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Pierre Martelanche, une découverte émouvante dans la région de Roanne
En parcourant récemment le site web de la Collection de l'Art Brut de Lausanne, quelle n'a pas été ma surprise de tomber sur l'entrefilet publié dans leur rubrique 'Recherche sur l'art brut" qui évoquait un site inconnu, un petit musée créé à St-Romain-La-Motte au nord-ouest de Roanne, entre 1900 et 1920 par un certain Pierre Martelanche, vigneron de son état, ayant vécu entre 1849 et 1923.
Dans une cabane de vigne en pierre (ou torchis?), pendant des décennies, ses descendants ont conservé les statuettes en argile qu'il y avait organisées dans un but d'édification humaniste, féministe et pacifiste, désirant propager l'idée d'une éducation pour tous dont lui-même n'avait pu bénéficier. Son but était peut-être humaniste, mais le terme peut paraître un peu pâle car il semble que Martelanche allait aussi vers une critique sociale plutôt radicale, comme le montre l'illustration ci-dessous (empruntée comme les autres dans cette note aux brochures numérisées qu'ont mises en ligne sur internet l'Association des amis du Petit Musée de Pierre Martelanche ainsi que Jean-Yves Loude auteur d'un livre sur ses voyages avec des ânes dans la région roannaise, ouvrage où il relate sa découverte du petit musée ; à signaler que le premier lien ci-dessus ("brochures") mène à un fichier où l'on propose de soutenir l'Association citée).
Pierre Martelanche, Bas-relief montrant l'exploitation du travailleur courbé sous les représentants de l'Eglise et du patronat qui lui assènent leurs principes et leur raison d'être sous la forme de petits panonceaux couverts d'inscriptions (l'Eglise: "Je te berce"...)
C'est un vrai miracle que les sculptures en argile ne se soient pas détériorées au fil des années, malgré le vandalisme enfantin, l'invasion végétale, ou les écarts de température. Si l'écrivain-voyageur Jean-Yves Loude, en résidence dans la région, fut le premier à révéler le lieu et l'oeuvre, divers autres intervenants, ainsi qu'une association des Amis du Petit Musée de Pierre Martelanche, cherchent dès à présent à trouver les moyens de préserver ces petits chefs-d'œuvre de poésie populaire dans l'optique de les présenter au public. On parle déjà (voir la vidéo mise en ligne sur Daily Motion ci-dessous) de réaliser une cabane refaite à l'identique où l'on réinsérerait les statues de Martelanche en respectant son organisation initiale...
Martelanche redécouvert à St Romain la Motte par avp_diffusion ; vidéo provenant de la chaîne de télé RW TV
A moins qu'inspirés par les conseils de "l'expert international" Laurent Danchin, qu'on a automatiquement contacté (de même, on apprend que le cinéaste Philippe Lespinasse travaille déjà sur un film sur Martelanche), on décide sur place de transférer les statuettes dans un autre lieu, au sein du village entre école communale et foyer de retraités dans le but de faire servir le futur musée Martelanche à des visées sociales... Certes, on sait que des musées consacrés à un seul autodidacte, s'ils ne gardent que cette seule finalité, faire découvrir la vie et l'œuvre de l'autodidacte en question, finissent par péricliter à la longue. Mais la visée sociale très à la mode aujourd'hui, débouche aussi parfois, par la sollicitation de publics pas forcément très concernés, sur des résultats bénins voire médiocres, contrastant avec la présentation des oeuvres de grands autodidactes d'autrefois qui sont elles d'une toute autre qualité (comme c'est le cas ici avec les pièces naïves en argile de Pierre Martelanche). Ces visées sociales peuvent alors se révéler contre-productrices. Méfions-nous donc des "expertises".
Détail d'une saynète montrant des femmes en train de fondre des canons
Pourquoi ne pas songer plutôt à associer les sculptures de Martelanche à d'autres œuvres du même type que l'on rassemblera petit à petit dans la même région? En demandant des legs ou des dépôts aux collectionneurs encore inconnus de la région, ou à des créateurs populaires contemporains. Je pense par exemple à ce collectionneur qui conserve non loin, à Toulon-sur-Allier, des dessins formidables d'un autre autodidacte visionnaire, appelé Alphonse Courson, qui était un ancien soldat. Un peu plus loin, dans les Monts du Lyonnais, existait également un sabotier sculpteur naïf, Jean Molette (j'ai parlé de lui dans le récent n°15 du Bulletin des Maçons de la Creuse). Comme le note la brochure de l'Association, non loin également, à Civrieux-d'Azergues, se trouve le Jardin de Nous deux de Charles Billy (à qui j'ai consacré un chapitre entier dans mon Eloge des Jardins anarchiques, version remaniée d'un ancien article paru dans Raw Vision au début des années 90). Récemment, au sud de Roanne, Montbrison a également monté une exposition d'art brut. Cette vallée de la Loire paraît recéler beaucoup d'occurrences où il est question d'art brut ou d'art naïf de qualité. L'idée de monter un musée ou un foyer d'activités centré sur la créativité populaire d'autrefois et d'aujourd'hui aurait donc du sens et ne serait pas de l'ordre utopique. La proximité de la région Auvergne, qui jouxte cette région relevant de Rhône-Alpes, est à considérer également.
