucun texte qui ne soit original, rarissime, et fondamental pour l'histoire de l'humanité. Ainsi ce petit papyrus rédigé en grec : il s'agit d'une version de l'Evangile selon saint Jean datée des environs de l'an 200, sur laquelle se fondent toutes les éditions du Nouveau Testament. Plus ancien codex connu, il côtoie le premier livre imprimé au monde : la Bible de Gutenberg, si fraîche encore qu'elle semble à peine sortie des presses.
    Un peu plus loin, une calligraphie sur jade de la main d'un empereur de Chine se confronte au Coran et à «La divine comédie». Dans l'espace dévolu aux oeuvres modernes, l'édition originale du «Roi Lear» dialogue avec le «Faust» illustré par Delacroix. Long de 12 mètres, voici le sulfureux rouleau sur lequel Sade, embastillé, griffonna ses «Cent vingt journées de Sodome»."
    Ainsi le manuscrit de Sade voisine dans cette collection prestigieuse avec le manuscrit du jeune et simple tambour Joseph Laporte!...
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Joseph Laporte, Productions d'Asie et d'Afrique. Crocodille [sic] d'Egipte [re-sic]
    Le récit de ce tout jeune homme, effectué sans ratures (recopié peut-être aussi à partir de brouillons, et enrichi au passage d'informations prises probablement ailleurs, par exemple dans le Voyage dans la haute et la basse Egypte que publia Vivant Denon en 1802, lui aussi ayant été du voyage, mais cette fois du côté des savants embarqués par Bonaparte), son récit est écrit dans un style simple et direct, documenté parfois par les communiqués de guerre où Bonaparte relatait les combats de son armée à l'usage du gouvernement aussi bien que de ses propres soldats, dans un souci de leur expliquer les "mouvements et les engagements auxquels ils avaient participé" (dixit Jean Tulard). C'est que le jeune soldat se veut un mémorialiste soucieux d'exactitude. On le sent aussi fort admiratif à l'égard de Bonaparte, à l'exemple de tous les soldats qui servaient sous les ordres du petit caporal. On assiste ainsi à la formation du mythe tel qu'il se déploya dans les couches populaires de la société jusqu'à la fin du XIXe siècle.
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Joseph Laporte, Plan Visuel de la Ville de Gênes, La Superbe Capitale...  
    Les dessins naïfs de fort belle tenue du tambour et sous-officier Laporte attestent de son ingénu enthousiasme et d'une certaine pureté du regard, bien éloignés de l'esprit guerrier que l'on prête d'ordinaire à la soldatesque.
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Joseph Laporte, Cimetière Des Egiptiens Riches Et Pauvres [sic]
    A cet égard, il peut être utile de comparer ses dessins à celui de ce "sergent Louis Mathieu" qui vint après Laporte, vraisemblablement soldat pendant la guerre de conquête de l'Algérie, et qui peignit et dessina une mosquée qui le fascinait, peut-être la mosquée Sidi-Abdherramane à Alger, vers 1850, attestant de la fascination de l'homme du commun occidental pour la nouveauté des lieux découverts, fascination que l'on retrouve aussi bien chez un facteur Cheval rêvant sans bouger de chez lui sur les illustrations exotiques du Magasin Pittoresque, ou chez un abbé Fouré à Rothéneuf brodant ses sculptures de granit à partir de l'imagerie coloniale (la guerre des Boers).
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"Mathieu Louis, sergent"... Dessin naïf représentant vraisemblablement la mosquée Sidi-Abderrahmane à Alger (voir ci-dessous), coll.privée, Paris, ph.Bruno Montpied
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Joseph Laporte, autoportrait de l'auteur qui clôt le récit, en uniforme de l'armée de Bonaparte, se représentant lors de son retour à Grenoble en 1803 (à noter la disposition en méandres de la route se voulant à l'arrière-plan, et qui annonce les dispositions des routes de transhumance présentes dans la peinture naïve suisse des Poyas...) 
 

