11/08/2013
Pierre Martelanche, une découverte émouvante dans la région de Roanne
En parcourant récemment le site web de la Collection de l'Art Brut de Lausanne, quelle n'a pas été ma surprise de tomber sur l'entrefilet publié dans leur rubrique 'Recherche sur l'art brut" qui évoquait un site inconnu, un petit musée créé à St-Romain-La-Motte au nord-ouest de Roanne, entre 1900 et 1920 par un certain Pierre Martelanche, vigneron de son état, ayant vécu entre 1849 et 1923.
Dans une cabane de vigne en pierre (ou torchis?), pendant des décennies, ses descendants ont conservé les statuettes en argile qu'il y avait organisées dans un but d'édification humaniste, féministe et pacifiste, désirant propager l'idée d'une éducation pour tous dont lui-même n'avait pu bénéficier. Son but était peut-être humaniste, mais le terme peut paraître un peu pâle car il semble que Martelanche allait aussi vers une critique sociale plutôt radicale, comme le montre l'illustration ci-dessous (empruntée comme les autres dans cette note aux brochures numérisées qu'ont mises en ligne sur internet l'Association des amis du Petit Musée de Pierre Martelanche ainsi que Jean-Yves Loude auteur d'un livre sur ses voyages avec des ânes dans la région roannaise, ouvrage où il relate sa découverte du petit musée ; à signaler que le premier lien ci-dessus ("brochures") mène à un fichier où l'on propose de soutenir l'Association citée).
Pierre Martelanche, Bas-relief montrant l'exploitation du travailleur courbé sous les représentants de l'Eglise et du patronat qui lui assènent leurs principes et leur raison d'être sous la forme de petits panonceaux couverts d'inscriptions (l'Eglise: "Je te berce"...)
C'est un vrai miracle que les sculptures en argile ne se soient pas détériorées au fil des années, malgré le vandalisme enfantin, l'invasion végétale, ou les écarts de température. Si l'écrivain-voyageur Jean-Yves Loude, en résidence dans la région, fut le premier à révéler le lieu et l'oeuvre, divers autres intervenants, ainsi qu'une association des Amis du Petit Musée de Pierre Martelanche, cherchent dès à présent à trouver les moyens de préserver ces petits chefs-d'œuvre de poésie populaire dans l'optique de les présenter au public. On parle déjà (voir la vidéo mise en ligne sur Daily Motion ci-dessous) de réaliser une cabane refaite à l'identique où l'on réinsérerait les statues de Martelanche en respectant son organisation initiale...
Martelanche redécouvert à St Romain la Motte par avp_diffusion ; vidéo provenant de la chaîne de télé RW TV
A moins qu'inspirés par les conseils de "l'expert international" Laurent Danchin, qu'on a automatiquement contacté (de même, on apprend que le cinéaste Philippe Lespinasse travaille déjà sur un film sur Martelanche), on décide sur place de transférer les statuettes dans un autre lieu, au sein du village entre école communale et foyer de retraités dans le but de faire servir le futur musée Martelanche à des visées sociales... Certes, on sait que des musées consacrés à un seul autodidacte, s'ils ne gardent que cette seule finalité, faire découvrir la vie et l'œuvre de l'autodidacte en question, finissent par péricliter à la longue. Mais la visée sociale très à la mode aujourd'hui, débouche aussi parfois, par la sollicitation de publics pas forcément très concernés, sur des résultats bénins voire médiocres, contrastant avec la présentation des oeuvres de grands autodidactes d'autrefois qui sont elles d'une toute autre qualité (comme c'est le cas ici avec les pièces naïves en argile de Pierre Martelanche). Ces visées sociales peuvent alors se révéler contre-productrices. Méfions-nous donc des "expertises".