11/08/2013 | Lien permanent | Commentaires (4)
Des peintures du sciapode au musée d'art naïf et d'art singulier de Laval
J'entre par le biais d'une donation de 26 œuvres dans la collection permanente du Musée d'Art Naïf et d'Art Singulier de Laval, prestigieuse collection d'art naïf de très grande qualité qui ouvrit ses portes au public en 1967, après avoir été créée à partir des collections du peintre lui-même naïf Jules Lefranc. C'est dire que je n'en suis pas peu fier. En même temps que moi, plusieurs œuvres de Jean-Louis Cerisier, régional de l'étape (pour employer une métaphore en rapport avec l'actualité cycliste), entrent également au musée du Vieux-Château.
Bruno Montpied, Une nuit en couleur, 31x24 cm, 1998, Musée d'art naïf et d'art singulier de Laval
B.M., Le Malin, 24x32 cm, 2006, MANAS de Laval
Ce n'est pas la première fois que des œuvres relevant de ce que l'on appelle "l'art singulier" (= "neuve invention" ou "création franche") entrent dans ce musée. Une importante donation d'Alain Lacoste a été ainsi réalisée il y a peu, avec une salle qui lui avait été temporairement entièrement consacrée. On trouve également, entre autres, des oeuvres de Sanfourche, Reumeau, Hernandez (cela dit rangé usuellement plutôt dans l'art brut), Van Der Steen, Jacques Trovic, Boix-Vives, Eva Lallement (dont il y a eu une donation complémentaire récemment), Martinez Albarez Rutila et Antonia Martinez, ou encore Antoine Rigal. L'action de l'attachée de conservation, liée à la municipalité de Laval, Antoinette Le Fahler, n'est pas étrangère à cet intéressant prolongement de la collection.
Alain Lacoste, A fond le champignon, 2003, MANAS de Laval
Antonia Martinez, Bombardement de tous les trônes d'Europe, terre cuite, 1989, MANAS de Laval
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J'insère ci-après la lettre que j'ai adressée à la ville de Laval lors de ma proposition de donation, qui précise en quoi à mes yeux elle se justifiait.
"Lettre d’intention en vue d’une donation
Je souhaite faire donation de 26 de mes œuvres au musée d’art naïf et d’art singulier du Vieux-Château à Laval pour deux raisons principales.
Je suis impliqué par mes dessins et autres peintures dans le corpus de l’art dit singulier (appelé aussi « création franche » au musée du même nom, situé à Bègles, Gironde) depuis de nombreuses années (depuis 1989 par exemple au Musée de la Création Franche, époque où j’avais participé à la première exposition collective de ce musée, intitulée « Les Jardiniers de la Mémoire », en compagnie de Pépé Vignes, Sanfourche, Alain Pauzié, Claudine Goux, Alain Lacoste, Chichorro, Noël Fillaudeau, Monchâtre, Claude Massé et Marcelo Modrego entre autres). D’autre part, je suis un fervent défenseur des arts spontanés et autodidactes, ce que j’exprime à côté de ma peinture dans de nombreuses publications disséminées dans des organes de presse et d’édition variés, depuis d’aussi nombreuses années.
Dans ce cadre, j’ai été amené à citer plusieurs fois la collection du musée d’art naïf de Laval que j’estime particulièrement remarquable, de même que j’ai pu écrire des articles sur certains créateurs lavallois (Jean-Louis Cerisier, Serge Paillard). A mes yeux, l’art naïf de qualité d’une part, l’art brut d’autre part, dans leur filiation avec les arts populaires ruraux d’autrefois, sont les cousins, ou les ancêtres des artistes contemporains marginaux que l’on range dans l’art singulier. C’est pourquoi j’ai été amené à citer dans mes articles les créateurs naïfs, et par la suite singuliers, de la collection de Laval (par exemple dans « La poésie oubliée des peintres naïfs », Création Franche n°3, mai 1991, ou dans l’article « Laval » inséré dans le n°XLIX de la revue 303, 2e trim 1996, où, suite à une exposition à l’Orangerie de la Perrine de Jean-Louis Cerisier, je forge le terme « d’école lavalloise de figuration poétique » à propos des peintres Rousseau, Lefranc, Trouillard, Reumeau, Tatin, Lacoste, Blanchard, Cerisier, Paillard, etc.).