 

 

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Après le Gazouillis (5): des nouvelles du Restaurant de la Gaieté des Villéger, des sites de Gabriel Albert et Franck Vr

Ismaël et Guy Villéger     

   Aux dernières nouvelles, en provenance de divers correspondants qui ont la gentillesse de me tenir au courant du devenir de certains des sites dont j'ai parlé dans mon inventaire des environnements spontanés paru sous le titre du Gazouillis des éléphants (2017), on m'a appris récemment que le Restaurant de la Gaieté (que l'on appelle aujourd'hui, populairement, "la Maison de la Gaieté"), cet ancien cabaret rural situé à Chérac, en Charente, qui conservait des décors naïfs en mosaïque, en façade (voir ci-contre le "roi des cocus", photo Denise Delprato de 2015) mais aussi en intérieur,ismaël et guy villéger,la maison de la gaieté,chérac,cabarets de campagne,environnements populaires spontanés,yann ourry,service patrimoine,loto du patrimoine créés entre 1937 et 1952 (comme c'est inscrit sur la façade) par un père et son fils – Ismaël et Guy Villéger –,  a été choisi dans le cadre du Loto du Patrimoine pour bénéficier d'une subvention de plusieurs milliers d'euros, qui va aider les deux propriétaires, réunis en SCI. Il s'agit d'un peintre, Julien Graizely, et du gérant d'une entreprise (Ici Média), Laurent Hervé,  qui se sont portés acquéreurs du bâtiment, dans l'idée de le restaurer, et de lui redonner une nouvelle jeunesse dans le respect de son lustre ancien (et notamment d'y reconstituer un cabaret, prolongement logique de ce qu'était le Restaurant de la Gaieté à l'origine...). Voici un article que m'a transmis récemment mon correspondant charentais Patrick Métais:

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Ouest-France ; à noter quelques éléments biographiques peu connus qui sont donnés en marge dans cet article sur les Villéger: on sait que ces mosaïques furent assemblées entre 1937 et 1952 par Ismaël Villéger, puis complétées par son fils Guy (selon une inscription sur la façade), on savait moins qu'Ismaël s'était engagé dans la Marine à 20 ans et qu'il avait participé à plusieurs expéditions en Chine.

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A noter que l'un des deux nouveaux propriétaires du lieu signale ici de la main la lettre É, qui était en mosaïque comme le reste de l'inscription verticale en capitales "LA GAIETÉ", et qui manque à présent sur la façade.

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Carte postale moderne (années 1950-1960) montrant l'estaminet du temps de sa splendeur, coll. Bruno Montpied ; on notera qu'au pied du palmier (qui fut scié par la mairie il n'y a pas très longtemps, le jugeant trop dangereux) avait été assemblé tout un jeu d'assiettes ou de médaillons peut-être eux-mêmes en mosaïque ; l'établissement se nommait, à l'époque de cette photo, "Restaurant de la Gaieté", sous titré "Buvette"... A noter que la façade de la maison basse à droite ne recelait pas beaucoup de mosaïques, seulement autour des ouvertures.

 

    Sur ces mosaïstes, Patrick Métais m'a appris qu'existait dans le centre du village de Chérac une autre façade en mosaïque, que l'on imagine facilement comme ayant été réalisée par le même Ismaël Villéger, à moins que ce ne soit dû à son fils Guy. C'est tout à fait du même style... Peut-être était-ce un second logis de cette famille?

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L'autre façade en mosaïque à l'intérieur du village de Chérac : encore un coup des Villéger? Ph. Patrick Métais, 2016.

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Gabriel Albert et Franck Vriet

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Le Jardin de Gabriel Albert en 2018, reprenant peu à peu tout son lustre... ph. Jean-Loup Montpied.

 

     J'ai également des nouvelles du site de Gabriel Albert à Nantillé (Charente), transmises par Yann Ourry (Service Patrimoine et Inventaire - Direction Culture et Patrimoine - Site de Poitiers) :

      "Nous avons effectué l’année dernière les premières mesures d’urgence : mise à l’abri des 59 statues et bustes les plus fragiles et traitement des statues restées sur place : https://inventaire.poitou-charentes.fr/le-jardin-sculpte-...

     En attendant les prochaines étapes. Le site est ouvert quelques jours dans l’été, avec un certain succès (moyenne de 50 visiteurs par jour). Pour cette année, il reste le mardi 13 août et le dimanche 22 septembre (journées du patrimoine).

    Par contre, je crois savoir qu’il ne reste plus grand-chose de l’œuvre de Franck Vriet dans la commune voisine de Brizambourg."