Détail d'une saynète montrant des femmes en train de fondre des canons
Pourquoi ne pas songer plutôt à associer les sculptures de Martelanche à d'autres œuvres du même type que l'on rassemblera petit à petit dans la même région? En demandant des legs ou des dépôts aux collectionneurs encore inconnus de la région, ou à des créateurs populaires contemporains. Je pense par exemple à ce collectionneur qui conserve non loin, à Toulon-sur-Allier, des dessins formidables d'un autre autodidacte visionnaire, appelé Alphonse Courson, qui était un ancien soldat. Un peu plus loin, dans les Monts du Lyonnais, existait également un sabotier sculpteur naïf, Jean Molette (j'ai parlé de lui dans le récent n°15 du Bulletin des Maçons de la Creuse). Comme le note la brochure de l'Association, non loin également, à Civrieux-d'Azergues, se trouve le Jardin de Nous deux de Charles Billy (à qui j'ai consacré un chapitre entier dans mon Eloge des Jardins anarchiques, version remaniée d'un ancien article paru dans Raw Vision au début des années 90). Récemment, au sud de Roanne, Montbrison a également monté une exposition d'art brut. Cette vallée de la Loire paraît recéler beaucoup d'occurrences où il est question d'art brut ou d'art naïf de qualité. L'idée de monter un musée ou un foyer d'activités centré sur la créativité populaire d'autrefois et d'aujourd'hui aurait donc du sens et ne serait pas de l'ordre utopique. La proximité de la région Auvergne, qui jouxte cette région relevant de Rhône-Alpes, est à considérer également.
00:05 Publié dans Art Brut, Art naïf, Art populaire insolite, Environnements populaires spontanés, Galeries, musées ou maisons de vente bien inspirés | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : pierre martelanche, art populaire insolite, petit musée d'autodidacte, association des amis du petit musée de pierre martelanche, jean-yves loude, environnements visionnaires, st-romain-la-motte, alphons ecourson, exploitation des travailleurs, jean molette, charles billy, collection de l'art brut | Imprimer
Commentaires
En février dernier, nous avons rencontré Jean-Yves Loude qui a parcouru les côtes Roannaise avec ses ânes (il a édité un livre avec Jean-Pierre Huguet). Il nous a fait part de cette découverte au cours d'une très agréable conférence précédée de son film ou nous avons vu quelques images du musée de la paix réalisé par Pierre Martelanche. Il a de suite alerté Laurent Danchin de cette découverte et il n'y a pas eu de suite à ma connaissance. Merci Bruno de nous faire part de ta visite et découverte. Jean-Louis FARAVEL
Écrit par : Faravel | 11/08/2013
Répondre à ce commentaireMerci de tes remerciements, Jean-Louis. Mais une précision: je n'ai pas visité encore le petit musée en question. J'aimerais bien. Peut-être n'est-ce pas encore le bon moment. Un travail de restauration paraît prévu sur place par l'Association qui est toute récente et a beaucoup de projets, comme je le signale dans ma note ci-dessus. Je pense qu'il faut leur faire confiance pour "agiter le cocotier" côté DRAC et consorts, les membres de cette association paraissant fort dynamiques. Plus peut-être que les "spécialistes de l'art brut" dûment estampillés... (à signaler cependant, à propos de spécialistes, pour être honnête, que Monsieur Danchin s'est fendu suite à sa visite d'une note sur son blog Mycélium -c'est fou ce que les noms latins sont à la mode du côté des blogs d'art brut...).
Écrit par : Le sciapode | 11/08/2013
Répondre à ce commentaireTrès intéressant. En tant que poète, je vais écrire un texte accompagné de photos. Je les mettrai sur mon blog.
Écrit par : Régis Roux | 14/01/2014
Répondre à ce commentaireBonjour,
Je me réveille (nous avions dîné ensemble chez A. MOREAU): nous sommes des amis des Loude: pouquoi ne pas nous rencontrer à propos de Martelanche ? Entre autres? Amicalement, Jean-Claude.
Écrit par : J-C. Durand-Boguet | 16/07/2014
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