L’évolution de la collection du Vieux-Château, ces dernières années, en direction de l’art singulier, me concerne par conséquent tout particulièrement, car elle confirme mes intuitions avancées dans le cadre de mes activités de critique et de peintre. C’est pourquoi je souhaite ardemment qu’y figurent à côté de diverses figures que j’admire mes propres œuvres.
Bruno Montpied"
11/07/2012 | Lien permanent | Commentaires (1)
René Rigal, ou la sculpture-phasme
Qu'il est doux de vagabonder dans le labyrinthe des minuscules départementales, bien loin des autoroutes où comme de juste, on ne trouve aucun inspiré du bord des autoroutes, cela tombe sous le sens. On voyage au cœur du néant sur ces rails de ciment, hors géographie, si loin de toute réalité que les régions et édifices que l'on aurait pu rencontrer n'existent que sur le papier, je veux dire, sur ces panneaux couleur de fèces qui nous donnent l'impression de flotter dans un monde virtuel. Sur les autoroutes, on ne sort pas de son ordinateur.
Ph. Bruno Montpied
Je vois tout à coup une flèche, "Musée éclaté". Je murmure dans ma barbe, on ne va pas aller voir bien sûr ce musée éclaté, pourtant, c'est un drôle de nom... Et surprise, mon camarade au volant braque aussitôt, enfilant une route encore plus minuscule qui serpente en grimpant sur des collines en direction d'un village nommé Cardaillac. On est au nord de Figeac, et non loin de Capdenac. Le "Musée éclaté" se fait désirer, et l'on finit par y pénétrer, alors que ce n'est pas l'heure d'ouverture. Il y a un sculpteur à l'intérieur qui pourrait m'intéresser, me dit une dame qui anime ce musée, qui est en réalité "éclaté" parce qu'en plusieurs parties, genre écomusée rural sur les métiers et les écoles de jadis. Marie Mage, c'est son nom magnifique, nous conduit à la partie brocante, musée de tout (des museums of everything, y en a aussi dans nos belles provinces, y a pas qu'à Londres), où elle me montre le sculpteur en question, ou du moins ses oeuvres. Et je reconnais subitement les figures filiformes aussi dégingandées que des phasmes humains saisis dans le bois, c'est de René Rigal!
René Rigal, Si tous les gars du monde voulaient se donner la main... Expositon le Musée éclaté, Cardaillac, été 2011, ph. BM
Ô, la belle coïncidence... Je n'en avais jamais vu autrement que sous la forme d'un charmant petit documentaire projeté dans un festival Hors-Champ à Nice (René ne tape pas la belote de Philippe Macary et Jean-Marc Pennet, 13 min, 2000 ; à noter que René Rigal apparaît aussi plus briévement dans un film de Paolo Mucciarelli, Truc d'esprit, art singulier en France, 30 min, 2006).
Ph.BM
Des sculpteurs autodidactes exploitant les formes naturelles du bois, les racines, les branches ou les souches, il en existe souvent. Dans le cas de René Rigal, disparu hélas tout récemment (il sculpta de 1978, date de sa mise à la retraite de conducteur de train, jusqu'à sa mort, survenue apparemment en novembre 2008 –voir commentaire ci-après), on a affaire à un exceptionnel créateur du fait de son choix de bois aux formes étirées, tendant au filiforme, à la liane serpentine, ce qui ne l'empêchait pas pour autant de voir en eux divers personnages ou animaux. Dans le musée éclaté, c'était surtout des personnages humains qui avaient colonisé l'espace pour une période sans doute transitoire (je ne me rappelle plus très bien ce que Mme Mage nous a dit, c'était comme un tourbillon de rencontrer ces statues si étonnantes, si dansantes).
Dans le livre édité par l'association Hors-Champ, le Petit Dictionnaire Hors-Champ de l'Art Brut au Cinéma, Gilbert Fenouille fait une remarque fort plausible: "René Rigal en a eu assez de suivre les rails du conformisme social et les horaires rigides. C'est peut-être pour ça qu'au moment de la retraite, il s'est mis à sculpter les bois tordus." La sinuosité de ses chevaliers à longues figures renvoie probablement à la capricieuse ligne de vie qu'il avait dû suivre dès le travail abandonné.