     Ce dernier, qui avait travaillé avec Gabriel Albert, peut-être sur certaines petites statues animalières du site de Nantillé, était en quelque sorte un émule d'Albert. Il avait créé lui aussi, en effet, à quelques encablures de son ami, un ensemble de statues hétéroclites, toutes naïves, en lisière de sa maison, dans des bouts de terrain enclos et visibles de la route, mais aussi dans la cour de sa maison. J'ai récemment, dans ma note nécrologique sur Michel Valière, mis en ligne une photo de cette cour où on voit Franck Vriet avec sa femme parler avec Valière et sa propre épouse, Michèle Gardré-Valière.  Et l'on peut également se reporter à la brillante note (parfois un peu ésotérique) que Denis Montebello a consacrée sur son blog à la destruction du site de Vriet, qu'il attribue apparemment à un édile (ça rime avec débile). Denis Montebello est par ailleurs l'auteur d'un livre de digressions littéraires qui prennent le site des Villéger comme point de départ: Denis Montebello, La Maison de la Gaieté, éditions Le Temps qu'il fait, Bazas, 2017.

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Une statuette de Franck Vriet, une guenon et son petit, ph. et coll. Bruno Montpied (extrait de mon musée de fragments d'environnements...).

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André Hardy (1921-2013)

       De ce dernier, peu de nouvelles de ses statues qui ont été dispersées après la vente de sa maison et de son jardin empli de statues. Simplement, j'ai parlé il y a peu de quelques statues d'Alfonso Calleja, autre  inspiré des bords de routes, que j'ai croisées au marché Paul Bert aux Puces de St-Ouen. Au passage, je mentionnais avoir vu plus loin d'autres statues animalières, un éléphant, une girafe, un zèbre et un ours dont les couleur s'étaient fait la malle depuis quelque temps...

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André Hardy au marché Paul Bert, le zèbre et l'ours (blanc?), août 2019, ph. B.M.

      L'éléphant me trottait dans la tête... Je pensai d'abord à Horace Diaz, dont les statues ont été également mise à l'encan après sa mort à Lodève. Mais non, ça ne collait pas, en comparant les photos... Et  puis, la lumière s'est faite en moi. Ces autres statues animalières du marché Paul Bert, placées dans un stand différent de celui des Calleja, sont d'André Hardy! Elles aussi, donc, continuent de voyager...

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André Hardy, l'éléphant, ph. B.M., août 2019.

 

     Je peux ajouter à ce signalement une autre information de transfert d'une installation du même Hardy, cette fois en Mayenne, dans le jardin de Michel Leroux où Jean-Michel Chesné, qui s'est formé au métier de rocailleur – et, ma foi, qui s'en tire pas trop mal ! –, a rehaussé et restauré un portique de Hardy qui se trouvait originellement dans un potager jouxtant la maison de ce dernier. Voir ci-dessous les deux photos que Chesné m'a confiées. Qu'il en soit ici vivement remercié.

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Jean-Michel Chesné au travail, 2016.

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Et voilà le travail, un portique d'André Hardy (et de Jean-Michel Chesné) tout neuf ou presque.

 

Quant à la maison de Didier Rossetti au Mans...

...elle est à vendre. Ou du moins, elle l'était, il n'y a pas si longtemps, comme me l'a aimablement signalé M. Laurent Le Meur, qui m'avait aidé à la trouver en lisière de la ville pour que je puisse la photographier pour mon Gazouillis des éléphants. C'est une maison aux décors en façade à la fois naïfs et un peu art déco, à thèmes animaliers. Un beau bas-relief naïf, à la thématique bachique, pouvait se voir à l'arrière de la maison. Cette demeure ne peut être dissociable de deux autres maisons, dont l'une a disparu à une date indéterminée (le photographe Francis David avait eu le temps de la photographier et de la publier dans son catalogue des Bricoleurs de l'imaginaire), de style rocaille qui avaient été construites, avant la maison en question, par deux amis communistes, M. Pennier et M. Rossetti père. La deuxième, "Les Etoiles", due à ce M. Pennier apparemment, était toujours debout aux dernières nouvelles. Il faut souhaiter que le nouvel acheteur de la maison Rossetti saura (a su?) l'apprécier dans son jus actuel.

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Ancienne maison de Didier Rossetti, telle qu'on peut la voir sur Google Street, rue du Soleil, au Mans 

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