Rechercher : Jean Branciard
”Le Cœur au ventre”, une collection d'art singulier et brut
"Le Cœur au ventre" – ce titre de l'expo qui va bientôt ouvrir, dans deux jours, chez Art et Marges à Bruxelles (314 rue Haute, dans le quartier populaire des Marolles) – provient du nom de la défunte galerie de Marion Oster, qui était ouverte dans le Vieux Lyon et qui a été fermée voici deux ou trois ans¹, l'art singulier ne perdurant pas, faut croire, sous la cathédrale de Fourvière... (En effet, il y a désormais pas mal d'années, il y eut un autre lieu favorable aux Singuliers dans cette même partie de Lugdunum, à savoir l'Espace Poisson d'Or qui lui-même était un avatar de la galerie du même nom qui était dans les Halles à Paris...). L'exposition commence le 13 février et se terminera le 7 juin.
Ludovic et Marion Oster dans leur ancien appartement de Lyon, tenant un couple de poupées de Monique Vigneaux (derrière, je crois reconnaître Louis Pons ?, Philippe Dereux?, Le Carré Galimard?, Mister Imagination et ses pinceaux anthropomorphes, entre autres...) ; la poupée est un thème et un support du reste récurrents dans leur collection ; © ph. Annabel Sougné, Art et Marges, 2018.
Marion Oster est artiste, et collectionneuse, cette dernière casquette étant partagée avec son mari Ludovic, un féru de galeries, foires et autres Puces et brocantes. Leurs goûts se portent, pour une petite partie de leur collection, vers un art expressionniste contemporain, mâtiné d'art brut et d'art singulier. Ce qui correspond à une tendance actuelle – dont je ne suis que modérément friand, je m'empresse de le dire – qui identifie exclusivement dans l'art brut et singulier les mêmes composantes que dans l'art souffrant, l'art du pathos. Les corps se squelettisent, les tripes s'exhibent en toute impudeur, les êtres sont proches des cadavres, la personne se tord de douleur métaphysique ou pathologique... Parfois, comme dans le cas des œuvres de Stani Nitkowski, ce dernier étant très présent dans la collection des deux Oster, les corps sont en voie d'explosion (voir ci-contre expo à la coopérative Cérés Franco à Montolieu)... Et c'est vrai que la maladie, la mort, la détresse sont des sujets qui travaillent souvent par-dessous beaucoup d'artistes, au risque de sombrer dans une certaine forme de misérabilisme new look, analogue à l'attitude du blessé léchant ses plaies. Citons dans cette collection les œuvres de Michel Nedjar, Jean-Christophe Philippi, Ghislaine et Sylvain Staelens, Philippe Aini, Lubos Plny, Jean Rosset, Denis Pouppeville...
Lubos Plny, Galerie ABCD, Montreuil-sous-Bois.
Cependant, la collection Oster est loin de se limiter à ce néo-expressionnisme. Beaucoup d'anonymes en font partie aussi, sur lesquels je n'ai recueilli que peu de renseignements, mais qui prouvent l'enthousiasme sincère de nos deux amateurs d'art pour des œuvres sans se préoccuper d'un quelconque pedigree placé en amont. Ils sont ainsi capables d'acquérir un objet d'art forain qui les aura interpellés au détour d'un marché aux Puces, en raison de son apparente "barbarie". La force de l'objet prime avant tout. Marion et Ludovic ne s'encombrent pas de théorie de toute façon, l'oeuvre leur parle ou pas, et les choisit ou non, pour devenir une compagne de vie dont ils ne se séparent plus après acquisition.
Jeu d'art forain, coll. Marion et Ludovic Oster (acquis place du Jeu de Balle, non loin de chez Art et Marges à Bruxelles), ph. Bruno Montpied, 2017.
Une vue de la collection Oster, comme elle se présentait à l'époque de l'installation lyonnaise ; © ph. Annabel Sougné, Art et Marges, 2018.
Dans leur fourmillante collection, dont l'installation lorsqu'ils vivaient à Lyon côté Rhône a frappé tous ceux qui l'ont visité (et notamment les animateurs d'Art et Marges qui ont choisi du coup d'essayer d'en reconstituer l'aspect dans leur locaux de la rue Haute à Bruxelles), avec son apparence de grotte ou de crèche géante grouillant de formes, couleurs, aspérités, sinuosités dans lesquelles l'œil ne savait où se poser, comme errant dans un labyrinthe, on trouve aussi de plus énigmatiques créations. Comme celles d'Yves Jules, Angkasapura, Armand Avril, Babahoum, Ben Ali, Asmah, Bonaria Manca, Caroline Dahyot, Burland, Monchâtre, Giovanni Bosco, Guy Brunet, Jean Branciard, Jean Tourlonias, Juliette Zanon, Karl Beaudelère, Las Pinturitas, Martha Grünenwaldt, Monique Vigneaux, Ni Tanjung, Noël Fillaudeau, Paul Amar, Philippe Dereux, Pierre Albasser, Sylvain Corentin, Le Carré Galimard, Ted Gordon, etc. J'ai également l'honneur de figurer parmi toutes ces vedettes (l'œuvre ci-dessous provenant d'une expo à la galerie Dettinger-Mayer).