Ph.BM
Le film de Pennet et Macary ne durait qu'une douzaine de minutes et les renseignements sur M.Rigal manquent aujourd'hui passablement. Il faudrait probablement s'adresser à la galerie La Menuiserie à Rodez pour en apprendre un peu plus. Ce sculpteur a eu ses œuvres fort bien servies par un excellent photographe, Jean-Michel Deslettres. Des clichés de ce dernier ont été notamment publiésdans un petit catalogue non daté que réalisa la galerie La Menuiserie après la mort du créateur (donc cette année). Il est souhaitable cependant qu'on consacre un jour un peu plus de papier à l'évocation de l'ensemble des pièces sculptées de cet excellent créateur.
Photo Jean-Michel Deslettres sur la couverture du catalogue de La Menuiserie
Comment accéder au Musée Eclaté? On va jusqu'à la place de la Tour, 46100, Cardaillac. Tél 05 65 40 10 63 ou 05 65 40 15 65. www.musee-eclate-cardaillac.fr (7 lieux "chargés d'histoire" à visiter avec des guides, maison du semalier, saboterie, moulin à huile de noix, l'étuve à pruneaux...). Le village de Cardaillac est très charmant, et il y a un bistrot si je me souviens bien...
11/08/2011 | Lien permanent | Commentaires (2)
Un corps exquis en morceaux
Il n'y a pas à barguigner, l'expo qui s'achèvera le 25 septembre à l'Espace Fondation EDF, rue Récamier à Paris dans le 6e ardt, est un fort beau cabinet de curiosités. Le prétexte de ce rassemblement d'objets insolites, venus de divers arts populaires autour de la Méditerranée, est le corps, à travers les objets, mais aussi les dictons ou proverbes piochés dans des langues elles aussi diverses. Voici du reste un petit florilège de ces proverbes ou maximes:
Un cerveau vide est la boutique du diable (anglais) ; Quand tu traverses le pays des aveugles, ferme un oeil (roumain) ; Écoute ce qui est bien dit, même venant d'un ennemi (grec) ; La timidité est la prison du coeur (espagnol) ; Le plus grand ennemi de l'homme, c'est son ventre (arabe) ; La vie d'un homme est semblable à un oeuf dans les mains d'un enfant (portugais) ; Le mensonge a les jambes courtes, il n'ira pas loin (tchèque) ; La beauté est à fleur de peau mais la laideur va jusqu'à l'os (anglais).
Mais c'est en même temps une surprise que de voir tout à coup resurgir dans cette exposition des objets extirpés des collections de l'ancien musée des arts et traditions populaires, autrefois ouvert au public dans le bois de Boulogne et maintenant, selon la rumeur, embastillée dans des caisses ou des entrepôts on ne sait trop où, entre Paris et Marseille. Sur le web, pendant plusieurs années (depuis 2003, je crois), on avait l'impression que le nouveau musée, rebaptisé de l'acronyme ronflant de MUCEM (Musée des Civilisations Européennes et Méditerranéennes), n'était qu'une réalisation virtuelle, tant le chantier du nouveau bâtiment transparent conçu par l'architecte Ricciotti tardait à sortir de terre. La collection incroyablement riche des ex-ATP, armoires normandes, pichets berrichons, poteries berbères, charettes siciliennes, objets de dévotion, quilles de conscrits, ouvrages en cheveux, ex-voto yougoslaves, etc., végètait depuis pas mal de temps, attendant l'année 2013 et le projet de Marseille ville de la culture.
Chantier du MUCEM à côté du fort St-Jean, près du port de Marseille, ph. A. Laurençon-Picca
Justifié par l'ambition de bâtir un trait d'union muséal entre civilisations populaires du sud et du nord, le nouveau musée a vu cependant sa première pierre posée par Frédéric Mitterrand en 2009. Le chantier a commencé... Mais n'est-ce pas un rêve un peu trop grand? Surtout à l'heure où l'indifférence pour la culture populaire ancienne, la rurale, paraît atteindre des sommets. Curieusement, le MIAM, Musée International des Art Modestes, au projet très voisin de certains du MUCEM (un des collectionneurs-fondateurs du MIAM, Bernard Belluc a du reste monté une petite exposition, vers 2006, dans des locaux provisoires du nouveau MUCEM au fort St-Jean), MIAM lui aussi implanté dans le Midi, à Sète, avec des ambitions plus... modestes, réussit davantage à faire connaître son discours auprès des amateurs d'art populaire contemporain. Peut-être parce qu'il est avant tout affaire de gens passionnés et réalistes (Di Rosa, Belluc, Pascal Saumade), et non de bureaucrates caressant du fond de leurs placards des rêves mégalos seulement destinés à se faire bien voir d'une poignée de professionnels muséaux, et plus secrètement encore, de la part des politiques (François Fillon a réaffirmé son soutien à la création du MUCEM), destinés à couvrir d'un voile culturel le désir de donner un coup d'accélérateur libéral au marché étendu à une nouvelle Méditerranée des "printemps arabes".
Il est cependant agréable de revoir certains objets resurgis des malles et des coffres où on les avait enfouis dans cette expo de "Morceaux exquis": Cape de pluie sarde tressée de pailles, hésitant entre l'apparence d'une figure de carnaval quotidien et un épouvantail noyé dans la brume, coloquinte en forme de nez de Pinocchio (ci-dessous, provenant de France, XVIIIe-XIXe siècle, cliché Christophe Fouin, coll MUCEM), œil amulette, ex-voto d'argent ou de cire, dessins du bagnard Lagrange, chefs-d'œuvre de sabotier, poupée d'envoûtement, pain sculpté de Calabre, têtes de marionnettes, accessoire pédologique insolite de clown, enseigne de gantier à la main rouge géante (prêtée par le musée rural des arts populaires de Laduz, enfin reconnu à sa juste valeur ici, pour la qualité de ses collections), et en particulier parmi tant d'autres objets insolites, deux sculptures, celles d'Adam et Eve par le sculpteur autodidacte Fernand Duplan (ci-dessous, pierre sculptée et peinte vers 1970 à Ruoms en Ardèche, coll MUCEM, © Christophe Fouin), et un outil sculpté de Xavier Parguey, qui entra avec d'autres œuvres dans la collection initiale d'art brut de Jean Dubuffet, avant d'y être oublié...
Pupazza, femme à trois seins, pain sculpté, provenance Calabre, vers 1960, dépôt du Musée de l'Homme, © MUCEM, ph Christophe Fouin
Dommage cependant que le catalogue ait été conçu de façon vraiment un peu trop cheap, dans une maquette des plus banales, et surtout sans beaucoup d'illustrations.
03/09/2011 | Lien permanent
Un autre regard, la collection permanente de la création franche s'expose
Du 11 juin, date du vernissage (pour les Bordelais, car cela a lieu un vendredi soir, les gens qui habitent plus loin ne sont pas invités à venir ce soir là, à moins de casser un bout de leurs RTT?), au 5 septembre, "à l'occasion de la parution d'un nouveau catalogue", voici que le fonds permanent du musée de la Création Franche est exposé avec prés de 300 oeuvres sur les 13000 inscrites à l'inventaire, le tout réparti sur les onze salles du musée. C'est le retour en force de la collection qui n'était que trés, trés partiellement montrée depuis des lustres, la plupart du temps confinée dans les trois quatre salles du fond du premier étage, où il ne fallait pas hésiter à faire un tour aprés chaque expo temporaire, dans l'espoir d'y voir surgir, ou resurgir, telle ou telle oeuvre inconnue, ou oubliée.
Jean-Louis Cerisier, Fragment organique, 1974
Comment présenter cette masse d'oeuvres assez diverses il faut l'avouer (cela me plaît à moi cette variété)?
Les organisateurs ont opté pour une classification par ensembles et thèmes semble-t-il. Les "pionniers" de la collection sont au rez-de-chaussée, à côté d'une salle plus spécifiquement consacrée aux créateurs classés dans les collections de l'art brut (comme Madge Gill, Louise Tournay, Benjamin Bonjour, Martha Grünenwaldt, etc - seul Michel Nedjar, il est vrai classé généralement dans l'art brut, y fait figure d'erreur, sa place étant plutôt selon moi parmi les singuliers, créateurs francs et autres "neufs inventeurs"...), dans lequel la création franche, nous dit le prospectus (non signé) de la présentation (consultable sur le site web du musée, voir plus haut), "prend sa source". Une autre salle du rez-de-chaussée est vouée à Claude Massé et à ses découvertes d'art "autre", à la succession du peintre Jacques Karamanoukian, et à Gérard Sendrey, dont beaucoup d'oeuvres, à ce que j'ai découvert, aprés sa récente méga-exposition au Musée, ont rejoint la collection permanente, ce qui met un terme à son refus maintes fois réitéré de mêler sa propre oeuvre à celles de la collection qu'il avait grandement contribué à rassembler. Gérard Sendrey devient in fine un créateur franc tout à coup...
L'étage paraît plus labyrinthique, du moins dans l'exposé de la présentation de l'expo. On y a ménagé des espaces avec des thèmes hétéroclites, le coin des "visionnaires" ou des "rêveurs de mondes", un cabinet de curiosités (avec paraît-il des oeuvres "inclassables et insolites" - miam-miam, c'est là que j'aimerais être! - un coin "maternité et enfance", qui sent presque sa crèche... En salle 10 (cela vous prend un petit air de jeu de l'oie tout à coup cette expo), ont été parqués les "tourmentés", merci pour eux... Les "tronches", c'est en salle 9... "L"homme du commun" (le bouseux en somme?) est en salle 5, avec ses travaux des champs, ses animaux... Et le visiteur n'aura encore vu qu'une petite partie de l'ensemble de la collection, que seule une plus grande surface, souvent annoncée sous cape, jamais effective, pourrait révélér dans toute sa munificence éclatée.