Mise à jour du 17 février :
On déplorera au passage que les animateurs d'Art et Marges, d'après ce que m'en ont dit des visiteurs présents au vernissage, n'aient pas jugé utile de placer des cartels à côté de chaque oeuvre afin de renseigner le public. Ce procédé peu respectueux des artistes et des créateurs se poursuit apparemment dans le catalogue où aucune information sur l'identité des artistes (certes nombreux) n'est apportée...
Un aspect limité de l'intérieur de la Villa Verveine décorée par son habitante, Caroline Dahyot (ph.B.M., 2018) ; cette dernière a monté une installation de ses diverses œuvres dans le cadre de l'exposition "Le Cœur au ventre", installation qui tente à chaque fois de restituer un peu l'ambiance unique du décor intérieur de son habitat à Ault (Somme).
Caroline Dahyot, Jamais tu ne te soumettras, tableau exposé au Petit Casino d'Ailleurs en 2018 ; personnellement, je trouve que l'art de Caroline n'est jamais mieux mis en valeur qu'en œuvres séparément exposées, et non accumulées comme dans ses installations ; ph. B.M.
Bruno Montpied, L'avenir menaçant², 31,5 x 24 cm, 2013, coll. Marion et Ludovic Oster, ph. B.M.
La naïveté pourrait tout aussi bien s'y faire une place dans cette collection, avec les poupées transformées, mais aussi les objets de piété éclairés par l'ingénuité de leurs auteurs, les ex-voto, les paperoles, les reliquaires (qui hésitent entre naïveté et morbidité, avec leurs bouts d'os considérés comme reliques adorées...), les petits tableaux sans prétention...
Œuvre anonyme acquise récemment par les Oster, une bergère, son mouton, son fuseau, son chien, broderie en fil chenillé et collage, sans date (XIXe sans doute) ; ph.B.M.
_____
¹ Marion Oster a animé également auparavant, cette fois à Paris, durant près de quinze ans, l'Espace Lucrèce dans le 17e ardt.
² A noter que ce titre pourrait faire figure de signe avant-coureur du titre du récent livre de Joël Gayraud, L'Homme sans horizon...
11/02/2020 | Lien permanent | Commentaires (5)
Un artiste à découvrir: Bernard Briantais
Rencontré à Carquefou pour une expo au Manoir des Renaudières (Ruzena-Branciard), Bernard Briantais m'avait d'abord frappé par sa physionomie sympathique, truculente et atypique (voir ci-contre, ph. Bruno Montpied). Je le lui avais dit.
Bernard Briantais, pas de titre? Dimensions? Date?
Il est artiste et à l'époque peignait beaucoup de trognes et visages avec un luxe de graphismes et de formes à l'originalité improbable, étant donné les innombrables œuvres d'art qui se sont déjà attaquées aux visages des hommes.
Bernard Briantais, sans titre ? Dimensions? Mars 2014
On pouvait s'en faire une idée en allant visiter son site web, où en exergue on trouve cette maxime sympathique: "Ne demande jamais ton chemin, de peur de ne pouvoir te perdre!".... Cependant, malgré cette surprise initiale, j'étais resté sur mon quant à soi, demandant au fond à voir venir, comme on dit. Et le voici qui débarque à Paris, suite à une adresse que je lui avais donnée. Au 102, boulevard de la Villette dans le 19e ardt de la capitale, dans la légendaire galerie L'Usine que dirige d'une main de velours dans un gant de fer Claude Brabant. "Légendaire", enfin, pour les happy few... car cet espace dédié aux nouveaux talents depuis des décennies est toujours resté en dehors des clous et des regards médiatiques, et donc, il se peut fort bien que vous n'en ayez jamais entendu parler.
Bernard Briantais, sans titre, dimensions ? Date?
Sur le carton d'invitation, est reproduit un dessin fort séduisant, prouvant que Bernard Briantais est tout à fait à même de raconter aussi des histoires en images et qu'il ne se contente pas d'interroger les faces plus ou moins brouillées de ses contemporains. D'ailleurs dans la galerie de son site web, sont apparus des travaux probablement récents qui montrent d'autres orientations inédites de sa recherche picturale qui prouvent que l'homme n'a pas qu'une corde à son arc.
Bernard Briantais, sans titre? Dimensions, date?
Bernard Briantais, sans titre? Dimensions, date?; dans cette composition une forme "en capsule" apparaît, enveloppant les personnages comme un linceul, forme que l'on retrouve dans d'autres compositions, mais isolées, et quasi vides, semblables à des fantômes errant parmi les vivants...