Je n'ai pu voir l'accrochage, je ne fais ici qu'un compte rendu basé sur le dossier de presse envoyé en signe avant-coureur. Mais pourquoi ne pas faire moi aussi mon mini-accrochage à partir de quelques photos prises au cours des années? Chaque visiteur devrait ainsi avoir le droit à son accrochage perso, ses préférences, ses passerelles à lui, ses analogies, ses confrontations d'une oeuvre face aux autres, etc. Pourquoi pas?
08/06/2010 | Lien permanent
Info-Miettes (12)
Expo Ody Saban tout l'été au musée de la Création Franche
Cela se tiendra du 1er juillet au 4 septembre au musée de Bègles.
Du côté de chez Chave maintenant...
Galerie Alphonse Chave, à Vence, on monte une exposition intitulée de façon un peu tarabiscotée je trouve, "L'harmonie des antonymes", avec en épigraphe sur le carton d'invitation quelques mots d'Héraclite d'où il ressort que "tout [surtout l'harmonie] devient par discorde" (le Poignard Subtil se voit ainsi confirmé dans ses choix)... Du 18 juin à fin août 2011. Avec Georges Bru, Gaston Chaissac, Gérard Eppelé, Jean Dubuffet, Slavko Kopac, Max Ernst, G.Lauro, Jean-François Ozenda, Jacques Prévert, Georges Ribemont-Dessaignes et alii... Tél: 04 93 58 03 45.
Le Musée des arts populaires de Laduz n'est plus subventionné...
Jacqueline Humbert se bat toujours pour maintenir la merveilleuse collection construite par elle et son mari décédé en 1990, Raymond Humbert. La région lui refuse la subvention qu'elle recevait pourtant depuis plusieurs années. A-t-on décidé d'étrangler par l'indifférence et l'insensibilité (pour ne pas dire l'ignorance) des élus toutes les collections d'art populaire, qu'elles soient comme en l'espèce privée, mais ouverte aux publics de tous âges, ou qu'elles soient étatiques comme celle de l'ex-musée des ATP autrefois installé près du Jardin d'Acclimatation dans le Bois de Boulogne à Paris, et qui végète à présent dans on ne sait quel entrepôt en attendant que se bâtisse le mirifique bâtiment promis depuis des lustres près du fort Saint-Jean à Marseille?
En attendant, le musée de Laduz tient cependant à organiser une exposition d'été, et cette fois on reviendra à la peinture de Raymond Humbert qui fut un admirable paysagiste abstrait, parallèlement à sa passion pour l'art populaire qu'il interprétait en visionnaire. Sans doute, Jacqueline Humbert puisera dans la force intacte des oeuvres de ce grand vivant l'énergie de faire face aux défis qui attendent le musée. Je ne saurai trop inviter tous ceux qui subodorent la poésie présente au sein des arts populaires à venir visiter ce musée champêtre qui n'a rien à voir avec les collections habituelles de vieux outils poussiéreux. Sa muséographie est sans cesse attractive, attachée à mettre en valeur tous les côtés inspirants de la vie créatrice des campagnes anciennes, en s'appuyant sur la valeur esthétique des objets présentés. Son département de sculpture populaire insolite de plus flirte avec l'art brut, de même que ceux de la marine populaire ou de la mémoire des campagnes font parfois allusion à l'art naïf.
Akram Sartakhti
J'ai laissé passé l'occasion de parler de cette femme iranienne (née en 1950) qui chipa les pastels de son petit-fils pour lui montrer ce dont elle était aussi capable, non mais... (on pensa à d'autres qui firent de même, comme M'an Jeanne par exemple, ou Joseph Barbiero encouragé par un fils artiste, ou encore Boix-Vives lui-même... non?). La cafétéria de la Halle Saint-Pierre abritait une petite expo de ses oeuvres colorées et stylisées du 10 janvier au 13 février dernier. La galerie Hamer à Amsterdam l'a aussi exposée entre mars et mai, avec une brochure à la clé préfacée par Laurent Danchin qui précise dedans qu'elle a commencé il y a seulement dix ans et que malgré le fait qu'elle ait caché d'abord ses oeuvres à son petit-fils, ce dernier, ayant quand même découvert ses dessins, les porta à l'attention de quelques experts, ce qui amena une ou deux oeuvres de sa grand-mère au musée d'art contemporain de Téhéran. C'est pour le peu qu'on a pu en voir à la Halle, une oeuvre fraîche et spontanée, joyeusement colorée et dégageant une grande vitalité grâce à la conjugaison de formes simples, suggestives avec de sensuels contrastes de teintes. Seuls les fonds peuvent paraître un peu vite faits comme si la peintre n'y attachait que peu d'importance. On ressent alors une impression de travail fait dans l'urgence, avec la bizarre sensation d'une précipitation.
Une autre peintre autodidacte iranienne existait aussi naguère, décédée à présent, qui était peut-être plus inspirée et brute qu'Akram Sartakhti, à savoir Mokarrameh Ghanbari, que ce blog-ci a évoqué voici déjà quelque temps, que l'on se reporte à... ces notes...
Une oeuvre de Mokarrameh Ghanbari
Au Madmusée de Liège on révise son histoire...
"Harvest", c'est le titre de l'exposition estivale du Musée d'Art Différencié (qui donne ce bel acronyme de MAD), titre très Neil Young, un peu trop anglais pour mon goût (est-ce que "moisson", ça fait péquenot chez nos amis belges...?). Elle se tiendra en deux lieux, en accès libre, au MADmusée du 2 juillet au 10 septembre, et au Grand Curtius, toujours à Liège, du 2 juillet au 13 novembre. Le propos du commissaire d'exposition (Brigitte Van Den Bossche?) est de montrer comment le "futur de la collection se dessine, grâce aux acquis des dernières années". Depuis que j'ai vu des parties de ces acquis à l'expo parisienne de la Maison des Métallos, j'acquiesce à toutes ces propositions. Donc, que ceux qui le peuvent aillent faire un tour à Liège, une fois.
02/07/2011 | Lien permanent | Commentaires (3)
Où trouver ”Eloge des Jardins anarchiques”? Liste des points de vente
Voici la liste des points de vente telle qu'elle pouvait être établie en mai (plutôt vers le début de ce mois). J'ai essayé de situer les librairies quand j'avais le temps... La liste n'est probablement pas exhaustive, le diffuseur (Court-Circuit diffusion) ayant probablement trouvé d'autres librairies entre temps, mais en l'état, elle peut tout de même être utile, je pense. Il se peut également que certains points de vente mentionnés ci-après n'aient déjà plus de livres. Il ne faut pas hésiter dans ce cas à passer commande à votre libraire (ceci étant valable aussi dans n'importe quel lieu ne figurant pas dans cette liste ; le diffuseur s'engage à honorer toutes les commandes que lui feront les librairies où que ce soit).
Paris:
Librairie de la Halle Saint-Pierre, rue Ronsard (18e ardt), L’Arbre à lettres dans les 3e, 5e, 12e, 13e ardts, L’Alinéa, L’Appel du livre, L’Attrape-Cœurs (18e), L’Atelier 9, L’Atelier (20e), Atout-Livre (12e), Librairie des Batignolles (17e), Les Buveurs d’encre, Le Cabanon, Le Merle Moqueur (20e), Chapitre.com, Le Comptoir des Mots, Compagnie (5e), Dédale (5e), Le Divan (15e), L’Ecume des pages (6e), La Friche (11e), Librairie des Gâtines, Le Genre Urbain, Gibert Joseph (Bd St-Michel, 6e), Les Guetteurs de vent (11e), L’Harmattan (5e), La Hune (6e), L’Humeur vagabonde (18e), L’Iris noir (11e), Les Jardins d’Olivier (rue Gay-Lussac, 5e), Libralire (11e), Le Livre Ecarlate, Libre Ere, Matière à lire, La Maison Rustique (6e), Le Merle Moqueur (20e), MK DVD Loire (19e), Le 104 (19e), Le Monte-en-l’Air (20e), Libraire du Musée du Louvre/RMN (1er), Les Oiseaux Rares (13e), Page 189, Parallèles (1er), Librairie du Parc/Actes Sud (La Villette, 19e), Flammarion Centre Pompidou (1er), Publico (11e), Quilombo (11e), Un Regard Moderne (5e), SFL Danton (6e), Librairie Jean Touzot, Tropiques, Tschann (6e), Vendredi (9e), La 25e Heure (5e), Equipages (20e), Le Flâneur des deux rives (6e), La lucarne des écrivains (19e), Comme un roman, Le 104 (19e), La FNAC
Couronne de Paris
78 (Yvelines) : Le Livre Bleu, Versailles, 92 (Hauts-de-Seine): Au Grillon, Nanterre, 93 (Seine St-Denis): Folies d’Encre, Montreuil ; Folies d’Encre-Liberté sur parole, St-Ouen ; La Malle aux histoires, Pantin ; Les Mots Passants, Aubervilliers ; SFL Alizé, St-Denis ; La Traverse, La Courneuve (centre-ville), 94 (Val de Marne): L’envie de lire, rue Gabriel Péri, Ivry ; Générale Libr’Est, Charenton-Le Pont ; Gibert Joseph, Vitry ; Millepages, Vincennes.