Autre chose qui me plaît dans ce travail, déjà remarquée chez un autre Bernard, artiste contemporain discret, Bernard Thomas-Roudeix, on trouve là un goût pour le grotesque humain mais qui ne s'accompagne d'aucune misanthropie. On est dans le constat, peut-être dans la perplexité devant ce que renvoient nos frères en humanité, reflets de ce que nous sommes et de nos propres apparences sans doute. On n'est nullement dans une haine de l'humain qui s'exprimerait par une complaisance à représenter des êtres de la façon la plus vile, comme des écorchés bons à passer à la marmite... (je pense aux peintres style Rustin et compagnie qui sont si à la mode ces temps-ci).
Bernard Briantais, sans titre? Dimensions, date? ; ici apparaît justement une de ces formes blanches enveloppées, semblable à un fantôme
M'est avis que les Parisiens amateurs de curiosités et d'images nouvelles ont intérêt à se déplacer pour le coup. Le vernissage aura lieu le samedi 9 mai de 18h à 21h.
Bernard BRIANTAIS, Exposition dessins-peintures. Du 9 au 21 mai 2015. L’usine, 102 bd. de la Villette, 75019 Paris. T: 01.42.00.40.48. et <usine102.fr>. Ouvert sur rendez-vous. M° Colonel Fabien.
25/04/2015 | Lien permanent | Commentaires (1)
Feu de joy...eux Noël
24/12/2008 | Lien permanent
”Je veux bien poser toute nue...”
Dessin humoristique anonyme, collection Jean Estaque, ph.Bruno Montpied, 2015.
19/08/2019 | Lien permanent | Commentaires (2)
Poupées d'un genre assez spécial...
Fait-divers en Russie, relevé par Régis Gayraud dans La Montagne en novembre 2011 ; assez repoussant a priori... (un cousin du Sergent Bertrand, ce nécrophile célèbre, et célébré par le surréaliste Jean Benoît)
06/05/2015 | Lien permanent | Commentaires (4)
Défense d'entrer...
Transmise par J-C. Sandré, cette hilarante plaque caviardée par le hasard qui joue parfois de ces tours...
Vu à Tours, photo Jean-Christophe Sandré, 2015
21/07/2015 | Lien permanent
Les médailles de la tentation ou les prix de la frustration
Culotte de nonne avec médailles pieuses qui correspondraient à autant de récompenses pour "tentations" repoussées, selon Jean Estaque, qui possède cette pièce peu commune, ph. Bruno Montpied, 2015.
15/08/2019 | Lien permanent
Le Plein Pays d'Antoine Boutet, séance de rattrapage
Pour ceux qui auraient raté les séances du cinéma Le Méliés à Montreuil (voir note du 1er octobre 2009) où avait été projeté le film sur Jean-Marie M., Le Plein Pays d'Antoine Boutet, on propose une séance de rattrapage, au cinéma Le Nouveau Latina, 20, rue du Temple, dans le 4e ardt à Paris, mercredi 10 février à 19h. L'occasion de découvrir, ou de re-découvrir, les talents de chanteur brut du Jean-Marie, plus connu auparavant comme prophète apocalyptique, creuseur obsessionnel de galeries souterraines à la recherche d'improbables civilisations oubliées.
02/02/2010 | Lien permanent
Encore du télescopage: trivialité, quand tu nous tiens...
C'est Jean-Claude Sandré du blog Geodazner, qui m'écrit ça, "trivialité quand tu nous tiens...": effectivement. Sur la vitre ci-dessous, se télescopent le titre d'un bar et le prospectus d'une association de pêcheurs, qui du coup devraient changer leur accent de circonflexe en aigu... (En allant sur son blog, qui chronique entre autres par la photographie et autres documents anciens, différents aspects de la Nièvre, on trouvera d'autres télescopages).
Jean-Claude Sandré, vu à Saint-Satur, près de Sancerre, 2016
13/04/2016 | Lien permanent | Commentaires (3)
Après le Gazouillis (2): Le Jardin du Cuirassier de Clément V. (b), photos complémentaires
Grâce à l'amabilité et à la complicité de Jean-Michel Chesné, fameux chineur et collectionneur de cartes postales anciennes consacrées aux environnements bruts, naïfs ou singuliers, nous avons donc la possibilité de voir deux autres prises de vue consacrées à la fois au Jardin du Cuirassier mentionné dans ma note précédente et à la maison de son auteur. Deux cartes postales des mêmes années 1950...
Le Jardin du Cuirassier, à B., coll. Jean-Michel Chesné ; avec un oiseau en plus à droite du fait du plan plus large.
Et probablement en se retournant, une vue de l'entrée de la maison de l'auteur du jardin, le vigneron Clément V. ; on découvre deux paons magnifiques de part et d'autre de l'entrée, des jardinières et murets pour plates-bandes recouvertes de mosaïque de bouts de faïence et de coquillages ; le chien posé à droite sur le tricycle est sans doute un des deux modèles qui sont statufiés dans le jardin ; coll. Jean-Michel Chesné.
25/10/2017 | Lien permanent | Commentaires (3)