Régions
06 (Alpes-Maritimes): Librairie Jean Jaurés, Nice ; Librairie Masséna, Nice.
10 (Aube): Les Passeurs de textes, Troyes.
11 (Aude): Mots et Cie, Carcassonne.
12 (Aveyron): Musée des Arts Buissonniers, Saint-Sever-du-Moustier.
13 (Bouches-du-Rhône): Bouquinerie des 5 avenues, bd de la Libération, Marseille ; Gibert Joseph, Marseille ; Le Greffier de St-Yves, rue Venture, Marseille (1er ardt) ; Le Lièvre de Mars, rue des 3 Mages, Marseille ; Maupetit (éd. Actes Sud), Bd de la Canebière, Marseille ; L’Odeur du Temps, Marseille ; Librairie Vents du sud, Aix-en-Provence ; Libraire de l’Université, Aix-en-Provence ; Librairie La Provence, Aix-en-Provence ; Goulard, Aix-en-Provence.
14 (Calvados): Brouillon de culture/L’Université, Caen ; Euréka street, place de la république, Caen.
16 (Charente): Librairie MCL, Angoulême.
17 (Charente-Maritime): Les Saisons, La Rochelle.
22 (Côtes d’Armor): Gwalarn, Lannion ; Mots et Images, Guingamp ; Centre Leclerc, Plérin.
23 (Creuse): Maison de la Pierre, à Masgot (commune de Fransèches), hameau du sculpteur François Michaud.
24 (Dordogne): Marbot, Périgueux.
25 (Doubs): Camponovo, Besançon ; Les Sandales d’Empédocle, Besançon.
26 (Drôme): Le Bazar des Mots, Hauterives.
29 (Finistère): Caplan and Co, près de Morlaix, à Poul Rodou par Guimaëc ; La Petite Librairie, rue Danton, Brest ; Daniel Roignant, bouquiniste, Brest.
30 (Gard): Sauramps en Cévennes, place St-Jean, Alès.
31 (Haute-Garonne): Castela, Toulouse ; Gibert Joseph, Toulouse ; Ombres blanches, Toulouse ; Privat, Toulouse ; Terra Nova, Toulouse.
33 (Gironde): La Machine à lire, Bordeaux ; La Mauvaise Réputation, Bordeaux ; Mollat, Bordeaux) ; Librairie du Muguet, Bordeaux.
34 (Hérault): Gibert Joseph, Montpellier ; Le Grain des Mots, bd du Jeu de Paume, Montpellier ; Sauramps, Montpellier.
35 (Ille-et-Vilaine): Le chercheur d’art, 1, rue Hoche, Rennes ; La Cour des Miracles, rue Penhoët, Rennes ; Forum du Livre, Rennes ; Librairie Le Failler, Rennes.
38 (Isère): Lucioles, Vienne ; Le Square Librairie de l’Université, Grenoble ; Association Antigone, Grenoble.
39 (Jura): Jacques, Dôle.
42 (Loire): Lune et l’Autre librairie, St-Etienne ; Librairie de Paris, St-Etienne).
44 (Loire-Atlantique): Coiffard, Nantes ; Durance, Nantes ; Vent d’Ouest Lieu unique, Nantes ; Boutique Bientôt, Nantes ; La voix au chapitre, St-Nazaire.
45 (Loiret): Les Temps Modernes, Orléans.
46 (Lot): Régis Benatré, Biars-sur-Céré.
49 (Maine-et-Loire): Contact, Angers ; Les Nuits bleues, rue Maillé, Angers.
53 (Mayenne): Livres compagnie/chapitre, Laval ; Libraire du musée d'art naïf du Vieux-Château, Laval.
54 (Meurthe-et-Moselle): L’Autre rive,Nancy ; Hall du Livre/Privat, Nancy.
57 (Moselle): Hisler even, Metz.
59 (Nord): Le Bateau-Livre, rue Gambetta, Lille ; Le Furet du Nord, Lille ; La Boutique du Lieu (musée du LaM, musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut de Villeneuve-d’Ascq) ; L’Harmattan/Les Alizés, Lille ; Librairie Meura, Lille.
64 (Pyrénées-Atlantique): L’Alinéa, Bayonne ; Mattin Megadenda/Librairie Elkar, Bayonne.
66 (Pyrénées-Orientales): Torcatis, Perpignan.